De longs déplacements en automobile ?

Eric Charmes, octobre 2015

Le périurbain, partout dans le monde, est l’espace de la mobilité automobile. Il ne s’agit pas seulement d’une contrainte ou d’un inconvénient, contrairement à ce qui est parfois affirmé. Beaucoup de ménages ont une préférence pour les déplacements en automobile. Et il a été démontré que certains ménages choisissaient de s’installer dans le périurbain précisément pour pouvoir se déplacer facilement en voiture, ce qu’ils pourraient plus difficilement faire s’ils s’installaient en centre-ville (Bagley et Mokhtarian, 2002). Ceci étant, comme on l’a vu dans les fiches Le périurbain, espace des retraités? et Périurbain et adolescence, la dépendance automobile pose problème pour certains, notamment les adolescents et les personnes âgées. Elle a également un coût non négligeable, auxquels les accédants modestes à la propriété ont du mal à faire face (voir Les « captifs » du périurbain).

Au-delà de son coût financier, la mobilité automobile a des impacts environnementaux, avec la pollution, la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre. Les recherches récentes ont toutefois conduit les chercheurs à revoir l’évaluation de ces impacts. En effet, si les périurbains se déplacent plus la semaine, notamment pour se rendre sur leur lieu de travail, ils tendent à moins se déplacer le week-end (Nessi, 2012). Par exemple, la présence du jardin réduit l’attrait d’un déplacement vers la campagne. Plus généralement, on observe dans les centres villes une mobilité de compensation, par laquelle on va chercher le week-end le calme, la verdure et le bon air dont on ne jouit pas pendant la semaine. Par ailleurs, pour les familles, la vie sociale locale associée aux enfants est souvent plus intense dans le périurbain que dans les centres villes et les banlieues. Or cette vie sociale locale tend à limiter les déplacements le week-end, du moins les déplacements sur de longues distances. Au total, quand on inclut la mobilité sur longue distance, et notamment la mobilité de loisir, il apparaît que les périurbains ne parcourent pas nécessairement beaucoup plus de kilomètres que leurs homologues urbains. Et ce résultat reste valable si on compare des ménages ayant des revenus et une situation familiale similaire.

Nombre moyen de kilomètres parcourus par an et par personne selon la localisation du lieu de résidence en Ile-de-France et à Rome.
Enquête réalisée auprès de ménages âgés de 30 à 45 ans avec enfants
Nessi, 2013

Certes, les kilomètres parcourus par les périurbains le sont plus en voiture. Mais le déplacement solitaire en voiture n’est pas un horizon indépassable. Aux États-Unis par exemple, les statistiques sur la mobilité distinguent depuis longtemps l’autosolisme et le covoiturage. Depuis les années 1980, ce dernier mode de déplacement fait l’objet de politiques incitatives très fortes, avec notamment des voies réservées sur les autoroutes aux heures de pointe. En France, il n’existe pas encore de dispositifs comparables, mais des expériences sont à l’étude et le covoiturage connaît un grand succès dans le périurbain. Plus ou moins assisté par des institutions locales (par le biais par exemple des centrales de mobilité) des automobilistes se donnent rendez-vous sur des parkings proches d’entrée d’autoroute et passent de la voiture de l’un à celle de l’autre. Ce phénomène reste encore mal quantifié, mais il est significatif et montre que les périurbains ne sont pas condamnés à l’autosolisme (CERTU, 2013).

Les travaux plus récents font enfin le constat de l’existence de nombreux déplacements sur de courtes distances, notamment pour les achats ou les loisirs : vivre dans le périurbain n’est pas contradictoire avec la fréquentation de commerces ou d’équipements de proximité (du moins si on définit la proximité en termes d’accessibilité automobile). Ceci d’autant moins que le périurbain est parsemé de centralités, plus ou moins petites (voir Les structures internes des couronnes périurbaines). Il est rare qu’un habitant du périurbain soit éloigné de plus de quelques kilomètres des commerces, services et équipements de première nécessité. Mieux, la croissance démographique propre à la périurbanisation est souvent suivie du développement de commerces et de services à proximité des populations (Boino, 2001). Cette dynamique est d’autant plus forte que, depuis les années 2000, les grands hypermarchés perdent de leur attrait au profit du commerce de proximité. Ceci se traduit dans les statistiques récentes par une diminution assez nette des distances parcourues dans le périurbain pour les loisirs et les achats notamment (Bouleau et Mettetal, 2014).

Compte tenu de l’importance non négligeable de ses déplacements de proximité, la pratique du vélo pourrait, contre toute attente, être fortement développée. Beaucoup de déplacements réalisés dans le périurbain ne demandent pas plus d’une quinzaine de minutes à vélo. De tels parcours sont largement à la portée des collégiens et lycéens. Mais la plupart d’entre eux ne peuvent pas utiliser le vélo car il faut emprunter des départementales beaucoup trop dangereuses. Si on aménageait ces voies pour les rendre plus sûres pour les cyclistes, les choses pourraient évoluer. Plus généralement, les départementales pourraient devenir les véritables « avenues » du périurbain, selon l’expression de Yan Le Gal (2010).

Références

BAGLEY Michael et Patricia MOKHTARIAN, 2002, The impact of residential neighborhood type on travel behavior: a structural equations modeling approach, Annals of Regional Science, vol. 36, p. 279-297

BOINO Paul, 2001, Périurbanisation et renouvellement des centres secondaires dans la région lyonnaise, Géocarrefour, vol. 76, n° 4, p. 375-382.

BOULEAU Mireille et Lucile METTETAL, 2014, La mobilité dans le périurbain : désir d’ancrage et nouvelles proximités, IAU d’Ile-de-France, Note rapide, n° 646, mars

CERTU, 2013, Le covoiturage : des pistes pour favoriser son développement, Editions du CERTU (consultable en ligne)

LE GAL Yan, 2010, Promouvoir la marche et le vélo grâce à un plan de modération des vitesses, Ville Rail et Transports, décembre, p. 67-71,

NESSI Hélène, 2013, Les mobilités de loisir s’invitent au débat. Périurbain versus densité, Etudes foncières, n° 163, p. 20-26