Le parc photovoltaïque de l’Oncopole, en bord de Garonne, sur l’ancien site AZF

Chaire Paysage et énergie (ENSP), 2022

Le projet est Né de la volonté politique de Toulouse Métropole et RMET (Régie Municipale d’Electricité de Toulouse) de réhabiliter l’ancien site « AZF » affecté par l’explosion de 2001. La centrale photovoltaïque, volontairement développée à partir du courant Land’Art, permet la valorisation de ce site fortement pollué et sa renaissance. Implantée sur une surface de 19 Ha et développant une capacité de production de 15 MWc, elle est la plus grande centrale photovoltaïque de France installée en périmètre urbain.

La ZAC de l’Oncopole de Toulouse, au cœur de la vallée de la Garonne industrielle

1 – La ZAC de l’Oncopole, le sud de Toulouse en transformation

La ville de Toulouse se situe sur un carrefour naturel entre les Pyrénées, l’Atlantique et la Méditerranée. Elle s’étend autour de la large vallée de la Garonne, bordée par ses coteaux qui dégagent une généreuse étendue de plaine alluviale. La ZAC de l’Oncopôle sur laquelle est située le parc photovoltaïque du même nom, est un quartier situé au sud-ouest de Toulouse, en bordure de Garonne. C’est un pôle d’activités concentré sur la recherche et la santé. Il a une vocation principalement tertiaire, avec très peu de bâtiments d’habitations. Le quartier regroupe l’Hôpital Marchant, l’Institut Universitaire de Cancer de Toulouse, la zone économique du Chapitre. Il est traversé de nombreuses voiries organisant le périphérique métropolitain.

2 – Le projet Grand Parc Garonne

Le projet urbain Grand Parc Garonne porté par la métropole de Toulouse vise à reconquérir les bords du fleuve sur 32 kilomètres de linéaire. Pour cela, la métropole cherche à développer les cheminements piétons et cyclistes, valoriser le patrimoine naturel, renforcer les usages liés à l’eau et développer de nouveaux espaces de culture et de convivialité. Le projet urbain Grand Parc Garonne englobe la partie nord de l’île du Ramier située en face du quartier Oncopôle. Le sud de l’île a encore une vocation industrielle. On y trouve notamment une usine produisant les constituants des propulseurs des fusées d’ArianeGroup. Le chapelet d’îles, comprenant l’île du Ramier, garde les vestiges d’une importante activité industrielle historique liée à la production de poudre noire (poudre à canon). Aujourd’hui, l’aménagement du parc de la Poudrerie raconte cette histoire, avec la conservation d’anciens bâtiments et une exposition en extérieur. Ce sont les témoins d’une ancienne identité de ces îles, liée à une activité industrielle.

3 – Risque industriel et innovations symboliques

Sur les berges de la Garonne, le nouveau quartier Oncopôle et la centrale photovoltaïque occupent l’ancien site de l’usine AZF. L’explosion d’AZF le 21 septembre 2001 a détruit de nombreux bâtiments, faisant de nombreux morts et blessés, et traumatisant durablement les Toulousains. Le site de l’usine a depuis été rasé et en grande partie dépollué. Le quartier de l’Oncopôle de Toulouse est un projet impulsé par la municipalité et l’État. Il a débuté en septembre 2006 et s’est terminé en 2014. L’institut de recherche sur le cancer y constitue un bâtiment symbolique : centre lié au soin développé sur un ancien lieu de catastrophe industrielle. C’est dans ce contexte que se construit le parc photovoltaïque de l’Oncopôle : passé industriel à risque, opportunité foncière pour développer un projet sur des terres polluées, mais aussi secteur lié aux innovations et à la recherche contemporaine.

Le parc photovoltaïque et le projet de land art, porteurs d’une vocation nouvelle pour l’ancien site industriel

1 – D’autres futurs pour un site pollué interdit d’accès

La centrale solaire photovoltaïque est une opération participant à la reconversion d’une partie du site, ainsi qu’à la démarche métropolitaine en matière de transition énergétique. En effet, Toulouse Métropole porte son plan climat air énergie depuis 2019. Le site choisi pour le parc photovoltaïque fait partie des espaces qui sont toujours pollués. Suite aux activités industrielles préexistantes, la collectivité avait dégagé des emprises et installé une couverture d’environ 50 cm de terre végétale mélangée à du béton concassé. Initialement, cet espace devait s’intégrer dans un projet paysager de « Grand Parc Garonne » développé sur d’autres sections du fleuve, mais l’espace étant toujours soumis aux risques de pollution, l’accessibilité du site aux usagers s’est avérée impossible.

2 – Une gestion en commun pour un site important sur le plan symbolique

La métropole lance un appel à manifestation d’intérêt en 2017. Urbasolar, entreprise spécialisée dans la réhabilitation de sites dégradés en parcs solaires, est sélectionnée pour le développement du projet. La gestion du site et les investissements financiers sont partagés entre des acteurs publics, citoyens et privés : le développeur Urbasolar, la Régie Municipale d’Electricité de Toulouse, Toulouse Métropole, la coopérative citoyenne Citoy’enR et l’Agence Régionale Énergie Climat (AREC) Occitanie. Urbasolar porte le projet, avec une demande de permis de construire préfectoral fin 2017, permis qui sera accordé en mai 2018.

3 – Monuments historiques et intégration paysagère

Le projet s’inscrit partiellement dans le périmètre de 500 m autour de l’hôpital Marchant, bâtiment classé aux Monuments Historiques. Le dépôt de projet pour le permis de construire a donc l’obligation d’avoir l’aval de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF). La DREAL est associée à la démarche au titre de la thématique du paysage. À la suite de plusieurs réunions techniques, il est suggéré au porteur de projet de développer un projet de land-art permettant de valoriser l’installation technique. Potentiellement, celle-ci peut être perçue par les voyageurs atterrissant à l’aéroport de Toulouse-Blagnac (axe d’atterrissage), mais surtout par les futurs usagers du téléphérique urbain (entre l’Oncopôle et l’université Paul Sabatier). L’intervention plastique permet aussi de valoriser le projet technique. Plusieurs candidats répondent à la consultation lancée par Toulouse Métropole et un jury détermine le projet le plus intéressant et surtout le plus durable dans le temps. C’est l’artiste toulousain Damien Aspe qui est retenu pour la conception de l’insertion paysagère en Land Art. Le permis de construire est validé et le projet construit en 2020.

Un site à forte charge symbolique et inscrit dans la géographie de la métropole de Toulouse

1 – Cahier des charges pour une conception artistique de l’intégration paysagère

Le développeur et Toulouse Métropole établissent un cahier des charges de l’intervention artistique pour le projet de parc photovoltaïque de l’Oncopôle. Ils participent au choix du plasticien, mais n’ont pas d’autres prises sur les décisions de projet. Le cahier des charges indique que les panneaux doivent être de couleur unie, avec une orientation et une disposition régulière des emplacements.

2 – Le projet « Rainbow blast », land art et symbole dans le paysage

Le plasticien Damien Aspe élabore son concept pour le projet qu’il intitule « Rainbow Blast » à partir de la notion d’ondes de choc.

Les morts, les blessés, les dégâts matériels et le traumatisme des Toulousains ont clairement été provoqués, non pas par l’explosion, mais par l’onde de choc de celle-ci. D’ailleurs, le cœur du procès AZF se situe bien sur l’étude scientifique de ce phénomène acoustique. Afin d’expliquer leurs théories aux néophytes que nous sommes, les experts doivent matérialiser la propagation du son de façon graphique pour une bonne présentation et compréhension de celle-ci. Un phénomène auditif est alors transformé en phénomène visuel. Afin de percevoir les formes et les vitesses de propagation, l’utilisation de dégradés de couleurs semble invariable. Les différents graphiques des experts du procès AZF, en démontrent l’exemple. Il semble alors intéressant de s’inspirer de ces schémas techniques et de reproduire de façon visuelle l’onde de choc sonore. Extrait du dossier de projet de Damien Aspe.

L’espace est ainsi découpé par des courbes concentriques depuis la zone hypocentre de l’explosion, afin d’obtenir un dégradé de couleurs arrondies sur le terrain du parc photovoltaïque. L’artiste utilise des photomontages et des schémas contextualisés pour expliciter son propos. Cette intervention artistique permet de matérialiser de façon indirecte l’hypocentre de l’explosion, afin d’en garder la mémoire. Le dégradé de couleurs incurvées s’oppose à la contrecourbe naturelle du site d’implantation.

Selon l’artiste, le choix des couleurs sous-entend l’aspect visuel d’un arc-en-ciel inversé. Ce choix délibéré de l’arc-en-ciel s’est fait pour plusieurs raisons :

Le soleil est source d’énergie et de lumière (couleurs). Le rôle d’une centrale solaire est de récupérer l’énergie du rayonnement solaire pour la transformer en électricité. L’œuvre d’art reproduit un arc-en-ciel qui est un phénomène optique et météorologique qui rend visible le spectre continu de la lumière solaire. Dans la culture orientale, l’arc-en-ciel a toujours été considéré comme un chemin de médiation entre le haut et le bas. Or ici, par le reflet du ciel dans les panneaux photovoltaïques, et l’arc-en-ciel produit par les panneaux colorés, ces éléments verticaux sont présentés dans leurs horizontalités. Dans la symbolique occidentale, l’arc-en-ciel est souvent associé à la joie et la gaieté ou au renouvellement. Sa présence sur un site à forte connotation traumatique prend tout son sens. L’arc en ciel est également utilisé comme drapeau de la paix, pourrait-il devenir le symbole de la fin du conflit juridique autour de cette histoire ? Par son implantation, l’arc-en-ciel de la centrale solaire se retrouve géographiquement au milieu, entre les deux points stratégiques qui opposent les deux parties… tout un symbole. il incarne aussi le mouvement de protection de l’environnement, notamment par Greenpeace via l’histoire du Rainbow Warrior. Cette forte connotation prend son intérêt sur un site qui appartenait à une industrie pétrochimique Seveso, dont la partie sur laquelle l’arc-en-ciel se déploie est toujours polluée.

(Extrait du dossier de projet de Damien Aspe).

Ainsi, la conception de Land art pour matérialiser l’intégration paysagère des panneaux de la centrale permet d’associer la dimension symbolique et iconique aux questions techniques, pour un site à l’histoire mouvementée, ayant besoin d’être associé à un discours à la fois de renouveau et de mémoire.

3 – La reconversion du site à risque

La centrale solaire de l’Oncopôle comporte des innovations techniques permettant d’adapter son installation à un site ayant connu une dépollution partielle et située sur la rive gauche de la Garonne. Le terrain appartient à la métropole de Toulouse. La forme de la parcelle est irrégulière et en léger recul par rapport au fleuve. La centrale est installée en zone rouge du PPRi (HRVi) sur lesquelles les constructions sont interdites sauf exception (aléa de moins de 50 cm d’eau en période de crue forte et effet négligeable des installations sur l’incidence de la hauteur d’eau en amont). Avant la construction du parc, la zone était gérée en prairie, sans accès possible. Les constructions ont longtemps été interdites, et une autorisation est finalement obtenue pour l’installation du parc.

4 – Inscription paysagère des accès et des vues

Le site est visible par le survol des avions atterrissant à l’aéroport de Blagnac, par la vue plongeante des futurs usagers du téléphérique toulousain, ainsi que depuis les coteaux de Pech David et notamment depuis le parc de Pech David situé en face sur l’autre rive de la Garonne. Les abords du site sont visuellement un peu abrupts lorsqu’on se trouve sur le cheminement qui le longe, avec de hautes clôtures métalliques délimitant l’espace. Une végétalisation de la clôture est en cours et des panneaux pédagogiques vont être installés.

L’impression visuelle des panneaux colorés est intéressante depuis les coteaux de Pech David et s’inscrit bien dans le contexte du quartier (centres d’innovation, rocade à proximité, zone industrielle). Cependant, l’arrière des panneaux semblant ne pas avoir été spécifiquement travaillé, le point de vue apparaît moins intéressant en circulant plus au nord sur le coteau. Un cheminement piéton et vélo parcourant les bords de Garonne (Via Garona) longe le parc photovoltaïque à l’ouest de celui-ci. Plus à l’ouest encore, persiste encore une partie du site de l’explosion. 5 – Matérialité des panneaux, inondabilité et land art Le parc de l’Oncopôle devient l’une des plus grandes centrales photovoltaïques françaises en milieu urbain, elle est composée de 35 000 panneaux photovoltaïques. Le site étant situé en zone inondable et polluée, les creusements ont été évités ; seuls des pieux ont pu être « battus » dans le sol suivant un espacement plus important que pour une centrale traditionnelle. Les tables photovoltaïques ont également dû être surélevées pour laisser le libre écoulement des eaux.

1500 panneaux colorés sont intercalés entre les modules photovoltaïques.

L’inscription dans la géographie pour les projets de parcs au sol

1 – Une volonté d’insertion paysagère

L’un des intérêts du projet semble d’avoir obtenu de la collectivité et de son porteur de projet une avancée dans la réflexion sur un travail « plastique » d’un parc photovoltaïque. Cependant, la mise en œuvre de détails du projet aurait pu aller plus loin dans le soin apporté aux détails. Le résultat final manque un peu d’ambition ; les panneaux colorés sont trop peu nombreux et trop peu visibles. De plus, il n’a pas été possible pour les acteurs publics de faire valoir le traitement qualitatif de certains détails, comme l’assise des équipements électriques, ou un projet paysager en lien avec le parc photovoltaïque qui auraient apporté une réelle plus-value pour ce site situé dans une zone de nature en bord de Garonne.

2 – Le plan Garonne grandeur nature et l’inscription dans la géographie du site

Le plan Garonne grandeur nature porté par la métropole de Toulouse ambitionne de réaliser de nombreuses actions pour rendre plus tangible le lien entre la ville et le fleuve. Il est sans doute regrettable que dans ce contexte de désir global de nature en ville, l’analyse d’inscription paysagère se soit peu saisie de réflexions portant sur des questions de paysage intégrant d’autres dimensions que celle de l’histoire du site AZF (en s’intéressant par exemple à l’intérêt écologique et géomorphologique propre au milieu des berges de la Garonne) et en laissant de côté les questions d’accessibilité des berges.

3 – Le plan climat air énergie

La métropole de Toulouse met en place son plan climat air énergie depuis 2019. Ce projet participe de ce plan, et son ampleur est intéressante. L’électricité produite est à l’échelle des besoins métropolitains (19 350 MWh produits par an, l’équivalant de la consommation électrique de 4 100 foyers), et les investissements partagés garantissent un apport pour la métropole et les citoyens sur le long terme.

Références

  • Expérience extraite du guide « Transition énergétique : vers des paysages désirables » réalisé en 2021 - 2022 par la Chaire Paysage et énergie de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles : www.ecole-paysage.fr/fr/node/402

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