Le transport d’utilité sociale s’appuyant sur les véhicules de bénévoles
octobre 2023
Le Code des transports prévoit que des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 peuvent organiser des services de transport au bénéfice des personnes dont l’accès aux transports publics collectifs ou particuliers est limité du fait de leurs revenus ou de leur localisation géographique.
Ces transports d’utilité sociale (TUS) doivent être organisés sur des trajets d’une distance maximale de 100 km, avec des véhicules n’excédant pas neuf places, appartenant à l’association ou mis à disposition sans but lucratif. La participation aux coûts, acquittée par le bénéficiaire du service, est plafonnée (actuellement à 0,32 € / km) par un arrêté du ministre des transports.
Les services de TUS, mis en place dans un objectif de solidarité envers certains publics fragiles, ont vocation à être complémentaires aux services de mobilité mis en place par l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM), qui sont ouverts à tous les publics. La mise en place des services de TUS se fait donc idéalement en concertation avec les AOM locales.
En outre, bien que les AOM n’aient pas la compétence pour organiser ces services, elles peuvent contribuer et apporter un soutien à l’organisation de ces services (mise à disposition d’un agent, d’un bureau, financement…)
1. FONCTIONNEMENT D’UN TUS
Le fonctionnement d’un TUS par utilisation de véhicules personnels, mis à disposition par un bénévole, comporte deux phases :
La 1re phase consiste en une mise en relation entre le bénéficiaire du TUS et un conducteur bénévole pour organiser le trajet.
Concrètement, le bénéficiaire appelle l’animateur du service en amont du trajet, dans les délais impartis par le règlement du TUS (souvent 48 h en avance). L’animateur recherche alors le bénévole idoine sur des critères de disponibilité et de proximité géographique puis évalue le montant du défraiement du conducteur. En cas d’accord, le conducteur bénévole appelle ensuite le bénéficiaire pour fixer le rendez-vous et les modalités du voyage, en particulier en cas d’accompagnement pour aider à certaines démarches comme les courses ou les formalités administratives.
Cette phase de mise en relation peut éventuellement être organisée via des outils et applications informatiques. Lors de cette phase, il convient de veiller à ce que le TUS ne concurrence pas les services de taxi ou d’ambulance implantés sur le territoire ;
La 2e phase concerne le déplacement lui-même.
Le conducteur bénévole va chercher le bénéficiaire à son domicile et effectue le ou les trajets convenus. Il est fréquent que le conducteur accompagne également la personne bénéficiaire au-delà de la simple conduite (aide au portage des courses d’une personne âgée, par exemple). À la fin du déplacement, le règlement s’effectue de la main à la main et/ou par remise d’un récépissé signé par le bénéficiaire si le règlement du service prévoit que le bénéficiaire verse le montant du trajet à l’association, qui le reverse ensuite au bénévole.
2. COÛTS ET SOURCES DE FINANCEMENT DU SERVICE
Hormis pour les associations de portée nationale qui souhaitent utiliser une plateforme élaborée de mise en relation, le principal avantage d’un TUS par utilisation de véhicules personnels est que les coûts d’investissement pour l’association qui organise le service, se limitent à l’achat de matériel téléphonique et informatique de base. En revanche, les coûts de fonctionnement peuvent s’avérer plus élevés que les coûts d’investissement si l’association décide de salarier un référent pour animer le service et effectuer les mises en relation. En règle générale, le budget annuel de fonctionnement d’un TUS oscille entre 17 et 34 k€.
La liste ci-après indique une fourchette de coûts moyens annuels des principaux postes de fonctionnement :
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salaire annuel du référent : entre 12 k€ pour un emploi aidé et 30 k€ pour d’autres types de contrats ;
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défraiement des bénévoles, parfois partiellement à charge de l’association : entre 5 k€ et 18 k€ (en fonction du volume des déplacements pris en charge et du montant kilométrique de défraiement) ;
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actions d’animation / communication autour du TUS : entre 1 k€ et 2 k€ ;
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assurance automobile et civile, lorsque souscrite par l’association : entre 0,5 k€ et 1,5 k€ ;
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fournitures de bureau, fournitures administratives : entre 0,5 k€ et 1,5 k€ ;
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téléphonie et internet : entre 0,5 k€ et 1 k€.
La principale source de financement du service provient des subventions que l’association peut obtenir auprès des pouvoirs publics et de certains acteurs économiques. Le montant des subventions varie très fortement selon le TUS et les « financeurs ». Dans les cas les plus favorables, des porteurs de projets parviennent à obtenir des subventions de plusieurs dizaines de milliers d’euros répartis sur plusieurs années en sollicitant à la fois l’État, le Département, la Communauté de communes ou la Région notamment en tant qu’AOM locale, et des fondations privées.
Les autres sources de financement du service sont les adhésions à l’association, pour 1 k€ à 2 k€ annuels, et les contributions des bénéficiaires au coût du déplacement. De plus, les collectivités territoriales mettent parfois à disposition de l’association un bureau et un agent administratif pour certaines tâches administratives.
3. DIMENSIONNEMENT ET EXPLOITATION DU SERVICE
Le développement et la pérennisation d’un TUS nécessitent de recruter puis de faire vivre un solide réseau de bénévoles. Peu d’associations parviennent à atteindre l’objectif d’un conducteur bénévole pour trois bénéficiaires nécessaire au bon fonctionnement du TUS. Cela contraint parfois à refuser une demande de trajet, particulièrement au démarrage du service.
La mise en oeuvre et l’exploitation d’un TUS s’organisent autour des actions suivantes :
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campagne de communication auprès des élus, des associations caritatives, des cabinets médicaux pour faire connaître le service auprès des personnes bénéficiaires cibles ;
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campagne assidue et au plus près du terrain pour le recrutement des bénévoles ;
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élaboration de chartes du service à destination des bénévoles et des bénéficiaires ;
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vérification des habilitations des véhicules (certificat d’immatriculation, assurance) et des conducteurs bénévoles (permis de conduire requis) ;
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organisation de formations et d’animations à destination des bénévoles (sécurité routière, premier secours…) ou des bénéficiaires (prendre les transports collectifs seuls…) ;
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organisation d’évènements conviviaux réguliers pour favoriser le lien social entre bénévoles et bénéficiaires et entretenir la dynamique et la motivation des bénévoles
4. DÉMARCHE DE MONTAGE DE PROJET
Le calendrier prévisionnel de mise en service d’un TUS varie sensiblement selon la nature du projet et les capacités mobilisées par l’association porteuse. Le dimensionnement du projet influe considérablement sur la suite de la mise en œuvre du TUS. Les points clés sont d’obtenir la pérennisation des sources de financements ainsi que le recrutement et la fidélisation de suffisamment de conducteurs bénévoles pour accompagner la montée en charge du TUS. Une forte mobilisation locale et multipartenariale, au plus près du terrain et associant particulièrement les élus et les acteurs sociaux, facilite l’obtention de subventions et le recrutement des conducteurs bénévoles indispensables au bon fonctionnement du service.
5. EXEMPLE DU TUS DES COMMUNAUTÉS DE COMMUNES DES PAYS DE COLOMBEY SUD TOULOIS ET DU SAINTOIS
En novembre 2012, l’association CIEL, affiliée à la fédération Familles Rurales, met en place un TUS pour les habitants du Pays de Colombey Sud Toulois puis du Pays du Saintois. Ces deux communautés de communes regroupent 93 communes pour une population totale de 26 000 habitants.
Le service est accessible sous conditions de ressources. Les bénéficiaires doivent s’acquitter d’une cotisation annuelle de 23 € par famille et ne pas posséder de véhicule personnel. En 2017, 75 % des bénéficiaires étaient retraités, mais la part des jeunes bénéficiaires augmente au fil du temps pour atteindre près de 40 % en 2022. Cette année-là, 27 conducteurs bénévoles ont effectué 1 564 déplacements (66 094 km) au bénéfice de 195 usagers. Cela représente une augmentation de 55 % des déplacements par rapport à l’année 2016.
L’utilisation du TUS est limitée à cinq déplacements par usager et par mois, avec une portée maximale unitaire de 80 km aller-retour. Les principaux motifs de déplacements sont les rendez-vous médicaux (30 %), les courses (17 %), les loisirs (16 %) et les démarches administratives (12 %). En 2022, la distance moyenne aller-retour des déplacements était d’environ 40 km à l’échelle de tout le territoire couvert par le TUS (Pays de Colombey Sud Toulois et Pays du Saintois).
Concrètement, le service fonctionne du lundi au vendredi de 9 h à 18 h, mais le bénéficiaire doit effectuer sa demande auprès de l’association au moins 48 h avant le déplacement. Si le rendez-vous du bénéficiaire excède 2 heures, le conducteur bénévole en charge du trajet retour n’est pas forcément le même que celui en charge du trajet aller, ce qui reste exceptionnel.
La participation du bénéficiaire au coût du service est différenciée selon deux niveaux de ressource (0,10 € / km ou 0,35 € / km). Le reste à charge du déplacement, dont l’intégralité du haut-le-pied (trajet entre le domicile du conducteur bénévole et le point de rendez-vous avec le bénéficiaire), est financé par l’association avec l’aide des financeurs reconnaissant l’intérêt du service (CD, Communauté de communes, CAF, etc.). Le conducteur bénévole est donc défrayé sur l’intégralité de son déplacement, y compris en haut-le-pied. Pour déclencher son défraiement, le conducteur bénévole remplit une fiche récapitulative du voyage qu’il fait signer au bénéficiaire puis qu’il dépose à l’association. En 2022 le budget de l’association CIEL consacré au TUS s’élevait à 30 k€ pour le défraiement des conducteurs bénévoles, auquel il convient d’ajouter le salaire de 32 360 € du chargé de mission « mobilité solidaire ».
L’association tire un bilan positif du TUS et développe les axes de travail listés ci-dessous pour consolider le service :
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poursuivre le développement de la communication directe auprès des professionnels sociaux, médico-sociaux et des collectivités locales dans le but de faire connaître le dispositif auprès des bénéficiaires et conducteurs bénévoles potentiels ;
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communiquer directement avec les habitants par des radios, journaux et bulletins d’information ;
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organiser des temps conviviaux à destination des habitants pour présenter le dispositif en partenariat avec les communes et l’association ;
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organiser des temps de rencontre entre bénéficiaires, bénévoles et conducteurs ;
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poursuivre l’organisation des temps de formation des conducteurs bénévoles ;
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diversifier et renforcer le plan de financement, poursuivre le développement à l’accès culturel en partenariat avec des structures locales.
6. CONCLUSION
Les services de TUS constituent une offre de mobilité solidaire adaptée aux personnes précaires ou isolées, et sont complémentaires à d’autres services de mobilité intégrés dans un bouquet de service multimodal adressé à l’ensemble des habitants du territoire.
Références
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Cerema, Le transport d’utilité sociale : accompagner les personnes isolées, « Mobilités et transport : pratiques locales », fiche n° 8, 2020 : doc.cerema.fr/Default/doc/SYRACUSE/16975/mobilites-et-transports-pratiques-locales-seriede-fiches-fiche-n-08-le-transport-d-utilite-sociale-Cerema ,
En savoir plus
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Fondation Macif, Appel à projets « Mobilité solidaire » : www.cerema.fr/fr/actualites/mobilites-solidaires-premiersenseignements-appel-projet
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Laboratoire de la mobilité inclusive : www.mobiliteinclusive.com
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Ministère chargé des transports, AOM : Zoom sur les mobilités solidaires, fiche, 2022 : www.francemobilites.fr/sites/frenchmobility/files/inlinefiles/Zoom%20sur%20les%20mobilit%C3%A9s%20solidaires_0.pdf