Les services de vélo en location longue durée en zones peu denses
novembre 2023
Le vélo est un mode de déplacement durable, bénéfique pour la santé et peu cher pour l’usager. Il est particulièrement adapté pour réaliser des trajets jusqu’à 10 km, voire davantage s’il s’agit d’un vélo à assistance électrique (VAE) et selon les conditions physiques de l’usager.
En déployant un service de Vélo en location longue durée (VLD), une collectivité territoriale permet à ses citoyens de tester l’usage du vélo et d’utiliser un vélo sans en assumer la propriété. Un service de location VLD permet ainsi à des personnes non motorisées d’accéder à une solution de mobilité et de pouvoir se déplacer de façon autonome ; ou encore à des personnes motorisées d’utiliser le vélo plutôt que la voiture, et d’envisager notamment pour les ménages bi-motorisés de se séparer de leur « 2e véhicule ».
1. FONCTIONNEMENT D’UN SERVICE DE VÉLO EN LOCATION LONGUE DURÉE
Le principe de fonctionnement est le suivant : contre le paiement d’un abonnement, un adhérent obtient l’usage exclusif d’un vélo et parfois de certains équipements et accessoires (antivol, pompe, gilet jaune…) pour une durée généralement comprise entre 1 et 12 mois. Les tarifications observées sont comprises entre 30 et 50 € pour une location d’un mois et entre 35 et 100 € pour une location de 3 mois. Une caution ou un dépôt de garantie compris entre 400 et 2 000 € est demandé aux usagers. Les points de retrait et dépôt des vélos sont gérés par la collectivité ou l’un de ses partenaires (association, vélociste, commerçant). Ce type de service peut être mis en place sur des territoires urbains comme des territoires peu denses. En 2019, 162 territoires, couvrant 36 millions d’habitants, proposent un service de location de VLD, pour un parc total de 75 000 vélos dont 49 % de VAE, d’après l’ADEME 1. Les principaux objectifs d’un service de location VLD sont d’encourager la pratique du vélo, de faire tester ce mode de déplacement à des personnes qui n’ont pas l’habitude de se déplacer en vélo, et d’inciter ces utilisateurs à conserver cette pratique (par l’achat d’un vélo personnel) suite à leur location.
2. EXPLOITATION DU SERVICE
L’organisation des services de VLD relève principalement de la compétence des AOM 2. Dans la majorité des cas, en zones peu denses, les services de location VLD sont gérés en régie par la collectivité. Toutefois, la gestion peut être confiée à un opérateur privé, dans le cadre d’une délégation de service public ou d’un marché public. L’exploitation d’un tel service de mobilité s’organise autour des actions suivantes :
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communication sur le service, sur internet, dans la presse locale ou auprès des entreprises du territoire pour faire connaître le service et encourager la pratique du vélo ;
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animation du service (évènement inaugural, essai du service, fête du vélo…) ;
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gestion des demandes de location et d’une liste d’attente pour attribuer les vélos lorsque la demande dépasse l’offre ;
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réalisation de la maintenance des vélos, en propre ou confiée par contrat annuel à une association locale, voire à un prestataire privé dans le cas d’un budget dédié.
3. COÛTS DU SERVICE
Les principaux coûts d’un service VLD sont :
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les coûts d’achats des vélos, qui sont corrélés au nombre, au type et à la qualité des matériels achetés : – vélo classique : entre 200 et 350 €, – vélo à assistance électrique (VAE) : entre 1 200 et 2 500 €, Afin de réduire ces coûts, il est possible de passer par une centrale d’achat telle que l’UGAP pour des commandes importantes (de l’ordre de 10 vélos ou plus) ;
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les moyens humains nécessaires à la définition du service, puis à son exploitation (moyens internes et éventuellement externes, selon le mode d’exploitation du service) : – les coûts d’exploitation (hors maintenance lourde) d’un service de vélo en location longue durée géré en régie sont modestes : environ ¼ d’équivalent temps plein (ETP) pour la gestion des abonnements et de la liste d’attente, des opérations simples de maintenance ainsi que le montage des actions d’animation et de communication, – un des objectifs du service est notamment de favoriser le « passage à l’achat » après une période de location. Pour cela, la collectivité peut jouer sur la durée de ses abonnements. En effet, plus la durée de location est longue, moins la collectivité ou son partenaire consacre de temps aux opérations de mise à disposition / retour des vélos. En revanche, cela défavorise la rotation des vélos, les bénéficiaires sont moins nombreux et cela les incite moins à acheter leur propre vélo, – pour réduire les coûts d’entretien et de maintenance des vélos (plusieurs milliers d’euros), les collectivités ont intérêt à solliciter les associations locales ou à former leur personnel, – enfin, les retours d’expérience de collectivités indiquent que les coûts des assurances contre le vol et la dégradation s’avèrent très onéreux par rapport aux garanties apportées ;
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les locaux nécessaires à la location et l’entretien des vélos. Toutefois, l’attractivité du service vélo sera d’autant plus forte si la collectivité déploie des aménagements cyclables, de la signalisation, des places de stationnement sécurisé et des équipements en libre-service pour l’entretien des vélos. Le guide « Le coût des politiques vélos » édité par le Club des villes et territoires cyclables (version novembre 2020, en cours d’actualisation) détaille les coûts d’investissements d’une politique cyclable et les types de financement possibles. Les actions d’animations, d’accompagnement aux changements de pratique et de communication sont également essentielles à la mise en place d’un système vélo complet.
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L’ADEME 3 indique que le reste à charge pour les collectivités (tout territoire confondu), pour la gestion de ces services (exploitation, entretien…), est en moyenne de 225 € par vélo et par an (recettes d’exploitation déduites). Ce montant est souvent plus élevé pour les territoires peu denses. Cependant, en couplant les recettes d’exploitation du service et la revente des vélos après 2 ou 3 ans d’usage, la collectivité parvient globalement à équilibrer les coûts d’exploitation du service de VLD.
4. FINANCEMENT DU SERVICE
Une collectivité territoriale peut obtenir de nombreuses aides pour financer une grande partie (entre 60 et 80 %) des investissements nécessaires à la mise en place d’un service de VLD, parmi lesquelles :
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les fonds Territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) qui financent notamment des actions sur la mobilité durable ;
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les programmes Certificats d’économie d’énergie (CEE) qui promeuvent les déplacements alternatifs à la voiture individuelle, et notamment les programmes AVELO ;
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les Fonds européens agricoles pour le développement rural (FEADER) du programme Liaison entre action de développement de l’économie rurale (LEADER) qui soutient des projets de développement rural ;
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les appels à manifestation d’intérêt de France Mobilités, notamment l’AMI TENMOD ou l’AMI Avenir Montagne Mobilités ;
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des financements locaux en fonction des territoires (régionaux, départementaux, autres). Le site aides-territoires.beta.gouv.fr recense également un nombre important d’aides, répertoriées par thématiques et territoires.
5. DIMENSIONNEMENT DU SERVICE
Des entretiens auprès de collectivités situées en 1re ou 2e couronne d’agglomération révèlent que généralement un ratio d’environ 10 vélos pour 10 000 habitants s’avère convenable au lancement du service, mais devient rapidement insuffisant face à la demande croissante des usagers. Il est alors nécessaire d’augmenter progressivement ce ratio pour trouver le bon équilibre, parfois jusqu’à 20 vélos pour 10 000 habitants. Tout territoire confondu (milieux urbain et peu dense), le parc moyen constaté est de 30 vélos/10 000 habitants d’après une étude de l’ADEME (2019). De plus, la composition de la flotte de vélos doit être adaptée aux motifs de déplacement, usagers cibles du service et spécificités du territoire. Il est donc préconisé de proposer une flotte mixte de vélos classiques et de VAE, voire des vélos cargos (vélos utilitaires ou pour transport d’enfants), pliants ou pour enfants (selon les besoins identifiés), tous convenablement équipés (puissance et autonomie de la batterie, qualité des freins…), pratiques (panier, garde-boue) et confortables. Il est également important de considérer la mise en place d’une offre de vélos adaptés aux Personnes à mobilité réduite (PMR).
6. EXEMPLE DU SERVICE DU GAL SUD MAYENNE
Le GAL Sud Mayenne regroupe trois intercommunalités situées en territoire peu dense (50 habitants / km2) entre Laval et Angers. Cette structure est engagée dans une politique énergie-climat territoriale avec une forte ambition de développement d’un territoire à énergie positive. Après la découverte du service de VLD du Val d’Ille Aubigné, le GAL Sud Mayenne a décidé de mettre en oeuvre un service similaire pour promouvoir une alternative durable et économe en énergie aux déplacements automobiles pour les trajets domicile-travail de courte distance. En 2017, le GAL Sud Mayenne déploie un service de VLD sur une seule communauté de communes. Au démarrage, le service compte 30 VAE disposant d’une autonomie de 80 km et équipés d’un antivol et d’un panier.
À l’automne 2020, la flotte atteint 120 VAE répartis sur les trois intercommunalités. Le coût total de l’investissement en matériel roulant s’élève à 168 k€ sur 3 ans, soit environ 1 400 € par VAE. L’investissement a été financé à hauteur de 66 % par des subventions TEPCV sur la période 2017-2019. Une aide de la Région Pays de la Loire a permis l’achat de VAE supplémentaires en 2020 et 2021. Le GAL Sud Mayenne parvient globalement à équilibrer les coûts d’exploitation de son service de VLD. Pour 2020, en contrepartie des 34 000 € de recettes du service, GAL Sud Mayenne a dépensé 8 k€ pour entretien des vélos et 3 000 € pour ses actions d’animations et communication (hors frais de personnel), et des frais de gestion, difficiles à estimer, mais qui couvrent globalement les salaires de 0,2 ETP. Le bilan du service est très positif, la demande d’adhésion au service est toujours supérieure à l’offre. Le GAL Sud Mayenne entame des réflexions d’adaptation de son service. Elle envisage notamment d’expérimenter un service vélo en libre-service à la journée, de créer un service de VLD de plus courte durée (1 semaine à 1 mois) où de proposer une nouvelle offre vélo cargo et vélo pliant.
7. EXEMPLE DU SERVICE DE LA COMMUNAUTÉ DE COMMUNES DU PAYS DE BEAUME DROBIE
La communauté de communes du Pays de Beaume-Drobie (CCPBD) est un territoire rural d’Ardèche méridionale composé de 19 communes et 8 900 habitants. En 2017, la communauté de communes a candidaté à l’appel à projets TEPCV pour obtenir un financement destiné à l’achat de VAE. L’objectif de la CCPBD est de constituer un service de VLD pour, d’une part proposer aux habitants du territoire une alternative à la voiture individuelle, et d’autre part leur permettre de tester le VAE sans en assumer la propriété, dans l’espoir que cela débouche par la suite sur de futures acquisitions de VAE. Au début de l’année 2018, la CCPBD lance son service de location de vélo avec vingt VAE, dont treize vélos à destination des habitants du territoire et sept vélos réservés à l’usage des personnels techniques.
Depuis le début de l’année 2021, le service compte six VAE supplémentaires. Les VAE, d’un prix unitaire de 2 500 € HT, ont été financés à hauteur de 80 % par TEPCV pour les vingt premiers et à hauteur de 40 % par le Département de l’Ardèche pour les six suivants. Début 2023, la CCPBD a acquis quatre nouveaux VAE.
L’exploitation du service de VLD est partagée entre deux partenaires : la communauté de communes assure la gestion administrative du service (inscriptions, encaissements, règlementation…) tandis qu’un vélociste local, recruté par marché à procédure adaptée, fournit les VAE et assure l’exploitation technique du service (retrait / réception des VAE, opérations de maintenance, révisions contractuelles…). Les coûts de communication autour du service sont très faibles, et les coûts des assurances et de stockage des vélos sont à la charge du vélociste.
La communauté de communes finance en partie le fonctionnement du service par les recettes engrangées, en l’occurrence 9 140 € sur la période 2018-2020. La CCPBD et le vélociste estiment que ce mode de fonctionnement est de type gagnant / gagnant : l’intercommunalité s’appuie sur les moyens et le savoir-faire du vélociste pour la gestion technique.
En contrepartie, le vélociste récupère de la clientèle. Début 2023, les recettes couvrent l’ensemble des dépenses, hormis le temps agent affecté au service. Le service a immédiatement rencontré un énorme succès, à tel point qu’un bénéficiaire doit patienter environ 6 mois entre la validation de son dossier et l’obtention d’un VAE. L’abonnement semestriel est particulièrement demandé car il permet d’utiliser le VAE sur une période suffisamment longue pour se confronter à diverses conditions d’utilisation.
Après quelques mois de fonctionnement, la CCPBD a supprimé la possibilité de louer un VAE à l’année, mise en place au lancement du service. En effet, les souscriptions à ce type d’abonnement étaient trop nombreuses et retardaient l’accès des VAE à un nombre croissant de demandeurs
8. CONCLUSION
Les services de VLD peuvent être une réponse adaptée aux territoires peu denses, et complémentaires à d’autres services de mobilité intégrés dans un bouquet de service multimodal adressé à l’ensemble des habitants du territoire.
1note1 ADEME. Diagnostic d’évaluation des services vélos. Rapport d’étude. Mise à jour 2021 librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/4934-diagnostic-d-evaluation-des-services-velos.html
2 Les services de VLD peuvent également être organisés par d’autres intercommunalités dans certains cas (L.5214-16-2 du CGCT).
3 ADEME. Diagnostic d’évaluation des services vélos. Rapport d’étude. Mise à jour 2021 librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/4934-diagnostic-d-evaluation-des-services-velos.html
En savoir plus
ADEME, Diagnostic d’évaluation des services vélos, rapport d’étude, mise à jour 2021 : librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/4934-diagnostic-devaluation-des-services-velos.html