« M covoit’ » : services de covoiturages du Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise (SMMAG)

septembre 2023

Forum Vies Mobiles

Le Syndicat mixte des mobilités de l’aire grenobloise (SMMAG), autorité organisatrice des mobilités de la Métropole de Grenoble, et de deux EPCI limitrophes, se caractérise par le développement de plusieurs formes de covoiturage sur son territoire sous une marque commune, M covoit’. Chacune de ces formes de covoiturage doit venir cibler des pratiques de mobilité et répondre à des enjeux identifiés.

Personnes interrogées :

Le « Y grenoblois » : forte aspiration vers l’agglomération, congestions et phénomène accru de pollution de l’air

Le territoire de l’aire grenobloise, couvert par le SMMAG, est marqué par l’aspiration vers la métropole, en direction de la vallée, matérialisée par quelques flux structurants. On parle ainsi de « Y grenoblois ». En conséquence, de fortes congestions sont enregistrées en direction de l’agglomération de Grenoble, ainsi que des phénomènes marqués de pollution de l’air 1.

Une enquête mobilité du Cerema (EMC2), réalisée en 2020, permet d’avoir une vision globale et récente des pratiques de mobilité sur le territoire de la grande région grenobloise, en différenciant notamment les pratiques du coeur métropolitain, de celles du reste de la métropole et du reste de la grande région grenobloise (comprenant le CA du Pays Voironnais, la CC le Grésivaudan, ainsi que d’autres territoires limitrophes de la métropole, non inclus à ce jour au SMMAG). À cette échelle, 53 % des déplacements sont effectués en voiture, ce qui représente 90 % des émissions de GES des transports du territoire. Si l’usage de la voiture est en chute de 7 points par rapport à l’édition précédente (2010), des différences importantes demeurent entre les habitants de Grenoble utilisant la voiture pour un quart de leurs déplacements, et ceux du Grésivaudan et du Pays Voironnais qui l’utilisent pour deux tiers de leurs déplacements. Le taux d’occupation moyen des véhicules n’a pas évolué entre 2010 et 2020 : il est de 1,36 personnes par voiture, et chute à 1,04 pour les déplacements liés au travail et 1,13 pour ceux liés aux études (AURG, 2020).

Dans le PDU de la métropole de Grenoble, l’aspiration vers la métropole pour les territoires limitrophes est soulignée : en 2010, 236 000 déplacements sont réalisés par jour ouvré en échanges entre les deux, dont 75 % par des personnes n’habitant par la métropole. Les déplacements entre le coeur métropolitain et le reste de la métropole et de la grande région grenobloise ont un impact notoire sur les émissions de GES : ils ne représentent que 19 % des déplacements pour 52,9 % des km parcourus et 60 % des émissions de GES. La part modale de la voiture y est particulièrement forte : 68 % sont conducteurs d’une voiture, et 14 % passagers. La longueur moyenne d’un déplacement est de 19 km. Enfin, il faut noter qu’un tiers des déplacements effectués au volant d’une voiture, en lien avec le territoire métropolitain, correspond à des trajets domicile-travail (PDU 2030).

Le SMMAG, qui voit le jour le 1er janvier 2020 et succède au Syndicat mixte des transports en commun (SMTC), a été construit pour coller à la réalité des déplacements domicile-travail du territoire, c’est-à-dire en prenant en compte l’aspiration vers la Métropole pour les territoires voisins. Le nouveau Syndicat mixte intègre ainsi deux EPCI limitrophes de la Métropole : la Communauté de communes Le Grésivaudan et la Communauté d’agglomération du Pays Voironnais. L’enjeu est de penser les mobilités à l’échelle du bassin de vie et de proposer des services adaptés à ces déplacements. Le SMMAG dispose, pour le moment, de compétences obligatoires liées à la coordination des services entre les EPCI membres, le développement d’un système d’information multimodale et d’une tarification coordonnée, et de compétences facultatives. Ces dernières concernent les mobilités partagées (covoiturage, autopartage), transférées par les 3 membres, et les mobilités urbaines, transférées par la Métropole et le Grésivaudan. Le SMMAG pourrait s’agrandir par transfert de nouvelles compétences ou par l’intégration de nouvelles intercommunalités.

Avant la création du SMMAG, différents services de covoiturage existaient déjà sur le territoire et étaient développés au sein des communes et intercommunalités. Les EPCI membres ont souhaité harmoniser ces services et les réunir derrière une marque commune ; M covoit’. L’enjeu est de pouvoir expliquer facilement le service et communiquer sur l’ensemble du territoire couvert par le SMMAG sur des politiques publiques communes. Différents niveaux de services ont été décidés, avec à chaque fois un ciblage des flux pertinents.

Un ciblage favorisant le covoiturage pour les trajets les plus émetteurs

Dans son PDU 2030, Grenoble Alpes Métropole définit les trajets et territoires à cibler en priorité pour développer le covoiturage, en affichant des ambitions différenciées quant à l’augmentation de la part modale du covoiturage. En conséquence, l’incitation financière n’est pas proposée pour l’ensemble des trajets enregistrés sur le territoire du SMMAG et les efforts sont concentrés pour certains types de trajets. Les politiques publiques de covoiturage sont orientées principalement vers les trajets domicile-travail.

Pour les déplacements internes au coeur métropolitain, l’accent est porté sur les modes actifs (4 % de part modale en 2010) et le renforcement des transports collectifs (part modale à 17 %). Le covoiturage 2, dont la dynamique est en baisse (part modale passager à 10 % en 2010) ne doit pas faire l’objet d’effort particulier, mais d’un « encouragement général ».

Pour les déplacements d’échanges entre le coeur métropolitain et le reste de la métropole et le reste de la grande région grenobloise, les deux actions majeures sont le renforcement des transports en commun (dont la dynamique est en hausse et la part modale à 14 % en 2010), et le développement du covoiturage. Alors que la part modale des passagers de voiture est passée de 14 à 13 % entre 2002 et 2010, l’ambition est de passer d’un taux d’occupation de 1,06 à 1,4 pour les navettes domicile-travail. Les actions à mener pour ce faire sont nombreuses (voir figure 3). Les principaux services développés par le SMMAG (M covoit’ Lignes+ et RDV) visent en priorité ce type de trajets (voir la description des services ci-dessous).

Pour les déplacements internes aux territoires périurbains de la métropole, l’enjeu est de contenir la progression du taux d’équipement automobile des résidents de ces territoires. L’ambition la plus forte porte sur le vélo, tandis qu’une ambition modérée est portée sur le covoiturage. Il s’agit de la catégorie de déplacements où la part modale du covoiturage est la plus forte. Elle est passée de 15 à 16 % entre 2002 et 2010. Le service M covoit’ Pouce est pensé pour ce type de déplacements.

L’Observatoire du covoiturage rend compte de l’efficacité du ciblage du SMMAG : parmi les trajets les plus covoiturés ne figure aucun trajet interne au coeur métropolitain et uniquement des trajets d’échanges, priorité de l’AOM 3.

Les services M covoit’ et leur intégration au bouquet de services de mobilité du SMMAG

Le réseau décrit comme structurant est M covoit’ Lignes +, des lignes de covoiturage spontané placées sur des flux importants avec un potentiel important pour trouver un covoitureur. Elles visent des trajets en échange pour les habitants de la périphérie travaillant à Grenoble ou pour les habitants de Grenoble et la métropole travaillant dans des zones d’activité situées en périphérie, et pour des trajets internes au Grésivaudan. Les conditions de rémunération, les heures d’ouverture des lignes, et de garantie départ, varient entre les lignes. Les lignes sont développées et exploitées par Ecov.

Le deuxième service est M covoit’ RDV, correspondant au covoiturage organisé. Il est développé en partenariat avec Karos. « On travaille sur la destination, sur des zones économiques où il y a un potentiel important. Les gens vont tous travailler au même endroit, sachant qu’ils habitent dans des secteurs aussi bien urbains que ruraux » décrit Luc Rémond, vice-président délégué au covoiturage au SMMAG. Ici l’intérêt du covoiturage est de répondre à une dispersion des flux au niveau de l’habitat, et de se baser sur le potentiel généré par les zones d’emploi. Le service n’est pas développé sur l’ensemble du territoire par la Collectivité ni sur toutes les zones d’activité, car la Collectivité souhaite garder la main sur l’enveloppe des incitations financières. La pratique est rémunérée à hauteur de 2 euros par passager, jusqu’à 20 km, et 10ct par km au-delà.

M covoit’ Pouce est le troisième service développé. Il prend la suite des arrêts Rezo Pouce qui étaient largement déployés avant la création du SMMAG (plus de 400 arrêts sur le territoire). Des arrêts d’autostop organisé et pour certains complétés par des panneaux lumineux à boutons poussoirs pour afficher la destination, sont proposés pour des flux moins structurants, desservant les massifs ou les secteurs moins denses. Système structurellement léger, il nécessite néanmoins de l’animation, en créant des communautés volontaires. Le service est le moyen de travailler localement, au niveau des communes, à l’animation et la revalorisation de l’autostop, qui nécessite un vrai travail de pédagogie selon la Collectivité.

En parallèle de ces services, une voie réservée au covoiturage a été expérimentée à partir de 2020 sur l’A48, sur une section qui comprend également une voie réservée aux transports en commun et des arrêts de bus. Longue de 8 km, elle est déclenchée en cas de congestion par AREA, gestionnaire de l’autoroute : un losange blanc affiché sur un panneau lumineux signale le passage en voie réservée pour la voie de gauche, et la vitesse devient alors limitée à 50 km/h pour l’ensemble des voies de circulation. La voie réservée est accessible aux covoitureurs, mais aussi aux conducteurs (autosolistes ou non) d’un véhicule Critair0 (100 % électrique ou hydrogène) et aux taxis.

Le SMMAG développe le covoiturage dans une logique intégrée aux autres offres de mobilité disponibles sur le territoire. Le calculateur d’itinéraire M localise l’ensemble des points d’arrêts disponibles sur le territoire (transports en commun, arrêts de covoiturage, parkings de covoiturage). Le SMMAG a également le projet d’intégrer les différents services de covoiturage au PASS’Mobilités, pour les utiliser directement à partir l’application. À ce jour plusieurs niveaux d’intégration ont déjà été réalisés et se poursuivent.

Un développement plus lent, mais contrôlé du covoiturage incité par la collectivité

Le SMMAG constate, à l’instar d’autres collectivités, une vraie augmentation en début de l’année 2023 sur son territoire. Plusieurs facteurs jouent : des moyens importants sur la communication et l’animation ; la prime covoiturage du Plan covoiturage, et la conjoncture inflationniste. Sur M covoit’ Lignes+, environ 700 trajets étaient comptabilisés par mois à la fin de l’année 2022, sur l’ensemble du réseau. En février 2023, 1500 trajets ont été enregistrés. Sur M covoit’ RDV, le déploiement se fait au fur et à mesure dans les zones d’activité depuis avril 2022. Le nombre de trajets atteint 3100 en février 2023. Le covoiturage planifié se développe également bien chez d’autres opérateurs privés sur le territoire (non incités par la Collectivité) comme en témoigne l’augmentation générale constatée sur le RPC : d’un maximum de 5 627 trajets en novembre 2022 à 8 819 en mars 2023. Enfin, sur M covoit’ Pouce, les trajets ne sont pas tracés et l’usage est plus difficile à suivre. Certains arrêts équipés de panneaux lumineux à boutons poussoirs permettent de comptabiliser le nombre de fois que le bouton est enclenché (jusqu’à 1 300 par mois sur certains arrêts), sans que l’on sache si ces demandes sont satisfaites.

Avec 230 trajets incités par jour ouvré comptabilisés en moyenne en février 2023, le covoiturage incité par le SMMAG représente 0,04 % des trajets domicile – travail du territoire et 0,5 % des trajets domicile-travail principalement visés par les dispositifs du SMMAG. La concentration des incitations sur les trajets les plus émetteurs (les trajets en échange représentent 19 % des trajets totaux, mais sont responsables de 60 % des émissions du fait des distances parcourues), permet à la Collectivité d’avoir une incidence légèrement supérieure si l’on s’attache à la part modale kilométrique : le covoiturage a représenté en février 2023 environ 0,71 % des km parcourus pour les trajets domicile – travail réalisés entre la Métropole et les EPCI périphériques (Grésivaudan ou Pays Voironnais) 4.

Le budget du SMMAG dédié au covoiturage est de 900 000 euros par an, sachant qu’il peut varier selon l’enveloppe dédiée aux incitations financières. Celles-ci ont coûté 12 000 euros pour le mois de février 2023 entre M covoit’ Lignes+ et RDV, pour un total de 4 600 trajets incités. L’ambition de la collectivité est d’atteindre 10 000 trajets incités par mois d’ici juillet, tout en restant vigilante sur la maitrise du budget lié aux incitations financières. Une réelle incidence de l’incidence financière sur l’usage du covoiturage est constatée, ce qui explique la volonté de la collectivité à inciter. Le coût moyen des incitations par passager s’élève à 2,60 € et le coût au trajet moyen, en intégrant les coûts d’aménagements et de fonctionnement des différents services, s’élève à environ 16,30 € 5 .

Ainsi, le développement du covoiturage intermédié, et enregistré par le RPC, apparait bien plus mesuré que sur d’autres territoires. L’incitation n’est proposée que pour certains trajets : sur le réseau des Lignes+ et, dans le cas du covoiturage planifié, à l’intérieur du périmètre des zones d’activité choisies. Les trajets réalisés en dehors des périmètres déterminés par la collectivité ne sont pas incités financièrement. Ainsi, au mois de février, la moitié des trajets enregistrés sur le RPC sont incités par la collectivité tandis que l’autre moitié ne l’est pas. La Collectivité témoigne d’un tâtonnement sur la politique covoiturage, pour aller chercher les autosolistes sans pour autant concurrencer les transports en commun existants. Signe du pilotage de la Collectivité, celle-ci n’enregistre, sur l’Observatoire du covoiturage, aucun trajet interne à Grenoble ou à la Métropole parmi ses trajets les plus covoiturés. Elle n’enregistre aussi qu’une faible part de trajets inférieurs à 10 km.

Enfin, AREA a réalisé un bilan en 2021 sur l’expérimentation de la voie réservée 6. Le taux de respect était de 40 %, le temps de parcours plus faible d’une minute (sur les 8 km de la voie) et les utilisateurs de la voie allaient environ 10 km/h plus vite que les automobilistes des autres voies. L’absence de verbalisation et le déclenchement après la formation de la congestion ont cependant limité son efficacité : « Au début la voie était un peu respecté mais de moins en moins aujourd’hui. On va lancer une expérimentation à l’été 2023 pour verbaliser », décrit Luc Rémond.

  • 1 La pollution atmosphérique dans l’agglomération grenobloise est importante en raison du trafic routier et du chauffage au bois individuel, et est aggravé par sa topographie (zone montagneuse, climatologie défavorable),

  • 2 La part modale du covoiturage est déterminée à partir de la part modale des passagers en voiture (PDU 2030 – la stratégie).

  • 3 Mois de référence : novembre 2022 et février 2023.

  • 4 Les trajets en échange entre métropole et Grésivaudan ou Pays Voironnais (156 000) sont pour 1 tiers des navettes domicile-travail (EMC2), soit 46 800 trajets quotidiens. Les trajets en échange réalisés en voiture ont une distance moyenne de 19 km (PDU 2030). Par ailleurs, la distance moyenne enregistrée sur le RPC en février 2023 est de 27,35 km. Le rapport entre les km parcourus en covoiturage incité (230*27,35) et ces trajets (46 800*19), multiplié par 100, donne 0,71 %.

  • 5 Le coût au trajet est estimé à partir du budget mensuel de 2022 (75 000 €), divisé par le nombre de trajets incités en février 2023 (4600).

  • 6 Les résultats ont été présentés lors du webinaire organisé par France mobilité et Idealco « Inciter covoiturage par les infrastructures », diffusé le 15 novembre 2022.

Références

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