Premiers retours des partenaires des ADIL sur les Chargés de mission Prévention des Expulsions - Sortie de Crise
Laure Perset, juin 2023
Agence Nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL)
Déployé comme réponse à la crise sanitaire, le dispositif Chargé de mission Prévention des Expulsions (PEX) - Sortie de crise alloue des fonds spécifiques à l’animation et à la coordination des actions en matière de prévention des expulsions dans les territoires. Mis en place par les ADIL dans 45 départements, il a fait l’objet d’un questionnaire d’opinion auprès des partenaires territoriaux afin d’apprécier son déploiement et sa plus-value. Les partenaires sont globalement satisfaits et saluent généralement un dispositif qui répond à un manque ressenti avant même la crise sanitaire.
Contexte de la mise en place du dispositif par les ADIL
Un dispositif dédié à la prévention des expulsions en crise sanitaire, axé sur la coordination et l’animation partenariale
Le contexte particulier de la crise sanitaire, qui a pu engendrer une baisse de ressources pour une partie des ménages locataires, et donc, des difficultés de paiement de loyer, a fait craindre une explosion des impayés. Des séries de mesures inédites ont été prises, en particulier la prolongation de la trêve hivernale à trois reprises . Les pouvoirs publics se sont mobilisés par la mise en place d’un troisième plan interministériel de prévention des expulsions (PEX) pour 2021 et 20221. Plan de sortie de crise sanitaire, il est adossé à deux nouveaux dispositifs nationaux prévus sur deux ans : le déploiement de 73 chargés de mission en charge de la coordination des dispositifs de sortie de crise et l’expérimentation des « équipes mobiles » sur 26 départements. L’enjeu principal de la mission de Chargé mission Prévention des Expulsions – Sortie de crise était d’assurer une transition progressive de l’état d’urgence vers une reprise maîtrisée de la gestion administrative de la procédure d’expulsion locative.
Une feuille de route en 5 points
Afin de renforcer les moyens des Commissions de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX)2 et coordonner la mobilisation de l’ensemble des acteurs, le dispositif vise au recrutement d’un chargé de mission Prévention des Expulsions (PEX). Les actions PEX, préconisées par le document de cadrage de la mission, daté de mai 2021, étaient les suivantes :
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Suivi mensuel du plan d’actions et des indicateurs prévus par l’instruction du 26 avril 2021 ;
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Mise en place et suivi de stratégies départementales de prévention des expulsions avec les bailleurs sociaux, en particulier en matière de relogement ;
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Lien avec les agences immobilières et les fédérations de bailleurs privés afin de développer leur inclusion dans les dispositifs de prévention des expulsions ;
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Lien avec les collectivités du bloc communal, afin de développer leur inclusion dans les dispositifs de prévention, et le déploiement de sous-commissions CCAPEX ;
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Accompagnement à la mise en place du Diagnostic social et financier (DSF) selon les modalités prévues par le décret du 5 janvier 20213.
Le périmètre de la mission était donc relativement large, tout en étant peu prescriptif, afin d’être déployé avec souplesse selon les spécificités des territoires et dans des calendriers différenciés.
Le réseau des ADIL largement mobilisé
Actuellement 45 ADIL sont porteuses du dispositif. Sur un total de 73 chargés de mission recrutés à l’échelle nationale, les ADIL portent donc les deux tiers des postes – les autres ayant été recrutés par des conseils départementaux.
Méthodologie de l’enquête de satisfaction auprès des partenaires territoriaux
Afin de rendre compte du déploiement du dispositif chargé de mission PEX par les ADIL, l’ANIL a déployé plusieurs méthodes permettant de faire un premier bilan d’étape. Parmi celles-ci, elle a diffusé un questionnaire aux partenaires locaux impliqués dans la politique de prévention des expulsions, dans les territoires dont l’échéance du dispositif était proche, afin de recueillit leur avis sur le déploiement de la mission.
Ce questionnaire a été envoyé au fil de l’eau, entre mars 2022 et février 2023, afin de tenir compte du calendrier de mise en œuvre des missions. La liste des partenaires destinataires du questionnaire a été fixée par les ADIL afin de tenir compte des dynamiques partenariales locales. Le nombre de partenaires consultés est extrêmement variable en fonction des territoires, allant de 2 à plus de 60.
Le questionnaire a été conçu pour prendre en compte la géométrie variable des missions à l’échelle des territoires. Les questions fermées étaient obligatoires, tandis que les commentaires étaient libres. Au-delà des données statistiques, un matériau qualitatif a ainsi également pu être collecté. Bien que non exhaustives, ces données permettent néanmoins d’illustrer l’importance pour les partenaires de poursuivre le dispositif et de l’inscrire dans la durée.
Le nombre total de réponses de partenaires reçues à fin mars 2023 est de 163 et couvre 20 départements. Les départements pour lesquels le nombre de réponses est le plus important sont le Gers (20 réponses), le Morbihan (29 réponses) et La Réunion (32 réponses.
Retours des partenaires à l’égard du déploiement du dispositif
Un dispositif largement apprécié par les partenaires dans son ensemble
Les partenaires évaluent très positivement la mission au global : 70 % des répondants au questionnaire attribuent une note de 4 ou 5 sur 5 à la conduite de la mission dans son ensemble.
Cette large satisfaction s’explique tout d’abord par l’utilité du dispositif qui répond à des besoins identifiés par les partenaires en matière d’animation et de coordination de la PEX. Un Conseil Départemental (CD) commente ainsi : « Très satisfait de la mission, en espérant qu’elle puisse persister tant la ressource pour les partenaires est précieuse. Cela permet de prendre de temps de réflexion de fond, avec des appuis techniques et juridiques d’experts, et permet également de procéder à de l’amélioration en continue ».
Le rôle joué par les ADIL est particulièrement apprécié par les partenaires, compte tenu notamment de leurs compétences et de leur réactivité : « Les missions portées par l’ADIL sont efficaces et bien identifiées auprès du public » (DDT4), « réactivité de l’ADIL et esprit collaboratif » (magistrat), « les échanges avec l’ADIL lors de nos différentes réunions (CRR, CCAPEX…) sont toujours positifs, constructifs » (bailleur social), « partenaire très présent, réactif » (CAF).
Les partenaires sont par ailleurs satisfaits de la mission car ils identifient de premiers résultats positifs depuis la mise en place du dispositif, qui participe ainsi activement à l’amélioration de la PEX. L’une des Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et des Solidarités (DDETS) témoigne ainsi : « Les actions portées par la chargée de mission apportent une réelle plus-value au dispositif de PEX dans le département et une aide précieuse, en temps et en effectifs, de la DDETS sur ce champ. Action à maintenir dans le temps pour une réelle efficacité ».
Enfin, l’insatisfaction exprimée par une faible partie des répondants ne contredit pas l’utilité des missions, mais traduit au contraire des attentes plus importantes, concernant l’information et l’implication à l’égard du dispositif : « Dommage qu’il n’y ait pas eu de contact, de réunion, de meilleure compréhension du dispositif » (bailleur social), « Certains acteurs, malgré l’impulsion de l’ADIL, ne sont pas suffisamment impliqués dans la prévention malgré leurs engagements dans la charte » (DDETS).
Une notation différenciée en fonction des missions mises en œuvre dans le cadre du dispositif
Dans le détail, les notes moyennes peuvent cacher quelques disparités d’appréciation.
Des attentes fortes des partenaires et une nécessité de poursuivre les actions entreprises
La moindre satisfaction parfois exprimée par certains partenaires à l’égard des actions s’explique généralement par les mêmes motifs que ceux évoqués précédemment :
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Un manque d’information et de renseignements à l’égard de l’action : « Bien que membre de la CCAPEX, nous n’avons reçu aucune information officielle sur le lancement de cette mission. Nous avons rencontré une fois le chargé de mission. A ce jour, nous n’avons pas non plus d’informations sur son déroulé et ses conclusions » (association), « A ce jour nous n’avons pas eu un bilan des actions menées, les interventions se limitent uniquement chez les bailleurs privés » (association) ;
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Un manque d’implication et de satisfaction exprimé à l’égard d’autres partenaires de la PEX : « Trop de partenaires dont certains peuvent être juge et partie dans la mise en place de solutions » (CD), « Des faiblesses constatées dans l’implication et la coordination de certains partenaires est à relever, notamment les collectivités locales : commune, EPCI). De plus la multiplicité des services du Département intervenant dans la EPX est souvent un facteur de limitation des actions » (DDETS) ;
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Des attentes exprimées à l’égard de la poursuite de la mission : « Avancement à mi-chemin (réécriture en cours de la charte locale de prévention des expulsions) » (collectivité), « Le chargé de mission PEX a permis d’entamer cette mobilisation, il faut poursuivre ce travail » (CD).
Des missions de clarification et de cartographie appréciées par les partenaires car elles facilitent leur compréhension et leur engagement en matière de PEX
L’identification et le partage avec les acteurs du rôle et des missions de chacun a été l’apport le plus apprécié par les partenaires des territoires dans lesquelles le dispositif a été déployé. Les partenaires évoquent la nécessité d’un tel travail de clarification : « Cela permet de voir si tous les acteurs ont bien appréhendé leur rôle » (CD). Cette action a particulièrement pu être appréciée lorsqu’elle a été identifiée comme s’inscrivant dans un cadre opérationnel et stratégique sur un temps plus long : « Ce travail a été réalisé dans le cadre du diagnostic territorial qui a permis à la Chargée de mission PEX de rencontrer l’ensemble des acteurs. Ce diagnostic a été partagé au comité responsable du PDALHPD et a donné lieu à des documents de synthèse (schéma de procédures notamment) et des ateliers de travail thématiques » (DDETS), « Elle a bien rencontré les partenaires concernés pour proposer une meilleure coordination et des améliorations de fonctionnement » (DDETS).
De la même façon, le diagnostic de la mise en œuvre de la PEX a été relativement apprécié par les partenaires. Jusqu’alors jamais réalisé dans certains territoires, il pouvait manquer et les partenaires reconnaissent ainsi sa nécessité : « La chargée de mission a rencontré tous les partenaires concernés, ce qui nous permet d’avoir une vision évaluative, de sensibilisation et de coordination que, en notre qualité de copilote, nous ne pouvons faire, faute de temps » (CD), « Le diagnostic de terrain a été complet, chaque partenaire a pu être rencontré, le chargé de mission est présent sur chaque CCAPEX » (CAF). Là encore, cette mission a permis d’impulser de nouvelles dynamiques partenariales et de favoriser l’amélioration du fonctionnement de la PEX : « Le recrutement d’une chargée de mission PEX sur notre territoire a donc permis, à la suite de la réalisation d’un diagnostic territorial, de créer une synergie des différents acteurs et de formaliser un plan d’actions opérationnelles avec un suivi et des points d’étapes réguliers. La qualité du travail réalisé par la CMPEX est reconnue par l’ensemble des partenaires » (DDETS).
Pour certains partenaires en revanche, les résultats du diagnostic mériteraient d’être mieux communiqués et davantage partagés : « Beaucoup de dispositifs mais un besoin de connaissance et de compréhension de ces derniers et de coordination entre les différents acteurs » (CD).
Des actions relatives à la formalisation et au déploiement de la PEX souvent appréciées mais qui restent à poursuivre et à approfondir davantage
Dans l’ensemble, les partenaires répondants évoquent une satisfaction importante à l’égard de l’animation de partenariats lorsqu’ils y ont été associés : « Très bonne animation des ateliers de travail avec suivi précis et restitutions régulières aux pilotes du PDALHPD ou en CRP » (DDETS), « Qualité des ateliers participatifs animés par l’ADIL en 2022 dans le cadre de la réécriture de la charte. EPCI intégrés comme nouveaux signataires de la charte » (collectivité). La mobilisation de nouveaux partenaires est aussi un facteur positif mentionné à plusieurs reprises : « Elle a su mobiliser de nouveaux partenaires » (DDETS), « Mobilisation des communes par l’intermédiaire de l’Association des maires, travail en cours pour faciliter les liens avec les bailleurs privés » (DDETS).
En revanche, la satisfaction des acteurs est moindre lorsqu’ils n’ont pas encore été associés à ces actions partenariales : « Aucune animation à laquelle on aurait été associé » (association). D’autres commentaires confirment la nécessité de poursuivre ce type d’actions afin de favoriser la mobilisation des acteurs : « Le chargé de mission PEX a permis d’entamer cette mobilisation, il faut poursuivre ce travail » (CD).
Le support apporté par le chargé de mission de l’ADIL est également souligné : « Une procédure d’ « Aller vers » le locataire ainsi qu’un guide d’entretien ont été élaboré par le CM. Des entretiens de la ‘dernière chance’ ont été réalisés conjointement avec la Préfecture et les sous-préfectures. Pour faciliter le traitement des dossiers, au regard de la fracture numérique observée dans notre département rural, le chargé de mission accompagne le demandeur dans sa démarche de relogement » (DDETS).
Des missions encore peu mises en œuvre et évaluées
Les trois dernières missions présentées sur le graphique – le déploiement de sous-CCAPEX, l’élaboration d’une feuille de route, la réécriture de la charte – font encore peu l’objet d’actions par les ADIL. Les notes entrant en compte dans les moyennes affichées sur ce graphique sont donc fondées sur un nombre relativement faible de répondants (entre 2 et 28), ce qui nécessite une prudence dans l’interprétation de ces notes.
Seule l’ADIL des Alpes-Maritimes (06) a fait état du déploiement de sous-CCAPEX et a été évaluée sur cette thématique par des partenaires. Cette mission a été saluée par les répondants : « En s’appuyant sur les CCAS avec un véritable copilotage avec le CD, au plus près des territoires. L’animation par l’ADIL des instances techniques est à féliciter » (DDETS), « Une réelle plus-value autour de l’étude collégiale des situations complexes, bloquées » (CD).
Les commentaires concernant l’élaboration d’une feuille de route et la réécriture de la charte font à nouveau état de missions en cours ou à venir, expliquant l’attribution de notes moins élevées.
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3 Décret n°2021-8 du 5 janvier 2021 relatif aux modalités de réalisation et au contenu du diagnostic social et financier effectué dans le cadre d’une procédure judiciaire aux fins de résiliation du bail
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4 Direction Départementale des Territoires