Mise en place du Service d’accompagnement et de prévention des expulsions locatives (SAPEX) à La Réunion
septiembre 2023
Forte du portage d’un dispositif d’Accompagnement aux Droits Liés à l’Habitat (ADLH) depuis 2020 et d’une équipe mobile de prévention des expulsions et des impayés (EMPEI) depuis fin 2021, l’ADIL 974, en partenariat avec l’association ESF Réunion, a créé en mars 2023 un dispositif expérimental appelé « Service d’accompagnement et de prévention des expulsions » (SAPEX). Ce nouveau service vient fusionner les deux dispositifs précédents en les étoffant grâce aux cofinancements de la Fondation Abbé Pierre et d’Action Logement. Il mobilise six équivalents temps plein (ETP) dont quatre de travailleuses sociales (TS) et deux juristes et vise ainsi à offrir un suivi et / ou un accompagnement socio-juridique aux ménages inconnus des services sociaux.
Contexte territorial1
En 2014, 40 % des Réunionnais vivent sous le seuil de pauvreté métropolitain, soit environ 1000 euros par mois et par unité de consommation. Ce chiffre est trois fois plus élevé qu’en métropole. Fin 2016, 17 % de la population est par ailleurs bénéficiaire du Revenu de Solidarité Active (RSA). Néanmoins, de fortes disparités en matière de pauvreté sont à noter en fonction des différentes zones de l’île. Le taux de pauvreté s’échelonne ainsi de 15 % à Sainte-Marie La Mare à 61 % à Saint-Louis Sud. La part des familles monoparentales, plus exposées à la pauvreté, varie elle-aussi, de 14 % à La Possession Ravine à Malheur à 56 % au Port-ZAC.
L’Insee a établi 5 groupes de quartiers homogènes au regard de la précarité :
-
Les quartiers urbains cumulant les difficultés socio-économiques
Ils représentent 12 % de la population de l’île et cumulent les fragilités socio-économiques les plus aiguës. 52 % des habitants de ces quartiers vivent sous le seuil de pauvreté. Cette forte précarité sociale est due à la faiblesse des revenus d’activité en lien avec la faible proportion des habitants en âge de travailler. 42 % des jeunes ayant arrêté leurs études n’ont pas d’emploi. Cette précarité est aggravée par le structures familiales qui pèsent sur les niveaux de vie : 14 % de familles nombreuses et 45 % de familles monoparentales.
-
Les quartiers pauvres de propriétaires, à dominante rurale
Ils représentent le quart de la population de l’île. Ils se caractérisent par une pauvreté très élevés au sein de communes à dominante rurale mais sont moins dépendants des aides sociales que les habitants du groupe précédent dans la mesure où ils sont 66 % à être propriétaires de leur logement (contre 51 % en moyenne) et que la part des familles monoparentale y est plus faible. La part des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie y est quant à elle plus importante puisqu’elle s’élève à 16 % contre 12 à La Réunion.
-
Les quartiers vulnérables proches des centres-villes
Ils représentent 20 % de la population. Dans ces quartiers, deux fois plus de ménages qu’à La Réunion vivent dans un logement social (38 % contre 21 % en moyenne) et les personnes seules y sont nettement plus nombreuses (34 % des ménages contre 26 % en moyenne). Les familles monoparentales y sont plus nombreuses que la moyenne régionale.
-
Les quartiers de propriétaires moins pauvres et éloignés des centres-villes
Ils représentent 30 % de la population de l’île et sont localisés dans des quartiers relativement éloignés des centres-villes. 62 % d’entre eux sont propriétaires de leur logement. Ils bénéficient par ailleurs d’une meilleure insertion en matière d’emploi et de structures familiales plus favorables.
-
Les quartiers les plus aisés
Ils rassemblent un réunionnais sur six. Le niveau de vie médian des habitants de ces quartiers est comparable à celui de la métropole tout en ayant un taux de pauvreté de 24 %, soit deux fois supérieur à la moyenne nationale dans la mesure où les inégalités de revenus y sont plus fortes qu’ailleurs.
Contexte de mise en place du SAPEX
Depuis 2020, l’ADIL 974 déploie sur son territoire un dispositif d’Accompagnement aux Droits Liés à l’Habitat (ADLH), cofinancé par l’Etat et la Fondation Abbé Pierre (FAP). Il prend la forme d’un conseil juridique délivré dans le cadre de permanences en sous-préfectures aux personnes ayant reçu un courrier de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX), et ce quel que soit le stade de la procédure. Néanmoins, dans les faits, le conseil délivré concerne majoritairement sa phase avale. Cette action a été mise en place à l’initiative de l’ADIL après avoir eu connaissance de l’existence de dispositifs du même type en métropole.
Fin 2021, l’ADIL a candidaté à l’Appel à Projets du dispositif d’équipe mobile de prévention des expulsions dès sa parution du fait notamment d’un souhait en interne de recruter des travailleurs sociaux afin dedévelopper la dimension sociale du conseil délivré aux ménages. Cette sensibilisation à la dimension sociale du conseil s’est notamment opérée via l’animation par l’ADIL du Plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD). La complémentarité des approches sociale et juridique du conseil a ainsi conduit la direction de l’ADIL à souhaiter recruter des travailleurs.euses sociales en interne. L’appel à projet des équipes mobiles a donc été perçu comme une opportunité pour cela.
Forte du portage de ces deux dispositifs, l’ADIL 974, en partenariat avec l’association ESF Réunion, a créé en mars 2023 un dispositif expérimental appelé Service d’accompagnement et de prévention des expulsions (SAPEX). Ce dispositif, composé de quatre travailleuses sociales et de deux juristes, réunit le dispositif d’équipe mobile et celui d’ADLH en l’étoffant, notamment grâce à un cofinancement élargi à Action Logement et la Fondation abbé Pierre. Il s’adresse aux ménages non accompagnés des services sociaux en situation d’impayé locatif et d’expulsion en vue de leur proposer un accompagnement socio-juridique en fonction de leurs besoins. Un numéro local SOS Loyer Impayés a également été adossé à ce nouveau dispositif.
Qu’est-ce que le SAPEX ?
Il s’agit de la fusion des dispositifs : « Equipe mobile péi (EMPEI) » et « Accompagnement Aux Droits et à l’Habitat (ADLH) »
Il a vocation à proposer un accompagnement socio-juridique aux ménages en impayés de loyers / procédure d’expulsion, qui ne sont pas déjà accompagnés. Il s’adresse également aux propriétaires confrontés à des situations d’impayés de la part de leurs locataires.
Son intervention se fait sur le mode de l’« aller vers » en direction des ménages orientés / appelants afin de les accompagner en fonction de leurs besoins et de leurs disponibilités. Des rendez-vous peuvent être organisés à domicile, dans les permanences ADLH ou dans un autre lieu convenu avec la personne.
Le dispositif prévoit une préparation voire un accompagnement des ménages aux audiences au stade de l’assignation.
Le dispositif prend également en charge la coanimation du réseau ADLH et la dispense de formations (DALO, impayés) au sein du réseau.
Quelles sont les modalités de sollicitation et d’orientation du service ?
Les modalités pré-existantes à la fusion des deux dispositifs sont maintenues, à savoir :
-
La CCAPEX, au stade du commandement de payer et en amont de celui-ci, uniquement pour le parc privé.
-
Le contact direct des ménages après réception d’un courrier de la CCAPEX, à tous les stades de la procédure, pour le parc privé et le parc social.
-
La sous-préfecture au stade de la demande d’octroi du concours de la force publique (CFP), pour le parc privé et le parc social.
Par ailleurs, la fusion des deux dispositifs a conduit à proposer deux nouvelles modalités de sollicitation et d’orientation :
-
une plateforme téléphonique dédiée «Allô! loyers impayés 974!»; entièrement gratuite pour les appelants au 0 800 000 234. Elle s’adresse aux locataires et/ou aux propriétaires confrontés à des difficultés d’impayés de loyer ;
-
les juristes assurant la mission première d’information de l’ADIL peuvent désormais orienter au SAPEX les locataires en situation d’impayés (ou leurs bailleurs) dont la situation est complexe et/ou urgente ET pour lesquels un conseil juridique classique n’est pas suffisant.
Fonctionnement de la plateforme téléphonique
Un flyer a été conçu pour faire la promotion de la plateforme téléphonique dédiée. Il permet de répondre aux questions suivantes :
-
Qui peut appeler ? « Les locataires et les bailleurs face à un impayé de loyer. »
-
Combien ça coûte ? « C’est gratuit et accessible depuis un portable ou un téléphone fixe quel que soit l’opérateur. »
-
Qui répond ? « Un(e) conseiller(ère) de l’ADIL vous informe de manière personnalisée, gratuite et en toute neutralité. »
-
Quand appeler ? « La plateforme téléphonique est ouverte du lundi au jeudi de 9h à 12h. »
Composition de l’équipe
L’équipe du SAPEX est composée de six équivalents temps plein (ETP) :
-
Pour la zone Nord Est : 1 juriste, 1 travailleur.euse sociale Nord, 1 travailleur.euse sociale Est
-
Pour la zone Sud Ouest : 1 juriste, 1 travailleur.euse sociale Sud, 1 travailleur.euse sociale Ouest
Premiers résultats
Les premiers résultats suivants peuvent être observés à ce stade :
-
Au 1er mai 2023, on dénombre 74 ménages suivis ou accompagnés issus des dispositifs ADLH et EMPEI, auxquels se sont ajoutés 169 nouvelles orientations ou sollicitations.
-
La majorité des sollicitations sont issues des CCAPEX, suivies du n° Allô! Loyers impayés 974.
-
Au 31 juillet 2023, le SAPEX accompagne 95 ménages et assure le suivi de 26 ménages. 27 ménages ont fait l’objet d’un diagnostic (préalable à tout accompagnement) ; leur accompagnement n’est pas encore acté.
A noter, la notion de suivi est définie par une veille sur la situation du ménage ne nécessitant pas de démarches particulière ou très peu de démarches de la part des professionnels.
Sur les 95 accompagnements, 53 sont effectués par un juriste, 41 par un travailleur social et 11 sur la forme socio-juridique.
-
1 : le contexte territorial présenté dans le cadre de cette fiche est tiré de deux documents de l’Insee : Bilan économique 2021 - La Réunion , rédigé par Manuela Ah-Woane, Ourida Cherchem et Aliette Cheptitski ; Cartographie de la pauvreté à La Réunion, rédigé par Ludovic Besson