Mise en place d’Equipes Mobiles pour lutter contre les expulsions dans la Gironde

noviembre 2022

Agence départementale d’information sur le logement de la Gironde (ADIL 33)

La Gironde est un territoire contrasté, empreint d’inégalités socio-économiques qui ont des conséquences sur l’accès et le maintien dans le logement de ses habitants. Dans un contexte de crise sanitaire, un dispositif national et expérimental d’Equipes Mobiles tente d’apporter des réponses en faveur de la prévention des expulsions. L’ADIL de la Gironde, mobilisée sur ce sujet, déploie ainsi des binômes composés de juristes et de travailleurs sociaux dans une logique d’« aller-vers » qui consiste à entrer en contact avec des ménages menacés d’expulsion, de plusieurs façon, afin de leur proposer un accompagnement socio-juridique. Cette Equipe Mobile joue également un rôle de médiatrice, en prenant contact avec les bailleurs des logements qui font l’objet du litige avec le locataire.

Contexte territoriale de la Gironde

La Gironde, territoire accueillant la capitale régionale Bordeaux, est le département le plus vaste de France mais aussi le plus dense de Nouvelle Aquitaine1. Marqué par un dynamisme démographique, il connaît un accroissement de sa population depuis de nombreuses années : celle-ci a augmenté de 1,27% entre 2013 et 2019 – contre 0,5% à l’échelle de la région et 0,4% en France Métropolitaine, selon l’INSEE2. Cette croissance est principalement due à l’importance du solde migratoire (1%, contre 0,06% à l’échelle nationale), ce qui révèle l’attractivité du territoire. Le département est moins touché que ses voisins par le vieillissement de la population : la part des plus de 60 ans s’élève à 25% de la population, alors qu’elle dépasse les 30% en Nouvelle Aquitaine ; l’indice de jeunesse s’y approche de la moyenne nationale – 1,3 en Gironde et 1,29 en France métropolitaine.

Le niveau de vie des Girondins est relativement élevé : en 2020, le département enregistrait la médiane du revenu disponible la plus haute de la région – 23 180€ contre 22 030€ en Nouvelle Aquitaine 3. Le taux de pauvreté qui s’élève à 12,4% reste inférieur à celui de la région (13,3%) et celui du territoire national (14%). L’emploi, marqué par l’importance du secteur tertiaire, a augmenté de 1,7% entre 2014 et 2021, alors qu’il a augmenté de 0,6% dans la région et de 0,4% en France sur la même période. Le taux de chômage des 15 à 64 ans y est également plus faible qu’à l’échelle nationale – 11,8% contre 12,7%.

Le département se caractérise par une part importante de locataires – 43,2% en 2020, contre 35,5% en Nouvelle Aquitaine la même année – et une part relativement plus faible de propriétaires – 54,7% contre 62,4% dans la région. La part des logements vacants est plus faible en Gironde que dans le reste de la région – 6,3% dans le département contre 8,4% à l’échelle régionale et 8,2% à l’échelle nationale ; la tension sur le marché du logement se caractérise également par des prix élevés du foncier et de l’immobilier.

Ces indicateurs cachent toutefois des inégalités territoriales : la métropole bordelaise concentre davantage d’emplois et de populations jeunes, se composant de poches ponctuelles d’importante pauvreté ; la côte touristique et le bassin d’Arcachon accueillent une population plus âgée, plus souvent retraitée et aux revenus plus importants ; quand les zones les plus rurales, aux franges du département et notamment autour de Libourne, affichent davantage de précarité au regard du niveau de vie, de l’emploi et de la pauvreté 4. Au regard de l’habitat, ces disparités territoriales se manifestent également : le bassin d’Arcachon concentre une part importante de résidences secondaires, tandis que les situations de logement indigne sont plus fréquentes dans les zones rurales et dans les quartiers défavorisés de la métropole bordelaise.

Contexte de la prévention des expulsions

La crise sanitaire survenue dès 2020 a laissé craindre une hausse massive des expulsions locatives liées aux impayés de loyer, suite au prolongement de la trêve hivernale et la précarisation d’une partie de la population. Afin de répondre à cette problématique, l’Etat a lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI)5 à destination de partenaires territoriaux pour la création d’Equipes Mobiles, s’inscrivant dans une logique d’ « aller-vers ». Cette mission s’appuie sur des binômes constitués de juristes et de travailleurs sociaux qui s’adressent à des ménages en difficulté menacés d’expulsion, non-accompagnés et pas – ou peu – connus des services sociaux.

L’ADIL de la Gironde intervient pleinement sur le champ de la prévention des expulsions depuis de nombreuses années, particulièrement dans le cadre d’une MOUS (Maîtrise d’Œuvre Urbaine et Sociale), mais aussi grâce à une ligne téléphonique dédiée appelée « SOS Loyer Impayé ». Compétente en la matière, elle s’est naturellement portée volontaire en répondant à l’appel concernant les Equipes Mobiles, dont les actions ont débuté en juin 2021.

La prévention des expulsions dans le département de la Gironde est menée conjointement par l’ADIL, la Direction Départementale de l’Emploi, du Travail et de la Solidarité (DDETS) 6 et le Conseil Départemental 7, au niveau de l’instance de la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX), de la charte de prévention des expulsions locatives et au travers des missions confiées à différents partenaires, dont l’ADIL.

Contenu de la mission

Cadre et démarrage de la mission

Le dispositif expérimental d’Equipe Mobile a débuté mi-mai 2021, il est prévu pour une durée de deux ans.

L’AMI finance 1,5 Emploi Temps Plein (ETP) dans le cadre de la mission, dont 1,3 est prévu pour le travail de juriste et 0,2 correspondant au secrétariat administratif (saisie des dossiers, édition de courriers…). Dans les faits, 2 juristes de l’ADIL sont mobilisés pour cette mission.

L’ADIL s’est associée à une structure de travailleurs sociaux pour mener cette mission. L’Equipe Mobile est ainsi constituée de deux binômes, composés chacun d’un juriste de l’ADIL et d’un travailleur social de l’association partenaire.

Partenaires mobilisés dans le cadre de la mission

Public cible

L’ADIL intervient auprès des ménages soumis à une procédure d’expulsion :

L’orientation et le repérage des ménages menacés d’expulsion

Chaque mois, la DDETS adresse à l’ADIL 20 à 25 dossiers de ménages soumis à une procédure d’expulsion qui ne sont a priori pas accompagnés par les services sociaux de la CAF ou du Conseil Départemental.

Le contact par l’Equipe Mobile, à tous les stades de la procédure :

L’accompagnement par l’Equipe Mobile

Lorsque l’Equipe Mobile rentre en contact avec un locataire, un rendez-vous avec le juriste lui est proposé. En préparation de cette rencontre, le juriste et le travailleur social prévoient un échange sur la situation du ménage pour partager les éléments possédés, identifier les besoins et établir une stratégie.

Le ménage est alors reçu dans les locaux de l’ADIL pour aborder les aspects juridiques de la procédure d’expulsion et identifier les éventuelles démarches à poursuivre. Le travailleur social peut être présent durant ce rendez-vous si la rédaction du Diagnostic Social et Financier (DSF) est à sa charge. Le juriste peut également assurer seul le rendez-vous, le locataire peut alors être sollicité au cours d’un second rendez-vous afin d’aborder les questions d’ordre social soulevées par la situation.

Chaque semaine, le juriste de l’ADIL et le travailleur social de l’association prévoient une réunion d’équipe qui leur permet d’échanger des informations, d’étudier les situations et de poursuivre l’accompagnement.

L’outil Equipe Mobile permet à l’ADIL de rentrer les informations concernant le ménage. L’association partenaire utilise son propre outil. Les deux utilisent une fiche de suivi qui permet de renseigner les contacts liés à une situation.

Après deux mois d’accompagnement par l’Equipe Mobile, un bilan est réalisé pour chaque ménage. Il contient :

Eléments de bilan de l’action

Le profil du public effectivement rencontré par les ADIL

L’utilité de l’aller-vers pour les ménages menacés d’expulsion malgré des difficultés d’accompagnement qui persistent

Le dispositif présente un intérêt certain pour les personnes accompagnées, particulièrement lorsqu’elles ne sont en contact avec aucune structure ou services sociaux. L’aller-vers et la multiplication des moyens de contacter les ménages est un atout qui permet de créer du lien et de favoriser l’adhésion des ménages, il change le rapport entretenu avec les personnes. Globalement, les ménages suivis par l’Equipe Mobile adhèrent bien à l’accompagnement proposé. Lorsque le binôme travailleur social – juriste est bien identifié par la personne, cela facilite son engagement.

L’Equipe Mobile assure un accompagnement dont une partie relève d’un volet éducatif, qui permet d’expliquer au ménage les différentes démarches et étapes nécessaires. C’est par exemple le cas concernant la souscription à une assurance logement, qui n’a souvent pas été prise en charge par les locataires suivis. Après un relogement, les ménages peuvent continuer d’interroger sur l’Equipe Mobile à propos de leur nouveau logement, par exemple sur l’état des lieux, le dépôt de garantie, le déménagement… Ils ont besoin d’un accompagnement pour ces démarches.

Il arrive que des ménages ne répondant pas aux sollicitations de l’Equipe Mobile, ou en refusant l’accompagnement, reprennent contact avec l’ADIL après l’intervention d’un huissier à leur domicile, alors même que leur dossier a déjà été classé par le binôme.

Certaines difficultés persistent concernant l’adhésion du ménage dans le temps. Il arrive que des ménages soient bien suivis, puis qu’ils coupent le contact pendant un temps, et reviennent après avoir rencontré des difficultés. Il aurait pourtant été utile que l’accompagnement se poursuive dans la durée pour prévenir en amont ces obstacles supplémentaires.

Des bailleurs souvent satisfaits à l’égard des informations apportées et du rôle de médiation exercé par l’Equipe Mobile

Globalement, les bailleurs contactés par l’Equipe Mobile sont satisfaits que leur soient apportées des informations à l’égard de la procédure qui n’est pas toujours expliquée par les huissiers de justice. Une partie d’entre eux n’a pas connaissance des impayés de loyer car ceux-ci sont pris en charge par l’assurance.

Certains propriétaires peinent à comprendre la neutralité de l’ADIL dans la situation, qui n’est pas censée prendre parti en faveur du propriétaire quelle que soit la situation. Certains bailleurs peuvent ainsi interroger l’accompagnement de l’ADIL.

La plupart des bailleurs souhaitent récupérer leur logement et sont prêts à s’asseoir sur la dette du locataire. Avec l’accord du locataire, l’Equipe Mobile peut informer le bailleur d’une demande de logement locatif social de la part du ménage. Cela permet souvent de calmer le bailleur, qui comprend alors que l’accompagnement apporté par l’ADIL au locataire bénéficie également au bailleur qui souhaite retrouver son logement.

Constats et perspectives

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