Les aires de mobilité en zones peu denses
octobre 2023
Les pôles d’échanges multimodaux sont des lieux qui réunissent plusieurs services de mobilité et constituent ainsi des points d’accès uniques et centralisés vers les différentes offres de transport du territoire. Ils sont aménagés de façon à faciliter l’intermodalité entre ces services de mobilité. En milieu urbain, les pôles d’échanges sont le plus souvent organisés autour de modes lourds (souvent ferroviaires) et de lignes de transport collectif à « haut niveau de service ».
En territoires peu denses (ruraux ou périurbains), l’offre de transport collectif est moins dense, voire inexistante, et le développement des pôles d’échanges est plus récent. L’aménagement d’un pôle d’échanges peut renforcer l’attractivité de la gare/halte ferroviaire ou routière et inclure différents services de mobilités partagées, actives et solidaires, sans nécessairement disposer d’une ligne régulière de transport collectif. C’est le principe des « aires de mobilité » : mode d’emploi.
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1 DÉFINITION D’UNE AIRE DE MOBILITÉ
1.1 Caractéristiques d’une aire de mobilité
Les aires de mobilité constituent une forme particulière de pôle d’échanges adaptée aux territoires peu denses. Elles s’organisent autour de la convergence de services de mobilité partagée et active (comme le covoiturage, l’autopartage ou les vélos en libre-service) en un même lieu accessible afin de valoriser les offres alternatives à l’autosolisme.
Elles peuvent également intégrer un service de transport collectif régulier. Par exemple, une simple aire de covoiturage n’est pas considérée comme une aire de mobilité, mais peut le devenir en y associant d’autres services de mobilité et en l’aménageant afin d’en faire un lieu multimodal. Contrairement aux pôles d’échanges traditionnels organisés autour de modes lourds, les aires de mobilité peuvent se caractériser par :
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des équipements légers voire modulables ;
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des investissements plus modestes ;
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des délais d’aménagements plus courts.
Selon les territoires, d’autres termes peuvent être utilisés pour désigner ces lieux comme « hub de mobilité », « hub multiservice », « station de mobilité » ou « point de connexion ».
En zones peu denses, une aire de mobilité peut, par exemple, être composée, en tout ou partie des éléments suivants :
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un arrêt ou une aire de covoiturage (ou borne dynamique de covoiturage) ;
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une station d’autopartage ;
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un parking pour voitures avec éventuellement des bornes de recharge pour véhicule électrique ;
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du stationnement sécurisé pour vélo ;
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un service de location de vélo ;
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un arrêt de transport collectif, à la demande ou solidaire.
La création d’une aire de mobilité nécessite ainsi l’aménagement d’emprise sur et hors voirie et l’implantation d’équipements nécessaires au fonctionnement de ces services de mobilité. L’aire doit être accessible de façon sécurisée pour l’ensemble des usagers (piétons, cyclistes…) notamment les personnes à mobilité réduite (PMR). Pour bien fonctionner, l’aire de mobilité doit être associée à des services d’information sur les offres et services de mobilité du territoire : présence de supports physiques d’information dans le pôle d’échange, localisation du pôle sur les supports d’information multimodale (papier ou numérique) du territoire, etc. Par ailleurs, les aménagements d’accès à l’aire doivent être anticipés (cheminements piétons, voies cyclables, rond-point d’accès…).
Comme pour un pôle d’échanges « classique », la qualité de service d’une aire de mobilité dépend de la qualité de chacun des services de mobilité qu’elle réunit, mais également des outils mis en place pour en faciliter les usages multimodaux et intermodaux (tarification, billettique, information multimodale, signalétique, etc.) et du niveau de confort offert à ses utilisateurs. Par exemple, des espaces d’attente pour les usagers sont généralement utiles.
1.2 Principaux objectifs d’une aire de mobilité
L’aire de mobilité regroupe et connecte des services de mobilité dans des zones peu maillées en transports collectifs réguliers. Elle participe donc au désenclavement du territoire et à son attractivité.
L’aire de mobilité vise à rendre visible et à faciliter l’usage de solutions de mobilité alternatives à l’autosolisme :
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en offrant des points d’accès multimodaux, visibles et identifiés, vers les services de mobilité disponibles sur le territoire ;
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en facilitant et en améliorant la qualité des déplacements intermodaux.
Ces aires de mobilité peuvent ainsi avoir pour objectif de :
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permettre aux personnes n’ayant pas accès à un véhicule motorisé de se déplacer facilement et à moindre coût par l’intermédiaire de services de mobilité adaptés et connectés entre eux;
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faciliter certains déplacements vers/depuis les pôles attracteurs du territoire : une gare ferroviaire, une zone d’activité ou d’emplois, un lieu touristique ou de loisirs…
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limiter la pratique de l’autosolisme par les personnes motorisées, réduire leur budget déplacements, et les encourager au report modal.
Pour développer son usage et renforcer son attractivité, l’aire de mobilité peut également inclure ou être adossée à des services et des commerces de proximité :
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point d’information multimodal (guichet physique, borne d’information voyageurs) ;
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atelier d’entretien et de réparation de vélos, station de gonflage…
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station de lavage ou d’entretien pour voiture…
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commerces, restauration, livraison de panier de fruits et légumes…
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point d’information ou guichets multiservices (points d’information médiation multiservice, maison France Service, guichets de services publics)…
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des services de conciergerie, de livraisons-consignes…
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des équipements divers (bibliothèque, crèche ou halte-garderie, café solidaire, associations culturelles, tiers-lieu…).
La présence de ces services et commerces est parfois identifiée dès l’origine du projet, au même titre que la présence des services de mobilité, l’objectif étant de conforter une centralité sur le territoire.
1.3 Les critères pour localiser et dimensionner une aire de mobilité
Selon le territoire et les objectifs du projet, l’aire de mobilité peut être implantée :
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en centre-ville ou centre-bourg ;
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en périphérie d’une commune, à proximité d’axes structurants. L’aire de mobilité peut être développée autour d’une aire de covoiturage existante, ou d’un arrêt de car interurbain par exemple ;
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à proximité d’un équipement comme une zone commerciale, une zone d’activité ou un secteur touristique ou de loisirs, etc.
Des aires de mobilité peuvent être installées à proximité des gares ou haltes ferroviaires sans pour autant nécessiter une intervention lourde, qui mobiliserait le foncier et les acteurs ferroviaires, comme c’est le cas pour les projets de « gros » pôles d’échanges. Dans ce cas, l’objectif est souvent de valoriser la présence du train, de redynamiser la fréquentation de la gare et d’en améliorer l’accès depuis le centre-bourg et les principaux générateurs de déplacements locaux.
Certaines collectivités mettent en place une stratégie de maillage du territoire par des pôles d’échanges et aires de mobilité afin de répartir les accès aux services de mobilité sur le territoire. C’est le cas notamment des projets de hubs de mobilité de la communauté de communes de Grand Sud Tarn et Garonne, des stations de mobilité du pays de Lumbres ou de la stratégie de la Plaine de l’Ain.
Ces « réseaux » d’aires de mobilité permettent également d’unifier les équipements et la qualité de service des lieux. L’élaboration des « contrats opérationnels de mobilité » peut être l’occasion d’établir un tel maillage à l’échelle d’un bassin de mobilité.
1.4 Dimensionnement d’une aire de mobilité
Le dimensionnement d’une aire de mobilité dépend du contexte territorial et de la demande potentielle (proximité des réseaux structurants entraînant un potentiel de « massification » des flux, facilité d’accès par les modes actifs, attractivité et « praticité » des services de mobilité selon la localisation du pôle). La réalisation d’une étude de diagnostic est donc indispensable pour identifier les besoins de services à déployer et de dimensionnement. Certaines aires de mobilité en territoires peu denses n’incluent pas de parking pour voitures, à l’image des stations de mobilité du Pays de Lumbres et des hubs de mobilité de la Plaine de l’Ain : une centaine de mètres carrés suffit ainsi pour installer les équipements. Dans d’autres cas, des surfaces de stationnement sont aménagées et nécessitent des emprises plus importantes (120 places de stationnement pour l’aire de mobilité de Héric en Loire-Atlantique, sur une emprise d’un hectare environ, incluant également deux quais bus, du stationnement sécurisé vélos, etc.). L’intérêt de ces petits pôles d’échanges tient aussi à la possibilité de les concevoir de manière évolutive et modulable, notamment pour le stationnement vélos et voitures. Les services de mobilité et les aménagements associés sont parfois ainsi faiblement dimensionnés, avec l’objectif de les adapter et d’augmenter le service offert, selon les usages et le succès des premiers mois. Ce principe implique nécessairement un suivi et une évaluation des usages.
2 ACTEURS, COÛTS ET FINANCEMENT D’UNE AIRE DE MOBILITÉ
2.1 Acteurs d’un projet d’aire de mobilité
Un projet d’aire de mobilité nécessite le développement d’infrastructures, d’équipements et de services de mobilité, dont les compétences sont détenues par des acteurs distincts.
Ce type de projet est donc partenarial et associe notamment :
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le porteur de projet, qui agit au titre d’une compétence qu’il porte (mobilité, stationnement, etc.) ; il peut s’agir par exemple de la commune, de l’intercommunalité ou de l’AOM locale ;
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les gestionnaires de voiries (à ce titre, il est très fréquent que le département soit partie prenante) et les collectivités détentrices de la compétence stationnement ;
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les propriétaires et gestionnaires des emprises foncières, des bâtiments et équipements ;
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l’autorité organisatrice de la mobilité du territoire (AOM locale) qui peut être l’intercommunalité ou la Région ;
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souvent la Région, en tant que chef de file des mobilités et en tant qu’AOM régionale ;
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les exploitants des services de mobilité ou des services à l’usager.
Il est aujourd’hui de plus en plus fréquent que des représentants des usagers-cibles soient associés à la conception de l’aire de mobilité : les entreprises pour la desserte d’une zone d’activité, l’office de tourisme pour la desserte d’un lieu touristique, etc. À Luitré-Dompierre, les habitants ont été consultés à plusieurs reprises lors de cafés-citoyens et lors d’une enquête mobilité afin de définir les services à développer dans le projet d’aire de mobilité.
2.2 Coûts d’une aire de mobilité
Les coûts d’aménagement d’une aire de mobilité en zones peu denses (coûts d’investissement) varient notamment selon :
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les caractéristiques du site sur lequel il est aménagé ;
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les ambitions d’aménagement de l’espace public ;
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les opportunités de réhabilitation d’anciens bâtiments ;
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les services de mobilité implantés.
À titre d’exemple, parmi les projets de pôles d’échanges multimodaux situés en communautés de communes, lauréats de l’appel à projets 2021 « Transport collectif en site propre et pôles d’échanges multimodaux », les quatre projets qui ne sont pas adossés à une gare ferroviaire ont un coût d’investissement inférieur à 1 300 000 €.
Dans certains cas, une partie des coûts de raccordement peuvent être réduits (borne prévue dans le cadre d’un schéma directeur IRVE). Un investissement de 5 000 € supplémentaire est à prévoir pour la mise en accessibilité PMR de la borne (obligatoire dans certains cas). Il convient également d’anticiper les coûts liés à l’aménagement des accès à l’aire de mobilité : cheminement piéton, piste cyclable, signalétique, modification de carrefours, mise en accessibilité PMR, etc. À ces coûts d’investissements s’ajoutent les coûts d’exploitation des lieux : entretien de la voirie, des infrastructures, des équipements, etc.
2.3 Financement d’une aire de mobilité
Selon les modalités de coopération et de portage du projet définies, et selon leurs compétences, la commune, l’intercommunalité, le département et la région peuvent participer au financement du pôle d’échanges. Un projet d’aire de mobilité en zones peu denses peut également bénéficier d’aides pour financer des aménagements ou des ressources humaines qui contribueront à la définition et à la mise en oeuvre du projet, parmi lesquelles :
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des appels à projets France Mobilités (TENMOD) qui permettent de financer la définition et la mise en place de services de mobilité (par exemple un poste de chargé de mission mobilité) ;
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le programme « AVELO », dont la 2e édition 2021 a permis de financer le recrutement de chargés de mission mobilité active ainsi que l’expérimentation de services vélos ;
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le programme « ALVÉOLE PLUS », qui finance du stationnement sécurisé pour vélos ;
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les fonds européens Feder (qui peuvent financer des actions en matière de mobilité, d’intermodalité et de décarbonation) et Leader (tournés vers les zones rurales) ;
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le programme « ADVENIR » qui finance l’implantation de bornes de recharge pour véhicule électrique.
2.4 Démarche de projet d’aire de mobilité
L’aménagement d’une aire de mobilité en zones peu denses est variable dans son déroulement selon la situation dont on part : présence ou non d’équipements, services de mobilité préexistants, gare ferroviaire, arrêt d’autocars interurbains, site vierge, etc. Un projet d’aire de mobilité implique toujours de bien cibler les besoins de mobilité que l’on cherche à satisfaire. Ainsi, un diagnostic de mobilité (plus ou moins approfondi selon les ambitions du projet) est nécessaire à cette fin, s’il n’a pas déjà été réalisé dans le cadre d’une stratégie globale de mobilité. La phase de diagnostic et de définition du projet peut être organisée en mobilisant les partenaires et les usagers.
Les projets d’aires de mobilité en zones peu denses peuvent :
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se faire de manière itérative, en expérimentant des services ou des aménagements,
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ou impliquer une mission de conception architecturale ou de design pour l’agencement des différents modules.
L’organisation partenariale du projet et le montage financier constituent une étape clef pour assurer la réalisation du projet. Il est préférable d’éviter une conception partielle et morcelée du projet et de privilégier un schéma d’ensemble validé par les différents partenaires (maîtres d’ouvrage notamment). Le projet nécessite d’être évalué et suivi dans le temps afin de procéder aux ajustements qui sont nécessaires : après la mise en service du projet, des « corrections » peuvent être apportées aux aménagements, équipements, services prévus, notamment grâce à l’observation attentive des pratiques des usagers sur le site en fonctionnement, ou à la réalisation d’enquêtes qualitatives auprès des usagers.
4 CONCLUSION
Les aires de mobilité permettent de mettre en visibilité, de coordonner, et d’améliorer l’accès aux services de mobilité d’un territoire. Ce type d’aménagements constitue le support de développement d’un bouquet de service multimodal adressé à l’ensemble des habitants du territoire.