Favoriser l’accès de tou·te·s a une alimentation de qualité : vers une action systémique contre la précarité alimentaire
Agir contre la précarité alimentaire en favorisant l’accès de tou·te·s à une alimentation de qualité
septembre 2020
Le Labo de l’économie sociale et solidaire (Labo ESS)
La demande d’aide alimentaire explose en même temps qu’augmente le taux de chômage et que les cantines scolaires ne remplissent plus leur office auprès des enfants de familles à faibles revenus. Bien heureusement un élan de solidarité national a traversé la France. Des groupes d’entraide se sont organisés dans les territoires entre les habitant·e·s, avec des associations, des collectivités locales, des commerçant·e·s, des producteur·rice·s de proximité. Parallèlement, jamais la demande d’alimentation de qualité n’a été aussi importante avec une croissance exponentielle des achats de produits issus du bio et/ou de circuits de proximité. Comment faire converger ces deux France ? Pourquoi la qualité serai-telle réservée aux personnes qui peuvent se le permettre, au détriment de celles qui n’en ont pas les moyens ? Comment procéder pour concilier ce qui semble impossible : accéder à une alimentation de qualité avec de faibles revenus ? Quelles réformes, quelles actions engager pour permettre l’exercice d’un véritable droit à un niveau de vie suffisant pour assurer, dans la dignité, son alimentation ? Quel type d’organisations systémiques favoriser dans les territoires pour apporter des réponses concertées, complémentaires, coopératives et efficaces entre tou·te·s les acteur·rice·s concerné·e·s ? Et comment participer ainsi à cet enjeu majeur qui nous concerne tou·te·s : changer nos habitudes alimentaires pour améliorer notre impact sur l’environnement et sur notre santé ? Cette étude souhaite contribuer à explorer certaines pistes pour éclairer ces questionnements en s’appuyant sur des rencontres de terrain, des interviews et la lecture d’une abondante littérature dont nous n’avons pas fini de faire le tour.
Notre vision d’une action systémique contre la précarité alimentaire
Dessiner une réponse systémique aux précarités alimentaires signifie à la fois :
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Agir de façon complémentaire sur les différents enjeux de cette situation (sociaux, économiques, sanitaires, environnementaux).
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Proposer des solutions adaptées à la diversité des situations et respectueuses de la dignité et des préférences des personnes.
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Impulser un changement de paradigme qui traite des causes profondes de la précarité alimentaire.
Nous défendons l’idée que l’enjeu d’un accès universel à une alimentation de qualité est au coeur de cette réponse systémique. Loin d’être utopique, ce projet ambitieux suppose d’agir simultanément à la fois sur les politiques nationales et sur les actions locales, sur les représentations et les modèles autant que sur les modes d’action et d’organisation.
Nous souhaitons participer à la réflexion collective sur le sujet en proposant ici quatre axes d’action pour favoriser l’accès de tou·te·s à une alimentation de qualité :
1/ Replacer l’accès à une alimentation de qualité au coeur d’un projet de transition alimentaire durable et juste.
2/ Inventer des nouveaux modèles d’actions favorisant l’accès à une alimentation de qualité sur les territoires.
3/ Réinventer les politiques locales pour une action territoriale favorisant l’accès à une alimentation de qualité.
4/ Construire une gouvernance pluri-niveaux de l’accès à une alimentation de qualité.
Pour chacun de ces axes sont présentés des exemples d’actions et d’initiatives qui illustrent la force et l’inventivité de celles et ceux qui, au national comme au local, agissent déjà en faveur d’un accès digne et universel à une alimentation de qualité. Comme en témoigne ces exemples, les acteur·rice·s de l’ESS sont au coeur de ces solutions qui puisent dans leur savoir-faire en termes de construction de projets collectifs et inclusifs, de solidarité et d’innovation sociale.
Replacer l’accès à une alimentation de qualité au coeur d’un projet de transition alimentaire durable et juste
Pollutions diverses, dépendance aux énergies fossiles et aux engrais, industrialisation et spécialisation à outrance, appauvrissement des sols et des variétés des productions, menaces pour la biodiversité et la santé de tou·te·s et notamment des agriculteur·rice·s dont une part croissante se trouve plongée dans la précarité, autant de signaux d’un modèle agricole et alimentaire devenu insoutenable. Comme beaucoup d’autres acteur·rice·s engagé·e·s sur le sujet, le Labo de l’ESS appelle à une transition vers un modèle plus durable et plus juste. Plus durable, tant pour nos sociétés que pour notre environnement. Plus juste, tant pour celles et ceux qui, en amont, produisent dans des conditions de plus en plus difficiles 1 que pour celles et ceux qui, en aval, consomment et n’ont pas toujours accès une alimentation de qualité. Lier durabilité et justice est d’autant plus fondamental que ce sont les personnes en situation de précarité qui subiront le plus fortement les effets de la crise écologique à laquelle notre modèle agro-alimentaire contribue largement.
Au coeur de cette transition, cinq leviers : accélérer la transition alimentaire, reconnaître un droit universel à une alimentation de qualité, assurer à tou·te·s un revenu décent, agir en faveur d’une véritable démocratie alimentaire et faire bon usage de la lutte contre le gaspillage.
Accélérer la transition alimentaire vers une agriculture et une alimentation durable
Cette transition doit être une réelle rupture avec le modèle dominant actuel en agissant de façon complémentaire sur l’ensemble du processus alimentaire : production, transformation, distribution, consommation, gestion des déchets alimentaires. En amont, elle doit notamment viser une plus grande autonomie et résilience alimentaire, notre système alimentaire étant aujourd’hui dépendant de flux internationaux et interrégionaux fragiles en cas de chocs écologiques, énergétiques, économiques ou sanitaires. Des métropoles comme Lyon et Paris ne disposent que de quelques jours d’autonomie alimentaire. La spécialisation agricole à l’échelle mondiale n’est pas sans paradoxe : la France est la première exportatrice européenne de céréales mais elle importe massivement des fruits et légumes, au détriment de productions locales.
Les « ProspectivESS » menées par le Labo de l’ESS en 2018 ont permis de dessiner plusieurs axes oeuvrant à cette transition, parmi lesquels : la préservation des terres, le développement de l’agriculture urbaine et périurbaine, l’appui à l’installation de porteur·euse·s de projets en agriculture durable, la création de fonds régionaux pour la transition agricole et alimentaire 2. Elles ont notamment souligné le rôle structurant de l’ESS dans cette transition. L’association Solagro, rassemblant agriculteur·rice·s, chercheur·euse·s et professionnel·le·s, a quant à elle produit en 2016 un scénario de transition agricole et alimentaire détaillé et chiffré intitulé Afterres 2050 3 qui offre un guide riche en réflexions et préconisations.
Parce qu’il·elle·s constituent la base de la chaîne agroalimentaire et se trouvent eux·elles-mêmes souvent en situation de précarité, les agriculteurs ·rice·s se trouvent au coeur de cette transition. Le développement d’une alimentation de qualité ne pourra se faire sans eux ·elles. Au niveau européen, la PAC devrait être réformée pour intégrer les enjeux écologiques et sociaux liés à l’agroalimentaire, notamment concernant la rémunération des producteur·rice·s s’engageant en faveur d’une agriculture de qualité 4. En France, le programme Uniterres, anciennement porté par l’ANDES et ayant aujourd’hui pris fin, dessinait une piste intéressante pour lier développement des circuits courts et lutte contre la précarité alimentaire en facilitant l’approvisionnement des épiceries sociales et solidaires en produits frais accessibles financièrement tout en assurant une juste rémunération des agriculteur·rice·s 5. Dans le même esprit, le projet Accessible porté par la Fédération nationale des CIVAM expérimente de nouvelles formes de partenariats entre agriculteur·rice·s et citoyen·ne·s 6. Les actions citoyennes doivent être soutenues car elles apportent des solutions innovantes et inclusives aux enjeux de la transition écologique et sociale. Les expérimentations de revenu de transition écologique menées par quatre territoires français (Grande-Synthe, la Communauté d’agglomération d’Epinal, l’écosystème coopératif Tera et le PTCE 3 - Eva de la vallée de l’Aude), en partenariat avec la fondation d’utilité publique suisse ZOEIN, sont un moyen de soutenir le développement de ce type d’activités. Ce revenu versé à des personnes physiques menant ou créant ces activités est cofinancé par les territoires et la fondation. En parallèle et en complémentarité du versement de ces revenus, ces projets territoriaux bénéficient d’un dispositif d’accompagnement et doivent créer une coopérative de transition écologique (CTE), par exemple sous forme de Coopérative d’Activités et d’Emploi (CAE), rassemblant divers acteur·rice·s publics ·que·s et privé·e·s du territoire.
Ces expérimentations soulignent le formidable potentiel en termes de création d’activités et d’emplois sur l’ensemble de la chaîne agro-alimentaire (permaculture, maraîchage, transformation des produits, logistique, cuisine, recyclage, etc.).
En aval, cette transition suppose une véritable évolution des comportements alimentaires individuels et collectifs. Une récente étude publiée dans Nature Sustainability et menée conjointement par l’INRAE, l’Inserm, l’Université Sorbonne Paris Nord et SOLAGRO indiquait que les participant·e·s suivant les recommandations du Programme National Nutrition Santé (PNNS 4) réduisent l’impact global de leur alimentation sur l’environnement de 50% par rapport à celles et ceux ne les suivant pas ou peu 7 (diminution de la consommation de viande rouge et de charcuterie, de produits sucrés, apport suffisant mais limité de produits laitiers, limitation des apports d’alcool, augmentation de la consommation d’aliments d’origine végétale, favoriser les aliments issus de l’agriculture biologique).
Ces changements de comportements alimentaires nécessitent un accompagnement tant informatif que pratique (apprentissage et échanges autour de la cuisine par exemple). Ils concernent l’ensemble de la population, tant les personnes en situation de précarité que les autres. L’enjeu est donc d’accompagner ces premières sans pour autant les stigmatiser ou les inscrire dans une logique de contrôle social dont elles seraient cibles.
Reconnaître juridiquement le droit de tou·te·s à une alimentation de qualité
La question de la reconnaissance d’un droit à l’alimentation a fait son apparition dans le débat public du fait de la mobilisation d’une pluralité d’acteur·rice·s du monde de la recherche et du secteur associatif. Il n’existe en effet pas en France de véritable droit reconnu à l’alimentation. Des éléments de ce droit sont pourtant présents dans le droit international 8 et notamment :
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Dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (article 25) à travers la garantie d’un « niveau de vie suffisant […], notamment pour l’alimentation ».
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Dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (article 11). Signé et ratifié par la France, ce texte a une valeur contraignante mais la quasi-absence de jurisprudence le rend peu contraignant de fait 9.
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Dans les Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale adoptées par l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en 2004.
Ces textes fournissent un socle minimal pour un droit à l’alimentation, mais à ce jour, il n’existe pas de véritable droit opposable sur lequel pourraient s’appuyer les Françaises et les Français.
Agir contre les inégalités économiques en assurant à tou·te·s un revenu décent
La première barrière d’un accès effectif à une alimentation de qualité demeure la contrainte budgétaire. L’alimentation est en effet devenue la variable d’ajustement du budget des Françaises et Français, ce qu’illustre la diminution de la part de leur consommation qui y est consacrée, passant d’environ 35% en 1960 à 20% en 2014 10. Agir de façon systémique contre la précarité alimentaire suppose donc de dépasser un simple apport supplémentaire en nourriture pour s’attaquer à son fondement : la pauvreté économique.
Pour cela, il est impératif d’assurer à tou·te·s un revenu décent : tout d’abord par le biais d’une activité suffisamment rémunératrice pour subvenir à ses besoins essentiels. Mais de nombreuses personnes n’ont pas accès à un travail du fait de leur situation (étudiant·e·s, personnes en situation de handicap ou en situation d’exclusion sociale par exemple) ou ne disposent pas d’un revenu suffisant (travailleur·euse·s pauvres, bénéficiaires des minima sociaux, etc.). Un filet de sécurité économique doit alors permettre à chacun·e de disposer de quoi se nourrir convenablement. On peut citer deux pistes prometteuses : le revenu de base et la sécurité sociale alimentaire.
Le revenu de base 11
Ce concept englobe un ensemble de propositions diverses dont le dénominateur commun est la distribution d’un revenu à l’ensemble d’une population. Il permettrait d’assurer à tou·te·s un socle minimal de ressource déconnecté de l’emploi. Médiatisée par les élections présidentielles françaises de 2017, cette proposition est revenue à l’ordre du jour dans le contexte de l’épidémie de Covid-19. Elle fait l’objet de nombreux débats :
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Sur sa forme : ce revenu doit-il être inconditionnel et universel ou restreint à une partie de la population ? Doit-il être le même pour tou·te·s ou être dégressif en fonction des revenus ? Doit-il remplacer certaines allocations existantes ou s’y additionner ?
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Sur les modalités de son financement.
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Sur ses effets micro et macroéconomiques (sur ses conséquences sur l’emploi notamment). Certaines expérimentations territoriales d’un revenu de base émergent déjà et méritent l’attention :
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La Ville de Grande-Synthe qui a mis en place sur son territoire l’expérimentation d’une aide sociale facultative appelée « minimum social garanti » versée de manière temporaire en complément d’autres ressources, dont le RSA, aux habitant.e.s de plus de 18 ans de son territoire pour leur garantir un revenu minimal de 855 € par mois conditionné à un accompagnement 12. Cette mesure, dont le coût est évalué à 2,2 millions d’euros annuels, sera financée par la baisse des subventions accordées au CCAS du fait de la suppression d’autres aides et par des économies liées à la transition énergétique (passage de l’éclairage public en LED et installation d’un réseau de chaleur sur le territoire de la Communauté urbaine de Dunkerque à laquelle Grande-Synthe appartient) 13.
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L’association Tera (Tous Ensemble Pour un Revenu d’Autonomie) expérimente ce dispositif dans une logique de revenu de base inconditionnel, dont la somme n’est pas encore fixée, associé à un revenu de transition financés par les activités de l’association.
D’autres expériences existent dans d’autres pays (Finlande et Etats-Unis par exemple). En Californie, une étude menée sur les bénéficiaires d’un revenu de base de 500 € par mois (tou·te·s en dessous du seuil de pauvreté) évaluait à 40% la part de l’alimentation dans l’utilisation de cette somme 14.
Si ces expérimentations et études demeurent souvent trop jeunes et restreintes pour en tirer des conclusions sur l’efficacité du revenu minimum et sur les conditions de son bon fonctionnement, elles ouvrent une piste très intéressante pour agir contre la précarité.
La sécurité sociale de l’alimentation
La proposition de création d’une sécurité sociale de l’alimentation fait, elle aussi, l’objet de nombreux débats. Elle est portée par un collectif d’acteur·rice·s : le groupe « Agriculture et Souveraineté alimentaire » (AgriSTA) de l’association Ingénieurs sans frontières, le Réseau Salariat, les Ami·e·s de la Confédération paysanne et la Confédération paysanne, le Réseau Civam, le Mouvement inter-régional des AMAP (Miramap), le Collectif démocratie alimentaire et l’Ardeur 15.
Telle qu’envisagée par AgriSTA16, la sécurité sociale de l’alimentation consisterait en un revenu de 150 € alloué mensuellement à tou·te·s, par exemple via la carte de sécurité sociale. Ce budget supplémentaire ne pourrait être utilisé que pour acheter des produits conventionnés par des caisses de sécurité sociale intercommunale régies de façon démocratique et inclusive et respectant des règles nationales visant progressivement à exclure du dispositif les entreprises capitalistes (comprendre présentant « un capital extérieur à l’entreprise rémunéré par l’activité au-delà de l’inflation ») et cela à différents niveaux de la chaîne de production (capitaux financiers, semences, outils de production, etc.).
Faisant l’objet d’un travail continu, cette proposition soulève plusieurs interrogations :
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Comment assurer le caractère démocratique de la gouvernance des caisses de sécurité sociale de l’alimentation et de leur fédération ?
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Comment financer ce système ? Le travail d’Ingénieurs sans frontières évoque plusieurs scénarios à creuser : une cotisation universelle mais à taux progressif ou modulée en fonction de la part du chiffre d’affaires des entreprises dédiée aux salaires via une « part patronale » à la cotisation, un complément par l’impôt, etc.
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Comment assurer la transition que suppose l’exclusion d’entreprises capitalistes du système tel que décrit ?
Cette proposition reste à étudier et approfondir. Elle a l’intérêt de s’attaquer à l’une des sources fondamentales de la précarité alimentaire, la faiblesse des revenus, tout en intégrant l’action contre la précarité alimentaire dans un dispositif universel (et donc non-stigmatisant) liant directement cet objectif à celui d’une transition de notre économie et de notre système agro-alimentaire vers plus de durabilité.
Démocratie et citoyenneté alimentaire : re-politiser l’alimentation pour favoriser sa ré-appropriation par chacun·e
La notion de démocratie alimentaire émerge dans les années 1990, notamment sous la plume de Tim Lang, professeur de politique alimentaire à l’Université de Londres et ancien paysan. Elle renvoie à une vision exigeante de l’accès à l’alimentation, allant plus loin que sa « démocratisation » économique pour prôner une véritable reprise de pouvoir des citoyen·ne·s sur leur alimentation et le système alimentaire 17.
L’industrialisation de l’alimentation, de sa production à sa distribution, a conduit à ce que les individus n’aient plus réellement prise sur les enjeux alimentaires, si ce n’est par leurs préférences de consommation. Or, la publicité, le marketing, l’organisation des rayons et des produits viennent très largement orienter la consommation, incitant à consommer davantage. C’est tout un système d’influence qui, couplé à l’industrialisation de l’ensemble de la chaîne alimentaire, a contribué à faire de l’alimentation une affaire de consommation et non pas de choix de société.
Cette dépossession est particulièrement forte chez les personnes en situation de précarité alimentaire, du fait de l’addition des nombreuses contraintes auxquelles elles font face et d’un contrôle social accru sur leurs achats. Mobiliser la notion de démocratie alimentaire dans le cadre de l’action contre la précarité alimentaire permet de souligner ce qu’implique la précarité alimentaire en termes politiques : le maintien des personnes en situation de précarité dans une logique de subsistance et de dépendance à une aide alimentaire principalement distributive contribue à les exclure des choix de société qui se jouent actuellement autour de notre système alimentaire et à restreindre leur liberté de citoyen·ne·s.
Si la démocratie alimentaire demeure aujourd’hui un idéal non atteint, des initiatives sur les territoires contribuent à tendre vers cette conception exigeante de l’accessibilité à une alimentation de qualité. Elles facilitent la réappropriation citoyenne de l’alimentation par :
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L’accompagnement au changement des pratiques alimentaires et les échanges réciproques de savoirs autour de l’alimentation. Cela peut prendre par exemple la forme d’ateliers de cuisine comme ceux que proposent le Réseau Cocagne en parallèle des « paniers solidaires » à prix réduit destinés aux foyers en précarité, mais aussi d’un lieu de convivialité tel que le Fenouil à vapeur, une cantine mutualisée avignonnaise qui accueille une AMAP et organise divers événements culturels et ateliers cuisines ainsi qu’un repas hebdomadaire.
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La réappropriation de la distribution alimentaire. C’est notamment le cas des initiatives de supermarchés coopératifs telles que La Louve à Paris mais aussi des AMAP qui favorisent le lien entre consommateur·rice·s et paysans ·ne·s, ou encore des groupements d’achat comme le VRAC (Vers un Réseau d’Achats en Commun) 18 qui associe les habitant·e·s dans la distribution des achats groupés.
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La réappropriation de la production alimentaire à travers l’autoproduction. La Ville de Grande-Synthe a par exemple transformé six pelouses municipales en jardins populaires en pied d’immeuble. Chaque jardinier·ère se voit attribuer une petite parcelle et est accompagné·e pour bénéficier du socle de connaissances et compétences nécessaire à son exploitation.
La Louve, premier supermarché coopératif français
Ouverte en 2016 par deux américains inspirés par l’exemple de la Park Slope Food Coop, la Louve est un supermarché coopératif et participatif, c’est-à-dire un supermarché dont l’objectif est de se réapproprier la distribution (notamment alimentaire) tout en favorisant l’accès à une alimentation de qualité et la mixité sociale. Dans ces supermarchés, les client·e·s en sont aussi les propriétaires. Pour y acheter des produits, il·elle·s doivent acheter des parts sociales de la coopérative (10 parts de 10€ ou une seule part pour les bénéficiaires des minima sociaux, étudiant·e·s boursier·ère·s et personnes en service civique) et sont aussi tenu·e·s de donner de leur temps pour faire vivre le magasin à hauteur de 3h par mois.
Ces règles assurent l’égalité entre coopérateur·rice·s, un principe clé qui se retrouve dans la gouvernance du supermarché et dans la possibilité de chacun·e de proposer de nouveaux produits. Dix salarié·e·s assurent les commandes de produits ainsi que le choix et la gestion des fournisseur·euse·s. Cette faible masse salariale, couplée à de faibles marges, assurent des prix très avantageux en comparaison de la grande distribution, y compris sur les produits de qualité (bio, locaux, équitables, etc.).
Les coopérateur·rice·s de la Louve sont donc plus que des consommateur·rice·s, il·elle·s s’associent dans un véritable projet collectif de reprise de pouvoir sur la distribution alimentaire. Le caractère convivial des tâches, la plupart du temps réalisées à plusieurs, favorise l’échange, les discussions autour de l’alimentation et donc le transfert de savoirs et de compétences. C’est principalement par ce biais que se fait la sensibilisation à une alimentation de qualité, le supermarché se refusant à exclure certains produits ou à proposer des indicateurs de qualité, afin notamment de ne pas stigmatiser les coopérateur·rice·s qui souhaiteraient consommer ces produits. Une position dite de « bibliothèque publique » qui fait débat dans d’autres supermarchés coopératifs qui préfèrent conditionner l’étalage de produits à des critères éthiques (rémunération des producteur·rice·s, impacts sociaux sanitaires et environnementaux, etc.).
Faire bon usage du gaspillage alimentaire
Le gaspillage alimentaire se définit par « toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à un endroit de la chaîne alimentaire est perdue, jetée, dégradée » 19. Il représente un gâchis considérable, ces quelques chiffres le démontrent 20 :
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En France, 10 millions de tonnes de denrées alimentaires, soit 18% de la production alimentaire destinée à la consommation humaine sont gaspillées chaque année ;
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Il se répartit comme suit : 32% pour la production agricole ; 21% pour la transformation ; 14% pour la distribution ; 14% pour la restauration, 19% pour la consommation à domicile.
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Son coût est de 16 milliards d’euros en France, soit 240 euros par an et par personne. En priorité, il s’agit d’agir contre les causes du gaspillage alimentaire dans toutes les étapes de la chaine alimentaire. En second lieu, il s’agit de réfléchir au bon usage que l’on en fait. Dans la mesure où elle ne repose pas essentiellement sur les personnes en situation de précarité, la lutte contre le gaspillage peut faire l’objet d’actions et initiatives solidaires, par exemple à travers :
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Le glanage, une pratique historique. Elle désigne non seulement le ramassage des fruits, des légumes et des céréales restés ou tombés au sol dans un champ ou un verger après une récolte mais également la récupération des aliments comestibles abandonnés à la fin des marchés ou jetés dans les poubelles des supermarchés 21.
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La transformation et/ou la récupération de produits invendus mal calibrés et/ou périssables. Par exemple, les Jardins de la Méditerranée de l’association IMAGINE 84 où, à travers un chantier d’insertion, cette dernière récupère des produits consommables mais hors calibre et écartés, les trie et les redistribue à des réseaux nationaux d’aide alimentaire.
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Les systèmes de dons directs entre particuliers ou avec des commerces comme ceux développés par HopHopFood.
HopHopFood, une association d’intérêt général qui favorise la solidarité alimentaire entre citoyen·ne·s et avec les commerçant·e·s
Créée en 2016, HopHopFood donne aux citoyen·ne·s et aux commerces des outils pour agir contre le gaspillage alimentaire et la précarité alimentaire :
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Une plateforme digitale de dons alimentaires entre particuliers.
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Un réseau de garde-mangers solidaires installés dans des structures sociales, dans lesquels chacun·e peut déposer et/ou retirer des produits alimentaires hors produits frais.
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Des « Commerces solidaires » qui donnent, via la plateforme, des produits à des personnes en situation de précarité alimentaire qui les collectent directement en magasin. Alternative à la distribution alimentaire, ces dons en direct sont une solution adaptée aux commerçant·e·s qui n’ont pas de volumes suffisant d’invendus pour faire appel à une association. Du côté des personnes, elles peuvent choisir librement parmi les produits proposés (dont produits frais, carnés et de la mer).
Inventer des nouveaux modèles d’actions favorisant l’accès à une alimentation de qualité sur les territoires
Il existe déjà, dans les territoires, de nombreuses initiatives qui agissent pour faciliter l’accès de tou·te·s à une alimentation de qualité. Il est impossible d’en dresser ici un catalogue exhaustif, tellement celles-ci sont nombreuses. Ces initiatives permettent de dégager quatre leviers importants dans la construction de réponses locales à la précarité alimentaire : l’hybridation des modèles, l’action de proximité auprès des personnes en situation de précarité, leur implication et contribution dans les projets et la reconnaissance de leurs multiples impacts.
Hybrider les modèles
Hybridation des ressources
Pour Karl Polanyi 22, nos systèmes économiques reposent sur trois principes associés chacun à un type d’activité :
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Le principe de marché reposant sur le jeu de l’offre et la demande et associé aux activités marchandes.
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Le principe de redistribution dans lequel une autorité centrale concentre puis répartit les ressources économiques selon des règles propres. Ce principe, fondateur notamment de la sécurité sociale étatique ou du système de retraite mais aussi des mutuelles, repose sur des activités non-marchandes.
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Le principe de réciprocité dans lequel les échanges sont déterminés moins par la valeur marchande des biens et services que par l’appartenance à un groupe, une communauté (ex : l’identité territoriale commune dans les échanges directs entre consommateur·rice·s et producteur·rice·s type AMAP) 23.
Si la spécificité de l’économie sociale et solidaire repose sur l’importance qu’elle apporte au principe de réciprocité, les initiatives de l’ESS mobilisent et articulent activités marchandes, non marchandes et non monétaires à la fois pour leur fonctionnement et leurs investissements. Elles constituent à ce titre des exemples riches d’hybridation des ressources au service d’un projet favorisant l’accès à une alimentation de qualité.
Hybridation des ressources pour financer le fonctionnement des structures
Marché
Chiffre d’affaire par la vente de produits (notamment alimentaires) et de services (transport, stockage, conditionnement…), la formation et le conseil
Redistribution
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emprunts bancaires pour la trésorerie : phase de mise en oeuvre ou de développement d’activité
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subventions publiques d’exploitation (État, collectivités territoriales, Union européenne) et mises à disposition de locaux publics
Réciprocité
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bénévolat
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aides privées : entreprises (dons, mécénat), fonds de dotation, fondations, citoyen·ne·s (dons de particuliers, financement participatif)
Hybridation des ressources pour financer les investissements des structures
Marché
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emprunts bancaires pour l’achat de foncier, les travaux et les équipements
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investissements et finances solidaires (parts sociales, contrats d’apports associatifs, épargnes salariales, etc.)
Redistribution
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subventions publiques d’investissements
Réciprocité
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aides privées : entreprises (dons, mécénat), fonds de dotation, fondations, citoyen·ne·s (dons de particuliers, financement participatif)
Réduire les coûts de fonctionnement d’une structure
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Réduire les frais de personnel : par le bénévolat (supermarchés coopératifs, VRAC, Petites Cantines), par des contrats aidés ou emplois d’insertion, par la mutualisation d’emplois entre plusieurs structures (groupements d’employeurs), par une meilleure coopération entre acteur·rice·s.
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Réduire le coût d’achat des produits alimentaires pour les structures de distribution tout en garantissant aux producteurs (·rice·s) un prix équitable :
Par l’achat à l’avance d’une partie de la production (AMAP , jardins de Cocagne).
Par des achats groupés (VRAC , Se nourrir lorsqu’on est pauvre).
Par des achats en grande quantité (supermarchés coopératifs).
Par la mutualisation des achats entre plusieurs structures.
Par des achats au prix coûtant des produits (BIOVRAC pour tous).
Par l’achat, le tri et le reconditionnement de produits déclassés (chantiers de l’ANDES sur les marchés de gros de Rungis, Perpignan, Lomme et Marseille).
Par l’achat à bas prix de fruits et légumes considérés comme non commercialisables, récupération de produits de qualité avant la date limite de consommation (confituresRe-belle).
Par une meilleure productivité acquise en sortant de la logique de silos, grâce à des gains de temps dans l’organisation du travail.
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Réduire les coûts des locaux, de la logistique et des équipements par la mutualisation.
À Décines-Charpieu, dans la banlieue lyonnaise, trois associations (Croc’Ethic, l’Arbralégumes et Alter-Conso) distribuant des paniers sur le territoire du Grand Lyon ont décidé d’investir un lieu de dépôt et de travail partagé leur permettant de mutualiser bureaux, espaces de stockages, camions et chambres froides, le tout dans une atmosphère conviviale !
Diversifier les activités
Le développement d’activités complémentaires peut permettre de combiner des activités marchandes et des activités non marchandes, au sein d’une même structure ou d’un écosystème d’acteur·rice·s. À Lyon, la Marmite urbaine finance pour partie son activité de sensibilisation et de partage autour de l’alimentation auprès de personnes en situation de précarité grâce à la marge dégagée par la vente de plateaux repas et de service de traiteur 24. C’est l’esprit également des tiers-lieux alimentaires qui portent des activités multiples : jardins solidaires, cuisines collectives, restaurant solidaire, ateliers de sensibilisation, vente de produits, entreprise d’insertion (voir notamment le Ménadel et Saint-Hubert).
Diversifier les publics
La diversification des publics est recherchée dans grand nombre d’initiatives pour favoriser la mixité sociale.
Des épiceries solidaires sont parfois des lieux de mixité sociale permettant de favoriser la solidarité financière entre adhérent·e·s tout en garantissant la confidentialité, comme c’est le cas par exemple pour la Passerelle d’Eau de Robec à Lyon. Les bénéficiaires de l’aide alimentaire ont accès à des produits à des prix réduits alors que les autres adhérent·e·s paient un tarif que l’on peut qualifier de solidaire. La Légumerie propose des animations autour d’ateliers de cuisine ou de jardins partagés. Cette association lyonnaise rencontre un public en grandes difficultés sociale, physique, psychologique, économique, tout en recherchant la mixité sociale.
Réduire les coûts de fonctionnement d’une structure
Du fait de leur ancrage territorial et leur volonté d’inclure de multiples parties prenantes dans leurs projets, les initiatives de l’ESS favorisant l’accès à une alimentation de qualité sont conduites à expérimenter l’hybridation de plusieurs formes d’organisation et de gouvernance. Dans ces structures hybrides, une gouvernance globale et partagée s’instaure. Membre du PTCE La Bio pour Tous, la SCIC Resto’Bio a par exemple permis d’associer producteur·rice·s, collectivités, entreprises et salarié·e·s pour co-construire une plateforme qui fournit des structures publiques ou privées des Hautes Pyrénées en produits biologiques et locaux. L’ensemble des parties prenantes du projet est ainsi intégré dans sa gouvernance 25.
Les formes coopératives (SCIC, coopératives de consommateur·rice·s…) et associatives, peuvent être associées à d’autres outils comme les sociétés civiles immobilières (SCI) ou les fonds de dotation. Ces modes d’organisation permettent de mobiliser des financeurs tant dans l’investissement que dans le fonctionnement. Par exemple, au supermarché SuperQuinquin de Lille, le foncier a été acheté par ne SCI qui loue ses locaux au supermarché. L’association des amis de « SuperQuinquin » se charge des actions de formation et de communication. Les fonds de dotation et les cagnottes solidaires sont des outils financiers qui peuvent être multipartites. Ils sont destinés à financer des actions de solidarité auprès des personnes en situation de précarité et des agriculteur·rice·s en difficulté. Le fonds de dotation PANIERS a été constitué à l’initiative de trois organisations (Anges Gardins, Bio en Hautsde-France et le Réseau des AMAP Hauts-de-France) pour soutenir le développement des paniers solidaires en Hauts-de-France. Les cagnottes solidaires sont utilisées en AMAP pour accorder des prêts à taux zéro à des agriculteur·rice·s en difficulté financière. Elles mobilisent des fonds à travers des contrats d’apport associatifs avec droit de reprise 26.
Agir en proximité des habitant·e·s
L’enjeu de la proximité est primordial dans les actions de lutte contre la précarité alimentaire visant à favoriser l’accès de tou·te·s à une alimentation de qualité, car agir en proximité de ces personnes est le plus souvent l’unique moyen de les toucher du fait de leur exclusion :
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Exclusion sociale parce que les personnes en situation de précarité sont bien souvent marginalisées, « invisibles » du fait de leur situation sociale. Bien souvent, elles n’ont pas recours aux dispositifs et aides qui leur sont dédiées (par manque d’information ou par rejet de « l’assistanat ») et ne sont donc pas toujours identifiées par les acteur·rice·s public·que·s ou privé·e·s de leur territoire. Du fait de leurs contraintes et d’un repli sur elles-mêmes, elles participent moins aux initiatives de leur territoire.
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Exclusion physique et géographique parce qu’elles vivent plus régulièrement que le reste de la population dans un environnement dégradé en termes d’offre de proximité, de services ou d’initiatives (notamment dans des quartiers politiques de la ville et dans certaines zones périurbaines et rurales). Cet enclavement géographique est parfois aggravé par des contraintes de mobilité fortes (contraintes liées à leur condition physique, à l’absence de véhicule ou d’offre de mobilité locale).
Par conséquence, l’enjeu de proximité est souvent au centre des préoccupations des initiatives rencontrées dans le cadre de l’étude.
Cette proximité est d’abord géographique, les actions menées le sont souvent au plus près des espaces de vie des personnes. Par exemple, l’association « Légum’au Logis », porteuse de l’antenne villeurbannaise de VRAC, s’est ancrée dans la vie du quartier des Buers en allant à la rencontre des habitant·e·s à travers des ateliers d’animation culinaire, via d’autres associations, les centres sociaux et bailleurs sociaux locaux, mais aussi par des rencontres au moment des sorties d’école. C’est dans le même esprit de proximité que La Légumerie appuie l’implantation de potagers de quartiers et l’organisation d’ateliers de jardinage et de cuisine collective au coeur des lieux de vie des Lyonnais·e·s.
Il s’agit aussi d’une proximité relationnelle. C’est avant tout dans une posture de respect de la personne, non pas considérée comme une « bouche à nourrir » ou comme un·e bénéficiaire mais comme une personne avec une expérience et des goûts/envies propres.
Cette proximité suppose la création d’un cadre de confiance réciproque. Elle est facilitée lorsque les personnes en situation de précarité alimentaire sont directement impliquées dans les actions menées (à travers des ateliers cuisine mettant en avant leurs compétences et expériences par exemple).
Elle peut aussi être favorisée par le fait que les porteur·euse·s de projet partagent des caractéristiques sociologiques avec les usager·ère·s. C’est notamment le cas avec les AGORA é, ces lieux d’échanges et de solidarité à destination des étudiant·e·s, et notamment celles et ceux en situation de précarité alimentaire, qui peuvent accéder aux épiceries sociales portées par les ces structures. Ce sont en effet aussi des étudiant·e·s qui gèrent entièrement ces dernières, ce qui facilite la confiance et les échanges.
Vers un Réseau d’Achats en Commun (VRAC), des achats groupés dans les quartiers prioritaires
VRAC est une association favorisant le développement de groupements d’achats dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Créée en 2013 à Lyon à l’initiative du bailleur social Est Métropole Habitat et de la Fondation Abbé Pierre, l’association est aujourd’hui devenue un réseau actif au sein de cinq métropoles : Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Paris et Toulouse. Le fonctionnement est similaire dans chaque association :
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VRAC s’associe avec d’autres acteur·rice·s locaux·ales pour organiser des réunions d’informations permettant de présenter l’association et de mieux connaître les besoins et envies des habitant·e·s.
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Les commandes sont réalisées par mail ou via des permanences. Une liste de produits alimentaires et ménagers est transmise en amont.
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La livraison et le reconditionnement des produits sont organisés dans les quartiers en impliquant des habitant·e·s bénévoles.
Pour pouvoir commander, il faut au préalable adhérer à l’association (1€ pour les personnes vivant dans les QPV, 20€ pour les consommateur·rice·s extérieur·e·s dont le prix des achats est aussi majoré de 10%), sans qu’aucun justificatif ne soit demandé.
Concernant les produits proposés, l’association privilégie les produits en circuits courts et de qualité.
Si aller à la rencontre des personnes en situation de précarité est un moyen indispensable pour agir au plus près d’elles, leur proposer un lieu accueillant et qu’elles puissent s’approprier est un autre levier que l’on retrouve régulièrement dans les initiatives alternatives favorisant l’accès de tou·te·s à une alimentation de qualité. Les Petites Cantines proposent des espaces partagés pour que les habitant·e·s du quartier cuisinent et mangent ensemble. À condition d’avoir adhéré à l’association (à prix libre) et de contribuer au repas (à prix libre à nouveau), les habitant·e·s gèrent la préparation du repas, la vaisselle ainsi que l’entretien des espaces de cuisine et de repas. Cet ancrage physique dans un lieu est au coeur de la dynamique des tiers-lieux alimentaires 27.
Le Ménadel et Saint-Hubert, un tiers-lieu alimentaire au coeur d’une dynamique collective de territoire autour de l’alimentation
Le Ménadel et Saint-Hubert est à la fois un restaurant-café d’insertion et un tiers-lieux « culinaire ». Implanté au centre de Loos-en-Gohelle, au coeur d’un ancien bassin minier marqué par une forte précarité héritée de la désindustrialisation, ce tiers-lieu géré par l’association des Anges Gardins comprend un bar, un espace restauration et de travail, un repair café, des salles de réception et de réunion. Les repas, préparés à partir de produits très majoritairement bio et locaux, sont relativement peu chers. Loin d’être limité à ses locaux, le Ménadel et Saint-Hubert, s’intègre dans une dynamique collective bien plus large. Le lieu se trouve en effet au centre de divers projets associant les Anges Gardins, le Réseau Cocagne et d’autres acteur·rice·s locaux·ales (notamment la Ville de Loos-en-Gohelle) : des chantiers coopératifs impliquant les habitant·e·s volontaires, une micro-ferme de Cocagne en insertion, une grainothèque et bricothèque, des ateliers autour de l’alimentation et de la consommation responsable, de la vente au détail de fruits et légumes bio, locaux et solidaires, des livraisons de paniers de Cocagne (dont paniers solidaires) ainsi qu’un système d’échange de savoir-faire et de talents : la MANNE. Par ailleurs, le Ménadel et Saint-Hubert est directement lié à l‘Écopôle alimentaire de la région d’Audruicq, un Pôle Territorial de Coopération Économique (PTCE) 28 porté par un Jardin de Cocagne implanté sur la commune de Vieille-Église et associant les associations Terre d’Opale, regroupant des producteur·rice·s locaux·ales, et les « Anges Gardins » ainsi que la Communauté de communes de la région d’Audruicq, le laboratoire d’intervention et de recherche Atemis. Ce PTCE développe une activité de maraîchage employant actuellement 38 personnes en insertion, des ateliers de transformation des produits cultivés et de fabrication de paniers de légumes ainsi qu’une Table de Cocagne, un restaurant géré par des salarié·e·s en insertion. Au coeur de ces différentes actions, le Ménadel et Saint-Hubert joue à la fois un rôle de mise en lien et d’information vis-à-vis de celles-ci mais aussi d’espace de vie, d’échange et de solidarité.
Agir avec les personnes en situation de précarité
Rendre aux personnes en situation de précarité leur pouvoir d’agir et de choisir leur propre alimentation implique un changement de logique au sein des actions de lutte contre la précarité alimentaire, d’une position d’aide essentiellement verticale (agir « pour » les personnes) vers une position plus horizontale et inclusive (agir « avec » elles) en permettant aux personnes de contribuer en fonction de leur capacité mais surtout de leur envie.
Cette contribution peut être financière. La gratuité est parfois perçue comme dégradante par les personnes en situation de précarité car associée à l’assistanat29. C’est dans cette logique que les épiceries sociales et/ou solidaires demandent une contribution pécuniaire de leurs client·e·s (souvent comprise entre 10 % et 50 % du prix de marché). La péréquation tarifaire mise en place par trois magasins Biocoop dans le cadre d’un projet porté par le PTCE La Bio pour Tous permet elle aussi aux personnes en situation de précarité de se fournir en produits de qualité tout en contribuant financièrement, et sans que la réduction tarifaire à laquelle elles accèdent soit visible des autres client·e·s afin de ne pas les stigmatiser.
Il peut aussi s’agir d’une contribution sous forme de services rendus, de transmission de savoirs et savoir-faire. Ces apports de la part des personnes peuvent notamment être valorisés sous la forme d’une monnaie-temps 30. C’est par exemple l’objectif de la MANNE, un système d’échange de savoir-faire et de talents porté par les « Anges Gardins » à Loos-en-Gohelle et dans ses environs. Parce que la valeur aujourd’hui reconnue est principalement matérielle et celle des indicateurs économiques, les personnes en situation de précarité sont, de fait, reléguées à un statut tacite de « personnes de moindre valeur » pour la société. En rendant visible l’utilité sociale du temps passé en échanges de services, à aider autrui ou à participer à un projet, les monnaies-temps permettent de mettre chacun·e sur un pied d’égalité en valorisant ses compétences, quelles qu’elles soient.
La MANNE, une monnaie-temps qui valorise les compétences de chacun·e
La Monnaie d’une Autre Nature pour de Nouveaux Échanges (MANNE) est une monnaietemps portée par l’association les Anges Gardins sur le territoire de Loos-en-Gohelle et ses environs. Matérialisée par des billets, la MANNE peut être gagnée par les adhérent·e·s de l’association en réalisant des tâches prédéterminées (chantiers coopératifs, participation à la vie du « Repair Café » local, etc.) ou par un échange de service entre particuliers, sur la base d’une équivalence telle qu’une heure passée rapporte 40 MANNES. Tout·e adhérent·e peut proposer ses services (par exemple : cours de yoga, tondre la pelouse, faire une coupe de cheveux) ou demander de l’aide via un tableau accroché dans les locaux du Ménadel et Saint-Hubert ou sur le site internet de l’initiative 31. Les MANNES gagnées peuvent être dépensées via un catalogue de biens et services proposés (adoption d’une poule, acquisition d’un panier de légumes ou de produits transformés, participation à un atelier de cuisine, réception d’un manuel de cuisine, de jardinage ou d’apiculture) ou pour acheter les services d’un particulier. Elles peuvent aussi être dépensées dans un commerce local partenaire qui échange ses MANNES en euros via l’association des « Anges Gardins ». En plus de permettre la valorisation des savoir-faire des habitant·e·s, la MANNE a permis à ces dernier·ère·s de faire connaissance et de se lier d’amitié. La condition d’utilisation de cette monnaie temps est d’adhérer à l’association.
Au-delà de ces contributions ponctuelles, agir avec les personnes en situation de précarité suppose que ces dernières soient au centre de la démarche :
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Par la prise en compte de la précarité alimentaire dès la conception de l’action. Ce sont les initiatives qui, dès le départ, prennent en compte les besoins et attentes de personnes en situation de précarité alimentaire qui sont le mieux à même d’y répondre.
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Par l’implication directe des personnes en situation de précarité dans le projet. Là encore, cette implication intervient de préférence dès la conception du projet. Les modes d’implication doivent eux-mêmes se construire avec les personnes et peuvent varier et se combiner : consultations, réunions d’échanges et de travail, participation à la gouvernance et aux actions du projet. L’exemple du projet « Se nourrir lorsqu’on est pauvre » permet d’illustrer la façon dont ces différentes formes de participations peuvent être articulées au sein d’une démarche centrée sur l’accès des personnes en situation de précarité à une meilleure alimentation.
Parce qu’elle cultive depuis longtemps de nouvelles façons d’inclure les citoyen·ne·s dans ses projets, l’ESS dispose d’atouts certains pour faire de la participation des personnes en situation de précarité alimentaire le principe premier de la co-construction d’actions leur favorisant l’accès à une alimentation de qualité.
Le projet « Se nourrir lorsqu’on est pauvre » une démarche territoriale partant des personnes en situation de précarité alimentaire
Le projet expérimental « Se nourrir lorsqu’on est pauvre » a été initié par le Pays Terres de Lorraine en partenariat avec ATD Quart Monde en 2016. Cette démarche constitue l’un des axes du projet alimentaire du Pays, lui-même déclinaison locale du projet alimentaire territorial (PAT) Sud 54, labellisé en 2017 et animé par le Conseil départemental de Meurthe et Moselle.
Lancé en 2016, le projet s’est appuyé sur un groupe expérimental d’une vingtaine d’organisations et personnes volontaires puis sur plusieurs groupes thématiques. Une charte commune présentant les principes fondamentaux de la démarche est adoptée en septembre 2017. Elle consacre notamment l’une des caractéristiques principales du projet : pour favoriser l’accès de tou·te·s à une alimentation de qualité et pour ne pas stigmatiser les personnes en situation de précarité alimentaire, il faut dès le départ une démarche participative. Le projet a donné lieu à plusieurs actions :
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Deux achats groupés expérimentaux qui seront pérennisés grâce à la création d’une association ad hoc, Emplettes et Cagettes.
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Un travail autour de l’aide alimentaire ayant notamment donné lieu à une co-formation durant lesquels bénévoles, professionnel·le·s et bénéficiaires de l’aide alimentaire ont pu échanger et formuler des recommandations. Ce premier temps de discussion a conduit à créer le groupe « Grain de sel » afin de travailler à la coordination de l’aide alimentaire locale et de contribuer à l’évolution des pratiques, et notamment l’accueil, l’harmonisation et la simplification des critères de l’accès à l’aide.
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Un projet de pièce de théâtre, visant à donner à voir le vécu des personnes en situation de précarité alimentaire, leur rapport à l’alimentation en les faisant participer directement à la pièce.
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Des expérimentations de jardins nourriciers en partenariat avec AgroParisTech ;
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Un forum intitulé « De la dignité dans nos assiettes » organisé à Toul le 8 mars 2019 ayant permis de mieux faire connaître la démarche et de débattre avec des habitant·e·s du territoire (près de 400 participant·e·s).
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Une recherche-action sur les messages de santé-nutrition inscrite dans le cadre du contrat de santé (CLS) local et en partenariat avec une faculté de sociologie. Les messages de santé publique s’avèrent souvent culpabilisant pour des personnes en situation de précarité qui ne peuvent pas répondre à ces injonctions. Ce projet associe acteur·rice·s de la santé et de l’action sociale ainsi que des personnes en situation de précarité afin de croiser le regard de chacun·e et de formuler des recommandations.
Changer d’échelle en faisant valoir la richesse des impacts des initiatives favorisant l’accès à une alimentation de qualité
Les différents exemples présentés dans cette publication en témoignent, les initiatives d’accès à une alimentation de qualité font force là où elles agissent. Au-delà d’indicateurs quantitatifs de leur action, elles génèrent des impacts qualitatifs importants. On peut en citer six principaux :
1/ Rendre accessibles les produits de qualité à des personnes qui en sont privées du fait de leur situation, selon leurs attentes et leurs goûts.
2/ Favoriser l’implication et la participation des personnes en situation de précarité aux dispositifs qui les concernent et, plus largement, aux initiatives citoyennes de leur territoire.
3/ Renforcer le lien social par l’échange, la rencontre, l’accompagnement autour d’un sujet qui nous est tou·te·s commun.
4/ Développer l’entraide et la solidarité interpersonnelle, via divers mécanismes monétaires ou non.
5/ Sensibiliser et accompagner le changement des comportements alimentaires en donnant les moyens à chacun·e de pouvoir s’approprier les différents enjeux de notre alimentation (enjeux sociaux, politiques, écologiques, sanitaires, etc.) et de contribuer, à leur échelle et en fonction de leur situation, à la transition vers un modèle agroalimentaire plus juste et plus durable.
6/ Favoriser l’insertion professionnelle et la reconnaissance sociale, lorsque ces initiatives permettent à des personnes éloignées de l’emploi de retrouver une activité, tout en acquérant de nouvelles compétences et valorisant leur savoir-faire.
Pour renforcer ces impacts et en étendre la portée auprès d’un nombre croissant de personnes, leur changement d’échelle doit être encouragé. Parce qu’elles vont au-delà d’une logique simplement distributive pour agir en complémentarité sur les différentes dimensions de l’accessibilité, mais aussi du fait de leur caractère territorialisé et ancré dans un écosystème d’acteur·rice·s locaux·ales, ces initiatives n’ont pas nécessairement vocation à dépasser une certaine taille critique. Leur changement d’échelle passe d’abord par les nouvelles réponses apportées au fur et à mesure du repérage des besoins et des services à développer, mais aussi par leur multiplication sur les territoires, leur essaimage (comme le font VRAC et les Petites Cantines), leur coopération avec d’autres structures et leur mise en réseau32. Cette pollinisation est particulièrement bien illustrée par l’action des Anges Gardins et de Terres d’Opale sur Loos-en-Gohelle et Audruicq où, à partir d’un Jardin de Cocagne, se sont progressivement développées de nombreuses activités complémentaires autour de l’alimentation de qualité pour créer un Écopôle alimentaire territorialisé.
Plusieurs structures travaillent à l’évaluation de leurs impacts afin de mieux valoriser et faire valoir leurs apports. C’est notamment le cas de « Légum’au Logis ». L’association souhaite mieux rendre compte des impacts sanitaires de ses actions, d’autant plus que la dimension santé de son activité lui permet de solliciter des soutiens spécifiques (l’Agence Régionale de Santé notamment). Le PTCE d’Audruicq cherche lui aussi à mesurer l’ensemble des impacts et des richesses matérielles et immatérielles produits par le projet, ce qui est d’autant plus complexe que la démarche est collective et multidimensionnelle. Travaillant depuis plusieurs années sur ces démarches d’évaluation, le Labo de l’ESS, en partenariat avec l’Avise et la Fonda, en a proposé les prérequis dans son étude « ESS et création de valeur » 33.
Une évaluation plus systématique de leurs impacts permettra à ces initiatives d’appuyer leur reconnaissance à l’échelle nationale. Quelques structures telles que le Réseau Cocagne, le Réseau CIVAM ou encore VRAC travaillent dès aujourd’hui à construire un plaidoyer faisant valoir la nécessité qu’elles soient mieux soutenues dans leur effort pour faire émerger un nouveau paradigme dans l’action contre la précarité alimentaire 34. Les coopérations naissantes entre plusieurs réseaux nationaux, dont ceux précités, permettent d’amorcer la construction d’une représentation nationale de ces initiatives alternatives, une étape essentielle à leur changement d’échelle.
Réinventer les politiques locales pour une action territoriale favorisant l’accès à une alimentation de qualité
Parmi les acteur·rice·s oeuvrant dans les territoires pour favoriser l’accès de tou·te·s à une alimentation de qualité, les pouvoirs publics locaux - les collectivités territoriales (régions, départements, communes et leurs regroupements) et les services de l’État - et leurs émanations (établissements publics tels que les CCAS /CIAS) jouent un rôle particulier. Garants de l’intérêt général, ils disposent de nombreuses compétences en lien avec la lutte contre la précarité alimentaire et l’accès à l’alimentation de qualité. Sans prétendre à l’exhaustivité, leur rôle dans le développement d’une action systémique de lutte contre la précarité alimentaire par l’alimentation de qualité peut être résumé à trois fonctions complémentaires.
Soutenir les initiatives d’accès à une alimentation de qualité portée par l’ESS sur les territoires
Le changement d’échelle des initiatives portées par l’ESS sur les territoires appelle un soutien renouvelé des pouvoirs publics locaux. Ces derniers peuvent appuyer leur développement :
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En les soutenant financièrement. Ces aides sont aujourd’hui souvent conçues comme une aide au démarrage de l’activité (principalement par l’appui aux dépenses d’investissement) fondant progressivement. Or, un soutien durable à ces initiatives est nécessaire pour leur permettre de pérenniser et de développer leur action d’intérêt général. C’est d’autant plus fondamental que le modèle économique de ces initiatives est contraint par leur mission de proposer une offre de produits et de services accessible à des personnes dont le budget alimentaire journalier ne dépasse souvent pas quelques euros. Ces financements sont le plus souvent tributaires d’appels à projets élaborés « hors sol », auxquels doivent se soumettre les acteur·rice·s de terrain qui sont souvent conduits à adapter leur projet pour rentrer dans les cases. Ils devraient être, pour le moins, élaborés avec les acteur·rice·s locaux·ales pour éviter de les mettre en concurrence, pratique de plus en plus critiquée. Dans le cadre de son projet alimentaire territorial, Douaisis Agglo a, par exemple, eu recours à des appels à projets annuels pour définir les actions concrètes à mener dans le cadre de son projet alimentaire territorial. Les cahiers des charges de ces appels à projets ont été coconstruits avec les acteur·rice·s territoriaux·ales afin de les accompagner dans la définition des actions qu’il·elle·s porteront ensuite 35. En leur apportant un soutien matériel par exemple, par la mise à disposition ou la location à moindre coût de foncier ou de bâti comme le réaménagement de pelouses et terrains publics pour installation de jardins partagés ou d’espaces d’agriculture urbaine ou encore la mise à disposition de cuisines collectives pour des ateliers et activités de cuisine partagée (par exemple : ateliers menés dans le cadre du tiers-lieu nourricier de Sainte-Foy-la-Grande dans les cuisines du collège local).
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En leur apportant un soutien humain en termes d’expertise (technique, économique, etc.) et d’ingénierie de projets pour permettre aux initiatives de gagner en maturité et de monter en compétences.
Informer et former sur les enjeux et les initiatives développées sur leur territoire
Parce qu’ils disposent d’une vision privilégiée et transversale de leur territoire et des activités qui s’y développent, les pouvoirs publics locaux assument un rôle de sensibilisation, d’information, de mise en avant des dispositifs et d’orientation auprès des habitant·e·s et organisations locales :
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Un rôle de sensibilisation vis-à-vis de l’action contre la précarité alimentaire et de l’accès à une alimentation de qualité qui concerne tant la qualification des enjeux liés à ces objectifs que la mise à disposition de données. Ils disposent de divers leviers : pages dédiées sur leur site internet, documents de diagnostic territorial et de stratégie (on peut par exemple citer l’état des lieux réalisé par la Mairie de Paris dans le cadre de sa « Stratégie pour une alimentation durable » 36), événements (par exemple sur le modèle de la « Semaine de l’alimentation » organisée par Douaisis Agglo 37), formations et ateliers (comme les Défis Familles à Alimentation Positive).
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Un rôle de clarification et de mise en avant des dispositifs et actions existant localement pour favoriser l’accès de tou·te·s à une alimentation de qualité. L’exemple de la ville d’Angers sur le champ de l’aide alimentaire avec son Répertoire Angevin des services du champ alimentaire qui recense les acteur·rice·s de l’aide alimentaire de son territoire en clarifiant leur position géographique, les caractéristiques des lieux d’accueil ainsi que leurs horaires et les contacts importants. Les plateformes numériques constituent un outil précieux pour faire connaître l’offre et les initiatives locales au grand public.
Cette mission d’information s’adresse au grand public mais aussi aux agent·e·s des pouvoirs publics locaux qui sont souvent insuffisamment formé.e.s aux enjeux de la précarité et notamment de la précarité alimentaire. Devraient être formé.e.s à ces enjeux non seulement les agent·e·s du secteur social mais aussi des départements relatifs à l’agriculture, l’alimentation, la santé et l’environnement. Cette transversalité est nécessaire pour que la précarité alimentaire ne soit pas traitée sous l’angle unique de l’aide sociale et de l’action contre la précarité mais bien de façon systémique.
Agir directement en tant qu’opérateurs sur l’accès de tou·te·s à une alimentation de qualité
Les pouvoirs publics locaux peuvent agir directement pour favoriser l’accès de l’ensemble de leurs habitant·e·s à une alimentation de qualité :
Par la restauration collective, principal levier des collectivités locales. Celle-ci concerne principalement les cantines scolaires mais aussi les EHPAD et hôpitaux publics, ainsi que le portage de repas à domicile pour les personnes âgées. Par ce biais, les collectivités territoriales peuvent donner accès à une alimentation de qualité à bas prix à toute une partie de la population tout en soutenant par ailleurs le développement de circuits courts par leur politique d’achat. En proposant des menus végétariens, dits « de substitution », elles peuvent aussi encourager la diminution de la consommation de produits d’origine animale et, par des ateliers et autres contenus pédagogiques, sensibiliser aux enjeux du gaspillage alimentaire et de l’utilisation du plastique. La loi EGalim fixe des objectifs concrets concernant ces sujets (notamment atteindre 50% de produits de qualité et durables dont au moins 20% de produits bio d’ici 2022). Certaines collectivités montrent que c’est possible de les atteindre, et même de les dépasser : à Grande-Synthe et Mouans-Sartoux, les produits des cantines sont bio à 100% depuis 2011 et 2012. C’est faisable aussi en métropole comme l’illustrent Lyon (40%) et Saint-Etienne (80%).
Cependant, leur accès n’est aujourd’hui pas garanti à tou·te·s. C’est la conclusion d’un récent rapport du Défenseur des Droits intitulé « Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants » 38 qui fait état de disparités persistantes selon la géographie ou la situation de l’enfant et de sa famille (non-inscription pour cause de chômage des parents par exemple). En réaction, il appelle à mettre fin à ces discriminations tout en promouvant des modulations tarifaires progressives en fonction du revenu des parents.
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Par le biais des centres communaux (ou intercommunaux) d’action sociale (CCAS /CIAS). La commune ou l’intercommunalité peut mener une diversité d’actions en lien avec l’alimentation. Par exemple, le CCAS de Grenoble a distribué à ses publics une aide facultative de 20 Cairns, monnaie locale complémentaire, dans le cadre d’une expérimentation d’un mois. Utilisable dans trois structures jugées prioritaires : l’épicerie sociale et solidaire Episol, l’Accorderie de Grenoble, les transports en commun de l’agglomération grenobloise, cette monnaie locale a permis à la moitié des personnes touchées de leur faire connaître l’épicerie sociale et solidaire. Par ailleurs, de nombreux CCAS/CIAS portent des épiceries sociales et/ou solidaires.
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En mobilisant de nombreux leviers favorisant l’accès à une alimentation de qualité et à la transition alimentaire : mobilisation des documents d’urbanisme pour préserver les terres agricoles et les espaces de production urbains, animer des lieux d’échanges et de formation autour de l’alimentation (par exemple : Université populaire de Grande-Synthe), construction et gestion en régie de légumeries ou conserveries (par exemple : Légumerie portée par la ville de Lons-le-Saunier 39), etc.
Grande-Synthe, une ville en transition qui se donne les moyens de mieux manger
À quelques kilomètres de Dunkerque, Grande-Synthe fait figure de modèle en termes de transition écologique. Fortement marquée par la désindustrialisation du bassin minier, le chômage et la précarité, la ville a engagé une démarche de résilience économique, sociale et écologique, sous l’impulsion de René Carême puis de Damien Carême, ses maires successifs. En 2011, elle rejoint la démarche des « villes en transition » lancée par Rob Hopkins. La démarche de Grande-Synthe est celle d’une transition systémique vers un nouveau mode de développement. Dans ce cadre, elle a mis en place différentes actions avec divers acteur·rice·s locaux·ales en lien avec l’alimentation durable et la précarité alimentaire :
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La Ferme des Jésuites : une ferme d’insertion sociale et professionnelle portée par le Groupe VITAMINE T et employant chaque année au total environ 60 personnes.
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Un projet de ferme urbaine « multi-services » : un projet d’aide à l’installation à destination des porteur·euse·s de projet en maraîchage biologique appuyant actuellement 3 maraîchers sur une surface de 8,5 hectares et commercialisation en circuits courts et de proximité (cantines scolaires et vente directe).
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Le corridor nourricier : ce corridor boisé, initié dans les années 1970 pour faire office de zone-tampon entre la ville et ses usines, est aujourd’hui devenu un corridor écologique et nourricier de 3,5 km au nord de la ville. L’association La Forêt qui se mange dispose notamment de 5 400 m² mis à disposition par la ville pour contribuer au développement d’une forêt comestible dont la production est accessible à ses membres.
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Des jardins populaires en pied d’immeuble.
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L’Atelier – Université populaire de Grande-Synthe : cette université populaire portée par la Mairie vise à sensibiliser la population à divers enjeux sociaux et environnementaux, à organiser des débats publics, des ateliers. Un jardin et un poulailler font de l’enjeu alimentaire un axe fort de ce lieu ;
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Des paniers solidaires portés par les Jardins de Cocagne au sein de l’AFEJI, association luttant contre l’exclusion ;
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Des repas 100 % bio dans les cantines scolaires ;
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L’interdiction de l’usage de produits phytosanitaires pour l’entretien des espaces verts, ce qui lui a valu l’obtention du label « Zéro Phyto » ;
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Un projet de revenu de transition écologique adossé à une coopérative de transition écologique ;
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Un revenu minimum social garanti.
Construire une gouvernance pluri-niveaux de l’accès à une alimentation de qualité
Les actions de lutte contre la précarité alimentaire et d’accès à une alimentation de qualité se jouent simultanément à plusieurs échelles - macro (nationale et supranationale), meso (régionale, départementale) et micro (locale et individuelle) - et impliquent une multiplicité d’acteur·rice·s tant public·que·s que privé·e·s. La mise en cohérence de ces dispositifs suppose de reposer la question de sa gouvernance nationale et territoriale.
Constituer une véritable gouvernance à l’échelle nationale
Au croisement de la politique de lutte contre la pauvreté, du Programme National Nutrition Santé (PNNS), porté par les Ministères des Solidarités et de la Santé, et du Programme National pour l’Alimentation (PNA), porté par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, la lutte contre la précarité alimentaire ne fait pas l’objet d’une véritable gouvernance au niveau national. La nature interministérielle de cet enjeu ne garantit de fait pas une véritable action interministérielle coordonnée. Face à ce manque, les conclusions de l’atelier 12 des États généraux de l’alimentation (2017) faisaient déjà état de la nécessité de définir une stratégie interministérielle de lutte contre la précarité alimentaire en concertation avec les acteur·rice·s de lutte contre la précarité alimentaire et les personnes en situation de précarité elles-mêmes 40.
L’importance de la définition d’une telle stratégie, pérennisée dans une gouvernance ouverte, au-delà des principaux acteur·rice·s de l’aide alimentaire, aux représentants d’autres initiatives de la société civile et élargie à l’enjeu d’accès à l’alimentation de qualité, doit être réaffirmée afin de mettre en cohérence les actions des différents ministères, notamment en ce qui concerne les enjeux de transition agricole.
Développer des écosystèmes territoriaux de coopérations favorisant l’accès à l’alimentation de qualité
De même, à l’échelle locale, la construction d’une gouvernance autour de l’accès de tou·te·s à une alimentation de qualité est fondamental. L’intérêt d’une telle démarche est quadruple :
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Elle favorise l’interconnaissance des initiatives et le partage entre elles (partage d’idées, d’informations, d’expériences, etc.).
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Elle permet de faire prendre conscience à l’ensemble des acteur·rice·s agissant en faveur de l’accès de tou·te·s à l’alimentation de leurs objectifs communs, de les fédérer par ce projet.
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Elle dessine les contours d’une action globale en mettant en cohérence les différentes actions menées et en capitalisant les complémentarités des acteur·rice·s territoriaux·ales.
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Elle soutient l’engagement des acteur·rice·s en organisant des espaces de retour sur expérience (réflexivité) rendant compte de toutes les dimensions de leur travail, au service à la fois de leur professionnalisation, de l’évaluation des projets, de l’innovation collective, etc.
Or, bien que de nombreuses formes de coopération existent déjà sur les territoires, les exemples de véritables gouvernances territoriales autour de ces enjeux sont peu nombreux. De même qu’à l’échelle nationale, la gestion de ces enjeux reste éclatée entre de multiples acteur·rice·s public·que·s et privé·e·s insuffisamment coordonné·e·s. Comme l’indique l’ANSA41, le mode de gouvernance et son échelle territoriale doivent nécessairement s’adapter aux caractéristiques locales : contexte historique et politique, jeu d’acteur·rice·s locaux·ales, etc. Il se construit autour de trois principaux types d’acteur·rice·s :
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les pouvoirs publics locaux (collectivités territoriales, services de l’État et établissements publics).
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les organisations privées (acteur·rice·s de l’ESS et autres acteur·rice·s privé·e·s).
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les habitant·e·s et notamment les personnes en situation de précarité.
La mise en place d’une gouvernance territoriale pose la question de l’équilibre entre ces différentes parties prenantes.
En tant que garants du bon développement de leur territoire et parce qu’ils sont amenés à travailler avec une grande diversité d’acteur·rice·s, les pouvoirs publics locaux sont souvent les mieux à même d’impulser une démarche réellement territoriale de lutte contre la précarité alimentaire par l’accès à une alimentation de qualité. Ce rôle d’impulsion suppose cependant de trouver un équilibre entre initiative publique et mobilisation des acteur·rice·s du territoire. Les démarches et actions co-construites sont plus susceptibles de « faire système », c’est-à-dire de susciter une transition profonde sur leur territoire 42.
À Loos-en-Gohelle, cette recherche d’équilibre prend la forme du « fifty-fifty » : les habitant·e·s volontaires apportent les idées, la Ville apporte son soutien financier et technique. Initiés en 2014 par le Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, les projets alimentaires territoriaux (PAT) constituent un outil précieux pour donner un cadre de gouvernance autour d’actions définies collectivement. Très majoritairement initiés par des collectivités territoriales, ils visent à « rapprocherles producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateur·rice·s et à développer l’agriculture sur les territoires et la qualité de l’alimentation » 43. À condition d’une gouvernance ouverte et réellement participative, ils offrent un espace d’interconnaissance, de discussion et de coordination entre l’ensemble de ces acteur·rice·s.
Le projet « Se nourrir lorsqu’on est pauvre », coinitié par le Pays Terres de Lorraine et ATD Quart-Monde, ayant associé dès le départ de nombreux acteur·rice·s locaux·ales, est un bon exemple de gouvernance collective mise en place dans le cadre d’un PAT.
Les contrats locaux de santé (CLS) peuvent constituer un autre levier de coopération permettant d’élaborer une feuille de route associant acteur·rice·s du secteur de la santé mais aussi de l’alimentation et du social. Le Conseil départemental du Gers a quant à lui décidé de former un Groupement d’Intérêt Public (GIP), fédérant autour de lui l’Union départementale des CCAS et les CCAS membres ainsi que des associations locales, pour développer divers projets parmi lesquels une plateforme logistique servant à approvisionner les points de distribution d’aide alimentaire du département44. Des bénéficiaires de l’aide alimentaire sont associés à la gouvernance de l’initiative. À partir des questions sociales, les CCAS et CIAS sont eux aussi en mesure de jouer le rôle d’impulsion et de coordination territoriale, notamment en ce qui concerne l’aide alimentaire (par exemple pour harmoniser les modalités d’inscription et le calcul du reste à vivre).
Dans d’autres cas, ces démarches sont impulsées par des acteur·rice·s privé·e·s. Eux·elles aussi disposent d’outil de gouvernance. Parmi ceux-ci, les Pôles Territoriaux de Coopération Économique (PTCE)45. L’exemple du PTCE La Bio pour Tous témoigne de la capacité d’acteur·rice·s privé·e·s à se fédérer au sein d’une démarche collective autour des enjeux d’accessibilité à l’alimentation de qualité.
Le PTCE La Bio pour Tous
Reconnu en 2015 suite à l’initiative du Groupement de l’Agriculture Bio des Hautes-Pyrénées (GAB65) et onze autres structures, le PTCE La Bio pour Tous vise à favoriser le développement de la filière bio (notamment par la fourniture des cantines scolaires) tout en renforçant l’accessibilité des produits bio au plus grand nombre, et notamment aux personnes en situation de précarité. Le PTCE a plus spécifiquement impulsé un projet lui aussi intitulé « la bio pour tous » et reposant sur trois actions :
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la mise en place par trois Biocoop du PTCE d’une péréquation tarifaire pour que les familles inscrites dans ce dispositif repartent en payant la moitié de leur panier (avec une limite maximale de 60 €). Le reste du prix est couvert par une caisse de solidarité abondée pour partie par des dons des autres consommateur·rice·s, complétés par les magasins eux-mêmes. Les client·e·s bénéficiaires peuvent donc avoir accès à des produits de qualité tout en contribuant financièrement, tout cela de façon nonstigmatisante puisque la réduction est appliquée automatiquement lorsqu’il·elle·s indiquent leur compte client·e ;
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l’organisation d’ateliers de cuisine et de visites de fermes pour sensibiliser et éduquer aux enjeux de l’agriculture biologique ;
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la livraison par l’association Villages accueillants, chantier d’insertion dans le domaine du maraîchage bio, de 50 à 100 kg de légumes frais et biologiques au Secours populaire membre du PTCE.
Cette gouvernance locale collective doit permettre de tendre vers le développement d’écosystèmes territoriaux de coopération favorisant l’accès à une alimentation de qualité. Ceux-ci rompent avec la segmentation actuelle de nos systèmes alimentaires pour développer sur les territoires des réponses collectives et collaboratives fondées sur la confiance, la réciprocité, la reconnaissance des complémentarités de chacun·e 46. Les « Écopôles alimentaires », notion portée par le Réseau Cocagne et dont le PTCE d’Audruicq est l’exemple le plus abouti, concrétisent parfaitement le concept d’écosystème territorial de coopération autour de transactions marchandes et non marchandes renforçant les liens entre acteurs·rice·s de la société civile, pouvoirs publics locaux, entreprises, chercheur·euse·s et habitant·e·s en s’appuyant à la fois sur une relocalisation de la production agricole et sur le développement d’une économie de services autour de l’alimentation, créatrices d’emploi et de solidarités.
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1 FORGET, V. et al. (2019). Actif’Agri : transformations des emplois et des activités en agriculture. Centre d’études et de prospective du Ministère de l’agriculture et de l’alimentation. n°145. URL : agriculture.gouv.fr/actifagri-transformations-des-emplois-et-des-activites-enagriculture-analyse-ndeg145
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2 L’ensemble des échanges et analyses des ProspectivESS du Labo dédiées à l’Agriculture et l’alimentation durables sont disponibles à l’adresse suivante : www.lelabo-ess.org/-1-publications-agriculture-alimentation-.html
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3 COUTURIER, C; CHARRU, M; DOUBLET, S & POINTEREAU, P. (2016). Afterres 2050. Solagro. URL : afterres2050.solagro.org/wp-content/uploads/2015/11/Solagro_afterres2050-v2-web.pdf
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4 Voir notamment les propositions de la plateforme « Pour une autre PAC » : pouruneautrepac.eu/
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15 PATUREL, D., CARIMENTRAND, A. (2018). Un modèle associatif de circuits courts de proximité pour les épiceries sociales et solidaires : vers une démocratie alimentaire ? in ROR, vol 1/13, pp. 43-54
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6 Retrouvez la présentation du programme et ses premiers résultats à cette adresse : www.civam.org/index.php/actualites/650-accessible-lespremiers-Resultats
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7 Les résultats de l’étude sont résumés dans un communiqué de presse disponible à l’adresse suivante : www.inrae.fr/actualites/suivi-recommandations-nutritionnelles-impact-positif-confirme-lenvironnement
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8 DEL CORSO, F. & PATUREL, D. (2013). Droit à l’alimentation. INRA Montpellier. UMR 951 Innovation et PATUREL, D. (2015). Pourquoi faut-il aller plus loin que l’aide alimentaire ? EAPN. URL : www.academia.edu/14850403/Pourquoi_faut-il_aller_plus_loin_que_laide_alimentaire
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9 Secours catholique. (2018). Alimentation : les recettes de la dignité. Entretien avec Magali Ramel. Consulté le 06/03/2020. URL : www.secours-catholique.org/actualites/alimentation-les-recettes-de-la-dignite
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10 LAROCHETTE, B. & SANCHEZ-GONZALEZ, Joan. (2015). Cinquante ans de consommation alimentaire : une croissance modérée, mais de profonds changements. Insee. URL : www.insee.fr/fr/statistiques/1379769#tableau-figure1
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11 Le Labo de l’ESS a déjà fait état de l’intérêt d’un revenu universel pour sécuriser et émanciper chacun·e dans le cadre de son chantier Nouvelles formes d’emploi. Lien vers la publication : www.lelabo-ess.org/IMG/pdf/print_publication_nfe_02102018-version_compressee.pdf
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12 Pour retrouver le détail du calcul de ce revenu variable, consultez cette page : www.ville-grande-synthe.fr/minimumsocial-garanti/
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13 RAYNAUD, I. (2019). Revenu de base : la ville de Grande-Synthe assurera 855€ par mois à chaque habitant. La gazette des communes. Consulté le 31/03/2020. URL : www.lagazettedescommunes.com/603138/revenu-de-base-la-ville-de-grandesynthe-assurera-855e-par-mois-a-chaque-habitant/
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14 MEGHRAOUA, L. (2019). En Californie, le revenu de base sert d’abord à acheter de la nourriture. Usbek & Rica. Consulté le 31/03/2020. URL : usbeketrica.com/article/californie-revenu-de-base-acheter-nourriture
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15 Pour en savoir plus : securite-sociale-alimentation.org/
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16 Ingénieurs sans frontières. (2019). Pour une sécurité sociale de l’alimentation. URL : www.isf-france.org/articles/pour-unesecurite-sociale-alimentaire
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17 PATUREL, D. & NDIAYE, P. (2019). Démocratie alimentaire : de quoi parle-t-on ? Chaire UNESCO Alimentations du monde. Les Chroniques “Démocratie Alimentaire” - Volet 1
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18 Pour en savoir plus, retrouvez l’ « Initiative inspirante » consacrée à VRAC à cette adresse : www.lelabo-ess.org/de-lalimentation-de-qualite-pour-toutes-et-tous.html
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19 Cette définition est celle donnée en 2013 par le 1er Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, coordonné par le Ministère de l’alimentation et de l’agriculture.
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20 ADEME. (2016). Pertes et gaspillages alimentaires : l’état des lieux et leur gestion par étapes de la chaine alimentaire. URL : r485633301.racontr.com/index.html
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21 Pour plus d’informations sur le glanage, voir par exemple le dossier de France Nature Environnement à cette adresse : www.fne.asso.fr/dossiers/les-nouveaux-glaneurs-au-secours-des-aliments-perdus-et-gaspillés
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22 Polanyi, K. (1944). La Grande Transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps. Gallimard
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23 Lasida, E. (2013). Le don fondateur du lien social, le cas de l’économie de marché. Transversalités, 126(2), pp. 23-35. URL : www.cairn.info/revue-transversalites-2013-2-page-23.htm
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24 LANCIANO, E ; LAPOUTTE, A & SALEILLES, S. (2017). Construire des modèles d’affaires pour la justice alimentaire : Le cas d’organisations solidaires favorisant l’accès des populations précaires à une alimentation de qualité. AIMS. XXVIe Conférence Internationale de Management Stratégique.
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25 Pour en savoir plus, retrouvez l’ « Initiative inspirante » consacrée à la SCIC Resto’Bio à cette adresse : www.lelabo-ess.org/la-scic-resto-bio-approvisionne-la-restauration.html
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26 Pour en savoir plus : miramap.org/Les-cagnottes-solidaires.html
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27 La notion de tiers-lieux alimentaires à dimension sociale fait aujourd’hui l’objet d’une réflexion par un collectif d’associations et d’acteur·rice·s de la recherche à laquelle participe le Labo de l’ESS. Pour plus d’information, retrouvez les actes d’une rencontre organisée par le Réseau Cocagne le 19 novembre 2019 disponibles à l’adresse suivante : www.reseaucocagne.asso.fr/droita-une-alimentation-durable-pour-tous-des-lieux-pour-construire-la-democratie-sociale/
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28 Créés à l’initiative de l’ESS depuis une vingtaine d’années, reconnus par la loi relative à l’ESS du 31 juillet 2014, les Pôles Territoriaux de Coopération Économique (PTCE) sont des regroupements, sur un territoire donné, d’initiatives, d’entreprises et de réseaux de l’économie sociale et solidaire associé à des PME socialement responsables, des collectivités locales, des centres de recherche et organismes de formation, qui met en oeuvre une stratégie commune et continue de coopération et de mutualisation au service de projets économiques et sociaux innovants, porteurs d’un développement local durable. Il en existe aujourd’hui plus de 100 en activité en France. Pour en savoir plus : www.lelabo-ess.org/+-ptce-+.html
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29 RAMEL, M et al. (2014). Se nourrir lorsqu’on est pauvre. Analyse et ressenti de personnes en situation de précarité. ATD Quart-Monde.
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30 Pour en savoir plus, voir les Accorderies (www.accorderie.fr/), le réseau Ecotemps (www.lechangeheure.org/ecotemps/) , le Mouvement Sol (www.sol-reseau.org/).
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31 Le site est disponible à l’adresse suivante : menadel.fr/
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32 Le Labo de l’ESS a travaillé à la qualification d’autres modes de changement d’échelle que l’augmentation de la taille des structures dans sa seconde publication sur les Circuits courts économiques et solidaires disponible à cette adresse : www.lelabo-ess.org/IMG/pdf/cc_tome_2_vf_web.pdf
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33 Publication à retrouver à l’adresse suivante : www.lelabo-ess.org/IMG/pdf/rapport_3_creation_de_valeur_-_labo_ess_juin_2019.pdf
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34 Ces trois réseaux ont lancé le 05/03/2020 un appel commun avec le Secours catholique et l’UGESS « pour permettre l’accès digne à une alimentation de qualité à toutes et tous ». L’appel est à retrouver à cette adresse : www.reseaucocagne.asso.fr/wp-content/uploads/2020/03/cp-precaritealimentaire-05-03-2020.pdf
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35 Plus d’informations sur le projet alimentaire territorial du Douaisis sont disponibles dans la monographie réalisée par le Labo de l’ESS dans le cadre de son étude-action « Dynamiques collectives de transition dans les territoires », à retrouver à l’adresse suivante : www.lelabo-ess.org/IMG/pdf/monographie_pat_douasis.pdf
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36 Mairie de Paris. (2018). Stratégie de Paris pour une alimentation durable.
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37 Plus d’information sur la Semaine de l’alimentation et le reste des actions menées par Douaisis Agglo sur l’alimentation sont disponibles à l’adresse suivante : www.douaisis-agglo.com/environnement/agriculture-et-alimentation/programme-alimcad
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38 Défenseur des Droits. (2019). Un droit à la cantine scolaire pour tous les enfants. Disponible à l’adresse suivante : www.defenseurdesdroits.fr/fr/rapports/2019/06/un-droit-a-la-cantine-scolaire-pour-tous-les-enfants
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39 Plus d’informations sur cette initiative à l’adresse suivante : www.banquedesterritoires.fr/lons-le-saunier-une-legumerie-pourconforter-la-filiere-bio-locale-39
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40 Conclusions à retrouver à cette adresse : www2.assemblee-nationale.fr/static/15/commissions/CAffEco/egalim-atelier12.pdf
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41 ANSA. (2019). Pratiques inspirantes et préconisations. Projet Alim’Activ : Agir contre la précarité alimentaire par la coordination territoriale.
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42 La notion de « faire système » est issue de l’étude-action du Labo de l’ESS sur les Dynamiques collectives de transition dans les territoires, dont les conclusions sont présentées dans le pré-rapport disponible à l’adresse suivante : www.lelabo-ess.org/IMG/pdf/pre-rapport_dpt_vf_web.pdf
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43 LOI n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, article 1.
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44 ANSA. (2019). Pratiques inspirantes et préconisations. Projet Alim’Activ : Agir contre la précarité alimentaire par la coordination territoriale.
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45 Le Labo de l’ESS a largement oeuvré à la reconnaissance de ces pôles et anime depuis une réflexion sur leurs actions. Voir notamment les publications disponibles à cette adresse : www.lelabo-ess.org/-publications-et-documentation-.html
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46 Voir notamment les publications du CERDD relatives aux systèmes alimentaires : « Système alimentaire et coopérations entre acteurs du territoire » (2017) et « Systèmes alimentaires durables territorialisés » (2018). À découvrir sur le site du CERDD : www.cerdd.org/