Vers une empreinte maîtrisée pour un territoire plus résilient et attractif
Grand Lyon – France / Monteria – Colombie
2012
Fonds mondial pour le développement des villes (FMDV)
Les causes et effets des risques environnementaux, économiques, sanitaires et sociaux encourus par les territoires requièrent des niveaux de compréhension, d’analyse et de réponses d’une technicité de plus en plus élevée de la part des décideurs publics et des administrations locales. La ville de Monteria en Colombie (403 280 habitants pour 3 142 km2) et la communauté urbaine du Grand Lyon en France (1,2 millions d’habitants pour 527 km2) ont choisi de déployer un partenariat avec des acteurs du secteur privé disposant des compétences et de l’expérience à même d’apporter des solutions expertes aux enjeux posés à l’exécutif local par les changements à venir.
Le calcul de l’empreinte carbone, ayant conduit à la réalisation d’un Plan climat (Monteria), et la mise en place innovante du calcul de l’empreinte environnementale d’un territoire (Grand Lyon) sont deux exemples aujourd’hui de la dynamique de prospective et d’innovation dans laquelle se doivent de s’inscrire les collectivités et les élus, pour disposer de toutes les clefs nécessaires et orienter de manière éclairée leurs décisions de planification et d’aménagement durables de leurs territoires dans le temps.
À télécharger : les_villes_riches_de_leur_environnement2.pdf (3,8 Mio)
Grand Lyon – France La prospective et l’innovation, au cœur du projet de territoire
Regroupant 58 communes et 1,2 millions d’habitants sur 527 km2, la communauté urbaine du Grand Lyon est reconnue pour son rayonnement économique et culturel national et international, la qualité des conditions de vie offertes et pour son engagement résolu en faveur du développement durable.
Son budget 2012 s’élevait à 1,94 milliards d’euros pour l’exercice de compétences aussi variées que complémentaires (voirie, distribution et assainissement de l’eau potable, déchets, transports, élaboration des documents d’urbanisme, habitat et logement social, grands équipements d’agglomération et schéma de développement économique du territoire).
Un label territorial « Only Lyon » promeut son dynamisme économique et sa notoriété à l’international, catalysant sa capacité à être repérée par les décideurs et les investisseurs, particulièrement intéressés à rejoindre les pôles de compétitivité thématiques reconnus (cleantech, sciences de la vie, etc.) d’une agglomération à forte densité tertiaire.
Pour maintenir son niveau d’attractivité, le Grand Lyon est voué à innover en permanence, et notamment sur sa politique de grands projets urbains durables et structurants, opérant la mutation de son territoire vers une agglomération à la fois polycentrique et compacte. La communauté s’emploie par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre de son Agenda 21 local, à organiser sa transition écologique et sociale en vue d’instaurer sa résilience aux changements climatiques et à leurs impacts sur la cité. Pour ce faire, elle communique activement et cherche les instruments les plus à même de fédérer les acteurs locaux (agents économiques, académiques et institutionnels, associations, élus et citoyens) autour du projet de territoire soutenable qu’elle a défini.
L’empreinte écologique : un premier état des lieux
Suivant cette logique, le Grand Lyon a, dès 2003, opéré le calcul de son empreinte écologique1, outil de communication et de pédagogie environnementales par excellence, permettant de compléter la vision sectorielle donnée par les indicateurs environnementaux thématiques. Le résultat (4,9 ha/habitant/an) s’est alors avéré inférieur à la moyenne nationale (5,26 ha/hab/an base 1999) et a permis d’identifier les secteurs les plus contributeurs et donc les politiques et actions ad hoc à mettre en œuvre afin de réduire cette empreinte.
Cependant, si l’empreinte écologique est un instrument capable de percuter commodément l’imaginaire, de nombreux aspects restent à perfectionner, comme la prise en compte des risques, naturels ou industriels, l’impact de la pollution humaine, notamment dans le milieu aquatique mais aussi dans l’atmosphère, l’impact de la gestion de l’eau ou des notions plus subjectives portant sur le cadre de vie.
Aller plus loin avec l’Empreinte Environnementale : pour une nouvelle approche intégrée du territoire
Le besoin, exprimé par les territoires, d’accroître leur résilience et leur attractivité, au travers d’un développement économique et social harmonieux, réclame une approche systémique globale et le recours à des instruments suffisamment puissants pour décrypter et gérer des systèmes interconnectés complexes (et mettant en perspective local et global).
C’est dans cet esprit que le groupe Veolia Environnement a proposé à la communauté urbaine du Grand Lyon de s’engager en 2013 dans une démarche prospective innovante, intégrée dans le cadre de l’appel à projets « Ecocité - Ville de demain ». Cet appel à projets national vise à financer et promouvoir des projets démonstrateurs et exemplaires qui devront favoriser l’évolution des usages et des pratiques urbaines afin de développer une ville saine, économe, adaptable et attractive. Le programme consiste à utiliser des indicateurs novateurs d’Empreinte Environnementale, à spectre plus large que ceux de l’empreinte écologique, basés sur l’approche d’Analyse de Cycle de Vie (ACV) mais pratiqués à l’échelle du territoire. L’optimisation de cette Empreinte Environnementale contribue ainsi directement à la viabilité économique et à la qualité de vie sur le territoire, garantes de son attractivité et de sa résilience éco-sociales.
Cet outil multicritères a vocation à éclairer la prise de décision en dressant de façon itérative un portrait le plus fidèle possible des interactions entre les activités générées par les acteurs locaux et leurs impacts environnementaux à l’échelle locale et globale (Cf. Fig.1). Le territoire apparaît alors pleinement comme consommateur d’une part et producteur d’autre part. La mise en place du calcul de cette empreinte environnementale du territoire est par ailleurs développée suivant des modalités open source, donc disponible pour tous, et appropriable et perfectible par tous.
Pour agrandir l’image
Les 4 empreintes développées par Veolia Environnement
-
L’Empreinte Carbone mesure la contribution d’une activité à l’augmentation (ou la réduction) de la concentration en Gaz à Effet de Serre(GES) dans l’atmosphère (via la méthode du « bilan des GES »).
-
L’Empreinte Eau mesure les impacts d’une activité sur la disponibilité des ressources en eau douce via le Water Impact IndeX (WIIX). Une ressource en eau est considérée comme étant moins disponible si son volume et/ou sa qualité sont réduits par l’activité considérée, et ce d’autant plus si cette ressource se trouve déjà dans un état de stress hydrique important (c’est-à-dire que les quantités utilisées par les différents usages se rapprochent des quantités disponibles).
-
L’Empreinte Ressources évalue les impacts (bénéfiques ou négatifs) d’une activité sur la disponibilité des ressources (minerais, ressources énergétiques fossiles, bois et sols arables) - impacts négatifs via la consommation de ressources ou au contraire impacts positifs via le recyclage qui rend la ressource disponible pour un nouvel usage. L’objectif de cet indicateur est de valoriser proportionnellement toute décision contribuant à préserver la disponibilité des ressources, pour d’autres usages anthropiques actuels, et pour les générations futures. Il permet aussi d’estimer le risque de l’activité considérée vis-à-vis de l’usage de ces ressources.
-
L’Empreinte Biodiversité mesure les impacts d’une activité sur la dégradation des écosystèmes (écotoxicité, acidification, eutrophisation et usage des sols). Cet indicateur permet également de valoriser toute décision contribuant à préserver la santé et la qualité des écosystèmes, gages du maintien de leurs services rendus à la collectivité.
Pour agrandir l’image
Les méthodologies de calcul de ces empreintes ont été développées à partir de l’état de l’art des travaux scientifiques internationaux en analyse de cycle de vie et bases de données environnementales.
Chacune des empreintes prise séparément n’est pas « exhaustive » au sens où elle ne couvre pas tous les effets possibles sur le domaine à protéger, mais l’utilisation combinée des 4 empreintes permet de couvrir un maximum d’effets et de proposer, en écho aux stratégies du territoire, une évaluation pluridimensionnelle de leurs impacts économiques, environnementaux et donc sociétaux.
Une nouvelle boussole pour changer de cap
L’empreinte environnementale permet de couvrir un large spectre des problématiques environnementales, et de rendre visible, palpable, auprès des décideurs et de leurs équipes, leur articulation avec les enjeux économiques et sociaux. Seule la prise en compte holistique de l’ensemble des impacts environnementaux permet en effet de prendre des décisions éclairées en évitant les possibles « transferts de pollution » (ou transfert de dommages entre les domaines environnementaux à protéger) dans le cadre d’une politique de développement urbain.
Ce calcul « à 360 degrés » a vocation à mettre en mouvement, mais suivant une même orientation, les acteurs du territoire, porteurs à la fois d’une ambition commune et d’intérêts particuliers, ceci pour le bénéfice du plus grand nombre.
L’empreinte environnementale permet avant tout de disposer d’une vision élargie de l’impact environnemental d’une filière, d’un produit ou d’un projet de territoire pris dans sa globalité. Par-là, elle autorise les acteurs locaux à construire les scenarii alternatifs capables d’orienter leur devenir vers le mieux-disant durable auxquels invitent les cadres nationaux et internationaux de lutte contre les changements climatiques. Par la « compétence de la connaissance », elle permet donc de définir des opportunités éco-sociales inédites pour les acteurs et les territoires.
Pour agrandir l’image
Monteria – Colombie Une dynamique partagée de réduction carbone du territoire
En signant le Pacte mondial des Villes sur le Climat, dit « Pacte de Mexico », Monteria s’affirmait en novembre 2010 comme membre à part entière du regroupement international des collectivités territoriales assumant le leadership en matière de lutte contre les changements climatiques.
Dans un contexte de nécessaire prise en compte des urgences à traiter et des besoins des habitants auxquels répondre, la ville s’est inscrite dans un processus de mieux-disant durable dans l’objectif d’orienter la prochaine décennie de son histoire dans un élan de croissance équilibrée et innovante, respectueuse de l’environnement, diminuant ses émissions de carbone tout en garantissant la qualité de vie des Monteriens.
Un partenariat pour une expertise et une politique renforcées
Engagée depuis 10 ans, pour sa gestion des services d’eau et d’assainissement, avec Proactiva Medio Ambiente, filiale des groupes Veolia Environnement et FCC, la municipalité a choisi d’innover en devenant la première ville colombienne à calculer son empreinte carbone2, sur la base du savoir-faire de son partenaire privé qui conduisait déjà cette comptabilité environnementale sur le périmètre de ses activités déléguées.
L’intérêt pour la ville de disposer d’une « cartographie carbone » de son territoire et de ses différentes activités était double :
-
d’une part, identifier le lien entre ses ressources et ses dépenses, et mieux appréhender les risques et opportunités, notamment vis-à-vis des activités en cours,
-
et d’autre part, orienter sa politique de développement durable et instituer le bilan de cette cartographie carbone et la politique qui en découle, au travers du Plan Climat « Monteria Ville Verte 2019 », lors de son élaboration et de son adoption.
Du côté de Proactiva Medio Ambiente, cette expérience pilote réussie a permis de créer une forte valeur ajoutée pour la collectivité et d’enrichir sa relation partenariale avec la ville. Elle préfigure une nouvelle offre d’accompagnement des collectivités, en prise directe avec le développement économique et social du territoire, passant nécessairement par une gestion éclairée de son empreinte environnementale.
Cette association public-privé a permis à chacune des parties de renforcer sa responsabilité sociale et environnementale, en tant qu’acteur local d’un développement durable appliqué, et ceci en pleine cohérence avec les engagements nationaux colombiens, pris sur la base des rapports et recommandations du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC).
Un contexte propice au changement
Plusieurs éléments essentiels ont présidé à la réussite de la démarche engagée par Marcos Daniel Pineda Garcia, maire de la ville jusqu’à début 2012 et à l’initiative de ce tournant durable.
Agé de 33 ans à l’époque du lancement du calcul de l’empreinte carbone du territoire, il fait d’abord partie d’une nouvelle génération d’élus conscients des enjeux et défis climatiques du développement local et des opportunités offertes y afférant.
Ensuite, la continuité politique dans laquelle s’est inscrit son successeur, Carlos Eduardo Correa Escaf (issu du même parti et âgé alors de 38 ans) qui a repris, en 2012, le flambeau d’une politique axée sur la prise en compte responsable des dimensions environnementale et sociale de la stratégie d’aménagement durable de la ville et intitulée Le Progrès pour Tous.
Enfin, la collaboration étroite avec Proactiva s’est appuyée sur un groupe de travail actif et transverse, regroupant fonctionnaires de la ville et techniciens de l’entreprise, réuni à l’initiative du premier maire et animé par l’élu lui-même.
La montée en puissance de la planification durable et stratégique du territoire
Ce portage politique fort s’est accompagné de rencontres régulières entre les équipes techniques de Proactiva et celles de chaque département et service de la ville afin d’expliciter la démarche, de diffuser les documents techniques et d’obtenir les informations nécessaires à la mise en place du calcul de l’empreinte carbone du territoire et à l’élaboration du Plan Climat.
Ces rencontres, internes à la municipalité, se complétaient de rendez-vous citoyens animés par le maire avec les habitants et de consultations avec des acteurs-clefs du territoire, notamment l’université (sur la reforestation et la neutralité carbone), les entreprises de différents secteurs (énergie notamment), les associations d’agriculteurs et d’architectes de la ville. Au niveau national, le réseau des villes réfléchissant sur la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique et le Ministère de l’Environnement et du Développement durable ont également été consultés.
Rendu public en mai 2011, après 5 mois de travail technique conjoint, le rapport sur l’empreinte carbone de Monteria concluait à une empreinte carbone (sur base 2009) à hauteur de 1,24 millions tEqCO2 provenant pour plus de 73 % du secteur agricole - AFOLU (l’élevage représentant à lui seul plus de la moitié des émissions totales de CO2). Les émissions per capita s’élevaient quant à elles à 3,07 tEqCO23.
Déterminant à la fois les principales sources d’émissions de GES de la municipalité, ainsi que les vulnérabilités auxquelles la ville est exposée, le résultat de ce premier calcul carbone a mis également en exergue des pistes d’actions répondant aux besoins d’un développement soutenable et permettant de s’appuyer sur les capacités des acteurs locaux.
Intégrées dans le Plan Climat, elles ont permis d’identifier 15 défis déclinés en 26 actions-phares chiffrées et incarnées par une forte ambition politique visant à faire de Monteria une « ville verte à l’horizon 2019 ». Publié en août 2011, le plan prétend tout à la fois consolider les politiques urbaines équitables, renforcer le déploiement des infrastructures physiques de la municipalité, améliorer la disponibilité de l’espace public et promouvoir la culture citoyenne.
Le recours aux technologies propres, la gestion efficiente des services publics, l’orientation du développement de la ville vers une « économie faible en carbone », la promotion de changements des comportements et habitudes et le recours aux ressources financières provenant de la finance carbone et de fonds verts sont autant de leviers pour parvenir à une réduction de 20 % des émissions de GES à l’horizon 2019.
Cette démarche proactive de la municipalité, engagée dans un échange collaboratif avec une entreprise partenaire au long cours, leader des services à l’environnement sur le continent, lui a permis une reconnaissance régionale et nationale qui l’autorise aujourd’hui à envisager l’intégration de programmes d’atténuation, d’adaptation, de compensation et de sensibilisation en connexion étroite avec son plan de développement territorial. Elle dispose désormais d’un argumentaire plus construit sur son attractivité et sa compétitivité à même de convaincre des investisseurs potentiels et de peser sur les choix technologiques stratégiques à retenir pour opérer la nécessaire reconversion de ses activités consommatrices et productives sur le territoire.
Pour agrandir l’image
«« Pour les élus locaux, investir le champ de la durabilité environnementale, représente une opportunité pour innover dans la gestion de la ville, fédérer l’adhésion citoyenne et disposer d’un accès privilégié aux fonds de financement permettant la mise en place d’investissements d’envergure pour le territoire » Janis Rey Lozada – Directrice du Projet – Proactiva Medio Ambiente».
Pour agrandir l’image
1 L’empreinte écologique est la surface terrestre nécessaire à une population humaine pour assurer son mode de vie et de consommation : habitudes alimentaires, logement, déplacements, fabrication et fourniture de biens et de services. C’est un indicateur synthétique de rapport entre la demande et l’offre en ressources terrestres d’origine biologique (aliments, énergies fossiles, matériaux…).
2 L’empreinte carbone calcule la quantité de carbone (généralement en tonnes) émise par une activité, une organisation ou un territoire
3 La valeur idéale (équitable) de l’empreinte carbone est de 1,3 teqCO2/hab/an. Elle résulte des travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).