La régie communale de Montdidier – Mix énergétique pour la ville au cœur de la plaine agricole
Chaire Paysage et énergie (ENSP), 2022
Créée le 14 août 1925 par la ville de Montdidier, la Régie Communale de Montdidier est un établissement public de proximité qui assure la fourniture et l’acheminement de l’électricité sur le territoire de la ville de Montdidier. Elle est confirmée dans son rôle de fournisseur d’électricité et de gestionnaire de réseaux par la loi du 10 février 2000. Elle fait partie des distributeurs non nationalisés par la loi de 1946, agissant en complément des opérateurs nationaux EDF et GDF. La Régie Communale de Montdidier est également chargée de la réalisation des travaux neufs et de l’entretien du réseau d’éclairage public pour le compte de la ville de Montdidier. Son action est guidée par le souci permanent de garantir un service public de proximité, accessible aux abonnés, tout en contribuant au développement local. Depuis 2004, la ville de Montdidier s’est engagée dans une politique de maîtrise des consommations d’énergie sur son territoire : le programme « Montdidier Ville Pilote en Maîtrise de l’énergie ». La ville approuve et soutient une consommation locale et partagée par une stratégie de mix énergétique.
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Montdidier, ville sur piton rocheux au cœur du plateau agricole du Santerre
1 – Le plateau du Santerre, territoire de la production agricole à grande échelle
Le Santerre couvre la partie sud-est du département de la Somme, l’un des départements parmi les plus gros producteurs agricoles de France. C’est un paysage de plateau limoneux incisé par quelques vallées, avec de grands horizons d’une altitude à peu près constante. Les terres sont riches pour l’activité agricole, et de nombreux remembrements, qui se sont ajoutés aux guerres, ont généré des horizons très ouverts, ponctués de quelques boisements sur les terres argileuses moins fertiles. Les cultures principales sont le blé et la betterave à sucre. Les vallées sont visibles avec leur végétation de ripisylve et restent parfois occupées par de la polyculture.
2 – Constructions villageoises et industrielles
Le territoire est peu urbanisé, avec un maillage régulier de villages de quelques centaines d’habitants et quelques villes plus importantes. Les constructions en torchis traditionnel ont été remplacées par la brique après les destructions de la première guerre mondiale. Des paysages agri-industriels émergent à partir des années 1920, pour la transformation des produits agricoles (râperies, sucreries, etc). Des villages bosquets subsistent (villages entourés de bosquets arborés), malgré la disparition des ceintures de courtils (petits jardins attenants aux maisons paysannes) et des remembrements agricoles.
3 – Des infrastructures liées à la production agricole
Les terres cultivées à perte de vue sont relevées par de grands axes routiers traversants. Les paysages sont marqués par les éléments verticaux comme les silos, témoins de l’activité agricole à grande échelle et, depuis quelques années, par la production énergétique avec de nombreux parcs éoliens. Les sols limoneux sont riches mais manquent de chaux, on trouve donc de nombreuses carrières locales pour amender les parcelles agricoles.
4 – Montdidier en promontoire sur la plaine
Autour de la ville de Montdidier, le plateau est légèrement vallonné. La ville se trouve sur un piton rocheux, au croisement de plusieurs axes routiers importants, dominant la plaine du Santerre. D’anciens quartiers ouvriers se trouvent dans la partie basse et sur les abords de la ville.
5 – De enjeux pour un territoire d’agriculture intensive au cœur d’un couloir de vent
Les remembrements agricoles successifs ont entraîné l’abandon de bâtis anciens. On trouve parfois des villages désertés. La démographie est globalement en déclin et la population vieillit.
Le caractère de plateau et la présence de couloirs de vents sont très propices à l’implantation d’aérogénérateurs. Le développement éolien exponentiel depuis 2005 occasionne une grande concentration de parcs sur le territoire. Il reste désormais très peu d’horizons sans éoliennes.
C’est dans ce contexte, avec des enjeux territoriaux forts de production agricole et de développement éolien, que se situent les différents projets menés par la Régie communale de Montdidier.
La régie municipale de Montdidier, acteur local historique de l’énergie
1 – La régie communale, une histoire longue
La Régie municipale de la ville de Montdidier est créée en 1925. A cette époque, l’électricité se développe en France, mais il y a encore peu de moyens pour l’acheminer. Beaucoup de villes se dotent d’une Régie communale pour électrifier. Ce sont des établissements publics appartenant à la mairie. Au départ, le rôle de la Régie de Montdidier est de distribuer et de fournir l’électricité sur l’ensemble de la ville. Après la Seconde Guerre Mondiale, beaucoup de réseaux électriques sont détruits. EDF est créée en 1946 pour produire, distribuer et fournir l’électricité sur l’ensemble du territoire français. Cela entraîne la disparition de nombreuses régies communales. La ville de Montdidier décide de conserver sa Régie. Ses agents deviennent des employés de droit privé au sein d’une structure publique. Jusque dans les années 1990, la Régie garde son seul rôle de distributeur et de fournisseur. Un premier tournant s’opère en 1991, lorsque EDF demande à la régie de Montdidier de se doter d’une centrale thermique au fioul de 10 MW. Elle sert comme relais en cas de coupure d’alimentation sur le réseau national, ou lors de pics de consommations. La régie devient ainsi productrice d’électricité. Le second tournant se fait dans les années 2000, lors de l’ouverture à la concurrence de la fourniture en électricité. La régie décide alors de se diversifier, avec la production d’énergies renouvelables. Cette production se fait sans investissements privés, et toutes les recettes générées par l’implantation d’énergies renouvelables (ENR) sont réinvesties pour la commune.
2 – L’éolien dans la Somme et l’apport à la municipalité
En 2003, la régie communale lance son premier projet d’Enr, sous forme de parc éolien. Celui-ci se réalise sur la base du schéma régional éolien réalisé par la région Picardie (aujourd’hui Hauts-de-France). La régie s’empare d’une ressource énergétique très présente territorialement (couloirs de vents remarquables), en prenant en compte les préconisations régionales, notamment paysagères. Cela détermine un choix d’implantation et un certain type de machine adapté en termes d’envergure. Le parc est inauguré en 2010, il devient le premier parc éolien français public. Son but est de produire directement pour Montdidier. Les éoliennes alimentent actuellement la moitié de la demande énergétique de la ville. Il n’y a pas d’investissements privés, une partie de l’apport financier généré est reversé directement à la commune. Cela donne lieu notamment à des aides municipales sur la maîtrise de l’énergie pour les habitants de Montdidier, par exemple pour des personnes qui voudraient refaire l’isolation thermique de leur habitation.
3 – Le mix énergétique et la présence quotidienne des Enr au cœur des paysages de Montdidier
En 2004, un accord cadre entre la ville, la Région Hauts-de-France, l’Ademe et la régie communale prévoit une opération «ville pilote en maîtrise de l’énergie». Cela donne lieu à la création en 2006 d’un espace info énergie, ainsi que le lancement d’une CEIR (conseil en énergie intercommunal rural) et d’une OPAH (opération programmée d’amélioration de l’habitat).
En 2008, un réseau de chaleur communal est créé. La régie utilise la chaudière à gaz de l’hôpital déjà présente, et fait construire une chaudière biomasse. Les deux chaudières alimentent les gros consommateurs de la commune : l’hôpital, le lycée, le collège et une école.
Depuis 2009, une douzaine de projets photovoltaïques sur des bâtiments publics et privés naissent, avec une aide à l’installation apportée par la régie pour les privés. Des travaux de réhabilitation thermique sont également réalisés.
En 2011, une centrale photovoltaïque au sol est créée près de la régie.
En 2009, la régie de Montdidier a remplacé 300 luminaires équipés de lampes au mercure par des appareils fonctionnant au sodium. Ceux-ci consomment moins d‘électricité et permettent d’effectuer des économies d’énergie. Cette nouvelle technologie permet également de tirer profit au maximum des réducteurs de puissance déjà en place et ainsi d’effectuer de nouvelles économies sur les consommations électriques.
Depuis 2020, une nouvelle chaudière biomasse ainsi qu’une nouvelle chaudière à gaz sont en cours de construction, afin d’étendre le réseau de chaleur.
Ce mix énergétique et cette vision globale de la production, la distribution et de la fourniture de l’électricité en circuit court, ainsi que des actions de sensibilisation et d’aide aux particuliers, permettent à la régie de proposer un schéma cohérent et en évolution pour Montdidier et sa consommation énergétique. La ville est parsemée de signes de la présence des ENR, et les notions d’énergie renouvelable et de sobriété sont intégrées à la vie quotidienne.
Le mix énergétique, multiplicité des modes de production pour une consommation locale et partagée
La régie communale de Montdidier compte à l’heure actuelle 13 employés. Ils viennent d’horizons professionnels variés et sont ainsi capables de gérer les multiples projets portés par la régie au fur et à mesure de leur développement
1 – Les éoliennes dans la plaine agricole
4 éoliennes de 2MW chacune et de 80 m de hauteur sont installées au sud de la ville depuis 2010, sur des terres agricoles privées, faisant partie du territoire communal. Ces 8 MW installés produisent en tout 17 GWh/an, c’est à dire la moitié de la consommation en électricité de la ville. Il est cependant inexact de parler d’autonomie pour la moitié de la ville, car il n’y a pour l’instant pas de stockage de l’électricité. La production est redistribuée sur le réseau EDF lorsque la consommation locale baisse. Les quatre éoliennes communales sont visibles en arrière-plan de Montdidier, vers le sud depuis les hauteurs de la ville, et depuis le plateau au nord de la ville. Elles font partie du paysage quotidien, par ailleurs chargé en éoliennes sur l’ensemble du plateau de Santerre.
2 – Le solaire sur toitures et au sol, éléments inscrits dans le paysage de la ville
La régie met en place différents systèmes photovoltaïques, avec notamment un parc photovoltaïque au sol de 2000 m², à l’entrée des bâtiments de la régie. Il est visible depuis la route et offre un effet vitrine. Des panneaux photovoltaïques sont installés sur certains toits de bâtiments communaux (écoles, chaudière biomasse, etc.), associés à une rénovation thermique des bâtiments.
3 – Des outils pédagogiques et de communication pour une maîtrise énergétique par tous
Des outils municipaux sont mis en place pour reverser des aides aux habitants. De nombreux particuliers demandent de l’aide pour installer des panneaux photovoltaïques sur leurs toitures. La régie est présente pour l’aide à l’achat et l’installation. Une extension actuelle du réseau de chaleur est présentée aux habitants sous la forme de flyers et de sondages distribués. De nouveaux réseaux sont enfouis sous le bitume des trottoirs. On peut peut-être regretter que ces travaux ne donnent pas lieu dans un même temps à de nouveaux aménagements plus qualitatifs pour l’espace public.
4 – Double énergie : diversité et adaptabilité
La régie a mis en place son réseau de chaleur avec une chaufferie biomasse (85% de la production) et gaz (16%). La chaufferie gaz de l’hôpital a été mise à disposition, et une usine biomasse a été construite. Une nouvelle usine est en court de construction, elle réunira dans un même bâtiment une chaufferie gaz et biomasse. Elle est construite juste à côté de la première chaufferie biomasse, afin de faciliter l’acheminement de la production. Six kilomètres de réseaux enterrés sont ajoutés. Cette nouvelle chaudière est placée sur les hauteurs de la colline de Montidider, le long de la route pour faciliter l’acheminement des matériaux. Elle est visible depuis la plaine au nord de la ville. Ses deux grandes cheminées rouges font signal. Elle émerge des arbres, une façon d’évoquer sa fonction de chaufferie bois. Le bois utilisé pour la chaudière biomasse est principalement fourni par l’ONF, notamment des forêts de Compiègne et de Créas, ainsi que de quelques agriculteurs de la côte picarde. Il ne doit pas provenir de forêts se trouvant à plus 50 km à la ronde.
Avec deux types de chaufferies (biomasse + gaz), la régie dispose d’une bi-énergie, utile précaution en cas de problème sur l’une des usines ou sur réseau et même indispensable pour des consommateurs comme l’hôpital qui doivent être constamment alimentés en énergie.
La régie de Montdidier, une histoire longue pour des projets innovants
1 – Vers l’autonomie énergétique, la question des paysages du quotidien
Pour la suite de ses projets d’énergie renouvelable et de volonté de sobriété énergétique, la régie de Montdidier souhaite aller progressivement vers une maîtrise complète et une autonomie énergétique. Pour cela, un accroissement de la production éolienne est en vue afin d’augmenter sa production d’énergie verte, d’être excédentaire et de se diriger vers du stockage. A l’époque du premier projet éolien de Montidier, peu de parcs apparaissaient aux alentours ; il n’y avait eu aucune contestation de la part des habitants. Les résultats des enquêtes publiques réalisées sur l’extension de ce parc sont toujours favorables, malgré la démultiplication des projets depuis ; cela témoigne probablement de la conscience des habitants des bénéfices des EnR, acquise à la faveur de la quête d’autonomie énergétique de la municipalité. L’électricité produite excédentaire sera stockée grâce à de l’hydrogène. Il sera alors vraiment possible de parler d’autonomie. Un projet de réseau de chaleur est en lien avec ce projet d’électricité, avec un moteur thermique cogénératif associé au stockage de la production des éoliennes. La récupération de la chaleur émise pemettra un nouveau réseau de chaleur alimenté en gaz. Au lieu de laisser s’évaporer la chaleur, une nouvelle énergie est créée en utilisant l’excédent. Ici, la régie anticipe les limites potentielles des chaufferies bois. Leur utilisation est difficile à maîtriser dans le temps, car il y a de plus de plus de demandes de la part de différentes communes, sans forcément plus d’offre en matériau ressource. Il est donc intéressant de prévoir l’avenir avec de nouveaux réseaux de chaleur.
2– Les réseaux de régies communales et le réseau TEPOS
Montdidier dispose de l’une des régies française les plus impliquées dans la question des EnR (80 régies actuellement en France). Membre du réseau des territoires à énergie positive (TEPOS), la régie communale de Montdidier constitue un exemple connu de politique locale de maîtrise de l’énergie et de développement des énergies renouvelables.
3 – Les éoliennes dans la région Hauts-de-France : des politiques territoriales à adapter
Le parc éolien existant de Montdidier se trouve dans une zone déterminée comme favorable par le schéma de développement éolien réalisé par la région en 2003 ; il est cependant en limite d’une zone de vigilance. Aujourd’hui, la Région réalise à nouveau une cartographie du développement éolien. Les données paysagères des anciens schémas régionaux sont reprises, auxquelles s’ajoutent aujourd’hui les risques de saturation visuelle.
Références
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Expérience extraite du guide « Transition énergétique : vers des paysages désirables » réalisé en 2021 - 2022 par la Chaire Paysage et énergie de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles : www.ecole-paysage.fr/fr/node/402