Restauration collective des écoles
Une initiative durable pour une politique agroalimentaire territoriale - Mouans-Sartoux, France
juin 2017
Mouans-Sartoux est une ville de 10 000 habitants située sur la Côte d’Azur. Depuis 1998, la ville relie les questions d’alimentation, de santé et d’environnement. Pour pallier à l’absence d’une offre locale d’aliments biologiques, une ferme municipale a été créée et deux agriculteurs ont été embauchés pour cultiver les légumes destinés aux cantines scolaires, répondant ainsi à 85 % des besoins des trois écoles locales (1 000 repas par jour). Les règles des marchés publics ont été modifiées afin que les producteurs locaux puissent répondre aux appels d’offres.
Depuis, la ville sert quotidiennement dans ses écoles des repas 100% locaux et biologiques. Développant cette démarche, Mouans-Sartoux travaille désormais sur les systèmes agroalimentaires locaux et l’éducation pour prolonger l’initiative.
Les solutions offertes par les bonnes pratiques
Cette initiative offre de multiples avantages :
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Des repas 100% bio, par une augmentation progressive de l’approvisionnement bio (adaptation de la politique des marchés publics) sans surcoût ;
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Une réduction drastique du gaspillage alimentaire par un ensemble de solutions simples. Les économies réalisées ont permis de proposer des repas 100% bio, servis dans les cantines à un coût constant. Les règles des marchés publics ont été réorientées vers les produits locaux, en utilisant une série de critères axés sur la qualité des aliments, la préservation de l’environnement et le coût ;
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Création d’une ferme municipale pour livrer aux cantines des légumes biologiques locaux ;
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Protection de l’emploi : deux agriculteurs municipaux collaborent avec des cuisiniers, un nutritionniste, du personnel de gestion et des représentants élus. Les chaînes d’approvisionnement courtes et la consommation locale ont augmenté l’emploi ;
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Passage à une alimentation saine : qualité des aliments, normes nutritionnelles (PNNS), en proposant des produits non industriels, frais, de saison et équilibrés, locaux et biologiques, cuisinés sur place à partir de produits bruts. Un effort est fait sur les protéines végétales dans l’alimentation, une économie qui permet l’achat de viande de meilleure qualité ;
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La MEAD (Maison de l’alimentation durable et de l’éducation) vise à développer un ensemble de projets liés à la politique agroalimentaire municipale ;
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Changement de comportement : un observatoire de l’alimentation durable a été créé pour suivre les actions et les habitudes alimentaires et de consommation des familles et l’évolution de leurs pratiques ;
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Utilisation durable des sols : pour faire face à l’étalement urbain, la stratégie locale d’urbanisme a protégé 112 ha de terres agricoles, triplant ainsi la surface dédiée à l’agriculture.
Tirer parti de l’approche durable et intégrée
Intégration horizontale : en soutenant l’utilisation intelligente des terres, la production biologique et le développement de systèmes agroalimentaires locaux, le projet a une forte dimension environnementale. Il a également une dimension économique par la création d’emplois (2 emplois à la ferme municipale, 2 emplois à l’épicerie locale), et une dimension sociale en soutenant un « Jardin de Cocagne » dans le cadre d’un réseau national : une ferme biologique qui emploie 50 personnes offrant une intégration sociale par l’activité économique.
L’autre aspect social est l’accès à une alimentation durable dans les cantines pour chaque élève, qui paie un prix adapté aux revenus de ses parents. Le passage au 100% bio sans augmentation de prix peut également être considéré comme durable. En outre, l’éducation des enfants en matière de nutrition, de santé, d’origine des aliments et des produits, de commerce équitable, etc. est une action centrale du projet.
Intégration territoriale : le projet est bien intégré dans la stratégie globale de la ville puisqu’elle gère ses propres services publics (approvisionnement en eau, cantines, agriculture, etc.), ce qui lui confère une autonomie de décision.
Le projet adopte une approche transversale et une gouvernance partagée grâce à la collaboration de nombreux services internes tels que la jeunesse et l’éducation (à travers l’animation, la restauration scolaire, les secteurs de la santé, de la prévention et du développement durable), les services environnementaux (gestion de la ferme municipale), le bureau d’urbanisme de la ville (notamment pour le projet de zone agricole visant à installer de nouveaux agriculteurs), avec une coopération cruciale entre toutes les parties prenantes.
Basé sur une approche participative
L’autonomisation. De nombreuses initiatives citoyennes ont vu le jour, comme des épiceries locales (Boomerang : magasin de produits alimentaires sans emballage, MCE : ONG de commerce équitable), des jardins communautaires, des groupes locaux travaillant sur des actions de développement durable (Collectif Mouansemble), Incredible Edible, etc. Les habitants sont particulièrement impliqués dans les activités de la ville, et les porteurs de projets sont nombreux.
Gouvernance multi-niveaux. A travers les comités de pilotage du MEAD et de l’observatoire de la restauration scolaire durable, le projet associe un large éventail d’acteurs dans le domaine de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et du développement durable qui participent à la gouvernance de l’ensemble des bonnes pratiques : chambres consulaires (Chambre d’Agriculture), ONG et réseaux nationaux de la filière biologique (Agribio06, Un Plus Bio), ONG de santé publique (CODES, CRES : comités régionaux et locaux de santé), services déconcentrés de l’Etat (DRAAF : service régional du ministère de l’agriculture), universités et instituts de recherche (INRA Avignon : agronomie, université Côte d’Azur, LASCAUX : recherche sur l’accès à l’alimentation et le droit alimentaire, ITAB : institut de recherche sur l’agriculture biologique, etc. ).
Dans le cadre du projet AGRI-URBAN, les acteurs locaux sont associés en tant que membres et partenaires du Groupe Local URBACT (AGRI-URBAN) : citoyens, associations de parents d’élèves, secteur privé (coopératives, ONG, agriculteurs), institutions administratives et éducatives multi-scalaires, etc. En changeant leur comportement alimentaire, les parents ainsi que la population locale sont des acteurs importants du projet.
Quelle différence cela a-t-il fait ?
Grâce à cette initiative, l’économie circulaire s’est développée. Des projets sont nés grâce au changement des mentalités (ex : commercialisation directe de produits alimentaires comme les AMAP (Agriculture soutenue par la communauté), et les petites épiceries locales comme Boomerang). Des emplois liés aux systèmes agroalimentaires locaux ont été créés (production, commerce de détail, vente, organisation). La demande de produits locaux de qualité est élevée.
D’autres résultats ont été obtenus :
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La protection de l’environnement : zéro pesticide, augmentation de la biodiversité par la production de cultures biologiques et l’utilisation de plantes mellifères qui attirent les pollinisateurs, chaîne d’approvisionnement courte à faible teneur en carbone ;
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L’agriculture : la stratégie du plan local d’urbanisme a triplé la surface agricole, permettant l’installation d’un agriculteur biologique qui vend sa production localement. En 2016, la ferme municipale a produit 24 tonnes de légumes bio pour les écoles, couvrant 85% des besoins ;
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Le gaspillage alimentaire : baisse de 80% dans les cantines, 30g/repas sont désormais gaspillés au lieu de 150g (moyenne nationale) ;
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L’observatoire : la santé publique et les régimes alimentaires ont évolué. Les enquêtes réalisées en 2013 et 2016 ont révélé que la proportion de familles de Mouans-Sartoux qui mangent 100% bio est passée de 6% à 13% (en France, moins de 2% mangent 100% bio, enquête BVA 2014). En 2016, 85% de l’échantillon a déclaré que ses pratiques alimentaires, son comportement et son mode de consommation avaient changé. 31% des parents achètent chez le producteur une fois par semaine (vs 19% au niveau national), 20% chaque semaine au marché de producteurs, et 99% des parents sont satisfaits de la politique alimentaire de la ville.
Pourquoi d’autres villes européennes devraient-elles l’utiliser ?
Il n’existe aucun autre exemple de modèle, dans le monde ou dans l’UE, qui inclut des repas scolaires 100 % biologiques pour chaque élève à un prix équitable, ainsi qu’une ferme municipale qui fournit suffisamment de légumes frais et locaux. De plus, de nombreuses villes AGRI-URBAN sont intéressées par le projet et les actions mises en place à Mouans-Sartoux sur les cantines et la politique agro-alimentaire.
Nous partons du principe que chaque ville de l’UE est confrontée à des problèmes importants, et parfois sans issue, concernant l’alimentation et l’approvisionnement : gaspillage alimentaire, manque de qualité des aliments, absence de chaînes d’approvisionnement locales courtes, augmentation de la pollution et des problèmes de santé, coûts. Afin de s’attaquer à ces problèmes et à leurs conséquences dramatiques à court et à long terme, elles hésitent sur ce qu’il faut mettre en œuvre et par où commencer.
En ce qui concerne la transférabilité, Mouans-Sartoux et l’Université de la Côte d’Azur viennent de créer un programme de formation intitulé Gestion de projets alimentaires durables pour les collectivités territoriales, afin d’adapter et de développer des projets en fonction de la situation individuelle de chaque ville.
Le modèle des « Jardins de Cocagne » est un bon outil pour lier les objectifs sociaux à la production biologique et il serait intéressant de le tester dans d’autres villes européennes. Mouans-Sartoux est également une ville fondatrice et une partie prenante importante du réseau communautaire national (bientôt européen) Un Plus Bio (www.unplusbio.org), et un membre du réseau International OrganicFood System Programme. La couverture médiatique nationale et régionale concernant les actions et l’expérience de Mouans-Sartoux est large et facilite la transférabilité.
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