Education à l’environnement et acquisition des aptitudes prisées par le marché du travail
Pierre Calame, mai 2012
Cette fiche est une synthèse de l’atelier « Échange d’expérience sur le partenariat entre écoles et collectivités locales : Éducation, territoire et durabilité », à l’occasion de la rencontre des jeunes « Nous allons prendre soin de la planète » à Bruxelles en mai 2012.
Trois cas concrets sont été présentés : l’Espagne, la Turquie et la France à travers le projet écolycées lancé par la Région Île-de-France.
L’idée générale qui en est ressorti est la suivante : les projets d’éducation au développement durable sont à la fois extrêmement modestes et extrêmement ambitieux. Modestes, parce qu’ils invitent les élèves à s’intéresser à leur environnement immédiat (la consommation d’eau ou d’électricité dans leur établissement, la gestion déchet ou l’étude de la provenance de ce qu’ils mangent tous les jours à la cantine), à analyser cet environnement et à s’engager dans des actions concrètes. Ces projets sont aussi extrêmement ambitieux par la diversité des connaissances qu’ils nécessitent de mobiliser et par l’importance à l’échelle internationale des problèmes soulevés. Un projet d’éducation au développement durable est, enfin, nécessairement interdisciplinaire, il est donc un levier de transformation des pratiques éducatives.
Derrière leur apparente simplicité, ces expériences portent en germe une véritable révolution du système éducatif. J’en prendrai quelques exemples :
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Le développement de réseaux internationaux d’échange d’expériences. C’est ainsi qu’au sein d’un même pays, des expériences inspirées des mêmes principes et qui s’ignoraient se sont découvertes par le fait de participer au même projet de conférence internationale. Le fait n’est pas rare : on va du local au local, parfois proche par le truchement de l’international. Mais c’est aussi l’amorce d’une réforme des méthodes d’éducation non plus par des démarches descendantes mais par des démarches « horizontales », la confrontation d’expériences permettant progressivement de dégager des principes directeurs de portée générale qu’il appartient à chacun d’adapter à chaque contexte particulier. Ainsi, le système éducatif peut se mettre à participer au mouvement de la « mondialisation en réseau », familier aux collectivités territoriales auxquelles ces projets sont souvent liés
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Les expériences comportent toujours une approche concrète et sensible de l’environnement local dans ses différentes dimensions. Or c’est ce qui manque singulièrement tant à l’approche éducative qu’à l’approche scientifique. Si l’on veut bien considérer nos sociétés comme des systèmes bio-socio-techniques, il ne suffit pas de quelques approches transdisciplinaires pour appréhender cette complexité : celle ci se pense « avec les pieds ».
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Dans beaucoup de ces expériences, tirer les différents fils, aussi bien d’un système de transports que la gestion des déchets ou la fermeture des cycles de carbone permet, dans le même esprit que le programme français de la « main à la pâte » de s’initier aux disciplines scientifiques en situation, l’outillage pathématique, chimique ou physique devenant le moyen de comprendre le monde et non un outil abstrait visant principalement à la sélection scolaire.
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Beaucoup de ces projets n’existent qu’en exploitant, parfois à la limite de ce que prévoyait l’institution, les marges de liberté offertes. Mais par leur combinaison et leur présentation conjointe ils peuvent devenir des moyens d’accroître ces marges de liberté par la démonstration éclatante de la capacité qu’elles offrent à renouveler la curiosité des élèves et à réconcilier l’école avec le monde extérieur.
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Très souvent, les projets sont menés en lien avec les autorités locales, par exemples tous ceux qui contribuent à analyser les consommation en énergie ou l’émission des déchets d’un établissement scolaire, d’un quartier, etc… Par cela ils peuvent amorcer un mouvement de grande ampleur tendant à mettre en place ces chartes de co-responsabilité entre collectivités territoriales, système éducatif et élèves.
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L’apprentissage essentiel qu’induit ces projets est celui de la responsabilité. Pas d’une responsabilité culpabilisante mais au contraire du sens des responsabilités qui naît de la découverte des possibilités d’agir.
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Les projets réconcilient en général deux sphères que l’institution scolaire, trop souvent, tient séparées : la sphère des connaissances et celle des émotions.
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Quand on examine les « compétences acquises » au fil des projets, capacité à travailler en équipe, capacité à gérer la complexité, capacité à communiquer, usage des connaissances de base « en situation », on découvre que ce sont toutes les aptitudes requises par le monde du travail ! En d’autres termes, la généralisation de ce genre de projet est la meilleure réponse possible de l’institution scolaire à ceux qui l’accusent, souvent à juste titre, de ne pas former des jeunes prêts à s’intégrer dans la société et la vie économique. Mais c’est aussi une réponse à ceux qui voudraient améliorer cette adéquation en subordonnant les formations aux besoins à court terme du monde du travail : l’enjeu est au contraire de développer chez les jeunes des aptitudes qui seront nécessaires aussi bien pour l’économie que pour la société.