Réduire les coûts et investir pour demain : quelles stratégies et solutions opérationnelles d’optimisation de la gestion des ressources publiques ?
2014
Fonds mondial pour le développement des villes (FMDV)
Les récentes crises, qu’elles soient économique, financière, énergétique ou climatique, couplées aux dynamiques existantes de décentralisation et de métropolisation ont engendré une importante remise en question des modèles de financement des pays européens. De nombreux rapports 1 ont ainsi souligné une volonté, voire une nécessité de diminuer, rationnaliser et optimiser la dépense publique, à court comme à long terme. Ces documents mettent également en lumière qu’au-delà des aspects financiers, l’enjeu est celui de l’optimisation de la performance publique dans son ensemble prenant en compte les schémas de gouvernance des territoires.
À télécharger : innover_localement_pour_financer_les_territoires4.pdf (1,5 Mio)
La recherche d’une gouvernance plus intégrée est devenue un axe récurrent, dans les politiques européennes2, nationales ou régionales3. Loin d’être une démarche monolithique, l’optimisation de la performance publique est donc un enjeu pluriel qui combine approches multidimensionnelles et multiniveaux visant la complémentarité et nécessite de repenser les modes de financement et de gouvernement des espaces et des territoires. Par ailleurs, les villes, souvent marquées par de forts taux d’inégalité et de pauvreté ainsi que par une empreinte écologique élevée, sont perçues comme des environnements propices pour développer et mettre en œuvre des solutions d’amélioration de la performance publique. Ce chapitre se centrera sur les initiatives mises en œuvre par les collectivités locales pour améliorer la performance publique aussi bien en termes de gouvernance que de dépenses. Il révèle leur capacité à être de véritables vecteurs d’innovation, capables de mener des projets ambitieux sur leurs territoires. Comment réduire et optimiser les coûts tout en améliorant la qualité des services publics à court comme à long terme ? Comment répondre aux défis actuels et futurs avec peu de ressources ? En d’autres termes, comment faire mieux avec moins ? Quels efforts sont faits pour améliorer d’une part les modalités de coopération et d’autre part la performance des collectivités locales ? Quels en sont les impacts en termes de cohésion sociale et territoriale, de redynamisation économique, de durabilité? Enfin, quels indicateurs utiliser pour évaluer le succès de ces mesures? Ces questions seront étudiées à travers l’analyse de trois cas d’études :
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Le mécanisme de tiers-financement appliqué à la rénovation énergétique via la présentation de la SEM Energie Posit’if en Île-de-France ;
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La plateforme de coopération Amsterdam Smart City à Amsterdam
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Péréquation et cohésion territoriale via la création de l’Aire Métropolitaine de Barcelone
Dans ces trois cas d’étude, les collectivités ont mis en œuvre de nouveaux schémas de coopération et de rationalisation des dépenses. S’ils ne sont pas exhaustifs, ils sont néanmoins représentatifs de dynamiques à l’œuvre sur le continent européen et témoignent des capacités des collectivités locales dans un contexte de crise. Ils intègrent également les questionnements contemporains sur la nécessaire prise en compte des externalités et des temporalités longues dans la décision publique.
Les collectivités locales, acteurs centraux de l’optimisation de la performance publique
Dans ce contexte de crises systémiques, les collectivités locales ont un rôle majeur à jouer, compte tenu de leur poids important dans les dépenses publiques4, de leur rôle clé de prestataire de services publics et de leur place particulièrement inconfortable dans un contexte de crise (augmentation des dépenses nécessaires et baisse notable des revenus disponibles). Elles sont également des acteurs-clés dans l’articulation entre politiques publiques, aspirations citoyennes et besoins des territoires : souvent en charge de prérogatives similaires en dépit des diverses architectures de gouvernement sur le continent européen5 (eau, transports, formation et emploi, politiques énergétiques), à la fois proches des habitants et relais des institutions nationales, elles sont investies d’une véritable mission d’intérêt général. Les diverses initiatives existantes témoignent du fait que le défi principal des collectivités européennes n’est pas tant la disponibilité des ressources mais les façons possibles de les mobiliser et les orienter. Ainsi, l’enjeu est donc de mettre en œuvre des mesures efficaces permettant de grouper les différents acteurs de la gouvernance urbaine ainsi que leurs ressources autour d’un projet urbain partagé et coproduit6.
Les collectivités locales, balises du développement territorial
Les collectivités locales semblent donc se positionner de façon de plus en plus volontaire comme des facilitateurs des relations entre acteurs privés, publics et citoyens, permettant une mobilisation plus concertée des ressources. C’est le cas de la Région Ile de France et de collectivités partenaires (Etude de Cas : la SEM Energies Posit’if ) qui ont mis en place une ligne de tiers financement pour la rénovation énergétique des bâtiments privés et agissent comme coordinateur entre les différents acteurs de la rénovation. Les investissements publics font alors fonction de catalyseurs, le but étant d’initier des dynamiques similaires portées par les acteurs privés. Plus généralement, la municipalité d’Amsterdam a également mis en place une plateforme de coopération entre acteurs urbains (Etude de Cas : Amsterdam Smart City) qui vise à initier des projets « intelligents » menant à un développement urbain durable, les subventions publiques permettant d’aider le développement de lignes de financement privées. Enfin, la municipalité de Barcelone et de nombreuses municipalités partenaires ont choisi de créer un échelon de gouvernement additionnel sous la forme d’une aire métropolitaine (Etude de Cas : AMB) pour coordonner l’activité des collectivités locales et des acteurs du territoire et pour permettre une meilleure cohésion territoriale.
En dépit de leur diversité, ces trois études de cas témoignent du dynamisme des collectivités locales qui se positionnent comme vecteurs de coopération entre les différents acteurs de la gouvernance urbaine, que ce soit par la création d’échelons de gouvernement, de plateformes de coopération ou par la mise en place de lignes de financement ciblées. A différentes échelles, ces initiatives révèlent une capacité de mobiliser les ressources financières et non financières de différents acteurs pour orienter le développement des territoires et initier des projets ambitieux. A ce titre, les collectivités locales semblent esquisser une nouvelle gouvernance urbaine, où leur rôle est celui d’initiateur, de mise en relation et de contrôle, de fléchage et d’orientation des investissements plutôt que celui d’entité en charge du financement et de l’exécution de grands projets. Les fonds publics sont ainsi utilisés dans le but de mobiliser les investisseurs privés mais également d’inciter à la prise en compte de considérations extra financières dans le choix des projets, tout particulièrement en ce qui concerne la qualité de vie et les bénéfices environnementaux. Enfin, le développement homogène des territoires est perçu comme un élément de réponse aux crises : la ville principale n’est donc plus nécessairement le centre des investissements et les municipalités se regroupent en structures permettant un développement territorial plus homogène. L’association des municipalités entre elles ou avec d’autres acteurs du territoire semble donc cruciale dans l’optimisation des ressources. Néanmoins, tous les cas étudiés ont vu le jour grâce à un fort portage politique et un soutien important des partenaires. La question se pose alors de pour qui est faite la ville de demain et de quels types de partenaires sont associés dans son élaboration. Le rôle des collectivités locales, loin d’un désengagement, se doit également d’être celui de garant de la redirection efficace des ressources pour assurer la « coproduction » équilibrée de l’espace urbain et non pas son hold up par un unique type d’acteurs.
1 AT Kearney, 2013 ; Groupe de travail “Développement économique et emploi au niveau local, 2012 ; Mandl and al, 2008 ; Allain-Dupré, 2011
2 Schéma de gouvernance intégrée au sein de la politique de cohésion européenne 2007-2013, repris dans la politique 2014-2020.
3 Groupe de travail “Développement économique et emploi au niveau local” (2012), Développement économique, emploi, ressources humaines : pour des stratégies territoriales intégrées
4 Responsables de 65% de l’investissement public en Europe en 2011
5 Bauby P. et Similie M. (2013), Governance of Basic Public Services in Europe
6 Empiriquement, cette collaboration est souvent mise en œuvre dans de cadre de projets relatifs à la transition énergétique, domaine qui présente de larges opportunités en termes de développement durable et économique (Urbact, 2013)