La mécanique de l’étalement des aires urbaines
Eric Charmes, octobre 2015
Dans la plupart des cas, les extensions urbaines sont arrêtées bien avant d’avoir atteint les limites communales. Le ou les noyaux d’urbanisation restent ainsi ceinturés par des espaces verts. Les périurbains font de cela un élément identitaire fort (voir Séparation morphologique et dépendance fonctionnelle). La présence d’une ceinture verte permet de maintenir concrète l’identité villageoise de la commune (voir photographie ci-dessous).
La pérennité de cette ceinture non bâtie est assurée par des règlements d’urbanisme qui limitent voire interdisent les constructions sur les espaces naturels ou agricoles (Lecat, 2006). Les communes protègent également ces espaces en obtenant par exemple leur classement en « espaces naturels sensibles » ou leur intégration dans des réseaux tels que Natura 2000. Les parcs naturels régionaux prennent aussi une place croissante dans le périurbain (Desponds, 2007).
Avec ce malthusianisme foncier (Charmes, 2007), les jeunes ménages à la recherche d’un cadre de vie campagnard proche d’une métropole ne peuvent plus trouver un logement à leur convenance dans les premières couronnes périurbaines. La demande augmentant sans que l’offre suive, les maisons sont de plus en plus coûteuses et les primo-accédants sont évincés du marché de la maison individuelle. Fort heureusement pour eux, et moins heureusement pour les contempteurs de l’étalement urbain, des élus ruraux de communes plus lointaines sont prêts à ouvrir de nouvelles terres à l’urbanisation pour les accueillir (voir La mécanique de l’étalement des aires urbaines). Lorsqu’une couronne périurbaine restreint son développement, une autre couronne s’ouvre à l’urbanisation.
Au sud-ouest de l’agglomération lyonnaise par exemple, ce double mouvement de restriction et d’ouverture au développement urbain conduit à un fort report de la périurbanisation : d’environ 25 kilomètres du centre de Lyon dans les années 1980 (aux alentours de Mornant), le marché de la maison individuelle pour primo-accédant s’est déplacé dans les années 2000 à plus de 40 kilomètres du centre de Lyon (autour de Saint-Martin-en-Haut).
Les ceintures vertes communales mises en place dans les premières couronnes périurbaines ont une autre conséquence : le maintien de la coupure avec la zone bâtie du pôle urbain qui est constitutive de la définition que l’INSEE donne du périurbain (voir Séparation morphologique et dépendance fonctionnelle). L’avenir n’est jamais certain, mais sauf bouleversement majeur du paysage institutionnel et politique, il y a peu de chances qu’au cours des prochaines décennies, on observe une « banlieurisation » massive des communes périurbaines, au sens où il y a peu de chances que les zones urbanisées des communes périurbaines se rejoignent les unes les autres. A la différence des faubourgs qui sont devenus de la ville, le périurbain ne deviendra probablement pas de l’urbain et ne sera pas absorbé par la banlieue, du moins pas dans un avenir proche.
Références
CHARMES Eric, 2007, (Le malthusianisme foncier, Études foncières, n° 125, p. 12-16.
DESPONDS Didier, 2007, Les impacts d’un parc naturel régional (PNR) sur les évolutions socio-démographiques de son espace rural: le cas du Vexin français, Norois. Environnement, aménagement, société, n° 202, p. 47-60.
LECAT Gabriel, 2006, Analyse économique de la planification urbaine, Thèse de doctorat, Université de Bourgogne (consultable en ligne)
WIEL Marc (Coord.), 2002, Les raisons institutionnelles de la périurbanisation, Paris, rapport pour la DRAST et le PREDIT