Rwanda et l’hydraulique de petite échelle

Manuel Marin, 2013

Cette fiche relate une expérience partenariale pour vaincre la pauvreté énergétique au Rwanda. Ce partenariat international a permis l’autonomie énergétique d’une plus grande part de la population et, partant, un développement économique et local, en dehors de la sphère agricole.

Le gouvernement rwandais en partenariat avec le gouvernement belge a récemment fini la fabrication de trois centrales hydrauliques de petite échelle au Rwanda. Ces centrales sont destinées à l’approvisionnement des communautés rurales, dont l’accès à l’électricité était limité. Le projet fait partie d’une stratégie de 10 ans pour augmenter la production d’énergie de Rwanda de 900 Méga Watts, dont 5 MW viendront des énergies renouvelables telles que la solaire, l’éolienne et l’hydraulique de petite échelle. L’idée est d’utiliser ces technologies respectueuses de l’environnement pour nourrir les petits consommateurs locaux. C’est le principe d’autonomie énergétique appliqué au niveau communal, et cela montre son efficacité non seulement du point de vue économique, mais aussi du point de vue social. Les communautés locales ressentent immédiatement les avantages de l’électricité en même temps que le territoire préserve sa stabilité.

Plusieurs organismes internationaux sont engagés depuis 2009 dans la fabrication d’un parc de 20 centrales hydrauliques de petite échelle au Rwanda. Parmi ces organismes, il y a la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l’Agence allemande de coopération technique (GTZ) et la Coopération technique belge (CTB). Le projet donne suite à une étude du potentiel énergétique renouvelable du pays encadré par le gouvernement du Rwanda, qui a identifié l’hydraulique de petite échelle comme une opportunité de développement économique. Au fait, les conditions climatiques et géographiques du Rwanda permettent de développer cette technique, consistant à utiliser le flux naturel des eaux pour alimenter une turbine et ainsi générer de l’électricité. Trois des 20 centrales du projet sont opérationnelles actuellement, à Nkora, à Cyimbili et à Keya, apportant un total de 3 Méga Watts. Cette capacité pourra être complétée dans le futur par le photovoltaïque, qui intervient pendant la saison sèche lorsque l’hydraulique de petite échelle diminue. A l’inverse, dans la saison de pluie l’hydraulique de petite échelle est censé prendre le relais lorsque le photovoltaïque est moins disponible.

Les 20 centrales du projet seront destinées principalement à attaquer le problème de la pauvreté énergétique qui affecte de nombreuses communautés rurales rwandaises ; aujourd’hui, 75 % de la population du Rwanda est rurale. Avant la mise en place, en juillet 2011, des centrales de Nkora, Cyimbili et Keya, les habitants de la zone n’avaient accès qu’à 6 heures d’électricité par jour. Après l’installation, ce chiffre est monté à 23 heures par jour.

Le but du gouvernement rwandais est d’assurer l’approvisionnement énergétique de 70 % de la population en 2017. En même temps, la demande d’électricité va augmenter à cause de la croissance de la population et au développement de l’activité minière au nord du pays. Pour cela, il faut augmenter la capacité installée de 97 à 1000 Méga Watts. Cette capacité sera obtenue principalement par les sources traditionnelles, telles que l’hydraulique de grande échelle (des barrages) et le thermique à base de combustibles fossiles (gaz naturel). Cependant, 5 MW viendront des sources renouvelables.

Les habitants qui ont bénéficié de l’énergie provenant des centrales de Nkora et Cyimbili se montrent satisfaits du projet. Les habitants de Keya, par contre, signalent des irrégularités dans l’approvisionnement, ce que les responsables de la centrale attribuent au réseau de distribution, qui n’est pas au point. Ces irrégularités empêchent la région de Keya d’atteindre le même niveau de développement que l’on observe dans les zones de Nkora et de Cymbili, où l’accès à l’électricité a permis l’ouverture des restaurants, des cafés, des salons de beauté. Les habitants de ces communes deviennent des entrepreneurs et voient augmenter considérablement leurs revenus. Lorsqu’ils sont interviewés sur l’impact que ces projets ont dans leur vie, ils répètent des phrases telles que « ces projets représentent un miracle pour nous » et « maintenant que j’ai de l’électricité, ma vie a changé ». Ces habitants sont les mêmes qui ont travaillé à la fabrication de la centrale. Pendant sa construction, encouragés par l’entreprise qui a encadré les travaux, ils ont fait des économies qui leurs ont permis de financer l’installation de leurs entreprises.

Ces projets ont également eu un impact social non-négligeable. Les nouveaux restaurants, cafés et salons de beauté sont des espaces de rendez-vous communautaires qui permettent de renforcer les relations entre les voisins. Cela permet aussi aux entrepreneurs de trouver de nouveaux partenaires pour leurs activités, ce qui constitue un cercle vertueux de croissance. L’accès à l’électricité a permis aussi aux écoles et aux centres hospitaliers de fonctionner correctement, spécialement à Nkora et à Cyimbili où ces services étaient très défaillants. Dorénavant les habitants ne sont plus obligés de se déplacer vers Gysenyi ou Kigali pour recevoir une attention médicale. Les enseignants peuvent planifier leurs cours à l’avance. Le nombre d’heures que les étudiants travaillent à la maison a augmenté depuis que les foyers sont raccordés aux nouvelles centrales.

Malgré ces améliorations du cadre de vie les habitants des communes concernées ne sont pas encore tout à fait conscients des avantages de l’hydraulique de petite échelle par rapport à d’autres sources d’énergie, en particulier en ce qui concerne la préservation et la gestion du territoire. Certes, l’installation des centrales a dévié légèrement les cours des rivières et quelques familles ont été déplacées. Mais elles ont reçu une compensation de la part du gouvernement. Les habitants sont satisfaits de cette solution. De plus, les nouveaux cours d’eaux ont été faits de façon à rapprocher les rivières des communautés en leur donnant un accès plus direct pour laver le linge et rendre plus facile d’autres tâches ménagères. Cependant les familles continuent à utiliser le bois pour se chauffer et faire la cuisine. L’électricité n’est utilisée que pour l’éclairage. Le gouvernement encourage l’utilisation de l’électricité pour la cuisine et le chauffage, afin de réduire les émissions de gaz à effet serre.

L’hydraulique de petite échelle est une alternative valable à l’hydraulique traditionnelle, spécialement lorsqu’il s’agit de l’approvisionnement électrique des petites communautés rurales. Son impact ne doit pas être mesuré exclusivement en termes d’amélioration des conditions économiques et sociales des habitants, mais aussi des autres espèces qui habitent le territoire. De ce point de vue, l’hydraulique de petite échelle est bien plus respectueuse de l’environnement que l’hydraulique traditionnelle, dans la mesure où les grands barrages inondent de grandes portions de territoire. Mais il s’agit de technologies complémentaires. Le gouvernement rwandais montre que les deux peuvent se développer en même temps, dans une même région, en ciblant des objectifs différents. Il est encore trop tôt pour déterminer l’impact des centrales de Nkora, Cyimbili et Keya sur la population. Cela fait seulement un an qu’elles sont opérationnelles. Mais ce que l’on peut dire est que ce type de projet est en général bien accueilli par les habitants. Le développement énergétique est un problème qui a plusieurs dimensions. Trouver une bonne solution énergétique pour un territoire donné implique de savoir les mettre en valeur et les articuler de façon cohérente.

Références