Aménagement du territoire : présentation stratégique de la politique transversale
Ministère De La Cohésion Des Territoires Et Des Relations Avec Les Collectivités Territoriales, 2022
Ce document, publié dans le cadre du projet de Loi de Finance 2022, expose les principes et les enjeux de la politique transversale pour l’aménagement du territoire. Il donne les axes stratégiques de la politique d’égalité et de cohésion des territoires et l’intérêt de leur développement à partir de la création d’une agence de la cohésion des territoires définie pour répondre aux enjeux de l’aménagement du territoire et mieux accompagner les collectivités. Enfin, il présente les solutions d’évaluation de cette politique.
À télécharger : dpt2022_amenagement_territoire_01.pdf (150 Kio)
Le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales est garant de la continuité territoriale de la République et de la mise en capacité de chaque territoire en fonction de ses spécificités et atouts. La direction générale des collectivités locales (DGCL) en tant que responsable du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et dans sa mission de tutelle de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) accompagne le Gouvernement pour coordonner et mettre en œuvre la politique d’égalité, de cohésion et de développement des territoires visant à lutter contre le creusement des inégalités territoriales et de destin entre citoyens. L’ANCT participe au suivi et à la mise en place de ces politiques.
Les principes fondamentaux de l’aménagement du territoire
La politique d’aménagement du territoire est construite autour de cinq principes fondamentaux :
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le principe de répartition : assurer la meilleure distribution possible des richesses sur le territoire ;
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le principe de création : instaurer, sur l’ensemble du territoire, les conditions et les mécanismes locaux qui favorisent le développement des activités et des emplois ;
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le principe de compensation : corriger les inégalités territoriales en soutenant les espaces en difficulté ;
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le principe de protection : préserver les richesses environnementales et culturelles des atteintes potentielles ;
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le principe de coopération : construire la politique d’aménagement du territoire avec l’ensemble des acteurs concernés.
Les axes stratégiques de la politique d’égalité et de cohésion des territoires
Pour répondre aux enjeux territoriaux, l’État conduit une politique interministérielle fondée sur deux axes : « promouvoir un développement compétitif et durable des territoires » et « favoriser un aménagement équilibré et solidaire du territoire ». Ces deux orientations expriment la volonté de l’État d’harmoniser, dans une perspective de développement durable et de valorisation des territoires, les deux impératifs complémentaires que sont la solidarité et la compétitivité des territoires. Dans ce contexte, le développement durable n’est pas un secteur particulier de la politique d’égalité et de développement des territoires, mais bien un aspect transversal. L’objet de ce document de politique transversale (DPT) relatif à l’aménagement du territoire est d’offrir un aperçu complet de l’effort budgétaire de l’État en matière d’aménagement du territoire. Il est porté par 29 programmes du budget général. Chacun de ces programmes n’est pas entièrement consacré à la politique d’aménagement et de développement du territoire. Au sein de chaque programme, une analyse a été conduite pour identifier, parmi les objectifs et indicateurs de performance et les crédits inscrits sur les actions et sous-actions, les données directement concernées et à ce titre devant être intégrées au DPT, à partir des trois critères suivants :
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cofinancement d’une politique conduite par la DGCL et l’ANCT ;
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mise en œuvre d’une politique discriminante entre les territoires selon leurs caractéristiques ;
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impact important sur la structuration des territoires en termes d’occupation de l’espace, de localisation des activités économiques et des populations, de mobilité, de préservation des paysages et des milieux naturels.
Les nouveaux enjeux nécessitent de basculer d’une politique d’aménagement à une politique d’égalité et de cohésion des territoires
Les territoires sont aujourd’hui exposés à de nouveaux enjeux et défis nécessitant une approche politique renouvelée. Mondialisation et globalisation, nouvelles modalités de production des entreprises, mobilité croissante des personnes, des biens, des capitaux et des informations, développement des technologies de l’information et de la communication (TIC), nouveaux modes de vie, augmentation et vieillissement de la population, prise en compte de l’impératif environnemental, concentration de la population et des emplois dans les agglomérations urbaines, périurbanisation, évolution profonde et contrastée du monde rural, redéfinition des tâches de l’État, des collectivités territoriales et des acteurs de la société civile, politiques communautaires plus présentes dans une Europe élargie : tous ces phénomènes sont autant d’arguments pour réinventer les politiques d’aménagement du territoire et porter l’ambition d’un développement plus équilibré et durable des territoires. Cette ambition passe par la mise en œuvre d’un traitement différencié des territoires, qui prend en compte pour chacun d’eux leurs potentiels, leurs atouts mais aussi leurs faiblesses et leurs fragilités.
Qu’ils soient ruraux ou urbains, périurbains, de montagne ou sur le littoral, tous les territoires sont concernés par la nécessité d’une politique territoriale destinée à promouvoir leur attractivité et réduire les inégalités. Cette politique se fonde sur les principes fondamentaux de la cohésion territoriale et du développement équilibré et durable des activités et des emplois dans les différentes parties du territoire national. Elle répond également à une volonté de solidarité nationale en faveur des territoires les plus en difficulté. Elle doit en effet traiter les nouveaux enjeux liés aux évolutions démographiques, économiques et sociales qui marquent notre pays.
Dans ce contexte, la politique d’égalité et de cohésion des territoires, par son caractère transversal, revêt une importance stratégique, pour trois raisons principales.
En premier lieu, face à une compétition économique et sociale mondialisée, l’État doit accompagner les acteurs les plus dynamiques pour développer leurs atouts et leurs complémentarités, pour améliorer leur organisation collective et pour renforcer leurs stratégies de développement économique et de recherche, afin d’ouvrir de nouvelles perspectives d’emploi et de bien-être au service des territoires et des populations. Il s’agit d’organiser le territoire de manière à capter, retenir et accumuler les facteurs de production, notamment les capacités d’innovation. Encourager les logiques de polarisation et les synergies aux différentes échelles territoriales est donc un premier point structurant.
En deuxième lieu, dans la mesure où il ne peut y avoir d’attractivité et de dynamisme sans un équilibre et une solidarité des territoires, cette logique de valorisation des ressources et des initiatives locales des secteurs les plus dynamiques est aussi la première étape de l’action en faveur des territoires les plus fragiles. En effet, la croissance organisée de territoires plus attractifs a des effets d’entraînement sur les territoires périphériques – et souvent plus fragiles – grâce à la diffusion d’activités elles-mêmes porteuses d’opportunités de développement. Il est certain que le soutien à la compétitivité n’est pas exclusif, au nom de la solidarité nationale et de l’égalité des territoires, d’une politique active de cohésion économique et sociale au profit des territoires fragilisés. Celle-ci se traduit par la valorisation de leurs potentiels et le renforcement de leurs atouts. Elle s’attache aussi à soutenir, dans les quartiers urbains en difficulté, une stratégie de développement de l’activité économique et de l’emploi, portée par des acteurs de terrain motivés et une vision d’ensemble des équilibres d’une agglomération.
En dernier lieu, loin d’être un cadre contraignant pour l’essor des territoires, le développement durable s’est révélé, ces dernières années, être une source d’innovation et de compétitivité économique. De ce fait la politique d’égalité des territoires joue un rôle de premier ordre en soutenant et en suscitant des projets répondant aux exigences du développement durable notamment en favorisant des modes de transport économes en énergie, en encourageant la conciliation des activités économiques et la préservation des milieux, et en promouvant des projets de développement local qui intègrent ces enjeux.
L’action du Gouvernement en faveur d’un cadre contractuel et d’intervention public rénové pour un accompagnement adapté aux besoins spécifiques de chaque territoire
Face à ces enjeux multiples, l’objectif poursuivi par le Gouvernement au cours de ce quinquennat aura été celui de la mise en cohérence des financements apportés par l’État avec les besoins spécifiques des territoires.
Cette ambition s’est notamment traduite par une refondation du cadre contractuel dans lequel s’inscrivent les relations entre l’État et les collectivités partenaires, autour de nouveaux contrats territoriaux pluriannuels et globaux différenciés pour correspondre aux besoins spécifiques de chaque territoire. Une première illustration de cette approche différenciée a consisté en la mise en place des contrats de convergence et de transformation (CCT) dans les régions d’outre-mer, en substitution aux contrats de plan État-région existants. Ces plans définissent une stratégie de long terme de convergence (sur 10 à 20 ans) adaptée à chaque territoire ultramarin en vue de réduire les écarts de développement avec les régions métropolitaines. Cette même volonté d’adaptation aux réalités locales a présidé à la mise en œuvre de la nouvelle génération des CPER et des contrats de plan interrégionaux (CPIER) de fleuves et de massifs pour la période 2021-2027, dont les thématiques contractualisées peuvent en effet varier d’une région à une autre. Ils permettent également d’améliorer l’articulation entre les différents types de contrats, en partant des projets de territoire, en favorisant une approche interministérielle, et en rassemblant les dispositifs d’intervention de l’État dans un contrat commun, témoignant ainsi d’une ambition de mise en cohérence de l’action publique, au profit des citoyens et des territoires, au-delà de la stricte négociation financière d’une enveloppe pluriannuelle contractualisée. La dimension stratégique des CPER 2021-2027 est fortement accrue par rapport à la génération précédente. Enfin, le Gouvernement a proposé en 2021 aux collectivités infrarégionales un nouveau type de contrat : le contrat de relance et de transition écologique (CRTE). Signé pour six ans, ce contrat intégrateur vise à accompagner les projets de tous les territoires (rural, urbain, ultramarin) en regroupant les dispositifs d’accompagnement de l’État à destination des collectivités territoriales, considérablement renforcés par les crédits du plan France Relance dont il incarne la déclinaison territoriale. Parallèlement à ce cadre contractuel refondé, le Gouvernement s’est attaché à mettre en œuvre, en collaboration avec les acteurs dans les territoires, des programmes d’appui spécifiques autour de thématiques structurantes pour le développement local. Ces programmes constituent une véritable décentralisation de l’action publique s’appuyant sur les projets des collectivités et faisant confiance aux élus et acteurs locaux, avec un accompagnement déconcentré. Parmi les actions emblématiques, peuvent notamment être mentionnées :
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L’agenda rural où 181 mesures sont destinées à favoriser le développement des territoires ruraux et à améliorer la vie quotidienne de leurs habitants, dans les domaines de l’éducation, de l’accès aux services, de la santé, du numérique, des transports, etc. A mi-2021, 60 % de ces mesures sont totalement terminées et 85 % sont mises en œuvre ou en cours par l’ensemble des ministères sous le pilotage de l’ANCT, telles que le programme « Petites villes de demain » ;
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Le plan « Action Cœur de Ville » : ciblé sur 234 petites et moyennes villes, ce plan mobilise 5 Md€ sur le quinquennat en provenance de l’État, la Banque des territoires, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et Action Logement, afin de réhabiliter des logements, réimplanter des commerces, rénover les espaces publics, et répondre aux enjeux d’attractivité du territoire. Plus de 6 000 actions sont aujourd’hui recensées ;
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Le programme France Services : annoncé par le Président de la République le 25 avril 2019, le déploiement du dispositif France Services, a été initié le 1er janvier 2020. L’année 2022 verra l’achèvement du déploiement du dispositif, avec le financement de 2 543 structures sur tout le territoire, et la poursuite de son développement qualitatif, permettant ainsi de renforcer l’offre de services publics de qualité en proximité ;
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Le programme « Territoires d’industrie » : ciblé sur 148 territoires, ce programme mobilise 1,3 Md€ sur le quinquennat et répond à une double ambition : économique tout d’abord pour relancer l’industrie française, soutenir ses capacités d’innovation et de conquête de nouveaux marchés, mais également d’aménagement du territoire ;
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Les mesures en faveur de l’inclusion numérique pilotées par l’ANCT : plans « France Très Haut Débit » (100 % des Français équipés en Très Haut Débit d’ici 2022) et « New deal mobile » (garantir une couverture mobile à 100 % des Français d’ici 2022), programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens » qui vise à proposer aux citoyens, partout sur le territoire, de nouvelles activités et de nouveaux services regroupés dans des tiers lieux (300 fabriques de territoires, têtes de réseau destinées à structurer la dynamique des tiers lieux dans les territoires, seront labellisées d’ici fin 2021).
La création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires pour répondre aux enjeux de l’aménagement du territoire et mieux accompagner les collectivités
Le 17 juillet 2017, lors de la première réunion plénière de la Conférence nationale des territoires, le président de la République annonçait la création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Créée par la loi du 22 juillet 2019, cette agence répond au souhait des élus de disposer d’un accès plus simple aux services de l’État et aux différents opérateurs qui interviennent dans les territoires pour soutenir leurs projets.
Depuis le 1er janvier 2020, la fusion de plusieurs acteurs (Commissariat général à l’égalité des territoires, Agence du numérique et Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux), et le conventionnement avec des opérateurs (l’Agence nationale de la rénovation urbaine, l’Agence nationale de l’habitat, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) permettent de fédérer les moyens de l’État et de ses opérateurs, de manière complémentaire avec les outils développés par les collectivités. L’ANCT agit aux profits de tous les territoires, en priorité pour les territoires les plus fragiles, qu’ils soient urbains ou ruraux, en prenant en compte les spécificités de chacun. En plus des programmes nationaux (Action Cœur de Ville, Territoires d’industrie, Petites Villes de demain, etc.) l’ANCT apporte une aide « sur mesure » à travers un appui en ingénierie technique et financière par la mobilisation et la coordination des ressources de l’État et de ses opérateurs. Son organisation est largement déconcentrée puisque les préfets de départements sont les délégués territoriaux de l’agence et que l’Agence s’appuie, en région, sur les secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR) ainsi que sur les commissariats de massifs.
Évaluation de la politique d’égalité et de cohésion des territoires
Enfin, pour apprécier l’efficacité de la politique d’égalité et de cohésion des territoires un indicateur de performance permettant de suivre la disparité de la création de richesse au niveau régional a été mis en place. Ainsi, l’indicateur « dispersion du PIB régional par habitant » représentant l’écart type du PIB régional par habitant est suivi chaque année afin de rendre compte de la réduction (baisse de l’écart-type) ou de l’augmentation (hausse de l’écart-type) des inégalités de création de richesse entre les régions. Chaque année, l’estimation du PIB par habitant est actualisée sur les trois dernières années pour tenir compte des nouvelles données publiées par l’INSEE depuis la précédente publication.
En outre, l’estimation du PIB par habitant a été effectuée sur la base des PIB par habitant des 13 grandes régions métropolitaines. Dans ce nouveau cadre régional, l’estimation de la dispersion interrégionale du PIB par habitant, sur un périmètre limité à la France métropolitaine et excluant l’Île-de-France, se traduit par un recul considérable des inégalités : la dispersion autour du PIB régional moyen par habitant s’élève à 1 804 €, contre 2 207€ dans l’ancien cadre régional. En revanche, des lors que sont pris en compte l’outre-mer et l’Île-de-France, cet écart-type s’élève à 9 287€, ce qui s’explique principalement par des niveaux très disparates en outre-mer et en Île-de-France. Au moment de la publication de ce DPT les données au-delà de l’année 2018 n’ont pas encore été publiées par l’INSEE.