Le Diagnostic Social et Financier (DSF), dans le cadre d’une procédure d’expulsion pour impayé locatif
Analyse juridique
Laure Perset, septiembre 2022
Agence Nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL)
Dans le cadre d’une procédure judiciaire d’expulsion, le Diagnostic Social et Financier (DSF) est un document obligatoire avant l’audience. Renseigné par un intervenant social ou juridique d’un organisme compétent, il vise à rendre compte de la situation financière du ménage menacé d’expulsion afin de permettre au juge de prendre sa décision.
La réalisation d’un Diagnostic social et financier (DSF) est une étape obligatoire, avant l’audience, dans le cadre de toute procédure judiciaire visant à la résiliation d’un bail d’habitation pour motif d’impayé locatif (loi du 6.7.89 : art. 24, III et IV1).
À noter : en amont de ce DSF, la circulaire du 22 mars 20172 préconise la réalisation, via les antennes de prévention des expulsions, d’un premier diagnostic (social et juridique) de la situation du locataire, dès le stade du commandement de payer. L’objectif de ce diagnostic précoce est d’identifier les causes de l’impayé et le dispositif de prévention le plus adapté à la situation de l’occupant.
Rappel historique des textes relatifs au DSF
Plusieurs textes législatifs et réglementaires ont progressivement construit le dispositif du DSF :
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La circulaire du 9 février 1999 prise en application de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions (art.114), a, pour la première fois, préconisé la réalisation d’une enquête sociale, au stade de l’assignation. Elle avait pour objectif de mettre en place, pour les ménages le nécessitant, les aides susceptibles d’être mobilisées et d’informer le juge de la situation du ménage concernant les causes de l’impayé ;
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La loi du 25 mars 2009 (art. 60) de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite « loi MLLE », a introduit l’enquête sociale et financière dans la loi, lui donnant une base légale. Elle lui confère un caractère contradictoire, les organismes chargés par le préfet de la réaliser devant mettre en mesure le locataire et le bailleur de présenter leurs observations (cf. Habitat Actualité, n° 108) ;
la loi du 24 mars 2014 (art. 27) pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », systématise la réalisation de l’enquête, désormais appelée « Diagnostic social et financier » (cf. Habitat Actualité, numéro spécial Loi ALUR). Par ailleurs, afin de renforcer l’effectivité de la transmission des diagnostics, l’opérateur en charge de les réaliser est plus précisément indiqué : il est désormais désigné par le Plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) ;
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En dernier lieu, la loi du 23 novembre 2018 (art. 119) portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ELAN », est intervenue dans l’objectif, d’une part, d’harmoniser le DSF sur l’ensemble du territoire national et, d’autre part, de faciliter l’usage de ce document pour les travailleurs sociaux et de le rendre plus efficient auprès des magistrats dans leur prise de décision. En ce sens, la loi confie à un décret le soin de préciser les modalités de réalisation du DSF et son contenu (cf. Habitat Actualité, numéro spécial loi ELAN). Elle précise également qu’il devra être financé et que le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) prendra en charge l’obligation de réaliser ce diagnostic en dernier recours.
En application de la loi ELAN, le décret du 5 janvier 2021 précise les étapes de réalisation du DSF et les mentions qui doivent y figurer. Il prévoit que le diagnostic doit être établi conformément à un formulaire, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé du logement. C’est l’objet de l’arrêté du 23 août 2022 qui instaure un formulaire unique de DSF, homologué sous un numéro CERFA (n°16227*01). Cet arrêté est accompagné d’une notice qui rappelle les objectifs du DSF, les acteurs compétents et les étapes pour le remplir, ainsi que les démarches pouvant être effectuées avant l’audience. Ces nouvelles mesures sont entrées en vigueur le 8 septembre 2022.
Champ d’application du diagnostic
La réalisation du DSF est une étape obligatoire, avant l’audience, dans le cadre de toute procédure judiciaire visant à la résiliation d’un bail d’habitation pour motif d’impayé locatif (loi du 6.7.89 : art. 24, III et IV).
Sont ainsi concernées :
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Les assignations aux fins de constat de la résiliation du bail d’habitation en application d’une clause résolutoire ;
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Les assignations tendant au prononcé de la résiliation du bail lorsqu’elle est motivée par l’existence d’une dette locative du preneur ;
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Les demandes additionnelles et reconventionnelles aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation motivées par l’existence d’une dette locative.
Ce document n’est pas utilisé dans le cadre d’expulsions pour d’autres motifs, tels que les troubles de jouissance ou les congés.
Les objectifs du diagnostic
Le DSF contient des éléments permettant au juge d’évaluer la situation financière du locataire et d’apprécier l’opportunité et l’efficacité d’un plan d’apurement ou de résilier le bail. Les informations transmises portent sur :
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La demande de résiliation du bail ;
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La capacité du locataire à se maintenir dans le logement ;
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Le degré d’engagement du locataire pour remédier à sa situation d’endettement ;
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Les conséquences pour le locataire d’une résiliation du bail.
Grâce au DSF, le juge sera en mesure de comprendre :
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Les causes de l’impayé locatif ;
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Les moyens mis en œuvre par le locataire pour y remédier ;
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Les dispositifs sollicités pour apurer la dette ;
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Les démarches engagées en terme de relogement si le bail venait à être résilié.
Le diagnostic doit nécessairement être contradictoire et permettre ainsi au locataire, comme au propriétaire, de s’exprimer sur le litige. En ce sens, le locataire et le bailleur doivent avoir l’opportunité de présenter des observations orales ou écrites sur le contenu du DSF.
Organisme compétent pour réaliser le diagnostic
Le DSF est réalisé par un intervenant social ou juridique relevant de l’organisme compétent (par exemple : Conseils départementaux, Caf, ADIL, etc.), désigné par le PDALHPD, suivant la répartition (entre les partenaires du plan du territoire concerné) de l’offre globale des services d’accompagnement vers et dans le logement (cf. loi n° 90-449 du 31.5.90 : art. 4).
Les étapes de réalisation du diagnostic
Pour la réalisation du DSF, la notice préconise le suivi de six étapes par l’intervenant social ou juridique :
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Étape 1 : prendre contact avec le locataire, par courrier ou tout autre moyen, en vue de lui proposer un entretien visant à réaliser le DSF dans un délai de 15 jours ouvrés après la réception du signalement de la part des services de l’État. Cette proposition faite au locataire peut être faite par courrier ou tout autre moyen.
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Étape 2 : si le locataire ne répond pas dans un délai de 15 jours ouvrés avant la date de l’audience, un second entretien peut lui être proposé, par courrier ou tout autre moyen.
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Étape 3 : contacter la CCAPEX, dans un délai d’au moins 10 jours ouvrés avant la date de l’audience, afin qu’elle transmette, à l’intervenant social ou juridique, les données dont elle dispose sur le locataire.
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Étape 4 : remplir le DSF, en fonction des données dont l’intervenant social ou juridique dispose, sur la base :
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de l’entretien réalisé avec le locataire ;
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des informations transmises par la CCAPEX.
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Le locataire doit avoir été mis en mesure de transmettre ses propres observations. Le cas échéant, ses observations écrites peuvent être jointes au DSF.
Si le locataire n’a pas répondu aux propositions d’entretien et n’a pas apporté d’observation, le rédacteur est invité à remplir le DSF avec les informations de la CCAPEX et toute information sur la situation du locataire dont il a connaissance. Cette situation devra être signalée dans le DSF via la rubrique dédiée.
Si l’intervenant ne dispose d’aucune donnée relative à la situation du locataire, il peut envoyer un bordereau de carence à la CCAPEX qui en informera le magistrat à réception, selon les modalités prévues localement par la préfecture.
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Étape 5 : contacter obligatoirement le bailleur, par courrier ou tout autre moyen, afin qu’il puisse, s’il le souhaite, apporter des observations (écrites ou orales) concernant la situation d’impayé et l’impact de la dette locative sur sa propre situation personnelle et financière.
Le DSF n’a pas à être transmis au bailleur pour recueillir ces informations.
Le cas échéant, les observations écrites du bailleur peuvent être jointes au DSF.
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Étape 6 : transmettre le DSF au juge et à la CCAPEX au plus tard 5 jours ouvrés avant la date de l’audience. Il est recommandé de joindre au DSF les justificatifs du locataire (exemples : fiches de paie récentes ou contrat de contrat de travail en cours, dossier déposé auprès du FSL ou d’une commission de surendettement, etc.). Le cas échéant, les observations écrites du locataire et du bailleur sont jointes au DSF.
Cette transmission est possible même en l’absence de signature du locataire ou du bailleur.
Les démarches entreprises avant l’audience
Avant l’audience, l’intervenant social ou juridique entreprend, en lien avec le ménage, un certain nombre de démarches relatives :
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Au relogement (notamment en aidant le locataire à procéder à une demande de logement social, dès la réception du commandement de payer) ;
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A l’accompagnement juridique, notamment :
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en orientant, si besoin, le locataire vers une demande d’aide juridictionnelle pour qu’il puisse être assisté par un avocat ;
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en sollicitant un juriste (notamment du réseau des ADIL), pour vérifier la validité formelle de la procédure et sécuriser juridiquement la dette ;
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A la recherche de solutions d’apurement, le plus tôt possible (par exemple, en aidant à la constitution d’un dossier auprès du FSL ou de la commission de surendettement ou en activant de dispositifs spécifiques existants sur le département) ;
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A la saisine de la CCAPEX.
L’intervenant transmet également des informations complémentaires sur les dispositifs et aides pouvant être mobilisés, notamment :
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Le recours au Droit au logement opposable (DALO) si le locataire se trouve dans l’une des situations prioritaires limitativement prévues par la loi (CCH : L.441-2-3), par exemple, en cas de logement insalubre ou de sur-occupation ;
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La mobilisation du FSL, qui dispose de plusieurs aides pour apurer les dettes locatives, selon des conditions définies par chaque département ;
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L’ouverture d’une procédure de traitement du surendettement.
Le contenu du diagnostic social et financier
Le contenu du DSF est précisé par le décret du 5 janvier 2021, qui détermine les éléments devant figurer dans le document transmis au juge. Les rubriques suivantes doivent être renseignées :
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L’identité et les coordonnées du rédacteur ;
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L’indication de la présence du locataire lors de la réalisation du diagnostic ;
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La mention de la transmission obligatoire du diagnostic au locataire et au bailleur ;
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L’identité du locataire assigné ;
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La situation familiale du locataire assigné ;
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L’accompagnement social, juridique et juridictionnel ;
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Les caractéristiques relatives à sa situation locative ;
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La situation d’endettement locatif ;
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Les dispositifs de traitement de la dette locative ;
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La reprise du paiement des loyers ;
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La capacité à rembourser la dette locative ;
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Les préconisations et observations adressées par l’intervenant social ou juridique ;
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Le cas échéant, les observations écrites du rédacteur, du locataire ou du bailleur ;
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Le cas échéant, la nécessité d’un relogement et les démarches engagées à cette fin ;
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Le cas échéant, la saisine et les recommandations de la CCAPEX.
En application de ce décret, l’arrêté du 23 août 2022 met en place le formulaire CERFA du DSF. L’objectif principal de ce modèle unique du DSF est de réduire les disparités et inégalités de traitement des locataires devant les juridictions civiles. Il a également vocation, par la notice qui l’accompagne, à informer les intervenants sociaux et juridiques des modalités d’accompagnement des locataires qu’ils peuvent mettre en œuvre dans le cadre d’une procédure d’expulsion.
Ce modèle unique est structuré en huit rubriques, relatives à :
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La situation du locataire (identité, situation familiale, composition du ménage, mesure de protection juridique) ;
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La situation financière du ménage (ressources et charges mensuelles du ménage, bilan financier) ;
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La dette locative (nature et origine) ;
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Les solutions d’apurement de la dette (le cas échéant, remboursement de la dette et/ou mesures d’apurement) ;
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Le logement actuel et les perspectives de relogement ;
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L’évaluation sociale de la situation ;
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La préparation à l’audience (informations sur l’audience, orientation vers l’aide juridictionnelle, décompte de la dette, saisine de la CCAPEX) ;
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Les coordonnées du rédacteur.
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1 Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, Article 24
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