Déchets : entre flux illégaux et recyclage local, le traitement des déchets en pleine reconfiguration

Ophélie Cuvillard, Antoine Gillod, 2022

Association Climate Chance (Climate Chance)

Les interdictions d’importations des déchets plastiques pronon- cées par la Chine en 2018 – suivies par certains pays voisins – ont souligné la faiblesse des capacités locales de recyclage dans les pays industrialisés exportateurs de déchets. La relocalisa- tion urgente du recyclage de millions de tonnes de plastiques a également mis en lumière les conditions précaires de leurs pratiques de recyclage. En parallèle de ce processus et dans le cadre de la convention de Bâle, la dénomination et le contrôle des déchets représentent un enjeu important pour éviter le contournement des règles internationales et des accords bila- téraux. En effet, les trafics illégaux des déchets font partie des réseaux les plus organisés de crimes environnementaux et si les exportations de déchets plastiques vers les pays d’Asie du Sud-Est ont diminué officiellement, les transferts illégaux ont parfois remplacé les transferts autrefois légaux, conduisant à des pratiques de recyclage non officielles et plus dangereuses. L’Europe a fait quelques progrès en matière de recyclage des polymères mais fait face aux limites de ce type de traitement pour véritablement réduire les émissions du secteur et pour bifurquer vers une économie circulaire, qui passe d’abord vers la prévention de leur production et par la valorisation de la réutilisation des ressources.

À télécharger : bs2022_fr_dechets_tendance_flux.pdf (640 Kio)

Les interdictions asiatiques dévient les flux de déchets vers de nouvelles destinations

Les différents fibres en plastique sont actuellement utilisées pour les emballages, le textile, le machines industrielles, les produits électroniques et électriques, et dans les secteurs des transports et de la construction. Sur la période 1950-2015, seuls 9 % des plastiques ont été recyclés annuellement dans le monde, 79 % ayant été accumulés dans les décharges ou déversés dans la nature, finissant dans les océans, et 12 % incinérés. Une étude de 2018 par l’OCDE a réévalué le taux de recyclage mondial entre 14 et 18 %, celui de l’incinération à 24 % et celui du déversement dans les décharges ou dans la nature entre 58 et 62 %. 72 % des déchets mondiaux produits entre 1992 et 2016 ont été exportés à Hong Kong et en Chine, dont une grande partie par des canaux illégaux. Une partie de l’Asie avaient commencé à introduire des politiques restrictives dès le début des années 2000 jusqu’à la politique du National Sword Policy (NSP) entrée en vigueur au 1er janvier 2018 en Chine. Cette dernière interdit l’importation de 24 types de déchets solides recyclables : plastiques non industriels, papiers mélangés, textiles ou encore scories de vanadium, un métal rare utilisé pour la métallurgie de l’acier.

En conséquence, les importations de déchets plastiques ont chuté de 99 % et de plus d’un tiers pour celles du papier entre 2017 et 2018. Les interdictions asiatiques ont eu pour principale conséquence le déplacement des importateurs de déchets plastiques, étant donné que les pays exportateurs n’avaient pas les moyens et les capacités industrielles en place pour se substituer à la Chine.

De 2016 à 2018, la région d’Asie du Sud-Est a connu une augmentation des importations de déchets plastiques de 171 % selon une étude menée par l’ONG Greenpeace d’Asie du Sud-Est, passant de 836 529 à 2 231 127 tonnes. Autrement dit, en 2018, la région représentait 27 % des importations des déchets plastiques mondiaux, quand il s’agissait de 11 % en 2017 et de 5,38 % en 20168. En effet, l’impossibilité d’exporter vers la Chine pour les pays occidentaux (Europe et États-Unis notamment) les ont conduits à se tourner vers les pays d’Asie du Sud-Est comme la Malaisie, les Philippines, le Vietnam, la Thaïlande, avant que ces derniers ne mettent à leur tour des politiques de restrictions. Comme ces pays n’ont pas ratifié la convention de Bâle, le contrôle de l’entrée des déchets dangereux est plus difficile. Accepter de traiter les déchets plastiques des pays du Nord était apparu comme une opportunité aux pays hors de l’OCDE qui pouvaient, les revendre après les avoir traités. Néanmoins, en raison d’équipements et d’infrastructures limités pour le recyclage, les déchets dangereux ou les déchets contaminés finissaient souvent jetés ou brulés.

Les exportations des déchets plastiques des pays européens sont passées de 1 583 Mkg en 2020 à 1 135 Mkg en 2021 (2 500 Mkg en 2017) et celles à destination des pays hors OCDE ont baissé de 45 % entre 2020 (887 Mkg) et 2021 (486 Mkg). Les interdictions asiatiques ont donc impliqué une baisse des exportations dans les pays hors de l’OCDE et une baisse des exportations en général. À l’exception des cargaisons envoyées vers le Vietnam, qui ont augmenté, les exportations de déchets de l’UE vers les pays de l’Asie du Sud-Est ont diminué en 2021, tout comme celles vers la Turquie, devenue la destination principale des déchets plastiques exportés par les pays de l’UE. De manière générale, le total des exportations de déchets plastiques a diminué chaque année entre 2017 et 2021 depuis les grands pays exportateurs (passant de 6,75 Mt à 3,75 Mt). Les principaux exportateurs de déchets vers des pays hors OCDE en 2021 sont le Japon, les États-Unis, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Australie, la Belgique et le Royaume-Uni et les principaux importateurs étaient la Turquie, la Malaisie, le Vietnam, l’Indonésie, l’Inde et la Thaïlande. L’Inde a fait passer « l’interdiction » des importations de déchets plastiques décidées en 2019 en importations « restreintes » en 2022. En conséquence de cette fermeture des frontières asiatiques, les exportations des États-Unis vers le continent latino-américain (Equateur, Mexique, Salvador, Guatemala et Honduras) ont presque doublé entre 2019 et 2021.

Les exportations de l’Europe et de l’Amérique du Nord vers l’Afrique augmentent, suivant les flux de commerce qui existaient déjà pour les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Malgré la chute drastique de l’importation des déchets plastiques en Chine, la demande de particules de plastique recyclé augmente à mesure que les grandes chaînes mondiales multiplient les engagements pour diminuer l’utilisation de plastiques primaires. Avec le durcissement des règles internationales d’échanges, les interdictions d’importations asiatiques et l’activité lucrative que représente ce marché (qui devrait atteindre 50,36 Md$US en 2022), les activités illégales augmentent.

En parallèle, les initiatives de recyclage et d’économie circulaire n’ont plus d’autres choix que de se développer dans les pays producteurs de déchets.

Face à un recyclage défaillant et des transferts illégaux, la circularité mise sur la réutilisation des déchets plastiques

Reconnus comme des déchets dangereux, les plastiques alimentent trafics illégaux Les activités illégales concernant les déchets concernent différentes activités : le transport des déchets sur les marchés noirs, la contamination, les fausses déclarations sur les déchets dangereux ou en déclarant des déchets comme des produits réutilisables. Dans ce dernier cas, les produits ne sont alors plus soumis aux régulations internationales sur les échanges de déchets et peuvent être échangés avec les pays en développement. Si ces derniers dépendent des produits réutilisables comme certains déchets électroniques ou des voitures, la majorité d’entre eux ne sont pas fonctionnels et peuvent aussi cacher d’autres types de déchets.

Selon l’Organisation mondiale des douanes (OMD), ce type d’actions complique la distinction entre les déchets légaux et illégaux, créant une vaste zone grise où il est difficile de faire appliquer les règles internationales.

À mesure que les déchets s’accumulent, les trafics illégaux augmentent à travers une économie sous-terraine du commerce du plastique recyclé. Une étude a évalué l’étendue de cette économie grâce à l’observation des différences entre ce qu’annonçaient les deux parties prenantes d’un même échange. En moyenne, les exportateurs de déchets déclarent une valeur 18,47 % plus importante que les importateurs (tendance inverse de ce qu’on peut observer sur les autres types d’échanges économiques). Selon l’OMD, les flux illégaux sont particulièrement élevés pour les échanges de déchets. L’OMD avait lancé l’opération Demeter IV contre les flux illégaux de déchets en 2018 : parmi les 199 saisies réalisées, les déchets plastiques et électroniques faisaient partis des déchets les plus nombreux. Les flux illégaux de déchets sont rapportés à partir de l’Europe de l’Ouest, en particulier de la mer Adriatique vers la Turquie et la Bulgarie. En décembre 2021, le bateau Cosco Pride voyageant avec 37 conteneurs de déchets plastiques provenant de l’Allemagne vers la Turquie avant d’être exportés à nouveau vers le Vietnam, avait été arrêté sur sa route vers l’Asie, rapporté par les autorités grecques, à la suite d’un avertissement du Réseau d’Action de Bâle. Les flux vont en effet rarement d’un point A à un point B, notamment quand des pays importateurs reçoivent des livraisons illégales et les déportent sur d’autres pays voisins.

Dans un rapport publié en août 2020, Interpol a analysé les tendances criminelles émergentes sur le marché mondial des déchets plastiques depuis le début de la mise en œuvre de la politique chinoise en janvier 2018. En s’appuyant sur les données et renseignements de 40 pays, Interpol identifie une multiplication des pratiques hors des frontières du droit : transferts de cargaisons illégales de déchets vers d’autres destinations, dépôts sauvages non autorisés, incinérations illégales et fraudes administratives sont autant de voies alternatives ouvertes en l’absence de capacités domestiques de recyclage dans les pays jusqu’alors dépendants de la Chine. En 2020, les unités de contrôle portuaire et du fret aérien ont intercepté 630 tonnes de déchets. Treize pays parmi les 24 pays touchés par les exportations illégales étaient situés sur le continent asiatique. L’analyse d’Interpol observe que les routes de déchets illégaux suivent les routes légales et, de fait, elles suivent également leur changement de destination induit par la montée des législations restrictives. Néanmoins, à mesure que certains pays d’Asie du Sud-Est augmentaient les réclamations contre ces livraisons illégales et mettent en place des interdictions, la tendance serait au déplacement de ces transferts illégaux vers des pays non importateurs, réorientant les déchets dangereux vers des pays plus vulnérables dotés de moins d’infrastructures pour traiter les déchets. Si cette tendance a déjà été observée dans des pays d’Asie du Sud-Est, il faudra encore attendre quelques années pour avoir les données concernant l’Afrique et l’Amérique latine, vers lesquels les transferts semblent se diriger selon Interpol. En particulier, les routes utilisées pour le transfert des DEEE en Afrique pourraient être utilisées pour le transfert des déchets plastiques.

Les DEEE vers l’Afrique sont en partie exportés sous dénomination fallacieuse. Le nouveau rapport français du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) conclut que la France ne connaît l’avenir que de 20 % de ses déchets exportés, en raison des lacunes des données existantes. En particulier, elle souligne qu’une grande partie de DEEE est exportée sous la dénomination de « produits d’occasion » et non de « déchets » ou qu’un même code couvre les produits et les déchets rendant impossible l’analyse de données précises par la suite. Jusqu’en octobre 2021, les déchets électroniques et électriques ne faisait pas partie de la nomenclature douanière de l’Union européenne. Une enquête sur deux ans (2015-2016) de l’ONU, publiée en 2018, statue que 77 % des importations d’équipements électriques et électroniques (EEE) provenaient de ports de l’UE – l’Allemagne et le Royaume-Uni en représentaient 20 % chacun. Les importations sont surtout dirigées vers l’Afrique de l’Ouest.

L’enquête conclut sur un grand manquement aux règles de la Convention de Bâle concernant les contrôles de la nature des déchets, entraînant l’envoie de déchets dangereux et donc illégaux, sans transparence et accord préalable. Sur les 30 000 tonnes d’EEE arrivées au Nigéria en 2018, au moins 25 % ne fonctionnaient pas et n’étaient pas réparables et environ 70 % étaient arrivés dissimulés dans des véhicules d’occasion. Dans un podcast du média francophone RFI, Samuel Turpin indique à la suite d’un reportage qu’il a mené à Cotonou au Bénin, que les pays concernés pourraient refuser les déchets au moment de la réception selon la convention, mais que ces contrôles nécessiteraient des ressources et une volonté politique qui manquent la plupart du temps. La ville de Dakar (Sénégal) avait refusé en mai 2021 la réception de 25 conteneurs de déchets plastiques pour un poids de 581 tonnes, du transporteur allemand Hapag-Lloyd, qui a dû réexporter la cargaison en Espagne et payer une amende de 2 Md de francs CFA (3 M€). Le Sénégal a en effet interdit depuis avril 2020 l’importation d’un certain nombre de déchets plastiques à usage unique.

Le durcissement de la législation internationale sur les flux de déchets

Les réseaux informels sont en ligne de mire des restrictions contre la pollution plastique. En juin 2022, le ministère de l’Environnement, des Forêts et du Changement Climatique de l’Inde a annoncé que la production, l’importation, le stockage, la distribution et la vente des produits en plastique à usage unique de faible utilité et avec une grande probabilité d’être vite jetés, seront interdits. Le non-respect de cette nouvelle mesure est sanctionné jusqu’à cinq années de prison et 100 000 roupies (1 220 €). Au 31 décembre 2022, la mesure doit s’étendre à davantage de produits. À New Delhi, environ 150 000 chiffonniers et ramasseurs de déchets informels dépendent des montagnes de déchets présents dans la ville. Ces personnes (environ 5 millions en Inde) ne sont pas reconnues officiellement comme des travailleurs mais permettent de recycler environ un cinquième des déchets municipaux grâce à ce qu’elles ramassent, en s’exposant aux produits chimiques, potentiellement dangereux, et au méthane présents dans les déchets. Ces ramasseurs informels sont les premières victimes de la dangerosité des produits plastiques et de sa dépendance. L’annonce du gouvernement indien marque un tournant positif pour la réduction des déchets plastiques mais menace les moyens de subsistance des ramasseurs. Au bout de trois mois, des études soulignent les effets disproportionnés sur les plus vulnérables et négligeables sur les multinationales.

D’autres collectivités indiennes avaient essayé les années précédentes d’interdire les sacs plastiques – en vain, au vu des nombreux obstacles rencontrés. L’État de Maharashtra a tenté en 2018 de renforcer et d’enrichir sa politique restrictive, amenant à la fermeture de plus de 300 producteurs de sacs plastiques les premières semaines et à de grandes confusions au sein de la population sur leur utilisation. Face à a confusion générale et à l’appui de grands groupes, le gouvernement avait fini par assouplir la mesure. Le gouvernement de Maharashtra a par la suite développé d’autres mesures complémentaires en réclamant par exemple aux grandes industries 0,25 roupies par « tetrapak » afin d’alimenter un fond pour la collecte et le recyclage des déchets. Devenue la première destination des exportations européennes depuis les interdictions chinoises, la Turquie a importé 50 % des déchets plastiques de l’UE en 2020-2021.

Néanmoins, le rapport d’Human Rights Watch (HRW) publié en septembre 2022, souligne les effets locaux néfastes des actions de recyclage du plastique en Turquie. Le manque de normes et de contrôles a d’importants impacts sanitaires et environnementaux. Le processus de recyclage des déchets plastique met en danger la santé (et réduit drastiquement l’espérance de vie) par les toxines qu’ils libèrent quand ils sont recyclés si les personnes ne sont pas équipées correctement. Les salariés sondés dans l’étude de HRW font partie des revenus les plus modestes et ne peuvent pas perdre leur emploi. Dans un rapport sur le commerce illégal des déchets plastiques, Global Initiative observe qu’environ deux incinérations suspicieuses ont lieu dans les usines de recyclage en Turquie par semaine.

Le 17 novembre 2021, la Commission européenne a adopté de nouvelles règles au sujet des transferts de déchets hors de l’Union européenne. L’objectif des mesures européennes proposées seraient de n’autoriser que les exportations si les pays importateurs « sont en mesure de les gérer durablement » et de contraindre les entreprises européennes à soumettre les infrastructures qui gèrent leurs déchets à l’étranger à des audits environnementaux. Des ONG ont néanmoins réclamé une interdiction plus stricte sur les exportations de déchets en soulignant les dérogations accordées et la distinction insuffisante entre le recyclage et d’autres formes moins ambitieuses de traitement, comme l’incinération. Selon les ONG, la révision du texte pourrait temporairement permettre de transférer les déchets vers les pays de l’OCDE mais ne rendrait pas l’exportation de déchets plus difficile. En septembre 2021, l’Agence d’Investigation Environnementale avait appelé, dans un rapport, l’Union européenne à amender la régulation sur le transfert des déchets en raison des conséquences environnementales et sociales de ces flux.

Au niveau local, régional ou national, des initiatives éclaircissent néanmoins l’avenir du traitement des déchets

175 pays se sont mis d’accord pour négocier un traité onusien légalement contraignant sur le plastique en mars 2022. Ce traité pourrait représenter une avancée majeure dans la lutte contre la pollution plastique et a même été souligné comme pouvant contrecarrer le plan B des compagnies pétrolières qui misent sur la production pétrochimique pour assurer leur avenir. Au niveau international, si de nombreuses organisations internationales existent déjà, CMA CGM – lors du One Ocean Summit en février 2022 – a rappelé le poids qu’ont les transporteurs et tous les acteurs du secteur en annonçant interdire le transport de déchets plastiques sur leur bateaux à compter du 1er juin 2022. Si des compagnies comme Hapag-Lloyd, Maersk, Hamburg Sud ou MSC l’avaient fait au niveau des eaux chinoises – et de Hong-Kong pour les trois dernières – CMA CGM porte son interdiction au niveau mondial.

Dans le Pacte vert européen (European Green Deal) pour atteindre la neutralité climatique en 2050, l’Union européenne a consacré un plan pour l’économie circulaire qui vise à réduire la production des déchets. Dans la stratégie européenne sur les plastiques adoptée en 2018, les mesures adoptées par l’Europe concernant les déchets plastiques et leur production ont permis d’atteindre un niveau de recyclage à 41,5 % (moins de 10 % aux États-Unis et 14 à 18 % dans le monde). Si la production des plastiques primaires a diminué en Europe depuis 2017 (de 64 Mt à 55 Mt en 2019), la consommation moyenne des produits plastiques augmente.

De 2009 à 2019, la quantité d’emballages de déchets plastiques a augmenté, comme le recyclage en quantité mais pas en valeur relative. Le traitement des emballages plastiques par incinération pour les convertir en énergie a augmenté de 34,4 % en 2016 à 36,5 % en 2019. Utiliser les déchets pour produire de l’énergie est apparu comme une solution à encourager pour favoriser l’indépendance énergétique au niveau local, dans un contexte de crise énergétique en 2022. À ce titre, la Fnade – fédération d’entreprises du secteur des déchets en France – a par exemple proposé de doubler la production de chaleur issue des déchets mais la combustion des déchets nécessaire à cette conversion énergétique reste émettrice de GES.

La révision de la directive-cadre des déchets est prévue pour le premier semestre 2023 et celle prévue pour la directive emballages et déchets d’emballages a pour but de mieux prendre en compte la prévention des déchets et non plus seulement sur le recyclage. Dix produits plastiques ont été retirés du marché européen depuis le 3 juillet 2021 – suivant une directive européenne de 2019 – mais certaines ONG nuancent l’impact de la mesure estimant qu’ils ne concernent que 1 % de la production européenne de plastique.

L’économie circulaire se définit par une organisation économique alternative au modèle linéaire « produire-consommer-jeter », dont un des leviers pour la gestion et la valorisation des déchets est le dispositif de responsabilités élargies aux producteurs (REP). Ces derniers permettent de déplacer la responsabilité des déchets plastiques sur la production afin de reconnecter les différentes phases de cycle de vie d’un produit. Ces programmes sont conçus pour que les producteurs participent à la collecte, au tri, au prétraitement, à la réhabilitation – recyclage ou valorisation énergétique – ou l’incinération des déchets.

Dans un rapport, la GIZ (la banque de développement allemande) revient sur les résultats de cinq programmes de ce type mis en place près de de zones côtières : en Australie, au Canada (Colombie britannique), dans l’Union européenne, en Corée du Sud et en Tunisie. L’étude de la GIZ conclue l’efficacité des programmes de REP pour éviter la pollution marine, à condition qu’ils soient conçus précisé- ment, véritablement mises en œuvre, suivis et développés en continu. Aux États-Unis, les programmes, commencent à se mettre en place après le premier dans le Maine en 2021. En France, une REP sur les bâtiments entrera en vigueur au 1er janvier 2023. En 2021, l’UE a définitivement adopté une taxe sur les déchets plastiques non recyclés (devenant dès lors une nouvelle source de revenus de l’UE). Chaque kilo de déchets d’emballages plastiques non recyclés coûte 80 centimes d’euros au pays, soit 800 € par tonne métrique. Les États peuvent verser le coût de la taxe directement via leur budget nationaux ou en le finançant grâce à des taxes sur le secteur privé. Pour l’instant, la France, l’Allemagne, l’Irlande, le Luxembourg et la Slovaquie ont choisi la première possibilité, même s’ils comptent à terme déplacer le coût sur les entreprises pour favoriser le recyclage.

En 2021, la France a versé 1,2 Md€ à l’UE. L’Espagne et l’Italie ont choisi de mettre en place une nouvelle taxe sur les emballages plastiques à usage unique collectés et non recyclés (de 0,45 € le kilo) qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023. La taxe mise en place par le Royaume-Uni le 1er avril 2022 est différente et s’applique pour les emballages plastiques qui contiennent moins de 30 % de plastique recyclé et sur les emballages plastiques importés. La Belgique prévoit d’intégrer le coût de la taxe via le mécanisme des responsabilités élargies aux producteurs. Aux États-Unis, selon un rapport de la branche américaine de Greenpeace, le taux de recyclage des bouteilles et pots en téréphtalate de polyéthylène (PET) n’est que de 21 % et de 10 % pour le polyéthylène haute densité (HDPE). Pourtant, les pots et les bouteilles en PET et en HDPE, portant le numéro 1 et 2, sont les seuls qui respectent les caractéristiques gouvernementales de recyclabilité aux États-Unis. La majorité des usines de recyclage refusent les plastiques numérotés de 3 à 7, plus difficiles à traiter ou contenant trop de produits toxiques. Le rapport observe donc la limite du recyclage des produits plastiques tout en soulignant le faible taux de recyclage pour les produits pour lesquels il est possible. La difficulté du recyclage des déchets plastiques en raison des produits toxiques qu’ils contiennent et leur haute probabilité d’être mélangés avec des déchets toxiques rendent les coûts de recyclage supérieurs à l’achat de nouveaux plastiques. L’ONG appelle donc les entreprises à réduire leurs emballages plastiques de 50 % en 2030 plutôt que de doubler leur taux de recyclage. Le combat contre la production plastique reste néanmoins coriace aux États-Unis : l’Administration des Services Généraux a soumis une proposition de loi pour interdire le plastique à usage unique en juillet 2022 mais depuis, les géants de l’industrie plastique ont lancé des campagnes massives visant à contrer la proposition. Dans les Balkans, les politiques envisagées se focalisent majoritairement sur l’installation d’infrastructures pour utiliser la combustion des déchets afin de produire de l’énergie : une usine d’incinération à cet effet doit commencer fin 2022 en Serbie. Dans cette région, le peu qui est recyclé l’est grâce aux ramasseurs informels, qui les vendent à des entreprises de recyclage sur place ou prêt à l’export. Avant le recyclage, l’enjeu politique est surtout d’arrêter le dépôt dans les décharges illégales. Des investissements en faveur d’autre types d’usines de traitement ont néanmoins été lancés dans plusieurs pays. Au Kosovo, un projet pilote pour traiter les déchets organiques a été lancé dans la ville de Priština en 2020 dans le cadre d’un plan d’action municipal pour diriger les investissements vers des usines de recyclage et de compostage.

En Asie, des programmes sont mis en place pour la gestion et le recyclage des déchets, en particulier pour contrer la pollution plastique marine. Les déchets plastiques comptent pour près de 80 % des débris présents dans les océans. La région d’Asie du Sud-Est est responsable pour près de 70 % des déchets plastiques émis dans les océans.

Premières victimes de cette pollution, les pays de l’Asie du Sud-Est ont mis en place des plans régionaux pour l’éviter et la traiter. Deux ans après la déclaration de Bangkok pour combattre les plastiques marins en 2019, le plan d’action régional statuant sur quatorze politiques prioritaires à mettre en place par les pays membres de l’ASEAN a été lancé et est financé à hauteur de 20 M$ de prêts par la Banque mondiale. En outre, la Commission de l’Océan Indien a mis en œuvre depuis l’an dernier un programme baptisé EXPLOI (Expédition Plastique Océan Indien). Doté de 6,5 M€ ce programme a pour objectif d’analyser cette pollution pendant cinq ans et d’émettre des recommandations.

Dans les pays en développement, citoyens et entrepreneurs locaux développent leurs propres initiatives pour réutiliser ou recycler les déchets plastiques, notamment pour les infrastructures et le bâtiment. À Nairobi, une entrepreneuse a lancé une industrie transformant les déchets plastiques en brique pour remplacer le béton pour les projets de construction : « Fabriqués à partir d’une combinaison de plastique et de sable, les pavés ont un point de fusion supérieur à 350 °C et sont plus durables que leurs homologues en béton ». L’entreprise Gjenge Makers a donc recyclé plus de 20 t de plastiques jetés, en produisant entre 1 000 et 1 500 briques par jour et créé 150 emplois locaux. Plusieurs projets de routes à base de déchets plastiques ont vu le jour en Inde, où environ 60 000 miles de « plastic roads » ont été construites depuis 2018. Par exemple une autoroute de 703 km a été construite à New Delhi grâce à ces déchets en 2021. D’autres pays africains ou occidentaux ont suivi la tendance depuis en 2018.

Références