Populaire, précaire ? – Regards croisés sur un habitat majoritaire
Agnès Deboulet, 2014
Centre Sud - Situations Urbaines de Développement
Avec une population mondiale qui a récemment passé le cap historique des 50 % de taux d’urbanisation, la question de l’habitat populaire et précaire est au cœur de problématiques urbaines majeures qui représentent des défis sociaux considérables. Les inégalités socio-spatiales ne cessent de s’accentuer et les contraintes climatiques entraînent des déplacements de population vers les quartiers populaires. La métropolisation, c’est à dire l’extension continue et non contigüe du tissu urbain, son étirement caractérise la production récente de l’urbain au Nord comme au Sud. Des mondes urbains dans lesquels la ville tend à disparaître pour emprunter de nouveaux habits. La production de l’habitat populaire, non produit par les pouvoirs publics ou subventionné est cependant plus que jamais un espace de vitalité dans lequel la production de l’habitat populaire prend des formes toujours nouvelles pour faire face aux carences étatiques et permettre de vivre avec dignité.
Les enjeux sociétaux et scientifiques liés à la précarité urbaine et aux développements, au Nord comme au Sud, sont trop souvent ignorés par le grand public et restent encore largement méconnus dans les écoles d’architecture ou les formations supérieures en urbanisme et en sciences sociales. La volonté de Centre SUD est de participer par le biais de cette exposition à la sensibilisation des publics étudiants et professionnels (étatique, para-étatique, ONG, entreprises), afin de susciter et d’enrichir les réflexions et débats autour de ces questions. Pour ce faire, ce dossier privilégie un angle de vue analytique et critique et tente d’éviter le piège du misérabilisme.
Présentation de l’exposition
Il s’agit donc de « mettre en image » ces questionnements mais également de mettre en valeur des situations urbaines de développement, des types d’habitat ainsi que certains processus d’accès à la ville et à la citoyenneté souvent invisibilisés. Nous avons pour ce faire collecté et sélectionné des études réalisées au plus près des sites et des individus, en croisant des travaux d’étudiants et de chercheurs.
Le point de départ de cette exposition est un travail croisé avec Philippe Revault au sein de l’Ecole Nationale d’Architecture de Paris-La Villette dans le cadre de l’enseignement de « projet urbain dans des sites en précarisation ». Durant quatre ans, des étudiants de master ont effectué des ateliers intensifs sur des terrains choisis pour la présence de partenariats locaux et de travail possible en binôme avec des étudiants, collègues ou structures locales. Les travaux dont ce dossier rend compte sont issus essentiellement d’ateliers réalisés entre 2006 et 2011 : à Mumbaï (2006) dans le cadre d’un programme international piloté par L. Jonard, à Louxor (2007 et 2008), à Ismailiya (Egypte) en 2007, mais aussi Sarajevo, ou encore Istanbul. Ils reflètent également la qualité des travaux de certains projets finaux d’étudiants en master, conduits individuellement auprès de structures de recherche ou de projets dans les différents pays qui constituent aujourd’hui les points d’appui de Centre Sud.
Mais l’une des originalités de ce dossier est d’avoir proposé de mettre en vis-à-vis et parfois en miroir les travaux de ces (anciens) étudiants impliqués et de professionnels, voire surtout de chercheurs (CNRS, IRD, enseignants-chercheurs français et internationaux). Une forte logique de décloisonnement des savoirs a donc présidé à la préparation de l’exposition puis du dossier.
Cette exposition se situe dans le cadre d’une démarche de recherche initiée par Centre SUD et en complément d’un cycle de conférences A-SUDD financé par le BRAURP (Bureau de la Recherche Architecturale et Urbaine du Ministère de la Culture et de la Communication) à l’ENSAPLV en 2009 et 2010. Les thèmes et problématiques abordés lors de ces séminaires sont : « Le résident vulnérable », « Habitat populaire et précaire, regards Nord/Sud ». L’exposition prolonge la seconde journée d’étude : « Habitat populaire et précaire », organisée en juin 2010.
Cette exposition se décline en quatre axes, redécoupés pour les besoins du site de CITEGO
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UN PORTRAIT GLOBAL DES PHÉNOMÈNES DE PRÉCARITÉ URBAINE définissant les principales terminologies et autres mots ou thématiques clefs liés aux quartiers populaires. Dans cette partie, on chercher à développer un regard comparatif sur les situations étudiées par les participants à l’exposition.
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LA DIVERSITÉ DES SITUATIONS URBAINES ET SOCIALES rencontrée dans les quartiers, les différentes localisations et rapports de ces quartiers à la ville, les différentes morphologies urbaines et types d’habitat, ainsi que la question du statut foncier de ces quartiers. Cette partie vise à déconstruire l’idée si répandue de l’uniformité sociale et urbaine des bidonvilles, slum et autres quartiers d’invasion en montrant comment précarité, consolidation et parfois amélioration substantielle peuvent coïncider.
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LES HABITANTS DANS CES PROCESSUS D’URBANISATION : ce dossier insiste sur les parcours et savoir-faire des habitants de ces quartiers précaires dans la construction de leur lieu de vie, ainsi que leurs vulnérabilités faces aux différents risques auxquels ils sont exposés. Risques climatiques et environnementaux, plus forts que pour d’autres, mais aussi et surtout risques induits par les politiques d’éviction, de relogement qui connaissent un nouveau regain alors que l’on parle pourtant davantage de réhabilitation et d’action d’échelle locale que par le passé.
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LA QUESTION DU RÔLE ET DE LA PLACE DES ACTEURS DE LA VILLE et notamment des architectes et professionnels de la ville dans la réflexion et l’intervention sur ces quartiers. Dans cet axe sont présentés quelques politiques actuelles d’aménagement ou d’amélioration de quartiers précaires, ainsi que de nombreuses propositions alternatives proposées par des étudiants et ONG. Il s’agit d’évoquer une diversité de questions et de problèmes de méthode se posant lors d’interventions urbaines dans des contextes de vulnérabilité résidentielle et environnementale.
Références
Étudiants et anciens de l’ENSA-Paris La Villette
Sylvain ADAM, Marcela CONCI, Laurent CORROYER, Marcos DA SILVA, Bérangère DELUC, Delphine DARRIGRAND de PEIRERA, Arthur FRANÇOIS Olivia HASINA RAZAFIMAHATRATRA, Iangaly HUGHIES, Kenza LAMBARKI, Aurélie LANDON, Khedidja MAMOU, Marta PAPPALARDO, Amaël RAPHANEAU, Pétia RATZOV, Alexandra TYTGAT.
Les étudiants du programme Asialink 2005 (resp. L. Jonard - A. Deboulet), les étudiants des deux ateliers Ismailia-Luxor de 2007 (resp. A. Deboulet - P. Revault), les étudiants et organisateurs du workshop à Istanbul 2011 (resp. A. Deboulet - Merril Sinéus).
Marion SERRE, ENSA-Marseille
Les enseignants de l’ENSA-PLV
Jérôme BRACHET, Merril SINEUS, Varinia TABOADA.
Chercheurs, professionnels, photographes et cinéastes
Christophe AUBERTIN, Emilie BARRAU, Yves CABANNES, Alcyr CAVALCANTI, Jérôme CHENAL, Armelle CHOPLIN, Valérie CLERC, Agnès DEBOULET, Véronique DUPONT, Stéphane ETIENNE, Mona FAWAZ, Bénédicte FLORIN, Aurore MANSION, Janice PERLMAN, Virginie RACHMUHL, Linda SID-OTMANE, Raphaël SOARES GONÇALVES, Philippe TANGUY, Florence TROIN.
L’équipe organisatrice Centre SUD : conception et suivi de l’exposition
Sylvain Adam, Marcela Conci, Agnès Deboulet, Arthur François, Aurélie Landon, Khedidja Mamou, Maéva Baudoin, Clémence Petit
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Coordination scientifique : Agnès Deboulet
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Coordination et scénographie : Bérangère Deluc
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Scénographie Ensa-Paris La Villette : Marie-Liesse Sztuka
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Conception graphique et illustrations : Sylvain Adam, Maéva Baudoin, Bérangère Deluc, Aurélie Landon
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Édition des textes : Agnès Deboulet et Khedidja Mamou
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Suivi infographique : Khedidja Mamou, Maéva Baudoin, Bénédicte Dubiez
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Montage et installation : Sylvain Adam, Tiphaine Bellanger, Agnès Deboulet, Bérangère Deluc, Marcela Conci, Khedidja Mamou. Avec l’aide de Benjamin Leclercq (étudiant Ensa-Plv), Amaël Raphaneau
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Suivi pour la publication sur le site de CITEGO : Arthur François
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Et pour leurs conseils et soutien : Muriel Girard, Jean-Marc Huygen, Anne D’Orazio, Philippe Revault, Merril Sinéus, Jean-François Tribillon
Exposition soutenue par l’UMR Lavue, Cnrs.
18 études de cas
- Habitat « clandestin » ou habitat « populaire » ? De la classification de l’habitat majoritaire
- Gazra et Kebba : deux désignations de l’habitat populaire “informel”
- Du village au quartier informel périurbain en cours de densification : le cas d’El Hallus.
- Appropriations et changements sociaux dans un grand ensemble
- Le marché de la location informelle dans les favelas
- Récits des banlieues de Beyrouth : les quartiers informels et les capacités des gens à faire la ville
- Comment les habitants font face aux expulsions : « Villa 31 » et « Villa 31 bis »
- L’habitat récent en Kabylie – Parenté et organisation de l’espace
- Organisation et développement dans les barrios de Caracas
- Programmes nationaux et initiatives associatives
- Diversité et créativité populaire dans les Andes : l’exemple des quartiers populaires d’El Alto.
- Restructurations urbaines et démolitions de l’habitat précaire
- Lutter contre la vulnérabilité des femmes et des enfants
- Une brèche participative dans le plan Villes sans bidonvilles
- Les politiques de résorption de l’habitat informel : Influence des organisations internationales et contradictions de l’action publique
- Retours sur le programme Twize en Mauritanie
- Participation et valorisation dans un quartier de gecekondus.
- Une stratégie innovante pour la rénovation urbaine des quartiers précaires
4 propositions
- La ville du Sud en temps réel, de l’utilité de la photographie aérienne sous cerf-volant dans les études urbaines
- L’ambiguïté du pouvoir étatique dans le processus d’expansion de la ville informelle
- Observer les usages et valoriser le « déjà-là »
- Analyse socio-spatiale des processus de relogement de populations en situation de précarité.
7 ressources
- L’habitat populaire ou précaire n’est pas réductible au slum…
- Petit glossaire critique de l’urbanisation majoritaire
- Développement local et tourisme monumental sur la vallée ouest de Louxor
- Légaliser au risque de précariser ou la longue marche de la reconnaissance
- Gecekondus – L’habitat non-réglementaire entre légalisation et menaces
- Quand des habitants parviennent à arrêter la construction d’une autoroute urbaine
- Les programmes de slum redevelopment à Mumbaï