Le défi climatique et les impacts environnementaux des mobilités

mars 2024

Le secteur du transport émet 28,3% de gaz à effet de serre sur le territoire Français, en faisant un axe de décarbonation crucial. Les modes de déplacement des personnes sont une partie importante de ces émissions, néanmoins les modes de transportations et les territoires ne sont pas égaux en matière d’émissions.

La crise climatique en France

Le terme crise climatique désigne l’ensemble des phénomènes récents de transformation du climat de la planète sous l’effet du réchauffement climatique, ainsi que la façon dont ces transformations perturbent et dégradent les écosystèmes. Le monde scientifique s’accorde à dire que l’activité humaine est la cause principale de ce phénomène à travers l’émissions de gaz à effet de serre ; dont la concentration est passée en 2020 à 48 % au-dessus de son niveau avant 1750 (période préindustrielle). La décarbonation est donc le levier principal de la lutte contre le réchauffement climatique, car si les émissions mondiales ne baissent pas, l’on pourrait assister à une augmentation des températures de 3°C d’ici 2100, ce qui changerait nos écosystèmes de façon irréversible. Tout comme d’autres endroits de la planète, le territoire français est exposé à ces changements et peut en subir les conséquences sur de nombreux secteurs tels que l’agriculture, la santé, l’eau, les infrastructures et les zones côtières. En ce qui concerne l’agriculture, les vagues de chaleur et la sécheresse pourraient dégrader les sols de façon sévère. L’on estime que sur la période 2021-2050, que celle-ci pourrait passer de 2 mois en moyenne à 4 mois, tout en devenant plus intense. La sécheresse étendrait aussi le risque d’incendie qui pour l’instant se concentre sur le pourtour méditerranéen vers le reste de l’Hexagone.

Les mobilités, premier poste d’émissions de GES

Le secteur des transports est défini comme l’ensemble des activités liées au déplacement de personnes et de marchandises. En France, il occupe une place importante dans l’économie en contribuant significativement à la création de richesse et à l’emploi. Cependant, il engendre également des externalités négatives considérables telles que la pollution atmosphérique, les accidents de la route et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Le secteur des transports demeure le plus grand émetteur de GES sur le territoire français, représentant 28,7 % des émissions totales (à noter que les transports aériens et maritimes sont exclus du total national en vertu des conventions internationales).

Cette tendance à la hausse contraste avec les autres secteurs de l’économie tels que l’industrie, l’agriculture, le résidentiel et le tertiaire, qui ont réduit leurs émissions de GES de 25 % entre 1995 et 2019, tandis que celles du secteur des transports ont augmenté de 1,4 %.

Ceci indique que en 2020, malgré la coupure qu’a représentée la crise sanitaire, la majorité des émis- sions des transports était issue des mobilités. Le terme « mobilité » se réfère spécifiquement aux dépla- cements des personnes, tandis que le terme « transport » englobe à la fois les déplacements de personnes et de marchandises. Selon l’INSEE en 2019, 62,8% des déplacements quotidiens sont ef- fectués en voiture, 23,7% à pied, 9,1% en transport en commun et 2,7% à vélo2. A l’échelle nationale, les émissions de GES mobilités dites « douces » sont faibles au point de ne pas être prise en compte dans la plupart des rapports ; l’accent étant principalement mis sur l’impact de la voiture individuelle. De manière générale, les émissions varient d’un territoire à un autre en raison de divers facteurs tels que la densité de population, l’infrastructure de transport disponible et les habitudes de déplacement des individus. La marche à pied et diverses formes de mobilités douces sont la norme dans la plupart des territoires urbains, car les distances sont moins éloignées. De plus, ces espaces bénéficient d’une densité suffisante afin de justifier la mise en place de systèmes de transports en commun. Les territoires ruraux quant à eux sont plus dépendants de la voiture en raison des distances éloignées. En conséquence, l’on note des divergences fortes en termes de mobilités à l’intérieur du territoire. Un exemple est le fait que le taux de cyclabilité peut atteindre 30 % dans les grandes villes mais ne dépasse pas 1 % en milieu rural (Vélo & Territoires, 2022). Enfin, un élément clé de compréhension des émissions de mobilité est le trajet domicile-travail. Selon une enquête du CEREMA, ils ont un impact significatif sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) des territoires. Les territoires étudiés montrent des émissions individuelles moyennes journalières allant de 3,4 à 5,6 kg de CO2 équivalent. Cette variabilité des émissions est élevée au sein d’un même terri- toire en raison des différences de routines des individus y résidant : Ce sont principalement les actifs ayant un emploi, en particulier les hommes, qui ont les émissions les plus élevées et qui contribuent majoritairement aux émissions totales des résidents.

Les autres facteurs expliquant les niveaux élevés d’émissions incluent les indicateurs régionaux d’accessibilité à l’emploi. Les déplacements longs liés au travail exercent une influence sur le niveau moyen des émissions. Ainsi, les territoires frontaliers avec une proportion importante d’actifs travaillant à l’étran- ger et effectuant de longs trajets en voiture présentent des émissions importantes. En revanche, les territoires où l’emploi est dense au niveau régional, où les actifs restent dans leur bassin d’emplois local et où l’utilisation de modes de transport à faible émission de carbone est élevée, connaissent des émissions moyennes plus faibles.

La décarbonation des mobilités

En signant l’Accord de Paris, plusieurs pays dont la France se sont engagés à limiter l’augmentation de la température moyenne à 2°C, et idéalement à 1,5°C. Conformément aux recommandations du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), cet objectif nécessite d’atteindre la neutralité carbone mondiale dans la deuxième moitié du 21ème siècle. Afin de mieux articuler sa prise d’action, le ministère de la transition écologique et solidaire a introduit le Plan Climat qui a fixé des objectifs ambitieux pour le pays, dont l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050. Depuis la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, cet objectif est désormais inscrit dans la loi. Celle-ci définit la neutralité carbone comme « un équilibre, sur le territoire national, entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre ».

Concrètement, cela suppose de décarboner, c’est à dire réduire les émissions, afin qu’elles atteignent 80 MtCO2e contre 445 MtCO2e en 20183. Comme on l’a vu, en France, le transport est l’activité qui contribue le plus aux émissions (28,7%), la moitié venant directement des mobilités. La mobilité est souvent dépendante des combustibles fossiles, tels que l’essence et le diesel, qui émettent du dioxyde de carbone (CO2) lorsqu’ils sont brûlés. La décarbonation de la mobilité fait référence à la réduction des émissions de carbone associées aux moyens de transport. Elle implique de développer des alternatives plus respectueuses de l’environnement. Selon le CEREMA pour diminuer ces émissions de 30 % entre 1990 et 2030, il faudrait réduire les émissions unitaires de 15 % et les déplacements de 5 %, tout en augmentant le taux de remplissage de 15 % pour retrouver le niveau des années 80. D’ici 2050, des mesures supplémentaires devraient être prise afin d’atteindre une réduction de 90 %.

La refonte de la gouvernance des mobilités a été actée en 2019 via la loi d’orientation des mobilités (LOM). Elle a trois objectifs, rendre les transports du quotidien plus faciles, moins coûteux et plus « propres ». Pour cela, elle prévoit des investissements importants dans les mobilités (13,4 Md€ sur la période 2017-2022), une amélioration de l’accessibilité à travers des solutions numérique. Elle inclut aussi fin des ventes de voitures à énergies fossiles carbonées d’ici 2040, un plan vélo ambition ou encore le développement des zones à faibles émissions.

Engagements de la LOM pour une mobilité plus propre

• L’objectif de neutralité carbone en 2050 inscrit dans la loi, conformément au Plan Climat, avec une trajectoire claire : - 37,5 % d’émissions de CO2 d’ici 2030 et l’interdiction de la vente de voitures utilisant des énergies fossiles carbonées d’ici 2040.

• La prime à la conversion et la possibilité de recharger partout son véhicule électrique, en multipliant par 5 d’ici 2022 les points de recharge : équipement obligatoire dans certains parkings, création d’un droit à la prise, division par plus de 2 du coût d’installation…

• Un plan vélo inédit pour tripler sa part dans les déplacements : création d’un fonds vélo de 350 M€, lutte contre le vol avec la généralisation progressive du marquage des vélos et des stationnements sécurisés, création du forfait mobilité durable, généralisation du savoir-rouler à l’école…

• Un plan pour faire du covoiturage une solution au quotidien, en permettant aux collectivités de subventionner les covoitureurs, en ouvrant la possibilité de créer des voies réservées aux abords des métropoles, en mettant en place un forfait mobilité durable…

• Des zones à faibles émissions pour un air plus respirable, permettant aux collectivités de limiter la circulation aux véhicules les moins polluants, selon des critères de leur choix. Déjà 23 collectivités, soit plus de 17 millions d’habitants concernés, sont engagées dans la démarche en 2019.

• La contribution des modes les plus émetteurs au financement des mobilités : réduction de 2 centimes de l’exonération de Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques (TICPE) pour les transporteurs routiers et écocontribution inédite du secteur aérien.

Autres enjeux environnementaux

En dehors de leur impact climatique, les transports représentent des enjeux sanitaires importants pour les collectivités. Les gaz à effet de serre ne sont pas les seuls polluants atmosphériques du transport, spécifiquement du transport routier qui représente entre 65% et 100% de ces émissions. Le dioxyde d’azote (NO2) a des impacts sur la santé et l’environnement : il irrite les voies respiratoires et contribue à l’acidification et à l’eutrophisation des milieux.

En 2019, le transport routier est responsable de plus de la moitié des émissions de NO2 (51,8 %). Malgré une réduction des teneurs en NO2 ces 20 dernières années, 19 % des stations de mesure situées à proximité du trafic routier enregistrent en 2019 des dépassements des seuils réglementaires. Les particules fines (PM10 et PM2,5) sont aussi des particules émises qui ont des impacts sur la santé : elles sont cancérigènes pour l’homme et peuvent causer des maladies respiratoires et cardiovasculaires. Malgré une diminution de la teneur en particules de diamètre inférieur à 10μm (PM10) sur la période 2007-2019, la concentration en PM10 reste 1,3 plus élevée à proximité du trafic routier qu’en fond urbain.

La conséquence la plus marquante de la pollution de l’air est le nombre de décès prématurés. En 2019, cela représentait 307,000 personnes dans l’Union Européenne et 7 millions dans le monde5. Les con- centrations de particules fines (PM2,5) importantes accroitrait aussi le nombre de maladies respiratoires et de complications. Ceci représente des charges et coûts supplémentaires pour le système de santé national, ainsi que des pertes de productivité au travail à cause des admissions à l’hôpital. Enfin, les concentrations élevées de polluants font baisser les rendements des cultures et ont un impact sur la productivité agricole.

Références