Quelques leçons apprises : un aperçu des différentes stratégies
Isabelle Lacourt, 2015
RISTECO, Eating Cities International Platform
Douze études de cas ont été sélectionnées parmi un large éventail d’expériences pertinentes et classées en cinq catégories qui mettent en évidence différentes typologies de projets. L’examen de toutes ces études de cas montre que les progrès sont plus rapides et plus faciles lorsque les villes sont déjà profondément soucieuses par les questions environnementales et ont élaboré un agenda 21 ou une planification environnementale.
L’examen de ces projets réussis liés à l’alimentation, en plus de ces avantages en tant que tel, montre comment cela à aussi renforcer la cohésion sociale et créer du lien social. En effet, non seulement l’alimentation peut devenir un fil conducteur qui relie toutes les principales compétences des villes en matière d’environnement urbain, de développement économique, d’éducation, de solidarité, de culture et de loisirs, de santé, de politique et de gouvernance, mais elle peut également donner de la cohérence et une synergie entre les villes et les territoires adjacents.
1. Développer une vision systémique à travers un Conseil de la politique alimentaire
Les cas de Toronto et Bristol montrent à quel point les conseils de la politique alimentaire ont joué un rôle déterminant dans le travail avec les communautés, les décideurs politiques et les conseillers municipaux pour identifier les opportunités. Leur effet synergique peut s’expliquer par le fait que toutes les activités liées à l’alimentation ont plus de sens dans un cadre d’action résultant d’une vision systémique. Non seulement elle permet une utilisation plus rationnelle des fonds, mais elle canalise avec une plus grande efficacité toutes les actions et dynamiques volontaires existantes qui constituent un élan essentiel.
En effet, les Conseils de politique alimentaire sont une force d’action multi-acteurs qui ont démontré depuis 30 ans une capacité constante à rassembler des personnes de tous les secteurs, de toutes les disciplines et même de toutes les tendances politiques pour travailler ensemble sur ces questions alimentaires. Sous la supervision d’experts, ils sont une ressource pour leurs membres, répondant aux besoins de mise en réseau et de développement professionnel et facilitant les échanges sur des sujets pertinents pour les décideurs, les praticiens et les défenseurs travaillant sur ces enjeux. Ils ont également la responsabilité d’identifier de façon la plus large possible les problèmes potentiels liés au système alimentaire, ainsi que la stratégie et les différentes actions possibles à mettre en oeuvre.
2. L’alimentation relie les préoccupations sociales et sanitaires
Le cas de New York City est un brillant exemple de changement culturel profond basé sur le concept de sécurité alimentaire et nutritionnelle, qui a fait de l’alimentation durable un élément essentiel et transversal dans la vie de tous les citoyens dans le cadre d’une approche holistique. La contrainte budgétaire impose de trouver des solutions pour financer ces programmes coûteux.
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Les villes peuvent développer un système de mesure des répercussions et des impacts afin de justifier de nouvelles dépenses et des changements à opérer dans le budget municipal. Aucune méthodologie immédiate n’est disponible et les systèmes d’évaluation sur mesure doivent être adaptés aux contextes locaux.
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Les villes peuvent soutenir un système alimentaire alternatif afin de contribuer positivement à l’économie locale et répartir une partie des dépenses au niveau de leur propre territoire.
3. L’effet de levier du service alimentaire public
Le service public de restauration est un moyen direct de tester et d’illustrer tout type d’action concernant les systèmes alimentaires durables. Des villes comme Copenhague peuvent envisager dans le cadre de ce service public d’investir davantage dans les ressources humaines et le savoir-faire, en plaçant l’homme au centre de l’économie, mais aussi pour éduquer et sensibiliser la population (des enfants aux personnes âgées) à l’importance de l’alimentation. Il est notamment possible de donner au personnel municipal, à commencer par les cuisiniers, les moyens de préparer des repas sains, complets, équilibrés, écologiques et savoureux sans en augmenter le prix. Paris et Rome sont de bons exemples de villes conscientes du potentiel des marchés publics permettant la réorganisation de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, y compris la production (à l’intérieur et à l’extérieur de la ville) et l’optimisation de la logistique dans leur propre zone d’influence sur le dernier kilomètre.
4. La planification urbaine contre l’étalement urbain - utiliser les atouts urbains pour préserver l’agriculture et les ressources en eau
Le projet territorial développé à Rennes, vieux de trente ans, est emblématique pour montrer combien les questions alimentaires peuvent pousser les villes à développer une politique d’urbanisme responsable et cohérente qui préserve des territoires agricoles fonctionnels et connectés entre eux ainsi que des ressources vitales comme la biodiversité et l’eau. Non seulement les villes ne doivent pas se développer en détruisant les terres rurales vivrières, mais elles peuvent utiliser leurs atouts spécifiques (voir deux exemples ci-dessous) pour stimuler un développement rural en harmonie avec les besoins urbains. Les cas de Nuremberg et de Saragosse illustrent que les villes peuvent développer une action pragmatique pour soutenir les producteurs alimentaires locaux, principalement en stimulant la demande parmi la population urbaine, en utilisant une approche commerciale (Nuremberg) ou une approche éducative (Saragosse). Dans le même temps, en étant des nœuds logistiques pour la mobilité des personnes, ils deviennent des passerelles internationales, par exemple en gérant des foires internationales et des programmes de coopération, et ce faisant, étendre le réseau également aux zones rurales éloignées.
5. Être intelligent, développer une économie locale basée sur des productions alimentaires locales
La question de la politique alimentaire soulève la nécessité d’encadrer le domaine d’action afin d’en accroître l’efficacité. Mais certaines villes comme Bruxelles ont éprouvé les obstacles générés par des critères trop étroits et trop précis, initialement mis en place, pour définir leur champ d’action, et finalement choisir une approche plus pragmatique et expérimentale afin d’encourager l’innovation. Pour cette raison, la ville a décidé de mettre en œuvre des systèmes alimentaires durables en renfonçant principalement l’économie et ainsi créer des emplois locaux, l’agriculture urbaine ayant été identifiée comme un domaine d’activité prometteur du système alimentaire, encore à mettre en œuvre. La commercialisation territoriale des ressources alimentaires peut également être développée pour permettre la promotion de l’agriculture locale dans le but d’accroître l’autosuffisance alimentaire (Genève) mais aussi gagner une reconnaissance mondiale et une réputation internationale en cherchant à devenir une capitale de l’alimentation de haute qualité et développer ainsi l’attraction touristique de la ville (Turin).