Mise en place d’Equipes Mobiles pour lutter contre les expulsions dans les Alpes-Maritimes

Retours sur la mise en œuvre d’un dispositif expérimental

décembre 2022

Dans le cadre d’une expérimentation nationale survenue au lendemain de la crise sanitaire, l’ADIL des Alpes-Maritimes s’est saisi du dispositif des Equipes Mobiles. Un binôme, composé d’un juriste et d’un travailleur social, offre ainsi un accompagnement sur les deux volets à des ménages menacés d’expulsion suite à un impayé locatif.

Contexte

Contexte territorial

Le département des Alpes-Maritimes, situé en région PACA, se caractérise par un littoral urbanisé et densément peuplé qui s’oppose à un arrière-pays montagneux, plus rural et faiblement peuplé, qui concentre une certaine précarité. Le territoire maralpin connaît une croissance démographique positive entre 2014 et 2020 (0,2%) moins importante que celle de la région (0,4%) et principalement due au solde migratoire1. Au sein du département, ce sont le littoral et l’Est qui concentrent la croissance la plus importante, alors que le nord enregistre des taux de croissance négatifs.

Les Alpes-Maritimes se distinguent par un vieillissement de la population, avec une part des plus de 60 ans qui est passée de 19,2% en 2014 (INSEE RP 2014) à 20,2% en 2020 1. L’indice de jeunesse de 0,92 a quant à lui diminué sur la même période (-0,5points) et s’inscrit bien en deçà de l’indice moyen français de 1,29. Parallèlement, la taille des ménages a baissé (2,17 en moyenne en 1999 et 2,07 en 2019) et les petits ménages représentent la majeure partie de la population en 2019 (40% de personnes seules et 25% de couples sans enfants), d’autant plus dans les centres cannais et niçois.

Le revenu médian des maralpins s’élève à 22 300 euros en 2019 et dépassé la médiane française qui est de 21 930€ 2. Le taux de pauvreté est cependant plus élevé dans le département (15,8% contre 14,5% à l’échelle nationale), particulièrement dans l’agglomération niçoise et le nord du territoire ; tout comme le taux de chômage qui s’élève à 13,2% (contre 12,5% en France métropolitaine)2.

Le parc de logement des Alpes-Maritimes se caractérise par l’importance des résidences secondaires, leur part s’élevant à plus de 25% (contre 9% à l’échelle nationale). Parmi les résidences principales, les propriétaires occupent 55%, les locataires du parc privé représentent 32% et la part des locataires du parc social n’est que de 9,5% 1. La part des logements sociaux est relativement faible et principalement concentrée dans le canton niçois 3.

Contexte de la prévention des expulsions

L’engagement de l’ADIL des Alpes Maritimes en faveur de la prévention des expulsions

Depuis 1999, l’ADIL des Alpes Maritimes (06) est engagée sur plusieurs missions en lien avec la prévention des expulsions :

Contexte et déploiement du dispositif des Equipes Mobiles dans les Alpes Maritimes

La crise sanitaire survenue dès 2020 a laissé craindre une hausse massive des expulsions locatives liées aux impayés de loyer, suite au prolongement de la trêve hivernale et la précarisation d’une partie de la population. Afin de répondre à cette problématique, l’Etat a lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) à destination de partenaires territoriaux pour la création d’Equipes Mobiles, s’inscrivant dans une logique d’ « aller-vers ». Cette mission s’appuie sur des binômes constitués de juristes et de travailleurs sociaux qui s’adressent à des ménages en difficulté menacés d’expulsion, non-accompagnés et pas – ou peu – connus des services sociaux.

Compte tenu de 30 ans d’expérience dans la prévention des expulsions, l’ADIL des Alpes Maritimes est devenue un acteur incontournable du champ à l’échelle du département. Sa compétence juridique et son expertise lui ont permis d’acquérir une véritable reconnaissance, notamment grâce à deux juristes en poste depuis le début des actions en matière de PEX, face à des acteurs des services de l’Etat ou des associations qui se renouvellent régulièrement. L’ADIL 06 a ainsi fait part de sa volonté de prendre en charge les Equipes Mobiles à l’échelle du territoire, d’autant plus qu’il s’agit d’une mission proche de l’action « Référent parcours » déjà menée auparavant.

Au sein du département des Alpes Maritimes, deux types d’Equipes Mobiles, portées par deux structures différentes, ont été déployées :

Les deux entités sont séparées et n’ont pas de liens entre elles, elles rendent indépendamment compte de leurs missions.

Contenu de la mission

Cadre et démarrage de la mission

Le dispositif expérimental d’Equipe Mobile a débuté en juillet 2021. Prévu initialement pour une durée de 2 ans, il a récemment été reconduit pour 1 an supplémentaire.

Dans le cadre de la mission, l’ADIL des Alpes-Maritimes a embauché un travailleur social et cherche actuellement à en recruter un deuxième. Ils mobilisent un chargé de mission juriste, occupant un poste à mi-temps pour compléter l’équipe.

Partenaires mobilisés dans le cadre de la mission

L’ADIL a des contacts réguliers avec ses partenaires dans le cadre de la prévention des expulsions. Elle possède des référents au sein de ces organismes.

Public cible

L’ADIL intervient auprès des ménages menacés d’une procédure d’expulsion :

• Ayant un impayé locatif ou ayant reçu un commandement de payer ou une assignation,

• Locataires du parc privé,

• Allocataires de la CAF,

• Qui n’ont pas engagé de plan d’apurement de leur dette,

• Non bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA) ou de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH).

L’orientation et le repérage des ménages menacés d’expulsion

L’impayé est identifié par la CAF à tous les stades de la procédure. Elle transfère alors à la DDETS un fichier répertoriant les locataires en situation d’impayés. Les services de l’Etat reçoivent ce fichier et font un tri à partir du logiciel EXPLOC afin de cibler uniquement le public correspondant aux critères fixés dans le cadre du dispositif des Equipes Mobiles. Les ménages qui entre dans ce champ sont répertoriés au sein d’un tableau qui comprend leurs coordonnées, le montant de leur dette locative et d’autres informations éventuelles. Ce fichier est envoyé périodiquement à l’ADIL des Alpes-Maritimes : jusqu’à lors, cet envoi avait lieu deux fois par an et comprenait une quarantaine de ménages. Toutefois, la possibilité d’avoir recours à des envois plus réguliers, moins conséquents est évaluée, afin de permettre un meilleur traitement des dossiers et plus rapide.

Le contact par l’Equipe Mobile, au stade de l’impayé jusqu’à l’assignation :

L’accompagnement par l’Equipe Mobile

Lorsque le travailleur social de l’Equipe Mobile entre en contact avec un locataire, il lui propose un accompagnement qui débute par une première rencontre.

Le premier rendez-vous peut alors voir lieu dans les locaux de l’ADIL ou au domicile de la personne selon ce qui convient le mieux. Lorsqu’un premier échange téléphonique a déjà eu lieu en amont du rendez-vous, le travailleur social peut déjà s’être rendu compte des difficultés rencontrées par le locataire et de l’autonomie de la personne, et peut parfois envisager de premières pistes d’action. Selon ses observations, il s’adapte pour proposer un accompagnement le plus adapté possible.

Lorsqu’il rencontre le ménage, le travailleur social récolte des informations et procède à une évaluation de la situation. Il rend ensuite compte de ces éléments au juriste, qui l’avertir alors des problématiques juridiques et d’éventuelles actions à mener.

Le binôme établit alors un plan d’actions et de préconisation à destination du ménage. Ces démarches peuvent être à effectuer par le ménage. Dans certains cas, le travailleur social peut accompagner le ménager dans ses démarches.

Après ces étapes, l’accompagnement se poursuit selon la situation du ménage. L’ADIL contacte régulièrement les personnes pour suivre l’avancement de leur dossier. Cet accompagnement dure jusqu’à 6 mois.

Eléments de bilan de l’action

Le public effectivement rencontré par l’ADIL

Le profil des personnes rencontrées par l’Equipe Mobile dans le cadre du dispositif correspond à des personnes qui ne sont pas allée chercher de l’aide :

L’ADIL distingue ainsi plusieurs cas de figure :

Les plus-value du dispositif :

Un binôme socio-juridique interne à l’ADIL qui facilite l’accompagnement des ménages

Le binôme composé d’un travailleur social et d’un juriste apporte une réelle plus-value dans l’action de l’ADIL des Alpes-Maritimes en matière de prévention des expulsions. En effet, avant cette collaboration, les juristes pouvaient recevoir des ménages nécessitant un accompagnement social qu’ils n’étaient pas en mesure de leur proposer compte tenu de leurs compétences. Ils essayaient alors de contacter les travailleurs sociaux du Conseil Départemental, sans toutefois réussir à la faire facilement. Désormais, la présence d’un travailleur social en interne à l’ADIL permet de répondre directement au ménage sur ces problématiques, sans avoir à attendre. Cela favorise ainsi l’adhésion des personnes et fluidifie leur suivi.

Un changement de pratiques par l’ « Aller-vers » qui s’avère relativement efficace

Le principe de l’ « aller-vers » sort du cadre des pratiques habituelles de l’ADIL, qui était jusqu’à lors à disposition de ménages faisant la démarche de les contacter. Cette nouvelle démarche s’avère plus « rentre dedans » et permet de toucher des personnes qui étaient restées sous les radars des structures d’accompagnement. Elle peut susciter une grande satisfaction à l’égard de ménages qui se sentent soutenus et qui adhèrent donc plus facilement à l’accompagnement proposé.

Des difficultés qui persistent dans le suivi des ménages :

Il arrive que des ménages ne soient pas réceptifs aux sollicitations de l’ADIL. Les personnes peuvent ainsi ne jamais répondre ; il arrive aussi régulièrement qu’elles acceptent un accompagnement dans un premier temps mais qu’elles ne poursuivent ensuite pas les démarches engagées.

Des problématiques de santé qui dépassent les compétences offertes à l’Equipe Mobile

L’ADIL peut faire face à des personnes qui souffrent d’addictions ou de problèmes psychologiques importants, sans pour autant disposer de moyens pour répondre à ces problématiques. Un accompagnement médical ou une mesure de tutelle semble ainsi parfois être nécessaire et approprié.

Le recours à la CCAPEX en l’absence de solutions adaptées

Lorsque l’Equipe Mobile a connaissance d’un dossier pour lequel elle n’est pas en mesure d’apporter des réponses adaptées compte tenu de difficultés particulières ou de complications, elle peut saisir la CCAPEX départementale.

Constats et perspectives :

Références