Convention européenne du paysage
Florence 2000
Conseil de l’Europe, octobre 2000
L’une des caractéristiques intrinsèques à l’Europe est la présence d’innombrables cultures et, donc, de paysages extrêmement différenciés.
Le 20 octobre 2000 s’est tenue à Florence, en Italie, la Conférence ministérielle d’ouverture à la signature de la Convention européenne du paysage. Jusqu’à présent, aucun instrument juridique international ne traitait de manière directe, spécifique et complète des paysages, de leur sauvegarde, de leur aménagement et de leur gestion durable – en dépit de leur inestimable valeur due à la richesse des diversités culturelles et naturelles. La Convention européenne du paysage (CEP) comble cette lacune : pour la première fois une Convention européenne est vouée dans sa globalité au paysage et, en même temps, au paysage dans sa globalité.
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Adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 19 juillet 2000 et ouverte à la signature de ses Etats membres à Florence, le 20 octobre 2000
Préambule
Les Etats membres du Conseil de l’Europe, signataires de la présente Convention, Considérant que le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres, afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun, et que ce but est poursuivi en particulier par la conclusion d’accords dans les domaines économique et social ;
Soucieux de parvenir à un développement durable fondé sur un équilibre harmonieux entre les besoins sociaux, l’économie et l’environnement ; Notant que le paysage participe de manière importante à l’intérêt général, sur les plans culturel, écologique, environnemental et social, et qu’il constitue une ressource favorable à l’activité économique, dont une protection, une gestion et un aménagement appropriés peuvent contribuer à la création d’emplois ;
Conscients que le paysage concourt à l’élaboration des cultures locales et qu’il représente une composante fondamentale du patrimoine culturel et naturel de l’Europe, contribuant à l’épanouissement des êtres humains et à la consolidation de l’identité européenne ;
Reconnaissant que le paysage est partout un élément important de la qualité de vie des populations : dans les milieux urbains et dans les campagnes, dans les territoires dégradés comme dans ceux de grande qualité, dans les espaces remarquables comme dans ceux du quotidien ;
Notant que les évolutions des techniques de productions agricole, sylvicole, industrielle et minière et des pratiques en matière d’aménagement du territoire, d’urbanisme, de transport, de réseaux, de tourisme et de loisirs, et, plus généralement, les changements économiques mondiaux continuent, dans beaucoup de cas, à accélérer la transformation des paysages ;
Désirant répondre au souhait du public de jouir de paysages de qualité et de jouer un rôle actif dans leur transformation ;
Persuadés que le paysage constitue un élément essentiel du bien-être individuel et social, et que sa protection, sa gestion et son aménagement impliquent des droits et des responsabilités pour chacun ;
Ayant à l’esprit les textes juridiques existant au niveau international dans les domaines de la protection et de la gestion du patrimoine naturel et culturel, de l’aménagement du territoire, de l’autonomie locale et de la coopération transfrontalière, notamment la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (Berne, 19 septembre 1979), la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l’Europe (Grenade, 3 octobre 1985), la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) (La Valette, 16 janvier 1992), la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (Madrid, 21 mai 1980) et ses protocoles additionnels, la Charte européenne de l’autonomie locale (Strasbourg, 15 octobre 1985), la Convention sur la diversité biologique (Rio, 5 juin 1992), la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (Paris, 16 novembre 1972), et la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Aarhus, 25 juin 1998) ;
Reconnaissant que la qualité et la diversité des paysages européens constituent une ressource commune pour la protection, la gestion et l’aménagement de laquelle il convient de coopérer ;
Souhaitant instituer un instrument nouveau consacré exclusivement à la protection, à la gestion et à l’aménagement de tous les paysages européens, Sont convenus de ce qui suit :
Chapitre I – Dispositions générales
Article 1 – Définitions
Aux fins de la présente Convention :
a. «Paysage» désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ;
b. «Politique du paysage» désigne la formulation par les autorités publiques compétentes des principes généraux, des stratégies et des orientations permettant l’adoption de mesures particulières en vue de la protection, la gestion et l’aménagement du paysage ;
c. «Objectif de qualité paysagère» désigne la formulation par les autorités publiques compétentes, pour un paysage donné, des aspirations des populations en ce qui concerne les caractéristiques paysagères de leur cadre de vie ;
d. «Protection des paysages» comprend les actions de conservation et de maintien des aspects significatifs ou caractéristiques d’un paysage, justifiées par sa valeur patrimoniale émanant de sa configuration naturelle et/ou de l’intervention humaine ;
e. «Gestion des paysages» comprend les actions visant, dans une perspective de développement durable, à entretenir le paysage afin de guider et d’harmoniser les transformations induites par les évolutions sociales, économiques et environnementales ;
f. «Aménagement des paysages» comprend les actions présentant un caractère prospectif particulièrement affirmé visant la mise en valeur, la restauration ou la création de paysages.
Article 2 – Champ d’application
Sous réserve des dispositions de l’article 15, la présente Convention s’applique à tout le territoire des Parties et porte sur les espaces naturels, ruraux, urbains et périurbains. Elle inclut les espaces terrestres, les eaux intérieures et maritimes. Elle concerne, tant les paysages pouvant être considérés comme remarquables, que les paysages du quotidien et les paysages dégradés.
Article 3 – Objectifs
La présente Convention a pour objet de promouvoir la protection, la gestion et l’aménagement des paysages, et d’organiser la coopération européenne dans ce domaine.
Chapitre II – Mesures nationales
Article 4 – Répartition des compétences
Chaque Partie met en œuvre la présente Convention, en particulier ses articles 5 et 6, selon la répartition des compétences qui lui est propre, conformément à ses principes constitutionnels et à son organisation administrative, et dans le respect du principe de subsidiarité, en tenant compte de la Charte européenne de l’autonomie locale. Sans déroger aux dispositions de la présente Convention chaque Partie met en œuvre la présente Convention en accord avec ses propres politiques.
Article 5 – Mesures générales
Chaque Partie s’engage :
a. à reconnaître juridiquement le paysage en tant que composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine commun culturel et naturel, et fondement de leur identité ;
b. à définir et à mettre en œuvre des politiques du paysage visant la protection, la gestion et l’aménagement des paysages par l’adoption des mesures particulières visées à l’article 6 ;
c. à mettre en place des procédures de participation du public, des autorités locales et régionales, et des autres acteurs concernés par la conception et la réalisation des politiques du paysage mentionnées à l’alinéa b ci-dessus ;
d. à intégrer le paysage dans les politiques d’aménagement du territoire, d’urbanisme et dans les politiques culturelle, environnementale, agricole, sociale et économique, ainsi que dans les autres politiques pouvant avoir un effet direct ou indirect sur le paysage.
Article 6 – Mesures particulières
A. Sensibilisation
Chaque Partie s’engage à accroître la sensibilisation de la société civile, des organisations privées et des autorités publiques à la valeur des paysages, à leur rôle et à leur transformation.
B. Formation et éducation
Chaque Partie s’engage à promouvoir :
a. la formation de spécialistes de la connaissance et de l’intervention sur les paysages ;
b. des programmes pluridisciplinaires de formation sur la politique, la protection, la gestion et l’aménagement du paysage, destinés aux professionnels du secteur privé et public et aux associations concernés ;
c. des enseignements scolaire et universitaire abordant, dans les disciplines intéressées, les valeurs attachées au paysage et les questions relatives à sa protection, à sa gestion et à son aménagement.
C. Identification et qualification
1. En mobilisant les acteurs concernés conformément à l’article 5.c et en vue d’une meilleure connaissance de ses paysages, chaque Partie s’engage :
a. I. à identifier ses propres paysages, sur l’ensemble de son territoire ;
II. à analyser leurs caractéristiques ainsi que les dynamiques et les pressions qui les modifient ;
III. à en suivre les transformations ;
b. à qualifier les paysages identifiés en tenant compte des valeurs particulières qui leur sont attribuées par les acteurs et les populations concernés.
2. Les travaux d’identification et de qualification seront guidés par des échanges d’expériences et de méthodologies, organisés entre les Parties à l’échelle européenne en application de l’article 8.
D. Objectifs de qualité paysagère
Chaque Partie s’engage à formuler des objectifs de qualité paysagère pour les paysages identifiés et qualifiés, après consultation du public conformément à l’article 5.c.
E. Mise en œuvre
Pour mettre en œuvre les politiques du paysage, chaque Partie s’engage à mettre en place des moyens d’intervention visant la protection, la gestion et/ou l’aménagement des paysages.
Chapitre III – Coopération européenne
Article 7 – Politiques et programmes internationaux
Les Parties s’engagent à coopérer lors de la prise en compte de la dimension paysagère dans les politiques et programmes internationaux, et à recommander, le cas échéant, que les considérations concernant le paysage y soient incorporées.
Article 8 – Assistance mutuelle et échange d’informations
Les Parties s’engagent à coopérer pour renforcer l’efficacité des mesures prises conformément aux articles de la présente Convention, et en particulier :
a. à offrir une assistance technique et scientifique mutuelle par la collecte et l’échange d’expériences et de travaux de recherche en matière de paysage ;
b. à favoriser les échanges de spécialistes du paysage, notamment pour la formation et l’information ;
c. à échanger des informations sur toutes les questions visées par les dispositions de la présente Convention.
Article 9 – Paysages transfrontaliers
Les Parties s’engagent à encourager la coopération transfrontalière au niveau local et régional et, au besoin, à élaborer et mettre en œuvre des programmes communs de mise en valeur du paysage.
Article 10 – Suivi de la mise en œuvre de la Convention
1. Les Comités d’experts compétents existants, établis en vertu de l’article 17 du Statut du Conseil de l’Europe, sont chargés par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, du suivi de la mise en œuvre de la Convention.
2. Après chacune des réunions des Comités d’experts, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe transmet un rapport sur les travaux et le fonctionnement de la Convention au Comité des Ministres.
3. Les Comités d’experts proposent au Comité des Ministres les critères d’attribution et le règlement d’un Prix du paysage du Conseil de l’Europe.
Article 11 – Prix du paysage du Conseil de l’Europe
1. Peuvent se voir attribuer le Prix du paysage du Conseil de l’Europe les collectivités locales et régionales et leurs groupements qui, dans le cadre de la politique de paysage d’une Partie à la présente Convention, ont mis en œuvre une politique ou des mesures visant la protection, la gestion et/ou l’aménagement durable de leurs paysages, faisant la preuve d’une efficacité durable et pouvant ainsi servir d’exemple aux autres collectivités territoriales européennes.
La distinction pourra également être attribuée aux organisations non gouvernementales qui ont fait preuve d’une contribution particulièrement remarquable à la protection, à la gestion ou à l’aménagement du paysage.
2. Les candidatures au Prix du paysage du Conseil de l’Europe seront transmises aux Comités d’experts visés à l’article 10 par les Parties. Les collectivités locales et régionales transfrontalières et les regroupements de collectivités locales ou régionales concernés peuvent être candidats, à la condition qu’ils gèrent ensemble le paysage en question.
3. Sur proposition des Comités d’experts visés à l’article 10 le Comité des Ministres définit et publie les critères d’attribution du Prix du paysage du Conseil de l’Europe, adopte son règlement et décerne le prix.
4. L’attribution du Prix du paysage du Conseil de l’Europe doit conduire les sujets qui en sont titulaires à veiller à la protection, à la gestion et/ou à l’aménagement durables des paysages concernés.
Chapitre IV – Clauses finales
Article 12 – Relations avec d’autres instruments
Les dispositions de la présente Convention ne portent pas atteinte aux dispositions plus strictes en matière de protection, de gestion ou d’aménagement des paysages contenues dans d’autres instruments nationaux ou internationaux contraignants qui sont ou entreront en vigueur.
Article 13 – Signature, ratification, entrée en vigueur
1. La présente Convention est ouverte à la signature des Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle sera soumise à ratification, acceptation ou approbation. Les instruments de ratification, d’acceptation ou d’approbation seront déposés près le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.
2. La Convention entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle dix Etats membres du Conseil de l’Europe auront exprimé leur consentement à être liés par la Convention conformément aux dispositions du paragraphe précédent.
3. Pour tout signataire qui exprimera ultérieurement son consentement à être lié par la Convention, celle-ci entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de dépôt de l’instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation.
Article 14 – Adhésion
1. Après l’entrée en vigueur de la présente Convention, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pourra inviter la Communauté européenne et tout Etat européen non membre du Conseil de l’Europe à adhérer à la Convention, par une décision prise à la majorité prévue à l’article 20.d du Statut du Conseil de l’Europe, et à l’unanimité des Etats Parties ayant le droit de siéger au Comité des Ministres.
2. Pour tout Etat adhérent ou pour la Communauté européenne en cas d’adhésion, la présente Convention entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de dépôt de l’instrument d’adhésion près le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.
Article 15 – Application territoriale
1. Tout Etat ou la Communauté européenne peuvent, au moment de la signature ou au moment du dépôt de leur instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, désigner le ou les territoires auxquels s’appliquera la présente Convention.
2. Toute Partie peut, à tout moment par la suite, par une déclaration adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, étendre l’application de la présente Convention à tout autre territoire désigné dans la déclaration. La Convention entrera en vigueur à l’égard de ce territoire le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la déclaration par le Secrétaire Général.
3. Toute déclaration faite en vertu des deux paragraphes précédents pourra être retirée en ce qui concerne tout territoire désigné dans cette déclaration, par notification adressée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Le retrait prendra effet le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.
Article 16 – Dénonciation
1. Toute Partie peut, à tout moment, dénoncer la présente Convention en adressant une notification au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.
2. La dénonciation prendra effet le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date de réception de la notification par le Secrétaire Général.
Article 17 – Amendements
1. Toute Partie ou les Comités d’experts visés à l’article 10 peuvent proposer des amendements à la présente
Convention.
2. Toute proposition d’amendement est notifiée au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe qui la communique aux Etats membres du Conseil de l’Europe, aux autres Parties et à chaque Etat européen non membre qui a été invité à adhérer à la présente Convention conformément aux dispositions de l’article 14.
3. Toute proposition d’amendement est examinée par les Comités d’experts visés à l’article 10 qui soumettent le texte adopté à la majorité des trois quarts des représentants des Parties au Comité des Ministres pour adoption. Après son adoption par le Comité des Ministres à la majorité prévue à l’article 20.d du Statut du Conseil de l’Europe et à l’unanimité des représentants des Etats Parties ayant le droit de siéger au Comité des Ministres, le texte est transmis aux Parties pour acceptation.
4. Tout amendement entre en vigueur à l’égard des Parties qui l’ont accepté le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle trois Parties membres du Conseil de l’Europe auront informé le Secrétaire Général qu’elles l’ont accepté. Pour toute autre Partie qui l’aura accepté ultérieurement, l’amendement entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit l’expiration d’une période de trois mois après la date à laquelle ladite Partie aura informé le Secrétaire Général de son acceptation.
Article 18 – Notifications
Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe notifiera aux Etats membres du Conseil de l’Europe, à tout Etat ou la Communauté européenne ayant adhéré à la présente Convention :
a. toute signature ;
b. le dépôt de tout instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion ;
c. toute date d’entrée en vigueur de la présente Convention conformément aux articles 13, 14 et 15;
d. toute déclaration faite en vertu de l’article 15 ;
e. toute dénonciation faite en vertu de l’article 16 ;
f. toute proposition d’amendement, ainsi que tout amendement adopté conformément à l’article 17 et la date à laquelle cet amendement entre en vigueur ;
g. tout autre acte, notification, information ou communication ayant trait à la présente Convention.
En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés à cet effet, ont signé la présente Convention.
Fait à Florence, le 20 octobre 2000, en français et en anglais, les deux textes faisant également foi, en un seul exemplaire qui sera déposé dans les archives du Conseil de l’Europe.
Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en communiquera copie certifiée conforme à chacun des Etats membres du Conseil de l’Europe ainsi qu’à tout Etat ou à la Communauté européenne invités à adhérer à la présente Convention.