Mutuelle d’auto-réhabilitation
Financer et accompagner des habitants dans la réhabilitation de leur logement
François LEGRIS, 2005
Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC)
Cette fiche présente les dispositifs d’aide à l’auto-réhabilitation qui s’adressent aux ménages très modestes, dont les ressources sont insuffisantes pour faire appel à un artisan. Cette fiche rappelle également que les aides et crédits d’impôts pour la réhabilitation du bâti sont peu adaptés aux populations défavorisées et ressemblent davantage à une subvention publique indirecte au secteur du BTP.
Contexte de création
Les dispositifs d’aide à l’amélioration de l’habitat ne financent pas l’auto-réhabilitation, ce qui pénalise fortement les familles les plus modestes n’ayant pas les moyens financiers pour faire appel à un artisan. Faute d’accompagnement permettant de déclencher un projet d’auto-réhabilitation, l’habitat de ces familles se dégrade. Il fait parfois l’objet d’intervention désordonnée avec du matériel de récupération pouvant occasionner d’importants désordres de structure. L’action d’accompagnement permet de guider les familles vers les solutions les mieux adaptées à leurs capacités techniques et financières.
Objectifs du projet
Les actions de revitalisation liées à l’habitat sur les secteurs sensibles, notamment sur les courées, s’accompagnent d’une démarche de projet portant sur des initiatives individuelles et collectives d’auto-réhabilitation.
L’auto-réhabilitation s’impose en effet comme la solution permettant :
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d’accompagner des volontés d’auto-réhabilitation des logements de familles défavorisées.
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d’assurer l’implication des familles dans les travaux de finition et d’entretien des logements d’insertion.
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d’impulser une dynamique collective portant sur la requalification d’espaces extérieurs.
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d’aide au maintien des conditions de vie des familles accompagnées par l’action « Lutte contre l’insalubrité et les marchands de sommeil ».
Le public visé est constitué de familles défavorisées confrontées à des problèmes d’habitat. Ce groupe social est généralement de condition très modeste et possède une culture d’économie solidaire. Il s’agit principalement de familles habitant en courées, de familles impliquées dans un parcours résidentiel, mais aussi des familles identifiées par le réseau des partenaires impliqués auprès des familles à revenus modestes (Atelier Logement, Travailleurs sociaux…).
Déroulement du projet
La mise en œuvre de cette action s’appuie sur une démarche de projet visant à déclencher un processus de participation, elle comporte les phases suivantes :
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La connaissance des familles : la connaissance des familles permet d’appréhender leurs projets, leurs potentialités et leurs difficultés, elle permet aussi d’identifier leurs modes de fonctionnement.
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La mobilisation : son déclenchement peut être assuré conjointement avec d’autres partenaires, il s’appuie sur les dynamiques des habitants et suppose de la part des familles une rupture avec les pratiques d’assistance.
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La définition du projet : l’aide à la définition du projet repose sur l’apport de conseils techniques sur les modes de réalisation, sur les contraintes techniques, sur les règles législatives, sur l’outillage nécessaire et sur les coûts. Elle vise à proposer les solutions accessibles aux familles tant sur leurs capacités techniques que financières.
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L’appui à la réalisation : l’appui à la réalisation s’opère par la mise à disposition d’outillage, par des conseils d’utilisation et de mise en œuvre des matériaux et par le suivi des réalisations. L’aide à la mutualisation de moyens et à l’achat groupé de matériaux permet d’optimiser les réalisations. Lors d’opérations collectives de requalification l’animateur de la mutuelle d’auto-réhabilitation participe aux travaux et stimule les initiatives.
Moyens matériel et humain
Le fonctionnement de la mutuelle d’auto-réhabilitation repose sur un animateur ayant des connaissances techniques en bâtiment pour accompagner les projets, diagnostiquer et conseiller les travaux, mais aussi des qualités relationnelles et sociales. Les moyens matériels indispensables se composent d’un fonds d’outillage permettant de conduire des actions de requalification d’habitat et d’un véhicule atelier pour l’enlèvement du matériel, des matériaux et l’accompagnement des familles chez les fournisseurs. Le matériel est prêté en échange d’un bon d’enlèvement et d’une caution « morale ».
Types de réalisations accompagnées
Les chantiers accompagnés sont fort variés et peuvent durer une journée ou plusieurs jours. Ils portent sur des travaux individuels extérieurs (sablage rejointoiement, peinture, pose de menuiseries, traitement de l’humidité…), des travaux individuels d’intérieurs (isolation, carrelage, plâtrerie, peinture, tapisserie…), des actions collectives de requalification d’espaces extérieurs, des actions collectives dans le cadre de la démarche IGLOO, des actions d’aide au maintien des conditions de vie des familles accompagnées par l’action de lutte contre l’insalubrité et les marchands de sommeil.
Non-substitution à l’activité du secteur marchand
Faute de moyens financiers suffisants les familles concernées ne peuvent pas faire appel à des artisans. L’action d’accompagnement permet de guider les familles vers les solutions les mieux adaptées à leurs capacités techniques et financières et pour certains travaux, l’intervention d’un artisan est conseillée, voire imposée au regard de la législation (installation électrique, alimentation gaz).
Bilan
Cette action est définie à partir d’un besoin réel et identifié. L’utilité sociale de ce projet n’est plus à démontrer, notamment en termes d’impact pour la préservation de l’habitat et l’amélioration du cadre de vie des familles défavorisées. Elle est propice au développement du rôle d’acteur des habitants sur des projets les concernant ce qui permet d’avoir des échanges de savoir-faire entre groupes d’habitants.
Elle favorise le développement du lien social, échanges d’expériences, entre groupes d’habitants réalisant des opérations collectives telles que les fleurissements de cité, plantation, décoration, etc. (échanges autour des choix, mobilisation des personnes pour l’organisation : achat, mode opératoire, gestion du budget…). Elle permet l’émergence, la valorisation et l’utilisation de compétences et de savoir-faire jusqu’ici non reconnus.
Cette action reste tributaire des financements publics, car elle ne contribue pas à l’économie marchande monétarisée, alors qu’elle répond à des besoins évidents des populations vivant avec des ressources faibles. L’animation de ce service était assurée par un Emploi Jeune, elle est actuellement mise en péril par la suppression de ce dispositif. La pérennisation peut s’envisager par le maintien des financements publics et le rétablissement par l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat (ANAH) d’une aide à l’auto-réhabilitation.