Paysage et éducation
Dimensions du Paysage - Réflexions et propositions pour la mise en oeuvre de la Convention européenne du paysage
Annalisa Calcagno Maniglio, avril 2017
La Convention européenne du paysage (STE no 176) du Conseil de l’Europe constitue un traité international novateur qui permet de définir une approche du territoire tenant compte de la dimension du paysage, c’est-à-dire de la qualité du cadre de vie des individus et des sociétés. Elle inscrit également cette dimension dans les préoccupations de l’Organisation concernant les droits de l’homme et la démocratie, en invitant ses États membres à associer étroitement les populations à toutes les étapes des politiques du paysage. Le Conseil de l’Europe a poursuivi le travail entrepris dès l’adoption de la convention par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe à Strasbourg et son ouverture à la signature à Florence en 2000, afin d’examiner et d’illustrer certaines thématiques liées au texte de la Convention, certaines « dimensions du paysage ». L’education est au cœur de la connaissance et de l’apprentissage du paysage !
INTRODUCTION
Dans notre société actuelle, le thème du paysage suscite beaucoup d’intérêt mais engendre également des besoins et des attentes de différents types, en raison des nombreuses questions, socialement, scientifiquement et culturellement complexes, qui y sont liées : notamment à cause de la profonde « crise des lieux » qui se manifeste dans le rapport entre les interventions humaines récentes ou en cours, l’environnement naturel et les paysages existants. Les exigences de la société contemporaine portent sur le besoin d’une amélioration générale de la qualité de la vie, d’un rapport plus équilibré avec l’environnement naturel et d’une intégration des nouvelles transformations dans le paysage, selon les principes de sauvegarde et de conservation, considérés dans un sens actif et innovant, ainsi que d’une valorisation des identités et des ressources paysagères. Les attentes concernent, par exemple, l’assainissement et la requalification des paysages dégradés, des carrières abandonnées et des zones industrielles en désuétude, l’augmentation des espaces verts récréatifs dans les zones urbaines, le rétablissement de la stabilité des écosystèmes, la valorisation et la récupération des identités culturelles des sites historiques. Aujourd’hui, la société est toujours plus consciente que le paysage n’est pas un simple panorama : il est le résultat de l’intégration entre nature et culture à travers les temps et dans la dimension territoriale, c’est-à-dire entre les structures et éléments naturels et les transformations anthropiques. Répondre de manière adéquate à ces questions exige d’adopter de nouveaux instruments administratifs appropriés, mais aussi d’identifier et d’approfondir des approches aux projets adaptées et capables d’interpréter et de répondre à la complexité, à la spécificité et à la variété des paysages ; cela entraîne l’application de méthodologies en mesure de favoriser l’intégration du paysage dans les politiques de planification du territoire : dans les politiques urbaines, environnementales, agricoles, industrielles, c’est-à-dire toutes celles qui peuvent avoir un impact direct ou indirect sur le paysage.
Cette prise de conscience de la société, généralisée par rapport aux transformations des territoires, de la mise en valeur de tous les paysages et de la nécessité d’adopter des comportements responsables pour pouvoir contribuer à leur développement durable et équilibré, se fonde sur les principes et les objectifs de la Convention européenne du paysage. Avec cette Convention, les États européens ont accordé une nouvelle attention au paysage en raison des orientations culturelles et politiques qu’elle contient, déjà explicites dans la définition du paysage et dans les propositions novatrices qu’elle présente du point de vue culturel, écologique, environnemental et social. Il s’agit d’orientations et de propositions qui ont suscité un intérêt particulier non seulement parmi les administrateurs, les professionnels et les spécialistes de ce domaine mais aussi dans la société tout entière à une époque où les capacités de planifier, de modifier le territoire, de requalifier et de créer de nouveaux paysages sont certainement plus développées que dans les autres périodes de l’histoire humaine. La Convention européenne du paysage a redonné au paysage une importance stratégique en incitant les États contractants et signataires à veiller à une uniformité des règles et de la gouvernance qui encadrent les interventions et les transformations du paysage selon des modèles cohérents avec un développement durable ; elle souligne l’importance de l’attention qui doit être apportée aux paysages et à leurs valeurs, pas seulement dans les parcs, les zones protégées ou remarquables, mais sur tous les territoires, dans toutes les politiques d’aménagement en général.
La Convention établit clairement que pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire d’apprendre à la population à connaître le paysage, les éléments qui le constituent, le forment, le caractérisent, et de promouvoir une compréhension de sa valeur et de son évolution continue. Pour qu’ils prennent mieux conscience des actions visant à l’amélioration de son cadre et ainsi les impliquer et les responsabiliser davantage au développement durable du paysage, il faut promouvoir dans la société, dès les premières années de scolarisation, une formation adéquate afin d’habituer les gens à percevoir les caractères, les identités et les valeurs du paysage, en commençant par les lieux qu’ils fréquentent. Grâce à la Convention, le paysage est devenu non seulement une importante source de réflexion et d’action pour les professionnels et les gouvernements mais également un nouvel objet d’attention important pour les futurs citoyens, qui permet à ces derniers de mieux comprendre leur cadre de vie, et surtout d’accorder une nouvelle attention au paysage : une attention qui doit transformer un regard passif en un regard actif, un paysage regardé en un paysage objet de connaissance. Il s’agit d’un objectif éducatif que la Convention du Conseil de l’Europe propose à ses États membres et qu’il faut poursuivre à tous les niveaux de l’éducation, des premiers cycles scolaires à la formation universitaire, pour former, à l’échelle européenne, une population consciente des problèmes des paysages et impliquée dans leur protection, leur gestion et leur développement durable.
Principe et finalité de la Convention européenne du paysage
La Convention européenne du paysage est un traité international nouveau consacré entièrement à la protection, à la gestion et à l’aménagement de l’ensemble des dimensions des paysages européens.
Dans le premier article, elle définit le paysage comme « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations », et souligne que le paysage est le résultat de l’interaction entre la nature et les êtres humains à travers le temps, mais également un patrimoine, une ressource héritée du passé qui doit être transmise aux générations futures. Elle souligne aussi, dès le préambule, le désir de promouvoir les actions nécessaires pour contribuer à un développement durable du paysage, dans toutes ses dimensions, fondé sur un équilibre harmonieux entre les besoins sociaux en évolution, l’économie et l’environnement. Il s’agit d’un objectif important qui nécessite la recherche de solutions permettant de faire face aux problèmes, nombreux et complexes, des paysages européens d’aujourd’hui, en constante et rapide transformation, sous l’influence des multiples activités et interventions de l’homme : industrielles, agricoles, urbaines, infrastructurelles, touristiques qui modifient les équilibres environnementaux, les identités et la qualité visuelle des paysages européens. Il faut que les décideurs mettent en place des politiques du paysage capables de protéger, gérer et aménager tous les paysages en conservant leur identité culturelle et de préserver les patrimoines communs des États européens pour les générations présentes et futures. La Convention concerne la totalité des paysages : aussi bien les paysages considérés comme remarquables que ceux du quotidien ou qui sont dégradés, car tous peuvent contribuer au bien-être d’autrui.
Cet important instrument international, ratifié par de nombreux États membres du Conseil de l’Europe, mentionne clairement – dans un préambule et trois chapitres divisés en onze articles et sept clauses finales – les principes généraux, les objectifs et les stratégies à adopter afin que chaque État puisse contribuer, par le biais de politiques de protection, de gestion et d’aménagement, à un développement durable fondé sur un équilibre entre l’environnement, les besoins sociaux et l’économie, dans tous les territoires européens et dans les différentes situations nationales, régionales et locales, en mettant en place des procédures de participation de la population. Il préconise aussi une coopération entre États fondée sur un échange d’expériences et d’informations.
Dispositions générales, champ d’application, mesures particulières
Pour atteindre ses objectifs, la Convention accorde une grande importance aux relations entre paysage et êtres humains : c’est l’humanité, en effet, qui a toujours contribué, à travers le temps et de différentes manières, à la formation, transformation et gestion des paysages actuels. Ce sont les paysages de la vie quotidienne qui participent au bien-être individuel et collectif : un bien-être qui satisfait les besoins et les aspirations de la société et au sein duquel les groupes sociaux reconnaissent leurs aspirations, développent leurs actions et peuvent accéder aux biens et aux services. Le paysage représente une « composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine commun culturel et naturel, et fondement de leur identité », et constitue un « élément essentiel du bien-être individuel et social ». La Convention impose aux États signataires d’accroître la sensibilisation de la société civile à la valeur des paysages, à leur rôle et à leur transformation : lorsqu’elle valorise le rôle des populations dans la transformation des paysages, elle souligne l’importance d’une participation active – qui n’est pas un choix, mais un devoir imposant des tâches à chacun –, et d’une concertation effective pour mieux répondre aux aspirations et aux exigences des habitants. La nécessité de mettre en place des procédures pour une approche participative de la population est l’une des grandes innovations introduites par la Convention : elle a pour objectif de l’impliquer dans l’identification des valeurs du paysage et dans une prévention attentive contre les transformations inconsidérées. La participation s’adresse aux « populations concernées », c’est-à-dire aux personnes qui reconnaissent dans ces paysages leur cadre de vie, leurs aspirations et des intérêts paysagers à protéger. Parallèlement à ce besoin de participation, la Convention souligne le besoin de développer les démarches et les procédures nécessaires, de la part des autorités publiques et des experts, pour faire en sorte que la population puisse accéder de manière documentée à un processus participatif. Pour obtenir ces résultats, la Convention introduit des mesures particulières qui doivent être mises en oeuvre par les États dans le cadre d’une importante ouverture démocratique aux thèmes et aux problèmes du paysage, pour rendre la population plus consciente de la valeur des lieux de leur vie quotidienne et plus responsable de leur protection et de leur développement durable. Si la population est appelée à prendre part aux choix de ses lieux de vie, elle doit être mieux sensibilisée aux valeurs de ces paysages, aux transformations prévues et aux conséquences positives ou négatives qui peuvent en découler.
De nombreuses activités peuvent être envisagées pour stimuler l’intérêt des différentes catégories de jeunes et d’adultes pour le paysage quant aux objectifs de qualité paysagère, et pour contribuer à une interaction harmonieuse entre les êtres humains et la nature, et à l’amélioration de la qualité de vie de la société. Mais il est nécessaire, avant toute chose, d’encourager une prise de conscience du problème du paysage à tous les niveaux de formation et d’éducation. La sensibilisation, la formation et l’éducation au paysage doivent donc devenir, ensemble, les actions nécessaires pour contribuer à mettre en oeuvre la Convention. La sensibilisation est une action de grande importance, un champ de l’information qui englobe de nombreuses activités mais qui ne correspond pas à des réflexions ayant pour finalité l’identification, la formulation d’objectifs de qualité paysagère ou l’élaboration de méthodes permettant de comprendre et de mettre en oeuvre la Convention. La Convention explique clairement que cette innovante démocratisation du paysage implique de la part des institutions qu’elles promeuvent « des programmes pluridisciplinaires de formation sur la politique, la protection, la gestion et l’aménagement du paysage, destinés aux professionnels du secteur privé et public et aux associations concernés », ainsi que « des enseignements scolaire et universitaire abordant, dans les disciplines intéressées, les valeurs attachées au paysage et les questions relatives à sa protection, à sa gestion et à son aménagement ». Une prise de conscience des thèmes et des problèmes du paysage doit, par conséquent, être poursuivie à travers l’enseignement scolaire des jeunes, évoluant selon les âges. L’approche des thématiques du paysage doit se faire dès l’école primaire à travers l’apprentissage des premières notions concernant le monde environnant, qui permet de découvrir les caractères naturels et les facteurs humains composant le paysage. Dans l’enseignement de l’école secondaire, de nombreuses matières peuvent contribuer à illustrer la complexité du paysage : en effet, l’éducation au paysage n’est pas une discipline spécifique, elle implique un ensemble d’enseignements qui concernent et peuvent relier entre elles l’hétérogénéité et la multiplicité des éléments qui composent le paysage. Par ailleurs, la diversité de l’organisation des institutions scolaires et universitaires des différents États européens et la diversité des paysages, des situations géographiques, des caractères naturels et culturels font qu’il s’avère très difficile d’établir des règles uniques dans les enseignements. On peut par contre suggérer des méthodes et des processus de formation facilement exportables dans différents États pour harmoniser les orientations pédagogiques ; on peut en outre encourager une coopération entre différentes écoles européennes au niveau des programmes et favoriser aussi, dans les écoles supérieures, la mobilité des étudiants. C’est ce qui sera analysé dans les chapitres suivants.
1. PARCOURS POUR UNE ÉDUCATION AU PAYSAGE DANS L’ENSEIGNEMENT SCOLAIRE
1.1. L’éducation au paysage et la formation scolaire
En rédigeant ce rapport sur l’enseignement du paysage et en particulier sur le thème des « enseignements scolaires et universitaires abordant, dans les disciplines intéressées, les valeurs attachées au paysage et les questions relatives à sa protection, à sa gestion et à son aménagement », il faut tenir compte de deux principes importants, voire fondamentaux, énoncés par la Convention : « “Paysage” désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations », et il est donc nécessaire de tenir compte des « aspirations des populations en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie ». Il s’agit de « dispositions générales » qui mettent en évidence l’importance du lien entre les populations et le paysage, et qui soulignent la nécessité d’un processus participatif en ce qui concerne la protection des qualités et des caractéristiques paysagères de leur cadre de vie. C’est la base d’une nouvelle culture du paysage, qui vise à faire en sorte que la population comprenne les relations avec les éléments naturels et culturels du paysage quotidien qui l’entoure, et qu’elle partage les objectifs de qualité paysagère à atteindre dans les activités humaines afin de prendre part « à un développement durable fondé sur un équilibre harmonieux entre les besoins sociaux, l’économie et l’environnement ». La population doit prendre conscience du fait que le paysage fait partie de son environnement quotidien et de sa culture, et que si, au cours des siècles, l’interaction de l’homme avec la nature physique du territoire a contribué à faire naître et à transformer les paysages, aujourd’hui la population a la responsabilité ainsi que le droit et le devoir de jouer un rôle actif dans leur protection, leur gestion et leur développement durable. La Convention précise encore que le paysage est « une composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine culturel et naturel et fondement de leur identité » et qu’il constitue « un élément essentiel du bien-être individuel et social ». Un objectif important à atteindre est souligné dans les « mesures particulières » qui doivent être appliquées par chaque Partie « selon la répartition des compétences qui lui est propre » pour mettre en place les politiques du paysage prévues par la Convention. Les États doivent promouvoir dans les établissements scolaires, puis dans les universités, des programmes multidisciplinaires pour permettre aux élèves de connaître et de comprendre « les valeurs attachées au paysage et les questions relatives à sa protection, à sa gestion et à son aménagement ». Ces programmes pourront contribuer à faire acquérir – à tous les individus – une éducation et une formation qui les conduisent à une compréhension totale et intégrée du paysage à travers la connaissance de ses caractères naturels et culturels, de son identité et de ses ressources, et qui leur donnent la possibilité de participer à la recherche des meilleurs moyens de gérer le paysage pour un développement durable.
Ce document important, aujourd’hui au centre du débat international autour des questions théoriques et pratiques se rapportant au paysage, constitue un instrument très utile, y compris pour les activités éducatives en milieu scolaire, car il permet de développer dans la société une prise de conscience majeure autour des problèmes du paysage et d’aider les personnes de tous âges à mieux connaître le paysage dans lequel elles vivent. Pour pouvoir appliquer la Convention européenne du paysage, le Conseil de l’Europe a voulu se doter, à l’intérieur des enseignements scolaires, de la formation nécessaire à la compréhension du paysage, au développement des capacités de lecture de ses caractéristiques, de ses valeurs et de ses processus de transformation. L’objectif est de faire prendre conscience aux enfants et aux jeunes de la valeur des lieux dans lesquels ils vivent et de les rendre plus responsables vis-à-vis de leur participation future à la gestion de leur paysage, mais aussi de développer leur intérêt pour d’autres lieux et d’autres cultures. L’éducation au paysage des enfants et des jeunes représente donc un instrument fondamental qui fera d’eux des citoyens qui peuvent participer de manière responsable aux décisions et aux choix concernant les transformations futures : un instrument qui doit être considéré avec intérêt et attention dans le cadre de la construction des connaissances fondamentales utiles à tous en matière de paysage.
1.2. Parcours de formation au paysage, objectifs éducatifs dans l’enseignement scolaire
Le présent chapitre tente de mettre en place et d’analyser les thèmes à développer progressivement dans l’enseignement scolaire ; les notions à introduire aux différents niveaux d’enseignement, pour une formation et une éducation au paysage ; les modalités de connaissance et de compréhension du paysage à intégrer et à développer au cours des différents cycles de l’école primaire et secondaire. Sont analysées les principales notions concernant l’objet de l’étude – le paysage –, les objectifs et les méthodes à appliquer pour accéder à une connaissance toujours plus claire et approfondie des valeurs et des particularités des paysages, de leurs structures, des éléments et des processus qui les caractérisent et de leurs interactions réciproques : la nécessité donc de faire connaître et d’appliquer, dès les premières années de la scolarité, certaines notions de base utiles à la compréhension du paysage, organisme unitaire et complexe composé d’éléments d’origine naturelle et d’autres introduits dans l’environnement par l’activité humaine, et caractérisé par des influences réciproques structurelles et fonctionnelles. Il convient d’analyser, dans un premier temps, les points suivants :
-
à quoi se réfère la Convention lorsqu’elle utilise le mot paysage ;
-
ce que la Convention, à travers la vaste gamme de caractéristiques géographiques et d’identités paysagères, de langues et de cultures des différents pays du Conseil de l’Europe, entend obtenir en promouvant l’enseignement du paysage, aux différents niveaux de scolarité et, en particulier dans ce cas, dans l’enseignement primaire et secondaire ;
-
comment harmoniser les méthodes de formation au paysage, compte tenu de la diversité des pays, des situations géographiques, culturelles, politiques et économiques qui ont contribué à les structurer, lorsque l’on a pour objectif de former une population en mesure de poursuivre des finalités communes de protection, de gestion et de développement durable des paysages.
Le second thème de ce chapitre concerne les questions et les méthodes à utiliser pour contribuer à former les élèves, dès l’école primaire, afin de leur permettre, par une observation attentive, de reconnaître les éléments et les processus qui caractérisent les paysages, en commençant par les expériences vécues lors des activités quotidiennes et en promouvant une curiosité et une autonomie cognitives par rapport au paysage qui les entoure ; il s’attache aussi au parcours éducatif à suivre pour identifier :
-
les moyens permettant de développer chez les élèves de l’école secondaire un esprit d’observation et de critique par rapport aux paysages déjà connus et analysés au cours du cycle scolaire précédent, d’apprendre à les décrire et à les analyser avec des méthodes adaptées ainsi qu’à les enregistrer graphiquement, grâce au support d’une documentation cartographique selon une échelle adaptée ;
-
les modalités nécessaires pour stimuler l’intérêt des étudiants, vis-à-vis du paysage qui les entoure, de parvenir à un développement durable ;
-
le processus éducatif pour contribuer à la compréhension des caractéristiques naturelles et anthropiques des paysages, en développant progressivement la connaissance des bases utiles à l’application des principes et des objectifs de la Convention ;
-
les disciplines qu’il est possible et opportun d’impliquer dans une collaboration constante durant les différents cycles scolaires pour approfondir la connaissance du paysage.
« “Paysage” désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. », comme le précise l’article 1 de la Convention. Notre vie sur la terre est en rapport quotidien avec le paysage, qui se manifeste à nos yeux comme une image composée d’éléments naturels et d’origine anthropique, reliés entre eux de manières différentes (collines, fleuves, lacs, bois, arbres, maisons, champs cultivés, routes, canaux, villages, villes, usines…) : une image qui détermine la première expérience cognitive-subjective du paysage et qui suscite appréciations esthétiques et sentiments de plaisir (ou de refus), propres à chacun d’entre nous. Mais le paysage n’est pas seulement l’image que nous percevons à travers la vue et la relation entre les divers sens, parce que sa nature est réelle, comme les nombreux éléments et objets qui le composent : chaque élément naturel est relié à d’autres éléments, selon des lois et des processus naturels (les reliefs, le climat, les types de sol, l’exposition, les ressources hydrologiques, la végétation…) et selon les usages et les actions introduites par l’homme, au cours des siècles, dans l’environnement par rapport aux ressources naturelles disponibles et à ses besoins. Tous les États européens déclinent d’infinies variations paysagères qui sont l’expression de la diversité des cultures, des organisations juridiques et sociales, de la capacité de chaque peuple à s’adapter et à valoriser son environnement ; ils présentent des paysages d’une remarquable variété et beauté de par leurs qualités, leurs identités, leurs valeurs naturelles, historiques, et la diversité d’utilisation et de transformation du territoire ; à chacun d’eux correspondent des habitudes et une qualité de vie qui se manifestent dans l’organisation des villages et des villes, dans les principales activités agricoles, industrielles, touristiques, réparties sur l’ensemble du territoire. Il s’agit de réalités unitaires et complexes qui évoluent toujours de manière continue selon des causes naturelles ou provoquées par les interventions de l’homme : depuis une centaine d’années, les changements se sont succédé avec une rapidité et un impact majeurs par rapport au passé, provoquant parfois de graves modifications des identités culturelles et des équilibres de l’environnement. La Convention accorde une grande importance aux relations entre paysage et êtres humains. En effet, les paysages quotidiens peuvent contribuer, par leur qualité esthétique et leur équilibre environnemental, au bien-être individuel et collectif et peuvent satisfaire les besoins et les aspirations des habitants. Mais il existe également des lieux où les dégradations, la perte de qualité biologique et de l’identité des paysages, causées par la mauvaise qualité des interventions humaines dans les espaces de vie, ont contribué à créer des situations de malaise : terrains abandonnés, bâtiments en ruine, déchets incontrôlés, érosion des versants…
Pour résoudre les grands problèmes de la société européenne contemporaine, il est nécessaire de recourir à des actions adéquates pour assurer la protection des valeurs naturelles et culturelles des paysages, pour contribuer à assainir les lieux dégradés et, en même temps, satisfaire le besoin de bien-être de la population dans une perspective de développement durable « fondé sur un équilibre harmonieux entre les besoins sociaux, l’économie et l’environnement ». La Convention contient un message nouveau, important et d’une grande valeur commune : éveiller l’intérêt de la société dans son ensemble, vis-à-vis de la beauté, de la valeur et de l’identité de nos paysages. Ce résultat doit être obtenu en commençant dès l’école – primaire et secondaire – à lutter contre l’indifférence à l’égard de la beauté ou de la laideur, en remettant en marche un parcours vertueux comprenant connaissance, recherche, sauvegarde, mise en valeur et participation responsable au développement d’un paysage durable dans ses équilibres naturels et dans ses qualités culturelles.
1.3. L’éducation à l’école primaire et secondaire et les cycles scolaires
Les considérations qui suivent s’adressent aux États européens, destinataires de la Convention, et concernent, en particulier, les objectifs à atteindre durant l’enseignement primaire et secondaire au niveau européen, dans le domaine du paysage. Il est nécessaire non seulement de définir l’objet du thème abordé – c’est-à-dire l’éducation au paysage à l’école primaire et secondaire – mais aussi de spécifier les objectifs et résultats que l’on souhaite atteindre. Le concept selon lequel le paysage est un patrimoine important et commun, une ressource sur le plan culturel, écologique, environnemental et social implique de rendre la population plus consciente de la valeur des paysages connus et vécus, et plus concernée par les activités et les transformations qui le modifient. La première diffusion du savoir en matière de paysages commence logiquement dès la formation scolaire obligatoire et se développe, petit à petit, avec des approfondissements plus articulés et adaptés concernant les caractères naturels et anthropiques des paysages ainsi que leurs interrelations. Mais le fil conducteur, qui doit guider les enseignements pour développer les stratégies didactiques et les méthodes retenues pour atteindre les objectifs fixés par la Convention, doit être clairement présent dès les premières années de l’école primaire. Lorsque l’on indique les notions, les méthodes et les techniques à adopter pour promouvoir des parcours d’apprentissage et de connaissance relatifs au paysage, adéquats et constructifs, et contribuer ainsi à la mise en oeuvre de la Convention, il convient de se référer aux cycles scolaires obligatoires liés aux différents âges des élèves, les plus répandus en Europe. Il est évident que, dans les États européens, il existe de légères différences, tant au niveau de la durée des cycles que de l’âge des élèves auxquels les cycles et l’instruction obligatoire s’adressent, mais la base de référence veut tenir compte en particulier des capacités et des modalités d’apprentissage possibles.
La première étape consiste à déterminer la durée de l’école primaire et de l’école secondaire (également appelée école obligatoire) et l’âge des enfants auxquels s’adressent ces deux cycles scolaires. Il y a lieu de considérer la durée de l’école primaire de cinq ans et l’enseignement de ce premier cycle, généralement destiné aux enfants âgés de 6 ans à 11 ans. On ne prend pas en considération l’école maternelle, qui est évidemment très importante pour le développement de l’enfant, mais il s’agit d’un cycle préscolaire généralement facultatif. Il convient de considérer ensuite la durée du premier degré de l’école secondaire, qui est de trois ou quatre ans, suite logique de l’enseignement primaire : l’enseignement de ce second cycle didactique est destiné aux enfants âgés de 12 ans à 15 ans. Le deuxième cycle de l’école secondaire ne fait pas partie généralement des enseignements de l’école obligatoire. Toutefois, quelques considérations utiles sont présentées en conclusion de ce rapport.
1.4. Conceptions et théorisation du passé sur le paysage
Pour comprendre l’importance du rôle joué par la Convention européenne dans la définition de la notion de paysage, des principes et des objectifs qui doivent concourir non seulement à sa protection, à sa gestion et au développement durable, mais aussi à sensibiliser les autorités, les professionnels et le public aux différents paysages, il peut être utile de revenir brièvement en arrière pour tracer un cadre synthétique des différentes conceptions, interprétations et théorisations qui en ont caractérisé au cours des derniers siècles la connaissance et la compréhension. Le paysage a longtemps été identifié avec « l’aspect visible du territoire », comme une image appréhendée à travers la vue : avec ce que le géographe Eugenio Turri définit comme notre « univers de perception » qui, élaboré par la sensibilité et par la culture de chacun, se fonde sur une profonde affinité avec les lieux et sur l’identification de leurs symboles et valeurs, et est souvent empreint d’un rapport affectif. On appelait paysages les espaces dont on pouvait parcourir et embrasser du regard les images qui se manifestaient à la vue, et qui ont caractérisé intérêts, goûts, sensibilité, appréciation des sociétés à différentes époques et dans différentes cultures et histoires, lesquelles nous ont été transmises à travers des peintures, des mosaïques, des descriptions littéraires et aussi à travers des actions accomplies sur les territoires. Au cours des siècles, poètes et peintres ont exprimé à travers leurs oeuvres les sentiments et les appréciations subjectifs que les paysages observés leur inspiraient ; on appelait paysages ceux que les géographes, les historiens, les naturalistes ont décrits, documentés à travers leurs études consacrées aux particularités environnementales et aux diversités physiques des lieux observés. Les paysages ont depuis longtemps été représentés dans la peinture et dans la littérature par de nombreux artistes : leurs oeuvres expriment ce qu’ils observaient dans les espaces qui les entouraient, et ils ont reproduit les images perçues à travers leur sensibilité et leur interprétation personnelle.
Le paysage était présent à l’arrière-plan des tableaux de la Renaissance selon l’esthétique de la peinture du siècle ; il était reproduit dans l’art des jardins selon les canons de régularité et de symétrie appliqués même à la végétation. Toujours à la Renaissance, Montaigne a décrit lui aussi les aspects des pays visités au cours de ses voyages en s’attachant également à explorer la vie et le travail de l’homme dans les champs cultivés et dans les cultures agricoles en terrasse, tout comme dans l’art et l’architecture. À partir du XVIIe siècle, les aristocrates européens du Grand Tour ont décrit, dans leurs journaux de voyage, les paysages des régions visitées, souvent sur les traces des ruines de la Rome antique, avec des accents idéalisés pittoresques ou romantiques. Au XVIIIe siècle, des peintres comme Poussin et Lorrrain ont adopté un type de représentation caractérisé par une atmosphère mythique et bucolique, peuplée d’objets, d’architectures ou de personnages de la mythologie. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le paysage a été interprété, représenté et analysé comme étant le fruit de la seule vision, dont les images perçues étaient transfigurées par les sentiments esthétiques de l’époque, comme l’admiration, le regret ou la stupeur, dans des contrastes de formes, de lumières et d’ombres à travers des interprétations sauvages, pittoresques ou sublimes.
De nombreux géographes, allemands et français pour la plupart, qui se consacraient à la découverte de pays non encore explorés, ont fait du paysage le sujet central de leur attention : ils ont ainsi développé d’importantes recherches en recueillant des données sur les lieux visités et des informations sur les paysages et les peuples qui les habitaient. Leurs descriptions ont associé entre elles formes et caractéristiques du territoire, différences de climat, de morphologies, d’utilisations du sol et de coutumes sociales ; ils ont converti les concepts esthétiques du paysage, de la littérature et de la peinture en une première méthode d’investigation scientifique, qui a mis en relief les caractères de l’environnement et du paysage en les analysant à travers les liens existant entre les conditions physiques et la façon dont les différentes populations habitaient le territoire et en exploitaient les ressources. Dans les interprétations faites par la suite, au début du xxe siècle, l’attention accordée au paysage s’est élargie à la présence humaine, aux sites habités et aux utilisations du sol liées aux différentes situations territoriales, sans négliger les aspects visuels et esthétiques et l’interprétation des symboles qui caractérisent les lieux, ni les significations et les valeurs des différentes formes du territoire. Au cours du XXe siècle, le terme « paysage » est entré dans le langage de nombreuses disciplines, comme la géographie, la géologie et la botanique, l’agronomie et la sylviculture, l’archéologie, l’histoire, l’architecture et l’urbanisme, selon un cadre scientifique et méthodologique précis, compte tenu des contenus et des significations que les différentes disciplines lui attribuent. Rappelons les études de l’agronome Emilio Sereni en 1961 se référant à un cadre global de conditions et d’agents naturels, techniques, démographiques, historiques qui « trouvent leur expression dans l’évolution des formes du paysage agraire » (Sereni, 1961:3); les apports importants du géographe Turri qui identifie dans dans le paysage « l’interférence mutuelle des activités anthropiques avec l’environnement naturel » (Turri, 1998:24) ; les réflexions du philosophe Rosario Assunto qui remplace le concept de Croce de « paysage-tableau » par celui plus large et étendu de « paysage, lieu de la mémoire et du temps » (Assunto, 1994). Au cours des années 1970, dans le sillage du mouvement écologique, la pensée scientifique a commencé à analyser les possibilités de reconduire l’unité du monde vivant et non vivant dans une vision globale : elle a approfondi les méthodes d’interprétation de la complexité du paysage, considéré comme le domaine phénoménologique où oeuvre principalement l’homme, qui active et met en mouvement une grande variété de processus reliés entre eux. Mais le cadre des définitions et des interprétations du paysage se présentait encore, à la fin du siècle dernier, sous une forme assez hétérogène et sectorielle, malgré le grand intérêt présenté par les nombreux ouvrages et les recherches menées. Vers le milieu des années 1970, l’architecte paysagiste anglais Sir Geoffrey Jellicoe, dans The Landscape of Man, soulignait que c’est seulement au cours de ce siècle que « le paysage est apparu comme une nécessité sociale » et que « l’art du paysage est en train de progresser sur une échelle qui n’avait jamais été ni envisagée, ni conçue auparavant » (Jellicoe et Jellicoe, 1975).
Kevin Lynch, dans son célèbre livre The Image of the City, attirait l’attention sur le problème de la « perception » du paysage urbain comme fait social et reconnaissait parmi les principales « valeurs » du paysage la lisibilité, l’identité et la capacité de favoriser le sens de l’orientation (Lynch, 1964). L’urbaniste et écologue McHarg, dans Design with Nature, définissait le paysage comme un « bien collectif, une entité spatiale en évolution constante (…) le résultat de la combinaison incessante d’un déterminisme écologique et d’un déterminisme historique », en le comparant à un « grand miroir » dans lequel se reflètent des situations naturelles et des transformations anthropiques ainsi que leur sédimentation historique (McHarg, 1995). Ces notes permettent de comprendre que le paysage a été un thème qui a toujours suscité l’intérêt et la curiosité mais qui, en l’absence d’une interprétation claire du terme « paysage » et de principes culturels bien identifiés sur la complexité de sa nature et de son évolution, a engendré des itinéraires épistémologiques différents les uns des autres et a donné lieu à différentes méthodologies d’analyse de connaissance et aussi d’évaluation, sur le plan esthétique, à travers la perception. Le grand intérêt suscité par la Convention est dû à la reconnaissance du paysage comme ressource, comme bien de la collectivité, comme on l’a déjà vu plus haut. Cela vaut non seulement pour la définition du paysage et des valeurs qui lui sont reconnues – le paysage est un « bien de la collectivité, une composante essentielle du milieu de vie de la population » – mais aussi pour l’élargissement de l’attention paysagère au territoire tout entier, aux « espaces naturels, ruraux, urbains et périurbains ; les paysages terrestres, les eaux intérieures et marines (…) y compris les paysages qui peuvent être considérés comme exceptionnels, les paysages de la vie quotidienne, les paysages dégradés ». Cette attention est motivée, en particulier, par la constatation généralisée de nombreux et graves épisodes d’urbanisation diffuse, d’abandon des campagnes, de pollution des ressources naturelles, d’altération touristique des milieux côtiers, des collines et des montagnes ; par la perte des valeurs historiques, économiques, écologiques liées au paysage qui représentaient des témoignages significatifs de la culture et de la civilisation humaine. Nombreux sont les paysages urbains, périurbains et agraires qui montrent les effets négatifs de la standardisation : dans la typologie des constructions, dans l’utilisation des matériaux, dans l’abandon des anciennes traditions culturelles et des identités paysagères, dans l’utilisation de la végétation. La Convention, en observant que tous les paysages témoignent de leur valeur naturelle, culturelle, économique et sociale, et qu’ils peuvent exercer une influence, aussi bien positive que négative, sur la qualité de la vie des habitants, a établi que tous les paysages doivent être protégés, gérés et aménagés indépendamment des qualités qui leur sont reconnues et impose aux pays qui l’ont ratifiée de prendre en charge les dispositions de la Convention pour garantir, selon les compétences qui leur sont propres, la protection de ces valeurs, et de se donner comme objectif la « qualité paysagère » à atteindre dans une perspective de développement durable. La Convention souligne donc que toute opération menée sur le territoire doit satisfaire équitablement aux besoins relatifs au développement et à l’environnement des générations présentes et futures. Pour obtenir ces résultats, la Convention met l’accent sur la nécessité d’un rôle actif des populations dans la recherche de solutions communes et partagées aux grands problèmes naturels et culturels du paysage, et sur une « sensibilisation » adéquate de la société afin qu’elle puisse participer de manière consciente aux objectifs de développement durable du paysage.
Pour obtenir les meilleurs résultats, il est nécessaire de développer non seulement des actions de sensibilisation mais aussi de promouvoir des activités de formation et d’éducation qui puissent constituer le fondement d’une participation consciente et partagée. Si cette importante démocratisation du paysage doit trouver une contribution dans une sensibilisation adéquate de la population, les objectifs de la Convention doivent être poursuivis à travers « des enseignements scolaires et universitaires abordant, dans les disciplines intéressées, les valeurs liées au paysage et les questions relatives à sa protection, à sa gestion et à son aménagement » : en mettant en place et en développant des méthodologies d’étude spécifiques à tous les niveaux et aux différentes étapes depuis les premiers cycles scolaires, pour former, à l’échelle européenne, une population consciente des problèmes des paysages et pour rendre tous les futurs citoyens conscients des problèmes relatifs à leur cadre de vie.
1.5. Aspects pédagogiques
La Convention prévoit que chaque Partie s’engage à « accroître la sensibilisation de la société civile, des organisations privées et des autorités publiques à la valeur des paysages, à leur rôle et à leur transformation », et à « promouvoir des enseignements scolaire et universitaire abordant, dans les disciplines intéressées, les valeurs attachées au paysage et les questions relatives à sa protection, à sa gestion et à son aménagement ». Cette prise de conscience doit être menée selon une sensibilisation de la population en général et, en particulier, à travers une formation des élèves de tous âges divisés en plusieurs niveaux d’enseignement. Mais c’est à partir des premières années de scolarisation que l’éducation scolaire peut favoriser une meilleure approche du paysage à travers l’acquisition des premières connaissances du monde qui nous entoure : une éducation appropriée aux différentes phases évolutives peut contribuer à faire connaître les caractéristiques et les valeurs du paysage. Les activités scolaires des enfants de l’école primaire sont le point de départ pour commencer à organiser l’éducation au paysage, l’identification et la description de ses caractères naturels et des facteurs humains. Les approches du paysage sont certainement divergentes dans les différents États : elles sont liées aux différences géographiques, historiques, culturelles et politiques mais les questions qui touchent de nombreux domaines – c’est le cas du paysage – sont communes et favorisent ainsi une synergie entre les disciplines. L’éducation au paysage, à l’école primaire et secondaire, ne peut pas constituer une discipline spécifique, c’est un processus général de formation et d’apprentissage visant à développer chez les élèves une attention et un intérêt pour une nouvelle manière de connaître et de comprendre le paysage, en commençant par celui qui est connu et vécu, afin de toucher la personnalité de l’élève à travers sa mémoire, ses centres d’intérêt, ses habitudes quotidiennes, et de lui permettre de découvrir progressivement une nouvelle façon de percevoir les choses qui l’entourent, d’analyser leur rôle et leur signification. Une formation actuelle doit être dynamique et innovante, interdisciplinaire et holistique : elle doit permettre d’acquérir de nouvelles expériences à travers des méthodes visuelles, verbales, graphiques, adaptées aux différents âges scolaires ; elle doit aider à développer les premières capacités à évaluer les paysages, au regard des problèmes pratiques de la protection, de la gestion et de l’aménagement.
1.6. Modalités de connaissance et de compréhension du paysage
La connaissance du paysage peut se faire aussi bien de manière subjective qu’objective, deux méthodes utiles pour comprendre les niveaux d’organisation de la vie sur le territoire. Elle se fait de manière subjective à travers la vue. Chaque paysage, panorama, ensemble d’éléments réels qui nous entoure, est perçu par l’homme et par la collectivité en général de manière subjective, à travers les différents sens, mais essentiellement à travers la vue, sous des formes et selon des séquences et des ordres sensibles. La vue a joué un rôle fondamental dans la culture paysagère du passé ; elle a permis de saisir les images de la nature et les éléments de l’environnement qui entraient en relation perceptive avec l’homme et la collectivité en général ; elle a permis d’identifier les sites les plus adaptés où installer activité agricole, village, parcours, remparts et châteaux, tours de vigie, monastères et villas avec jardin… Le « fait de voir », une capacité propre à chaque individu, est lié également à des appréciations esthétiques, elles aussi subjectives, et engendre des opinions ou des jugements de valeur sur le paysage observé comme beau ou laid, agréable ou désagréable, etc.
Ce que l’on perçoit à travers la vue peut faire l’objet d’un processus d’élaboration des images observées en fonction de la culture, de la mémoire et de la sensibilité de chacun : c’est un processus qui a conduit l’individu à interpréter le milieu physique selon ses valeurs et ses potentialités et à transformer les stimulations sensorielles perçues en comportement à adopter face au paysage environnant. Mais lorsque l’on doit s’occuper de protection, de gestion, d’aménagement et de développement durable du paysage, il est nécessaire d’approfondir, du point de vue scientifique et objectif, sa complexité, sa diversité, son homogénéité. Il faut identifier et analyser les éléments qui constituent les paysages, variés et différents les uns des autres, s’approprier des connaissances qui permettent de comprendre le paysage dans sa vraie nature ; se référer aux méthodes analytiques de différentes disciplines. Il faut se référer, par exemple, à la lecture des structures géomorphologiques pour connaître les caractéristiques structurelles des paysages montagneux, collinaires, des vallées ou des côtes, et à leur potentiel ou à leur fragilité face aux transformations. Il faut analyser les phénomènes hydrologiques, les éléments biologiques, la végétation (forêts, bois, prairies…) et les éléments anthropiques pour obtenir enfin, à travers une synthèse interdisciplinaire, une vision globale des principales connexions fonctionnelles et structurelles du paysage. Des méthodes d’étude spécifiques analysent les codes génétiques du paysage et les processus qui entraînent des transformations et mettent en relation constante la structure et les caractéristiques géomorphologiques, pédologiques, hydrologiques, climatiques du territoire avec la colonisation végétale des sols et les nombreux aménagements différents générés et modifiés au cours du temps, par les multiples actions et transformations accomplies par l’homme.
Dans le paysage, il est possible de comprendre les processus d’évolution survenus dans le temps à la suite des mutations spontanées, des tremblements de terre, des inondations, des glissements de terrain… La connaissance objective du paysage a par conséquent besoin de plusieurs disciplines, reliées entre elles, pour identifier les éléments significatifs d’un ensemble varié et complexe formé par la partie naturelle et la partie anthropique du paysage. Dans l’enseignement secondaire, il faut accéder, pour l’essentiel, à des lectures paysagères par :
-
l’analyse physique du support inerte-abiotique du paysage pour connaître, par exemple, l’origine, la structure, la conformation géologique, la hauteur, la pente des reliefs et leurs dynamismes, l’origine et la conformation des vallées glaciaires et fluviales, des manifestations hydrologiques (fleuves, lacs, torrents…) ;
-
l’analyse de la composante biologique qui recouvre le support inerte et donc le revêtement végétal (arbres, arbustes, herbes) ; celle de la composition et de l’extension des éléments végétaux (bois, prairies, pâturages, oasis…) ; la phytosociologie qui les caractérise ; la faune présente dans les différents lieux ;
-
l’analyse de la composante anthropique des transformations apportées par l’homme dans les paysages pour les rendre aptes à la vie, aux activités, au développement et au bien-être de la communauté. Identifier et analyser les innombrables interventions de l’homme dans les différents environnements et situations géographiques – cultures agricoles en plaine et en terrasses, constructions de villes, de routes, de complexes industriels et touristiques, de grandes infrastructures de transport, de ports et d’aéroports : connaissances qui doivent être approfondies par l’Histoire ;
-
l’analyse historique et culturelle, pour lire, dans la structure du paysage, les signes et les témoignages des événements passés grâce à des recherches menées directement sur le terrain, l’étude de la documentation historique et des archives disponibles ; pour être en mesure de comprendre les modalités et les temps où l’homme s’est servi d’éléments et de ressources de l’environnement naturel pour les adapter à ses besoins en construisant des habitations pour s’abriter et des routes à parcourir, en transformant le sol en terrains à cultiver, en coupant les arbres pour en faire du bois de chauffage et des constructions, en extrayant des pierres du sol pour construire des habitations solides et durables, en consolidant les routes.
Il est utile de faire référence également à d’autres analyses, qu’il y a lieu de considérer comme complémentaires :
-
aux analyses perceptives, strictement visuelles, culturelles et sémiologiques, dont on a déjà parlé précédemment, qui mettent en évidence le rapport entre sujet (individu ou collectivité) et environnement, et les éléments qui caractérisent le paysage perçu à partir de points d’observation précis ;
-
aux analyses écologiques qui étudient le paysage, à travers des méthodes et des paramètres spécifiques, comme un système complexe et une réalité dynamique dans laquelle les facteurs physiques et les êtres vivants se conditionnent réciproquement, qui donnent des indications sur les limites que la nature impose à l’action de l’homme et sur l’état de fonctionnement du paysage en dressant des diagnostics sur ses conditions de santé.
Tout cela nous permet de constater l’importance d’informer graduellement les élèves, aux différents niveaux de l’enseignement, sur les lois naturelles du paysage et sur les différents facteurs qui interviennent sur son évolution :
-
les lois de la nature qui régissent toute transformation évidente et spontanée sont, par exemple, la croissance de la végétation et l’alternance des saisons avec ses manifestations perceptibles ; certains phénomènes physiques soudains et imprévisibles comme les éboulements, les tremblements de terre, les inondations qui interfèrent sur l’évolution du paysage.
Les processus générateurs du paysage engendrés par les actions et les interventions humaines interfèrent par contre de manière complexe avec les lois de la nature : ce sont des processus qui peuvent être directs ou indirects, dont on peut souvent trouver les causes mais par rapport auxquels, selon les objectifs de la Convention, il est nécessaire d’intervenir a priori pour un développement durable.
Il est clair que pour informer efficacement les élèves de l’école primaire sur ces concepts, il faut recourir à du matériel photographique, à des documentaires spécifiques souvent disponibles dans les écoles qui, par le biais des images, commencent à introduire le thème de l’évolution du paysage qui nous entoure en fonction des événements naturels et de l’intervention de l’homme.
Durant les cycles scolaires secondaires (des premier et second degrés et en particulier à l’université), il sera possible de se fonder sur les différentes analyses scientifiques : elles seules permettent de déterminer le degré d’interrelation entre les facteurs formels, naturels et anthropiques et les facteurs psychologiques. Pour apprendre à connaître la réalité complexe du paysage, au-delà de son aspect visuel, il y a lieu de maîtriser des notions fondamentales concernant les éléments naturels, les processus, les phénomènes et les fonctions qui le caractérisent, aussi bien séparément que dans leur ensemble et dans leurs corrélations : dans les processus naturels de formation et d’évolution spontanée et dans ceux provoqués par les multiples actions et transformations réalisées, au cours des siècles, par les sociétés et populations pour adapter les lieux à leurs besoins. Nous sommes par contre souvent dépourvus des notions qui nous permettent de comprendre le paysage et d’intervenir sur sa vraie nature et sur ses processus évolutifs dus aux événements spontanés, naturels ou exceptionnels, et aux interventions humaines empreintes de culture et d’un extraordinaire ensemble de signes et de traces de la stratification historique. L’analyse du paysage dans les études scientifiques devrait toujours être présente dans toute action ou tout processus d’aménagement du territoire : seule la connaissance objective des composantes et des processus naturels, historiques, sociaux, économiques qui caractérisent le paysage permet d’aider à rendre cohérentes les nouvelles actions sur le territoire et ses transformations.
2. PARCOURS DIDACTIQUES D’ÉDUCATION AU PAYSAGE POUR L’ÉCOLE PRIMAIRE
Dans le domaine de l’éducation au paysage, il faut que dès les premières années de l’école primaire soient identifiés les objectifs, les méthodologies et les instruments nécessaires pour pouvoir développer les tout premiers parcours didactiques destinés à faire comprendre en quoi consiste le paysage : c’est un objectif qui sera atteint progressivement, grâce aussi aux matières enseignées tout au long de l’année scolaire. Il convient de mettre en place des parcours didactiques de découverte et de connaissance active, de lecture et de compréhension des éléments qui composent et caractérisent les paysages, en commençant par les paysages locaux : ce sont justement les paysages familiers, connus et vécus, qui aident à comprendre le contexte territorial à l’intérieur duquel vivent les enfants, et qui permettent de transformer les informations éducatives enseignées en réflexions susceptibles d’impliquer aussi bien la sphère rationnelle qu’émotionnelle, à l’intérieur d’un parcours progressif de renforcement du sentiment d’appartenance à un territoire.
Cette connaissance-découverte du paysage pourra susciter chez les enfants, au cours des cinq années de l’école primaire – au moment où, entre 6 et 10-11 ans, les enfants commencent à acquérir une certaine maturité –, un intérêt croissant pour la connaissance du paysage qui les entoure et pour l’influence qu’a ce dernier sur la qualité de leur vie ; elle leur permettra de participer toujours plus activement à l’observation et à la reconnaissance de la diversité et de la beauté des paysages, de leurs valeurs et des changements en cours qui les modifient. Comprendre le paysage comme « une partie de territoire telle que perçue par les populations » signifie que l’avenir des paysages dépend de ce que la conscience collective reconnaît comme valeurs, ainsi que des choix faits par la société, qui peuvent devenir cruciaux pour les années à venir.
2.1. La variété des paysages européens
Il est évident qu’il est difficile de développer des enseignements scolaires homogènes alors que les États européens possèdent des territoires ruraux, urbains ou périurbains, touristiques ou industriels, différents ; des méthodes diverses de protection et de gestion des ressources naturelles et d’aménagement du territoire, de transport, d’urbanisme, etc. Les approches divergent selon les milieux et les types de problèmes liés à l’environnement, en raison des différences culturelles, géographiques et notamment de la transformation des paysages. Il s’agit de questions communes aux différents États mais qui touchent de nombreux domaines et suggèrent ainsi une synergie entre disciplines liées à différents facteurs et aspects du paysage. L’enseignement devra également tenir compte des manières de percevoir le paysage liées à la façon de le connaître, de l’observer et de l’appréhender comme un bien commun. Les paysages ont en effet une influence, subtile mais profonde, sur notre façon d’être, de voir et d’agir dans le monde.
2.2. Le paysage pour les enfants
En introduisant dans ce chapitre un certain nombre de considérations au sujet de la méthodologie didactique à développer dans le cadre d’une première formation au paysage destinée aux enfants de l’école primaire, il nous paraît utile de faire référence à certaines observations que les sociologues, les anthropologues et les géographes ont formulées sur le rapport des enfants au paysage : le paysage que les enfants ont en eux, qu’ils perçoivent, assimilent et mémorisent, et qui les conduit à orienter leur comportement, leurs actions et à stimuler leur imagination. L’enfant apprend très tôt à se laisser guider par ses propres sens, non seulement dans les espaces qui lui sont familiers mais aussi dans les espaces urbains ou en pleine campagne. L’apprentissage – c’est-à-dire l’acquisition de connaissances – commence chez l’enfant dès sa naissance, se développe avec le mouvement, se nourrit grâce à l’expérience, à l’échange d’informations, et s’alimente constamment grâce aux expériences individuelles ou collectives vécues. Lorsqu’il s’agit de conquête de l’autonomie et des compétences qu’un enfant doit acquérir, le géographe se réfère à trois objectifs : « Le premier est de faire en sorte que les enfants reconnaissent les dépendances existantes et actives dans leur milieu naturel ; le second est qu’ils soient capables, dans ce contexte, de s’orienter de manière personnelle ; le troisième est qu’ils s’ouvrent à la découverte, à l’intériorisation et au respect pratique des valeurs de l’environnement » (Vecchis et Staluppi, 1997:105).
Lorsque le sociologue analyse les représentations mentales de l’espace de l’enfant, il fait référence « à deux concepts : la perception et l’apprentissage. La perception est aussi bien une expérience phénoménologique qu’une directive pour l’action et concerne la réception et l’élaboration des informations qui proviennent du milieu extérieur. Elle concerne tous les sens et en particulier, naturellement, la vue et évolue en fonction des actions provoquées par le mouvement », elle est en rapport avec « la disposition, dans la complexité de l’espace, des éléments naturels et anthropiques (…). Aucune sensation n’est indépendante, elle se développe plutôt à l’intérieur d’un système, à moins que la présence de conditions dissonantes ne produise des sensations de mal-être ou ‘de sauts cognitifs » (Gazzola, 2007:109). Les sociologues parlent également de cartes cognitives chez l’enfant, qui font référence aux images de l’espace qui l’entoure. Elles sont élaborées à partir d’informations et de données provenant de réalités différentes et sont stockées dans le cadre des situations et des relations les plus variées. On a relevé « une légère correspondance entre les caractéristiques spatiales des représentations cognitives et objectives ; une correspondance relativement importante est relevée uniquement par rapport à un espace circonscrit (…). Les cartes spatiales cognitives sont une partie des cartes cognitives et se réfèrent aux images et aux représentations cognitives de l’espace environnemental » (Gazzola, 2011:116). Il s’agit de représentations qui constituent, selon la plupart des spécialistes de ce domaine, une sorte de pivot, de lien entre l’individu, dans notre cas l’enfant, et le milieu social et physique.
Les enfants ont tendance à représenter la ville comme un ensemble d’espaces ouverts et leur quartier comme un ensemble d’espaces circonscrits (comme les cours et les jardins). Ils représentent souvent dans ces espaces des personnes, des animaux et des éléments naturels comme les arbres, les fleurs, les oiseaux. La technique du dessin utilisée dans les cartes spatiales cognitives peut servir à analyser l’image que l’enfant se fait du paysage – sa façon de sentir et de percevoir la réalité –, en particulier dans le cas du paysage bâti et urbain, plus fréquent dans les représentations infantiles individuelles.
2.3. Processus de sensibilisation et d’éducation au paysage à l’école primaire
Dans l’éducation au paysage, l’école doit tenir compte des activités didactiques et des processus d’apprentissage adaptés aux classes, aux âges et aux différents stades de développement mental des élèves. Elle doit construire, avec le corps enseignant de l’école primaire, et si possible avec certains des enseignants de la première classe de l’école secondaire, cette « continuité didactique globale » qui devra être développée tout au long du processus de formation, en évitant l’inutile superposition des notions et une carence des informations nécessaires au développement de l’apprentissage. Dans les parcours pédagogiques, et en particulier dans le secondaire, on constate, en général, un premier point faible qui est celui de l’espace limité réservé aux thèmes du territoire et du rapport entre l’homme et l’environnement : cela rend difficile d’identifier un domaine spécifique dans lequel développer une première approche du paysage, s’adressant directement, chez les futurs citoyens, à la construction d’une conscience toujours plus approfondie et critique par rapport aux problèmes concernant les paysages faisant partie de leur vie quotidienne. On ressent le besoin d’une plus vaste action de sensibilisation, y compris des enseignants, afin que le paysage, une fois dépassées les limites disciplinaires des activités scolaires, puisse faire l’objet d’un apport formatif adapté et continu. De ce point de vue, une attention majeure et une contribution effective de la part des organismes concernés préposés sont fondamentales, aussi bien en ce qui concerne la formation des enseignants qu’en matière de coordination des activités d’acquisition des valeurs attachées au paysage et aux questions relatives à sa protection et à son aménagement. À l’école primaire, l’éducation doit contribuer au mûrissement culturel des élèves, grâce à un parcours comportant différentes phases, à travers lesquelles ils apprennent à connaître et à comprendre le paysage, en commençant par le paysage qui leur est familier. Il est donc ainsi possible de mettre en place une première connaissance et évaluation des paysages, fonctionnelle et propédeutique, pour l’élaboration et l’application successives des principes de qualité paysagère et de protection, et pour l’aménagement des paysages (se référant aux dispositions de la Convention).
Les cinq années de l’école primaire sont parfois organisées et articulées en trois cycles en fonction de l’âge et des objectifs d’apprentissage : une première année, un cycle de deux ans, puis à nouveau deux ans. L’éducation au paysage à l’école primaire, comme nous l’avons déjà observé précédemment, ne peut faire l’objet d’un seul et unique enseignement spécifique mais doit être considérée comme une matière à laquelle collaborent plusieurs disciplines. Il est nécessaire de trouver des relations et de construire des parcours interdisciplinaires, au sens large, pour commencer à reconnaître et à interpréter les processus, les signes et les phénomènes relatifs à la nature, à la présence et à l’activité de l’homme. Parmi les plus fréquentes typologies d’enseignement dans l’école obligatoire, on peut distinguer la leçon frontale, les activités pratiques en laboratoire et les expériences d’observation et de connaissance directes. Pour que la leçon frontale soit efficace, elle doit se présenter sous forme d’une offre de communications verbales, iconiques, concrètes, que les élèves doivent pouvoir utiliser pour construire et élaborer des concepts, en faisant abstraction des propriétés communes aux différents objets. La leçon frontale est efficace lorsqu’elle ne se propose pas d’enseigner des concepts mais s’engage à les faire construire par les élèves : lorsque la leçon devient une activité de recherche vue comme forme de nouvelles découvertes et connaissances, finalisées par des activités pratiques en laboratoire.
2.4. Organisation des activités scolaires en matière d’éducation au paysage à l’école primaire
Au niveau de l’école primaire, les premières étapes à suivre pour introduire les enfants à la connaissance du paysage doivent passer par des processus actifs, en utilisant des situations didactiques au cours desquelles l’élève-enfant est transformé en protagoniste, en partant des connaissances spontanées déjà en sa possession et en commençant par des lieux connus, vécus, qui lui sont familiers. Dès la première année d’école primaire, on doit faire en sorte que l’enfant devienne protagoniste de la connaissance d’un paysage, aux dimensions limitées, à travers une participation active fondée sur un processus de recherche, de curiosité, d’exploration et de découverte. C’est un processus qui nécessite tout d’abord qu’on lui enseigne et qu’on lui apprenne à regarder un paysage connu et vécu au quotidien, en transformant le simple fait de « regarder » en une « observation » visant à développer la capacité de reconnaître les objets qui échappent habituellement à son attention : apprendre donc à l’élève à regarder avec des yeux attentifs ce qui l’entoure et qu’il vit au quotidien. Ce processus sera d’autant plus significatif si le lieu lui est familier, mais alors l’enfant ne parvient plus à activer sa capacité à découvrir et à contempler. Il faut donc remettre en marche cette faculté d’écouter, de toucher, de voir, de reconnaître les odeurs, les parfums, les sons, en laissant suffisamment de place à la surprise et à l’émotion lorsque quelque chose peut encore être inattendu et imprévu.
Lors de cette première étape, il est opportun que le parcours de recherche, de curiosité d’exploration et de découverte se déroule sur place, c’est-à-dire dans le cadre de leçons en plein air, en utilisant l’observation directe ou des laboratoires réalisés dans des espaces prévus à cet effet ou encore des salles de classe spéciales, équipées pour le dessin ou la projection d’images et de films. L’observation directe, sur place, est la première phase d’un processus d’éducation au paysage mis en place avec succès dans certaines écoles : une première compréhension qui, en partant du paysage connu et vécu, est appliquée progressivement au cours des années suivantes – à travers des sorties scolaires, des voyages, des enquêtes sur le terrain minutieusement préparées en classe – à la compréhension d’autres paysages situés en dehors de la connaissance visuelle habituelle des élèves et du quartier d’appartenance. L’observation directe, en transformant la façon habituelle de voir le paysage, favorise cette perception subjective qui commence à mettre en contact visuel les éléments composant l’espace extérieur vu par chacun, de manière spontanée, à travers les différents sens – ouïe, odorat, toucher, et en particulier la vue. C’est par la perception que l’on pourra activer la capacité à reconnaître la différence entre les éléments naturels et ceux créés par l’homme puis identifier progressivement, avec l’aide de l’enseignant, les relations existant entre les uns et les autres. À travers la perception, on commence à saisir la présence plus évidente et significative d’éléments naturels et de signes, d’objets, d’interventions anthropiques qui permettent à leur tour de commencer à identifier les rapports d’interdépendance entre les facteurs naturels du paysage et les ouvrages réalisés par l’homme qui l’ont modifié. Le sens de l’observation peut être sollicité chez l’enfant par l’identification des éléments naturels et des objets de l’activité humaine qui l’aident à reconnaître un lieu familier : par exemple, les arbres le long de la route qui conduit à la maison, la clôture entourant le jardin, le bâtiment de l’école, la place de l’église, les montagnes recouvertes d’arbres à l’arrière-plan. Regarder, observer avec attention le paysage aide donc les élèves à commencer à identifier et à rapprocher le paysage avec celui qui devra être élaboré par la suite.
Activités en matière d’éducation au paysage
La vue : parfois, voir ce qui nous est trop familier empêche d’activer notre capacité de découverte et de contemplation.
L’observation : c’est apprendre à examiner ce qui nous entoure, d’une façon nouvelle et avec des yeux attentifs, susciter l’effet de surprise et la capacité d’écouter, de toucher et de découvrir.
La perception : c’est un rapport visuel subjectif, spontané, généré par les sensations provoquées par l’aspect des formes perceptibles ; image de la réalité qui suscite des jugements esthétiques.
L’exploration : c’est acquérir les bases pour identifier, connaître les facteurs naturels et humains qui caractérisent le paysage.
L’identification : c’est comprendre, interpréter, attribuer des rôles et des significations aux éléments, aux facteurs naturels et humains reconnus dans le paysage.
L’enseignant aura pour objectif d’apprendre à transformer le fait de regarder en observateur ce qui est aux alentours, avec des yeux nouveaux. Observer le paysage est le commencement d’un processus qui conduit à faire acquérir à l’enfant pour la première fois, au début de l’activité scolaire, la capacité de percevoir et d’identifier les éléments présents dans l’espace observé, les objets qui le caractérisent. L’enfant apprend à reconnaître, identifier :
-
les éléments naturels du paysage : l’arbre, la haie, les fleurs, le pré, le petit lac… ;
-
les objets construits par l’homme : la route, le trottoir, la grille du jardin, le bâtiment de l’école, l’église… ;
-
son rapport personnel avec le paysage.
Dans la phase qui suit, l’enfant apprend :
-
à explorer avec curiosité le paysage en identifiant, par exemple, les caractéristiques du parcours maison-école, du square du village, de la cour de l’école ; les différences entre son propre parcours maison-école et celui des autres enfants ;
-
à reconnaître la qualité, la beauté ou la variété de ce paysage ;
-
à explorer et à reconnaître le paysage à travers ses signes et ses formes : l’allée bordée d’arbres, les feuilles mortes sur les trottoirs selon les saisons, la forme, la hauteur et les couleurs du bâtiment de l’école, la grille et les jeux du jardin.
Dès la troisième année d’école primaire et au cours des années suivantes les informations perçues et acquises dans les paysages familiers seront enrichies et approfondies avec l’aide et l’apport de la géographie, des sciences, de l’histoire de l’art et du dessin : matières qui fourniront les premières notions nécessaires pour apprendre à reconnaître et apprendre les significations et les fonctions des différents éléments et objets des paysages familiers.
La géographie favorisera le passage de la perception du paysage vécu à sa dimension objective, l’identification des différents éléments, l’acquisition du concept de réciprocité des éléments et des objets entre eux et leur signification et utilisation (naturelle ou réalisée par l’homme).
Les sciences naturelles favoriseront l’observation et l’analyse de la réalité, la reconnaissance de certains éléments présents dans les différents environnements naturels : des formes végétales (bois, arbres, arbustes, prairies…) à l’évolution de l’environnement naturel et aux transformations effectuées par l’homme.
L’histoire de l’art montrera comment certains peintres (Giotto, Leonardo, Poussin…) ont observé, interprété et représenté à leur époque différents paysages.
Le dessin enseignera à explorer les formes et les objets du paysage de l’enfant ; à reconnaître les couleurs, les formes, les matériaux des différents éléments ; à reproduire ceux qui sont au premier plan, au deuxième plan ou en arrière-plan. L’élève, à travers le dessin et les couleurs, doit pouvoir exprimer librement ses émotions, explorer le paysage observé, en représentant les images et les différents éléments qui le caractérisent.
Les mêmes images, formes et objets du paysage pourront être dessinés à nouveau l’année suivante sur la base des nouvelles connaissances acquises et d’une meilleure compréhension des rapports entre éléments naturels et anthropiques.
2.5. Méthodes et objectifs d’apprentissage
Dans les méthodes d’apprentissage, il existe une première phase d’observation directe et une deuxième phase de connaissance indirecte. Dans l’éducation au paysage, l’enfant, dès la première année d’école élémentaire, doit devenir protagoniste actif de la connaissance d’un paysage, aux dimensions limitées, à travers une participation active basée sur un processus de recherche, de curiosité, d’exploration et de découverte d’un lieu qui lui est familier, car connu et vécu quotidiennement. Il ne faut pas négliger le fait que la plupart des enfants vivent aujourd’hui dans des zones urbaines ou des périphéries où les éléments naturels sont rares, voire totalement absents, et où les paysages observés sont dominés par le bruit du trafic et remplis de choses difficiles à analyser à l’école primaire ; mais il s’agit de toute façon de paysages que les enfants reconnaissent puisqu’ils se réfèrent à des lieux qui leur sont familiers, proches de chez eux et de leur cadre de vie.
L’objectif doit être de restituer à l’enfant, qui vit souvent en milieu urbain, le rapport avec la nature, de l’aider à développer son aptitude à écouter le bruit de la nature, du vent dans les feuilles, à ramasser les feuilles, à toucher les troncs d’arbres ou l’herbe des prés, et à sentir les parfums de la nature : laisser suffisamment d’espace à la découverte, à la surprise et aux émotions face à tout ce que nous ne parvenons pas toujours à percevoir dans la vie de tous les jours. Cette première phase de recherche, d’exploration curieuse, doit être menée dans le cadre de cours en plein air, à travers l’observation directe ; lorsque cela n’est pas possible, en ville par exemple à cause de la circulation des voitures, on peut utiliser des laboratoires installés dans des espaces prévus à cet effet : salles spécialisées équipées pour le dessin et pour la projection d’images, qui doivent constituer la base – visuelle – de l’exercice. Durant la phase de recherche, de curiosité d’exploration et de découverte, il est nécessaire de sélectionner, avec l’aide de l’enseignant, les meilleurs points d’observation afin de saisir la plus grande quantité possible d’informations sur le paysage observé, de rendre plus facile cette première approche de l’observation- perception-élaboration des informations : les meilleures places sont généralement celles situées sur une position surélevée ou à hauteur d’oeil et sans obstacles intermédiaires. Il faut également prendre en compte les paramètres de l’espace, liés au champ visuel de l’enfant, fixés en fonction de sa stature : les espaces qui peuvent être observés d’une hauteur d’enfant, soit 100 à 150 centimètres. Certains détails situés en hauteur, par exemple les panneaux routiers, les immeubles élevés, les collines à l’arrière-plan, sont difficilement perçus.
Il est sans aucun doute utile de développer progressivement, au cours des dernières années de l’école primaire, certaines activités didactiques dans des paysages différents de ceux fréquentés quotidiennement. Ce sont des paysages qui pourront être visités, observés, connus à l’occasion de brèves excursions préparées en classe : il sera de cette manière possible de faire des comparaisons avec les paysages des villes, des périphéries ou des villages leur étant familiers. Ce sera l’occasion de connaître et de découvrir par exemple des paysages collinaires, ruraux, marins, lacustres où l’on peut entrer en contact avec des situations différentes, du fait de la présence d’une morphologie typique (terrains ondulés, cultures agricoles en terrasse le long de fortes pentes, grandes plaines cultivées, etc.), d’éléments naturels variés ou d’objets créés par l’homme pour des fonctions différentes les unes des autres. Les formes et les éléments qui caractérisent un paysage urbain et un milieu rural peuvent certainement contribuer à développer la curiosité et stimuler chez l’enfant des expériences visuelles et un intérêt pour de nouvelles découvertes. C’est aussi la meilleure façon de mettre en place en classe les premières activités interdisciplinaires : pour apprendre à connaître et à donner un nom aux éléments et aux objets observés, en comprendre les utilisations et les significations par rapport à un paysage où vit la communauté.
Étapes de compréhension
Connaissance/observation directe
Voir – observer – percevoir à travers les différents sens
Élaborer les informations perçues, les reconnaître
En apprendre les significations et les utilisations
Représenter – raconter
La connaissance directe se développe lors des phases successives, quand il s’agit de savoir raconter ce qui a pu être observé dans un paysage nouveau que l’on vient de visiter avec l’enseignant et les autres élèves de la classe. Dans cette première phase, il y a lieu de proposer un schéma type de lecture du paysage qui pourra être adapté à chaque fois, selon les âges et les classes auxquels il s’adresse et selon les objectifs que l’on souhaite atteindre (voir schéma ci-dessous). L’utilisation du schéma dans la lecture du paysage peut aussi constituer un exercice à réaliser au cours d’étapes successives pour stimuler l’attention aux choses observées dans le paysage et en même temps effectuer un parcours d’autoréflexion sur l’activité d’observation. Pour les plus jeunes élèves, le schéma peut être adapté au niveau de la forme, des mots utilisés et des objectifs à atteindre ; il est important toutefois de maintenir la structure de base et de prêter attention aux étapes proposées. Par le biais de cet exercice, il est possible d’acquérir et d’intérioriser une méthode de lecture et une approche du paysage qui, bien que dépourvue des approfondissements culturels qui pourront être acquis plus tard, permette de développer un rapport plus responsable vis-à-vis des paysages que l’on rencontrera par la suite.
Un paysage nouveau – Raconter ce qui a pu être observé
Éléments naturels significatifs
Éléments construits par l’homme
Activités effectuées
Qualité du paysage
Couleurs dominantes
Utilisation du sol
L’observation d’un paysage nouveau aide à reconnaître par expérience directe les éléments significatifs du paysage, les utilisations du sol et les activités qui s’y déroulent, à comprendre comment il est utilisé et par qui. Elle offre une opportunité de discussion non seulement en classe avec l’enseignant et les autres élèves mais aussi avec la famille. Il sera possible de commencer à explorer à travers le dessin l’organisation des espaces et leurs corrélations visibles ainsi que la relation de l’enfant avec son paysage : par exemple le parcours pour arriver à la maison et celui pour aller à l’école ; pourront être aperçus : les arbres, le pré, les balançoires d’un jardin, la route et les trottoirs, les personnes qui vont au travail, la propre habitation et celle des autres élèves…
Il faut commencer par faire découvrir, à travers l’observation des paysages habituels, la relation existant entre l’environnement naturel et les ouvrages réalisés par l’homme, et par développer les capacités nécessaires pour établir les relations entre eux. Il y aura lieu d’explorer progressivement quelques clés de lecture du paysage dans des situations différentes et même plus complexes : les relations entre le paysage naturel et les interventions effectuées par l’homme dans les paysages routiers ou industriels, pour mettre en relation entre elles les différentes manières de transformer le paysage. La connaissance, l’exploration, la découverte d’autres paysages observés et parcourus permettront une identification des éléments naturels et des activités de l’homme en faisant appel aux capacités acquises tout en observant le paysage habituel, et l’on pourra commencer à faire comprendre aux enfants que le paysage doit être connu et analysé à travers différentes phases :
-
comme objet d’observation – perception subjective : perception suscitée par l’image d’ensemble, par la beauté du paysage, par les formes, les couleurs, les sons… ;
-
comme objet d’analyse – connaissance objective : connaissances nécessaires pour déceler les différents éléments naturels et ceux créés par l’homme qui composent les paysages (ceux du propre cadre de vie et ceux des autres enfants) ; des relations et des processus qui ont lieu dans la réalité complexe et en constante évolution du paysage ;
-
comme objet d’exploration et de découverte : de l’organisation des différents espaces, des rapports d’interdépendance entre les facteurs naturels d’un paysage connu et les oeuvres de l’homme qui l’ont modifié ; de la distribution et des relations entre les éléments, les objets et les personnes qui les utilisent ; des fonctions et des activités qui s’y déroulent ;
-
comme paysage à dessiner/représenter.
2.6. Le dessin et la représentation de l’espace à l’école primaire
Le dessin est le moyen le plus direct pour l’enfant de transposer sur le papier sa perception subjective-passive à la suite de l’observation des principaux éléments qui composent le paysage avec leurs formes et leurs couleurs. Il permet de commencer à distinguer les éléments qui se trouvent au premier plan : éléments naturels comme les groupes d’arbres, les buissons, les cours d’eau, et les activités de l’homme comme les maisons, les champs cultivés, les routes, les ponts. Il s’agit aussi de commencer à distinguer ceux qui caractérisent le second plan et les reliefs qui se trouvent en arrière-plan. Le monde extérieur représenté par les enfants peut être considéré comme un instrument qui explique à l’enseignant l’acquisition des choses perçues et la façon dont elles sont reconnues. Outre l’importance de l’observation/connaissance directe, il convient de ne pas négliger non plus l’importance de l’observation/apprentissage indirect(e) par le biais de leçons frontales et l’utilisation d’images, d’expositions photographiques et de rencontres de sensibilisation.
L’éducation au paysage commencée à travers le processus d’observation et de perception, de découverte et de connaissance, doit être poursuivie et enrichie en classe à travers la projection d’images significatives de différents lieux. Il sera possible de faire observer et reconnaître la couleur, la forme et les caractéristiques des différents éléments naturels ; les principales fonctions des ouvrages réalisés par l’homme et des différents objets présents dans l’espace connu. Il conviendra d’aider l’enfant à reconnaître l’usage qu’il fait lui-même de ces lieux et de ces éléments qui font partie de son vécu dans son paysage quotidien, à découvrir son rapport personnel avec le lieu. Il est possible de commencer à illustrer en classe quelques fiches simples sur les principaux aspects morphologiques, végétaux, anthropiques présents dans le paysage, tout d’abord perçu puis connu grâce à l’observation directe, puis exploré-élaboré à travers la recherche des premières informations. Il s’agit d’une phase au cours de laquelle l’utilisation de matériel documentaire est importante, ainsi que la réalisation d’expositions didactiques créées également avec l’aide des travaux des enfants des classes supérieures. Mais la rencontre avec des animateurs culturels et environnementaux, des guides touristiques et naturalistes ou avec des personnes comme des agriculteurs, des éleveurs, des constructeurs, qui travaillent dans le domaine du paysage, est particulièrement utile et intéressante pour les observations que ces derniers peuvent faire. Ce sont des occasions qui peuvent susciter un intérêt plus étendu pour le paysage, mais elles ne sont pas toujours facilement réalisables dans le cadre des projets éducatifs et formatifs proposés par l’école. Il ne faut pas sous-évaluer, en outre, le récit que l’enfant peut faire à sa famille au sujet de ce qu’il a fait et appris à l’école, en montrant également le travail réalisé avec les fiches, les dessins et autres méthodes que l’enseignant aura adoptées.
2.7. La contribution des différentes matières
Dans l’observation indirecte, l’apport des différentes matières faisant partie de l’enseignement (éléments de géographie, sciences naturelles, art, histoire, dessin) a un rôle très important. À l’école primaire, on peut commencer à faire observer et reconnaître les aspects morphologiques de l’environnement naturel qui identifient les montagnes, les collines, les pentes des versants, la forme des vallées, l’articulation des côtes marines et lacustres ; à analyser le lien qui existe entre les différentes formes physiques de l’environnement naturel, l’emplacement, la forme, l’extension des zones construites : villages, maisons de campagne, routes et champs cultivés. Il est important d’insister sur ces faits dès l’école primaire, par rapport au paysage observé, et de commencer à percevoir les rapports entre les formes physiques de l’environnement et l’utilisation du sol : les transformations effectuées par l’homme à proximité d’un fleuve pour protéger les rives et les rendre utilisables, les terrassements construits le long des pentes des collines pour les rendre cultivables ; et de reconnaître les altérations des grands espaces ruraux pour en faire des installations commerciales ou industrielles.
2.8. Propositions de parcours formatifs à suivre et de capacités à acquérir dans les cinq classes de l’école primaire
Il serait souhaitable de faire acquérir in itinere, de manière adéquate et au bon moment, les notions nécessaires pour s’orienter et pour comprendre le paysage vécu par la communauté à laquelle appartiennent les élèves.
1re année
Connaître, explorer, découvrir, à travers l’observation directe, les lieux/paysages de sa propre réalité territoriale ainsi que celle d’autres enfants, et comparer les différentes situations : analogies et différences. Maîtriser l’organisation des espaces, la distribution des éléments naturels, des objets et des personnes dans un territoire connu.
2e année
Capacité à s’orienter et à se placer dans un paysage vécu. Savoir reconnaître les modifications les plus évidentes apportées par l’homme dans les lieux/paysages de sa propre réalité territoriale. Décrire verbalement, représenter graphiquement à travers des dessins, des croquis (voir questionnaire se rapportant au laboratoire).
3e année
Savoir reconnaître les rapports entre environnement, ressources et qualité de vie et activités menées par l’homme dans l’espace vécu, puis les appréhender progressivement dans d’autres paysages du territoire municipal. Savoir localiser sur un plan simple son propre paysage et le territoire municipal où ce dernier se trouve.
4e et 5e années
Analyser un paysage ; savoir reconnaître et identifier sur un plan les modifications récentes apportées par l’homme à certains paysages du propre quartier. Formuler des propositions de réorganisation des paysages connus et vécus ; décrire et/ou représenter les propositions formulées.
2.9. Propositions de laboratoires
1. Décrire l’itinéraire que les enfants empruntent pour aller à l’école en répondant à une série de questions :
-
Ton école est-elle loin ? Y vas-tu à pied ? Combien de temps mets-tu pour y aller ?
-
Y a-t-il des maisons le long de la route ? Est-ce qu’elles sont hautes, combien d’étages ont-elles ?
-
S’agit-il de magasins ou d’habitations ? Quels types d’activités s’y déroulent ?
-
Est-ce qu’il y a des arbres le long de la route, combien ? Sont-ils grands ?
-
Est-ce qu’il y a des jardins ?
-
Qu’y a-t-il de l’autre côté de la route ? Des maisons ou la campagne ?
2. Confronter la description avec celle faite par d’autres élèves de la classe.
3. Dessiner ce que les enfants voient par la fenêtre de leur maison.
Indications :
-
Sers-toi du crayon de papier et des crayons de couleur, dessine comme tu veux ;
-
Va à la fenêtre de chez toi avec un cahier à dessin et dessine ce que tu vois : la route, un jardin, une place, des arbres, un pré, les voitures qui passent… ;
-
Dessine ce que tu vois en parcourant la route que tu empruntes pour aller à l’école ;
-
Dessine le jardin où tu vas jouer ;
-
Compare les dessins avec ceux des autres élèves.
4. Préparer une petite exposition des dessins faits pendant l’année.
3. PARCOURS DIDACTIQUES D’ÉDUCATION AU PAYSAGE POUR L’ÉCOLE SECONDAIRE
L’école secondaire, par son organisation didactique, est prédisposée à l’éducation au paysage dans les dernières classes du cycle scolaire obligatoire, prenant comme référence les connaissances de base déjà acquises à l’école primaire et ayant pour objectif d’assurer aux élèves une formation complète à la valeur des paysages, à leur rôle et à leur transformation, dans le cadre d’un développement cohérent avec les objectifs contenus dans la Convention européenne du paysage. Selon les « Mesures particulières » de la Convention, chaque Partie doit s’engager, en effet, à promouvoir « des enseignements scolaires et universitaires abordant, dans les disciplines intéressées, les valeurs attachées au paysage et les questions relatives à sa protection, à sa gestion et à son aménagement ». En ce qui concerne le concept de paysage, le parcours suivi visera à en approfondir la connaissance complète en introduisant des parcours et des modalités de compréhension et de recherches, toujours plus articulées et spécifiques : aussi bien en ce qui concerne la connaissance visuelle-sensorielle (et le processus perceptif qui en découle) que la compréhension analytique, scientifique du paysage qui permet de connaître sa structure et ses éléments naturels et anthropiques ainsi que leurs liens réciproques, et en introduisant également les premiers approfondissements opérationnels. La plus grande maturité des élèves du secondaire (âgés de 10 à 16 ans) permet de développer des méthodes pédagogiques qui peuvent contribuer à une compréhension plus complète du paysage – comme une partie du territoire dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations – à travers des approches diversifiées, capables de donner des réponses plus adaptées aux différents problèmes posés par la variété des situations géographiques, culturelles, historiques, économiques des territoires européens. Il conviendra donc de faire connaître aux élèves la façon dont le paysage a été perçu,représenté, analysé et considéré par le passé, lors des phases historiques les plus importantes et significatives, jusqu’à la notion actuelle de paysage introduite par la Convention ; il sera nécessaire surtout de faire prendre conscience que le problème du paysage relève de notre environnement quotidien, qu’il fait partie de notre développement humain et que la participation à la recherche de meilleurs moyens de le gérer et de contribuer à son aménagement doit être considérée comme un droit et un devoir de l’homme, ainsi qu’une responsabilité sociale. Il faudra donc montrer aux élèves comment et pourquoi la Convention en est arrivée à la notion actuelle du paysage : aux considérations qui ont été illustrées dans l’introduction de notre rapport. L’organisation didactique du secondaire devra favoriser les intégrations entre les différents secteurs disciplinaires qui, avec un matériel pédagogique adapté, peuvent contribuer à analyser et à approfondir les caractères de l’environnement et la structure des territoires : le dynamisme et l’évolution des éléments naturels, la formation des villes, l’histoire des paysages et la connaissance de leurs caractéristiques, de leurs ressources et de leur identité. L’enseignement dans le secondaire doit contribuer à faire apprécier aux élèves la valeur du paysage sur le plan culturel, écologique, environnemental, économique et social (voir schéma en annexe 2) pour qu’ils aient conscience des problèmes de leur cadre de vie. Il conviendra également d’analyser quand et comment le paysage, en raison de ses différences, de ses particularités, de ses identités et de ses valeurs, a commencé à avoir une influence – subtile mais profonde – sur la manière dont il est perçu par la société ; comment et dans quelle mesure il a joué un rôle en ce qui concerne les interventions réalisées au cours des siècles et dans les différentes sociétés et réalités géographiques.
Un objectif important est de considérer les élèves de l’enseignement obligatoire comme les futurs citoyens d’une communauté qui doivent apprendre à mieux connaître leur cadre de vie afin de participer, comme acteurs conscients, à sa préservation, à son aménagement et à son développement durable ; une communauté qui doit être sensibilisée, informée et formée de manière adéquate sur les principaux problèmes – naturels et culturels – du paysage pour participer avec compétence à une mise en valeur et/ou à une requalification du paysage habité et vécu.
3.1. La démarche pour la connaissance du paysage
Au cours des dernières années de l’école secondaire, il faut approfondir de manière articulée et complète le concept de paysage, que l’on confond souvent avec celui de vue, d’image, d’espace. Le paysage est la portion de l’espace terrestre que l’on peut voir de plusieurs points d’observation ou, comme disait le grand géographe Paul Vidal de La Blache, « ce que l’oeil embrasse du regard » ; mais dans cette réflexion, on ne peut comprendre la différence entre la vision du paysage et l’analyse des relations de l’homme et de la collectivité avec la portion d’espace et tous les éléments qui sont vus : la connaissance visuelle est seulement une partie, un aspect, certes important, de la connaissance du paysage. Dans l’enseignement du paysage, il y a lieu de définir clairement et de considérer avec attention la différence entre voir et observer le paysage – considéré comme image du territoire, vue d’ensemble, panorama –, ce qui apporte une contribution enrichissante et utile à une connaissance visuelle, mais ne permet pas une compréhension fondée sur une analyse du paysage comme entité physique, réelle, complexe, organisée en systèmes naturels et artificiels, et soumise à des événements spontanés et à des actions humaines, influencés par les cultures, les signes et les traces de la stratification historique. C’est le paysage « dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations », selon la définition de la Convention. Le paysage est une réalité diversifiée qui évolue au cours du temps, un ensemble d’organismes et de systèmes vivants liés entre eux par des relations de différentes natures, qui composent le monde dans lequel nous vivons ; c’est un ensemble de phénomènes et de fonctions qui interagissent entre eux ; c’est le résultat des innombrables actions accomplies dans des temps lointains et récents par l’humanité pour adapter les différents lieux à ses exigences. Et c’est, en même temps, le résultat de l’évolution spontanée de la nature. C’est dans la continuité du paysage que se sont stratifiées les interventions liées aux constructions, aux productions agricoles, aux utilisations forestières, aux transformations induites par l’évolution sociale et économique des communautés. Il s’agit d’interventions que l’on peut souvent reconnaître dans les traces laissées par les vestiges archéologiques, les habitats urbains, les architectures historiques, les trames agricoles, les cultures en terrasses et les anciens parcours. L’analyse de la structure et des différentes composantes du paysage permet de comprendre les nombreuses configurations adoptées, dans différents lieux et au cours des siècles. Elle contribue à identifier les processus qui ont généré ses principales transformations ; à connaître les situations naturelles qui ont rendu possibles les multiples actions et transformations accomplies par l’homme sur le paysage : itinéraires, habitats concentrés ou éparpillés, agriculture, pâturages, reforestation, industries, etc.
La première lecture du paysage doit se référer à la forme naturelle et à la structure inerte qui caractérisent le territoire, en ayant recours au support que constituent la géologie, la géomorphologie, la pédologie et l’hydrologie, pour comprendre le modelé des versants : des versants plats et en pente douce ou forte, aux vallées érodées et creusées par les sillons des torrents et des fleuves, ou encore aux différentes articulations côtières. À travers l’analyse des sols, on peut connaître leur fertilité, leur perméabilité, leur potentialité quant à leurs multiples utilisations et identifier le revêtement végétal originel (arbres, arbustes, herbes), encore parfois identifiable sur certaines portions du territoire. La lecture des aménagements naturels doit s’intégrer à celle de la colonisation anthropique du territoire pour comprendre le rapport existant entre le paysage et la collectivité qui y a habité ou qui y vit : la succession et la multiplication d’actions, de transformation et de comportements différents générés dans le temps, par les caractéristiques et les particularités des lieux, qui ont, à leur tour, engendré les paysages actuels.
3.2. Les matières contribuant à la connaissance du paysage
L’étude du paysage dans le secondaire implique l’enseignement de nombreuses matières qui concourent, de différentes manières et en utilisant des langages spécifiques, à la connaissance d’aspects particuliers de la réalité du paysage. Il est possible d’établir des modalités de coopération pluridisciplinaire entre les différents enseignements qui aident l’élève à prendre conscience des valeurs, des caractéristiques et des identités des paysages ; à comprendre les problèmes qui peuvent avoir un effet direct ou indirect sur le paysage et qui concernent la protection, la gestion, l’aménagement et le développement durable. En l’absence d’un enseignement spécifique consacré à la connaissance du paysage, l’action didactique qui se développe à travers l’interaction entre différentes disciplines devient particulièrement importante, justement sur la base des sollicitations culturelles contenues dans les « Mesures particulières » de la Convention européenne du paysage.
La géographie est un parcours théorique et méthodologique qui donne aux élèves les éléments de base pour reconnaître les différences géographiques qui caractérisent les territoires et les milieux ; qui peut expliquer la physionomie physique actuelle de la Terre comme résultat de l’action qui s’est développée au cours des siècles ; qui peut fournir des informations sur les différentes situations et niveaux de développement produits par l’interaction entre les actions humaines et l’environnement. La représentation cartographique, partie intégrante de la géographie, visualise, à différentes échelles, les informations fondamentales pour comprendre les territoires, leur morphologie, l’origine des rapports spatiaux et des modifications apportées par l’homme.
L’histoire introduit les élèves à la connaissance des cultures qui caractérisent les territoires et des identités définissant les différents paysages ; elle permet de comprendre les témoignages historiques présents sur le territoire, les conditions environnementales et culturelles qui les ont générés et qui à leur tour en découlent ; elle peut aider aussi à acquérir, sur la base des principales évolutions identifiées, les premières capacités de prévision pour des développements futurs.
Les sciences naturelles (un champ très vaste d’enseignement) guident les élèves vers une connaissance des phénomènes et des éléments qui permettent d’interpréter le milieu naturel comme une réalité complexe, résultant d’interactions multiples entre composants abiotiques et biotiques. Elles les étudient aussi bien à travers les situations naturelles que par rapport aux modifications induites par les interventions anthropiques. Dans le secondaire, il serait souhaitable de commencer à informer les élèves sur les effets du changement climatique et sur les notions de biodiversité. Il serait aussi très utile de les faire participer à de simples activités pratiques, comme la création d’un album de dessins et de photographies afin d’étudier les caractéristiques et la morphologie des plantes ainsi que les différents habitats de la végétation.
L’éducation artistique peut concourir à étudier les différentes manières dont les peintres ont interprété et représenté les paysages au cours des siècles, selon les cultures et dans les différentes régions du monde. Elle peut donc permettre d’acquérir la capacité de lire les oeuvres d’art et de mieux percevoir et apprécier le paysage dans ses aspects esthétiques et en tant que bien culturel. Le dessin donne aux élèves la maîtrise pour transférer sur le papier la portion de paysage qu’ils peuvent voir d’un certain point d’observation ; il leur permet aussi d’analyser et de représenter les éléments structurels, les lignes et les caractéristiques principales des objets des paysages observés et analysés. C’est à travers le dessin que les élèves peuvent commencer à tracer et à communiquer les premières idées et réflexions sur des « interventions » possibles sur le paysage.
3.3. Matériaux, techniques et documents utiles pour l’enseignement du paysage
Il est particulièrement utile de mettre à la disposition des élèves de l’école secondaire des systèmes actualisés pour la connaissance, la compréhension et l’analyse du paysage, tels que des diapositives de paysages, des documentaires photographiques, des cartes thématiques, des orthophotocartes ; d’offrir aussi la possibilité d’utiliser les nouvelles technologies, de consulter, par exemple, les sites web disponibles dans de nombreux États, contenant des informations et des images de la région et de la commune où l’école est située. Il est nécessaire d’enseigner à lire et à utiliser la documentation graphique et iconographique contenant les informations destinées à l’étude du paysage par rapport au territoire de référence ; de s’approprier des instruments indispensables pour consolider les compétences cognitives de base et d’acquérir de nouvelles connaissances du paysage et du rapport entre l’homme et la nature pour commencer à réaliser, à travers l’intégration des analyses, les synthèses cognitives qu’exigent les propositions opérationnelles sur le paysage. Il peut être très utile de promouvoir la visite et l’analyse de nouveaux paysages, différents de ceux qui sont familiers, et d’organiser des rencontres avec des associations et des opérateurs du paysage dans la zone considérée : concepteurs, techniciens municipaux, agriculteurs, agronomes, forestiers.
3.4. Instruments didactiques cartographiques
Dans le secondaire, il est très important d’utiliser des représentations cartographiques et de consulter des photographies aériennes, car les données et informations qu’elles contiennent aident à comprendre les particularités morphologiques, les caractéristiques environnementales et les transformations anthropiques des territoires analysés. Les cartes géographiques sont un instrument didactique qui communique efficacement, à travers des représentations et des symboles conventionnels, les connaissances spatiales nécessaires pour localiser les reliefs, les plaines, les cours d’eau, l’articulation côtière, les îles, et pour identifier les villes, les routes, les autoroutes, les ports, etc. La grande richesse de la production cartographique – physique, topographique, politique et thématique des territoires nationaux, régionaux ou municipaux – peut satisfaire les multiples exigences en matière d’informations fondamentales sur le territoire et sur ses particularités ; il est donc nécessaire d’en promouvoir l’utilisation en fonction des exigences de connaissance.
La carte (ou plan), comme on l’appelle communément, constitue un instrument fondamental pour connaître la réalité dans laquelle nous vivons, de manière plus ou moins détaillée, en fonction de l’échelle utilisée :
-
une carte dont l’échelle est comprise entre 1/1 000 et 1/5 000 représente des territoires de manière assez détaillée et peut aider à mieux connaître les alentours d’un village, de son tissu paysager et de son système agricole, les détails d’une ville, d’un quartier, et la croissance des faubourgs ;
-
une cartographie dont l’échelle graphique est comprise entre 1/5 000 et 1/25 000 représente des territoires plus étendus et avec moins de détails que la précédente, mais avec plus de références sur la morphologie des lieux et sur la distance réelle entre les éléments et les objets des lieux représentés.
Le matériel cartographique existant, facilement accessible dans les services publics, dans les bibliothèques et les librairies, peut aider les élèves à acquérir de nombreuses informations sur leur propre territoire et à localiser le paysage analysé :
-
à identifier, selon les différentes échelles, les caractéristiques et la variété de la morphologie, la distribution des éléments anthropiques et leurs liens par rapport aux formes naturelles de l’environnement ;
-
à connaître les cartes thématiques qui contiennent des informations importantes et détaillées sur les différents aspects du paysage : morphologie, végétation, cultures agricoles, urbanisation…
Les photographies (souvent plus difficiles à trouver) ou autres outils d’observation aérienne donnent une vision d’ensemble claire de la conformation du territoire, des caractères de l’environnement naturel et des rapports entre la nature et les activités anthropiques. Pour analyser un paysage, il est nécessaire de pouvoir le localiser sur la « carte » et de trouver les références avec le lieu (dans une vallée, sur une colline, le long d’un cours d’eau, à la confluence de deux fleuves…) ; de comprendre sa morphologie, le parcours du fleuve, l’orientation de la vallée, les pentes collinaires, les cultures agricoles, le réseau des voies de communication, les activités qui caractérisent le territoire communal ; c’est-à-dire de connaître les informations contenues dans une carte physique et politique à l’échelle adaptée à la dimension du territoire et à la portion de paysage à analyser. Les élèves de la dernière année de l’école secondaire commenceront à être formés à l’utilisation des représentations cartographiques non seulement pour approfondir l’analyse du paysage mais aussi dans les toutes premières considérations relatives aux projets, à la planification, à la conception et à la gestion du paysage, qui constitueront une importante activité du 2e cycle de l’école secondaire.
3.5. Méthodes d’observation et de connaissance visuelle du paysage
L’action de « voir », un acte cognitif par excellence, ne concerne pas seulement le fait de recevoir, par l’intermédiaire de la vue, des images provenant d’objets. Il s’agit d’un « processus cognitif » qui consiste à élaborer les images et les formes perçues par l’« observateur » à travers différents sens mais aussi certains processus mentaux comme l’évaluation esthétique, la mémoire, la curiosité, la culture personnelle, ainsi que l’intérêt pour des conditions historiques, architecturales, naturalistes particulières et des sensations suscitées par le fait de se trouver dans un lieu donné. Dans le cas de la lecture visuelle du paysage, il y a lieu de considérer toutefois que, depuis la position où est situé l’observateur, l’oeil humain perçoit seulement une partie du paysage : pour obtenir les informations utiles, il convient de choisir avec attention sur une carte à l’échelle adéquate la position qui permet de voir un certain nombre de choses. Des obstacles de différents types, naturels ou anthropiques, situés entre l’observateur et la partie du paysage observée, peuvent générer des espaces masqués qui empêchent la vision complète du bassin de vue intéressé par l’observation. Un point d’observation localisé sur une position élevée peut permettre de voir des parties plus amples du paysage étudié ; d’observer l’orientation des reliefs, la dimension et la forme des plaines et des étendues d’eau ; de comprendre le lien existant entre les éléments naturels et anthropiques et les caractéristiques principales des paysages.
Au premier plan, compris entre cinquante et quelques centaines de mètres, il est possible d’identifier clairement le panorama, les éléments du bassin visuel dans leur forme, trame et couleur ; de distinguer les différentes cultures, la forme des arbres et des bâtiments (et aussi des portes, fenêtres, couleurs et matériaux de construction).
Dans la zone définie comme second plan, comprise entre quelques centaines de mètres et quelques kilomètres, la capacité visuelle diminue. Il est possible de distinguer clairement les lignes de crête des reliefs, mais les éléments du paysage, de la végétation, des cultures, du bâti s’estompent petit à petit : il est possible encore de voir la forme des agglomérations urbaines, les limites de la forêt et des espaces agricoles, les éléments de grande dimension, les objets isolés, comme un grand arbre sur une crête.
À l’arrière-plan, à quelques kilomètres de l’observateur, et uniquement par temps clair, le champ de la vision s’élargit, la forme des reliefs, des vallées et des grands systèmes morphologiques se précise, mais la visibilité des éléments qui composent le paysage diminue, jusqu’à s’annuler.
Le choix du point de vue doit être fait précédemment sur la carte, par rapport à la profondeur et à la largeur du bassin visuel, c’est-à-dire là où il est possible de localiser la forme des objets, des détails, des matériaux, des couleurs et où la compréhension des éléments et de leur rapport au contexte est plus claire et évidente. Ces analyses visuelles sont fondamentales pour connaître les caractéristiques du paysage dans le bassin visuel considéré et commencer à évaluer l’impact visuel que les nouvelles interventions peuvent provoquer sur le paysage : elles visent à contribuer au choix concernant les interventions de transformation, de valorisation, de récupération ou de requalification du paysage.
3.6. Lecture et analyse du paysage
La compréhension du paysage obtenue par l’analyse scientifique de sa réalité objective doit prévoir une séquence logique d’approches cognitives adaptées à chaque situation paysagère et territoriale spécifique (paysage rural, montagneux, collinaire, côtier, périurbain…).
Elle se développe à travers :
-
les analyses naturelles (sciences de l’environnement), concernant la morphologie, les caractéristiques géologiques, pédologiques, hydrologiques, végétales et leurs interrelations ; elles peuvent décrire la structure relationnelle de base du paysage et ses dynamismes ;
-
les analyses anthropiques (sciences de l’homme), montrant comment le paysage modifié par l’homme en se développant sur le territoire interagit sans cesse avec les caractéristiques naturelles du paysage. Ce sont des analyses qui prennent en considération les interactions entre l’action humaine et l’environnement naturel ainsi que les mutations provoquées, de manière directe ou indirecte, par les actions anthropiques sur le système naturel ;
-
les analyses historiques (histoire naturelle et humaine), aidant à comprendre les témoignages historiques présents sur le territoire, en les reliant aux conditions environnementales, sociales et culturelles qui les ont générés et qui à leur tour en dérivent ; elles peuvent contribuer à acquérir les capacités nécessaires à faire des prévisions sur les aménagements futurs ;
-
l’analyse écologique (qui complète les précédentes), étudiant la structure du paysage et les fonctions des systèmes paysagers de l’habitat naturel et humain. Elle considère le paysage comme un système environnemental complexe et a pour but d’identifier les limites, de compatibilité ou d’incompatibilité, que la nature impose aux actions et aux transformations de l’homme ; elle fournit des diagnostics utiles sur les « conditions de santé » du paysage en analysant les interactions qui se produisent entre les facteurs physiques et les êtres vivants, y compris l’homme.
Les analyses, outre le but de devoir aboutir à la description et à la connaissance du paysage, doivent aussi avoir comme objectif de guider et de soutenir les choix des interventions de transformation, de valorisation, de requalification du paysage et d’identification de méthodes de protection et de conservation de ses équilibres pour un développement durable.
Il y a lieu de considérer comme très utile et complémentaire à la connaissance du paysage :
-
l’analyse visuelle-perceptive, strictement visuelle et sémiologique, qui recherche les premiers rapports cognitifs entre l’homme et la nature, et identifie les éléments du paysage qui entrent en relation perceptive avec l’homme et la collectivité ; elle engendre un jugement esthétique qui, pendant longtemps, a eu un rôle prépondérant dans la culture paysagère ;
-
l’analyse des valeurs de parties bien précises du paysage, qui peut être effectuée selon différents critères et paramètres sur la base de l’importance qu’elle a par rapport à divers intérêts scientifiques et secteurs d’étude : la valeur historique-culturelle, la valeur naturaliste-écologique, la valeur économique, l’identité du paysage, la qualité de la vie.
Certains critères d’évaluation, de caractère général, peuvent s’appliquer aux systèmes naturel et anthropique, par exemple : la rareté, la représentativité, l’intégrité, la variété.
Il s’agit de valeurs qui peuvent être distinguées de la façon suivante :
-
élevées si elles se réfèrent par exemple à des paysages dont les ressources naturelles et culturelles sont intactes ;
-
considérables si elles se réfèrent à des paysages de qualité mais dont certaines parties ou éléments ne sont plus intacts ;
-
significatives si elles se réfèrent à des paysages qui ont conservé partiellement leurs ressources naturelles et/ou culturelles.
La première étape de l’enquête devrait concerner, dans les grandes lignes, aussi bien la structure physique – abiotique et biotique – que la structure anthropique, en décomposant le paysage selon les principaux « systèmes » qui le constituent : les grandes structures morphologiques, hydrologiques, les systèmes des éléments vivants, les systèmes anthropiques, le tissu historique et culturel imprimé dans le paysage par les civilisations humaines. Il sera possible de parvenir progressivement à une phase analytique du paysage complexe en approfondissant, avec l’aide de la géographie, des sciences naturelles, de l’histoire et de l’écologie, les connaissances de l’environnement naturel et anthropique.
CONCLUSION
Principes d’ordre général dans le processus d’enseignement et d’apprentissage scolaire
L’acquisition des savoirs est l’un des objectifs de l’enseignement scolaire. Elle doit veiller aux processus et au rythme d’apprentissage des élèves en promouvant des parcours de connaissance conformes aux âges et aux différentes phases et étapes du développement mental de l’élève. Elle doit comprendre la valeur de la continuité didactique globale qui se prolongera tout au long de l’expérience scolaire, en évitant de superposer inutilement des notions déjà acquises et en en oubliant d’autres. Enfin, elle doit réussir à trouver, tout au long des différents cycles scolaires, les justes rapports entre les disciplines enseignées au cours de l’année et offrir à tous les élèves, dans les différentes institutions scolaires, la possibilité d’atteindre une maturité et une préparation adéquates. De ce point de vue, le thème du paysage présente dans la formation des élèves de multiples intérêts et constitue un vecteur important pour la connaissance du paysage qui les entoure, afin que ce dernier soit considéré comme un sujet familier. Il permet de leur enseigner à regarder d’un oeil neuf ce qui est bien connu mais qu’ils ont l’habitude de « voir » sans « observer », ou de « sentir » sans « ressentir », de fréquenter sans comprendre qu’il s’agit d’un patrimoine naturel et culturel, commun à tous et qui est, consciemment ou inconsciemment, une source de bien-être pour la communauté. C’est surtout l’occasion pour faire découvrir aux élèves le rôle de chacun à l’intérieur du paysage en tant qu’habitant de ce lieu : comme gardien de son identité et de sa culture et comme protagoniste conscient de son développement futur.
Références
En savoir plus
BIBLIOGRAPHIE
-
Assunto R. (1994), Il paesaggio e l’estetica, Novecento Editrice, Palerme.
-
Calcagno Maniglio A. (2002), Alta Lunigiana : percorsi, insediamenti, segni storici del paesaggio, Pacini Fazi, Pise.
-
Calcagno Maniglio A. (2009), Paesaggio costiere, sviluppo turistico sostenible, Gangemi Ed.
-
Fabbri P. (1984), Introduzione al paesaggio come categoria quantificabile, Celid, Turin.
-
Gazzola A. (2007), “The idea of space in children”, in Falcidieno M. L. (dir.), The role of drawing in communication, Alinea editrice, p.109.
-
Gazzola A. (2011), Uno sguardo diverso. La percezione sociale dello spazio naturale e costruito, Franco Angeli, Milan.
-
Jellicoe G. et Jellicoe S. (1975), The landscape of man: shaping the environment from prehistory to the present day, Thames and Hudson, Londres.
-
Lynch K. (1964), L’immagine della città, Marsilio, Padoue.
-
McHarg I. (1995), Design with nature, Wiley, West Sussex.
-
Sereni E. (1961), Storia del paesaggio agrario italiano (18e édition), Laterza, Bari.
-
Soppa S. (2010), Gli spazi public: Luoghi di conflitto e risorsa delli citta multietnica, Ph D thesis, Faculty of Architecture, University of Genoa.
-
Turri E. (1998), Il paesaggio come teatro. Dal territorio vissuto al territorio rappresentato, Marsilio Editori, Venise.
-
Vecchis G. (De) et Staluppi G. (1997), Fondamenti di didattica: Didattica della geografia, UTET, Turin.