La métropole Grenobloise et la sobriété énergétique

Chaire Paysage et énergie (ENSP), 2022

En 2004, Grenoble Alpes Métropole est le premier territoire français à mettre en place un Plan climat énergie (PCAET). Depuis, un nombre très important d’intercommunalités mettent en place ce type de planification. La métropole Grenobloise reste une inspiration pour beaucoup d’entre elles. En 2019, pour relever le défi du changement climatique et de la qualité de l’air, la Métropole s’est dotée d’un nouveau plan Climat Air Énergie 2020-2030. Celui-ci intègre de manière plus poussée les questions culturelles, l’aménagement de l’espace public, le sens des lieux et le paysage, en prenant en compte les outils et les expériences des premiers programmes réalisés.

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La métropole grenobloise, « au bout de chaque rue, une montagne » (Stendhal)

1 – Nature et culture, la figure de la montagne

L’agglomération grenobloise est entourée de trois massifs montagneux : le Vercors, la Chartreuse et la chaîne de Belledonne. Grenoble occupe la place d’un ancien lac issu de la fonte des glaciers qui remplissaient la vallée de l’Isère, il y a une dizaine de milliers d’années. Elle est principalement bâtie dans une plaine au confluent de l’Isère et du Drac. La ville est rattachée à la figure paysagère forte de la montagne alpine. Des symboles et des valeurs se rapportant à la montagne ont construit sa personnalité. La présence de la montagne est importante (visuellement, économiquement, activités liées à la montagne,…).

2 – Grenoble, territoire des sciences et innovations

La force et la singularité du cadre géographique et des ressources (hydrologique, mines,…) de Grenoble attirent et retiennent des entreprises et des chercheurs. Depuis le XVIIIe siècle, des disciplines scientifiques s’y sont développées. Des sciences dures, comme les mathématiques, la physique, la chimie s’inscrivent territorialement, en lien avec la pensée progressiste de l’époque. Plus récemment, d’autres disciplines comme la médecine, la biologie et les sciences sociales ont prospéré. Les activités industrielles et technologiques tiennent une grande place.

3 – Des désirs de nature en ville pour une métropole qui s’étend

Autour de Grenoble, le territoire agricole et urbain se caractérise par une diversité de paysages, avec une grande variété de produits du terroir issus des fermes laitières, céréalières, horticoles, maraîchères, d’élevages, viticoles et apicoles et une grande variété de typologies de villes et villages. L’agriculture de l’agglomération grenobloise se caractérise par trois types d’espaces :

Les pressions foncières et urbaines liées à l’extension de la ville menacent les agricultures de plaine et de coteaux.

Les territoires ruraux et urbains se situent aujourd’hui au cœur d’une demande urbaine grandissante en termes de gestion durable des espaces et des ressources. Les discours des différents usagers convergent vers un désir renouvelé de nature en ville, à mesure que la campagne est de plus en plus distante.

4 – Pollution et risques

La situation topographique et géographique de Grenoble fait que les pollutions urbaines sont perceptibles au quotidien. Une chape de pollution de l’air remplissant la «cuvette» de la ville est visible à l’œil nu à plusieurs moments de l’année.

La transformation des territoires de montagne face au réchauffement climatique est également connue, avec un recul des glaciers et une perte de la biodiversité montagnarde. Les risques d’effondrements et d’inondations menacent la ville. Les différents discours politiques intègrent ces enjeux, et c’est dans ce cadre que la métropole met en place son plan climat air énergie et ses différents projets de mobilité et d’espace public.

Climat, mobilités et espaces publics : des objectifs ambitieux portés par les acteurs publics

1 – Plan climat air énergie, une prise de conscience et des actions

La présence des pollutions et la situation géographique font de Grenoble un territoire fragile. La ville est dotée d’une communauté de chercheurs associés à des laboratoires de recherche et qui enseignent dans des écoles sur les questions climatiques. Les politiques publiques mettent en avant ces questions écologiques et climatiques, avec la volonté d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre, par le biais de l’utilisation des énergies renouvelables et de la sobriété énergétique engagée sur tous les plans de la planification urbaine (mobilité, réseaux de chaleur, production énergétique, aménagement de l’espace public, etc.).

En 2004, Grenoble-Alpes Métropole est le premier territoire français à mettre en place un plan climat air énergie. Il prévoit des installations d’énergies renouvelables (ENR) ainsi qu’un ensemble de réhabilitations thermiques de bâtiments. On peut prendre l’exemple de la construction de réseaux de gaz urbains alimentés en biogaz, utilisés notamment pour la circulation des bus et trams. Un second plan climat air énergie est réalisé en 2019. Celui-ci intègre de manière plus poussée des questions d’aménagement de l’espace public, en prenant en compte des outils créés au fur et à mesure par les différents services de la métropole.

2 – Les Chronovélos, un nouveau réseau de mobilité douce construit avec les habitants

La métropole engage en 2014 un plan des déplacements urbains (PDU) ambitieux, mettant en oeuvre la réduction des gaz à effet de serre et de la sobriété énergétique. La structuration principale du PDU se fait à travers l’enjeu cyclable. Une consultation est réalisée, afin de projeter un réseau de projets. L’objectif de base est le triplement de la part modale du vélo dans les trajets quotidiens (58 000 déplacements / jour en 2014, sources : Plan de déplacement urbain 2030, Agglomération Grenoble) Les différents leviers engagés sont :

En 2016, le réseau Chronovélo composé d’un ensemble de pistes cyclables et «d’autoroutes à vélo» commence à se déployer sur le territoire de la métropole.

3 – Une culture commune de l’espace public portée par la métropole

En 2016, la métropole réalise un guide métropolitain des espaces publics et de la voirie. Celui-ci reprend à son compte les études réalisées pour le PDU. Le PDU et le guide de l’espace public sont repris par la suite dans le cadre du plan climat air énergie de 2019.

La vocation du guide est de construire une culture commune de l’espace public à l’échelle de la métropole, malgré la diversité des territoires impliqués. Cette intention générale se décline différemment selon les territoires concernés, et se fonde sur plusieurs points de vigilance concernant notamment les questions de sobriété énergétique associées à la volonté d’un confort du cadre de vie :

Pour ces différentes volontés, des objectifs quantifiés de désimperméabilisation, d’écoulement des eaux, de réduction des îlots de chaleur, d’amélioration du cadre de vie et du confort par l’aménagement public sont réalisés, au fur et à mesure de l’évolution des différents documents de planification urbaine réalisés par la métropole.

La sobriété, un principe de base pour une réflexion globale sur la fabrique du territoire

1 – Des règlementations pour la voirie et des modifications de l’espace public

En 2016, la vitesse de circulation est généralisée à 30km/h en zone urbaine sur l’ensemble de la métropole. Les différents maires acceptent cette nouvelle règle, mais s’inquiètent d’un possible foisonnement de panneaux routiers. La métropole met ainsi en place un système de marquages sur la chaussée, afin que le paysage urbain soit libéré de l’encombrement visuel et physique des panneaux.

Des recalibrages de voiries sont effectués dans un même temps, afin de laisser plus de place aux circulations piétonnes.

2 – La prise en compte du paysage en tant que cadre de vie pour la planification urbaine

Le guide métropolitain des espaces publics et de la voirie de 2016 comporte plusieurs volets thématiques, explorant tous les aspects de la planification urbaine portés par la métropole. Les dimensions relatives aux questions paysagères sont fortement prises en compte, en tant que composantes influençant les modes de vie. Les questions liées à la sobriété énergétique et à la réduction des gaz à effet de serre motivent le développement d’un métabolisme métropolitain. Elles sont abordées en tant que données non négociables à prendre en compte dans les processus de planification urbaine. Tous les projets réalisés à l’échelle de la métropole passent par une grille d’analyse. Les agents de la métropole poussent les politiques, les techniciens et les concepteurs. La mise en œuvre de la démarche de projet est particulièrement intéressante : les ambitions sont fixées collectivement, des outils sont proposés, des moyens humains sont mis à disposition pour trouver les solutions par une démarche de projet et non par une règlementation verticale.

3 – Participation citoyenne pour projeter les mobilités

Dans le cadre de l’élaboration du PDU, concernant la volonté d’augmenter le réseau de mobilité cyclables, la métropole missionne un groupe d’habitants, afin de réfléchir à l’idée d’autoroute à vélo. Ce collectif d’habitants est composé de :

A l’issue de cette mission citoyenne d’une durée d’un an, un rapport est réalisé par les habitants, avec un cahier des charges à la clé. Chaque tronçon du réseau est pensé comme s’inscrivant dans son environnement, il fait l’objet d’une recomposition urbaine globale. Ainsi, d’autres enjeux que la cyclabilité sont pris en compte sur la plupart des tronçons. Dans l’année suivante, des études complémentaires sont réalisées par la métropole.

Un lien est effectué dans ces études entre la mobilité, la sobriété énergétique et le confort du cadre de vie, pour la composition d’un paysage urbain. Lorsqu’on se promène à Grenoble, le réseau Chrono vélo est indiqué par des marquages jaunes et blancs au sol. Le paysage transformé peut par endroits poser question. Les axes Chronovélo sont des pistes pensées en tant que voiries, avec peu d’urbanité incarnée par des espaces publics offerts à l’ensemble des usagers piétons et vélos. Le traitement du sol est en enrobé et les bordures sont épaisses.

Cependant, il est assez impressionnant et intéressant d’emprunter ce réseau, qui dessert bien l’ensemble de Grenoble et s’étend de plus en plus vers l’extérieur. Peu de villes françaises disposant d’un réseau cyclable défini peuvent supporter la comparaison. Associées à des voies bus dédiées, les pistes cyclables font partie d’un espace de voirie très large, allant parfois jusqu’à 15 m. Le plus souvent l’espace du vélo est pris sur celui de la voiture. Cela entraîne par endroits un manque d’espace pour la plantation d’arbres du fait de trottoirs piétons réduits. Cependant un effort a été fait pour accompagner de plantations certaines pistes. Parallèlement l’offre de transports en commun a été fortement développée ces dernières années, permettant (avec le vélo) de réduire fortement l’utilisation des voitures en centre-ville et donc la place dédiée.

Le plan climat air énergie, transition et nature en ville

1 – Les suites du plan climat air énergie

Suite à son premier plan climat air énergie, un nombre très important d’intercommunalités mettent en place ce type de planification. La métropole de Grenoble est une inspiration pour beaucoup. Avec la réactualisation de son plan climat air énergie, la métropole continue ses actions en faveur de la production d’ENR et de la sobriété énergétique. On peut prendre l’exemple de la nouvelle centrale à bois BIOMAX produisant à la fois de l’électricité et du chauffage qui ouvre en 2021. Elle s’ajoute à des centrales à bois déjà existantes, le réseau de chaleur urbain est ainsi alimenté à 100% par les énergies renouvelables.

2 – Reconquête fertile

Le territoire de la métropole s’étend jusqu’à des territoires ruraux de montagne. Il y a donc une grande diversité de contextes, depuis la grande ville jusqu’au petit village appartenant au PNR de la Chartreuse. Il est donc compliqué de mettre en place des politiques globales, car il n’est pas possible de les homogénéiser.

La question du végétal en ville semble être l’un des enjeux émergeant aujourd’hui, principalement dans le contexte de la ville de Grenoble. Un réseau de parcs existants important existe, il y a cependant un désir accru d’augmenter la part de surfaces végétalisées. Cela va dans le sens de la sobriété énergétique et de l’adaptation au réchauffement climatique, avec le stockage du CO2 et la réduction des îlots de chaleur, et dans le sens du paysage avec l’amélioration du cadre urbain dans tous les sens du terme (esthétique, santé, convivialité,…).

Le réseau de parc est de qualité et propose des espaces verts généreux. Des actions de végétalisation sont mises en place avec « Jardinons nos rues ». La ville de Grenoble met à disposition des espaces de jardinage sur le domaine public. Si le projet prévoit une végétalisation de façade, la ville peut verser une subvention pour couvrir une partie des dépenses d’installation de treillis pour plantes grimpantes.

On peut prendre pour exemple l’étude menée sur le Cours de la Libération comme prise en compte du végétal dans les études urbaines. La métropole l’a confiée au bureau d’études en paysage « Atelier des cairns ». Un double alignement de platanes en mauvaise santé sert de point de départ pour réfléchir à l’avenir des plantations urbaines matures. Des pistes Chronovélo sont présentes dans les contres-allées, les paysagistes réfléchissent à leur amélioration en restaurant des lieux de promenades. Cette étude sert aux services de la métropole comme outil de coordination et de phasage en cas de projet réalisé sur une avenue où se retrouvent le même type de problématiques.

Références

  • Expérience extraite du guide « Transition énergétique : vers des paysages désirables » réalisé en 2021 - 2022 par la Chaire Paysage et énergie de l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles : www.ecole-paysage.fr/fr/node/402

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