Se représenter la complexité
Chaque question de notre quotidien embrasse une multiplicité de dimensions inséparables les unes des autres. Pourtant, ces questions sont le plus souvent traitées de manière séparées. L’approche sectorielle des politiques publiques en témoigne chaque jour. La multiplicité des dispositifs, s’ignorant les uns les autres, accentue le sentiment de faible efficacité des réponses aux besoins des gens.
Dans un système désormais mondialisé, la prise en compte les liens entre les différentes dimensions d’une problématique semble autant délicate qu’indispensable.
C’est donc à l’échelle des territoires qu’on pourra construire les réponses aux besoins des gens, car c’est à cette échelle qu’on peut percevoir et gérer les relations.
Cependant, reconnaître le rôle des territoires ne suffit pas, la transition vers des sociétés durables supposent des transformations profondes dans les modes de représentation et les modes de faire. Ces ruptures engagent des évolutions conceptuelles et de pratiques qui doivent être accompagnées.
L’outil atlas relationnel contribue à répondre à ces enjeux. Il aide à gérer la complexité, en replaçant la relation au centre de la compréhension (au sens étymologique d’action de saisir ensemble) et en visualisant ces relations pour faciliter la mise en action.
L’atlas relationnel, un outil pratique apparenté à la famille des approches systémiques
L’atlas relationnel : à la fois bibliothèque d’expériences et cartographie sémantique.
Apparenté à la famille des approches systémiques, l’atlas relationnel est un outil numérique de cartographie sémantique. Il permet de visualiser la complexité des relations à l’échelle d’un territoire pour mieux les gérer.
On parle d’atlas car cet outil permet de lire le territoire (selon ses différentes composantes) et d’adapter le niveau d’approche d’une problématique selon différents points de vue (à l’instar des échelles d’une carte).
Il est « relationnel » car il relie les angles d’approche d’une problématique et met en résonance les expériences, analyses et pratiques des uns et des autres, afin que chacun puisse se poser les bonnes questions sur cette problématique, selon ses enjeux.
Les trois idées principales à retenir sont :
1- L’atlas relationnel est une bibliothèque vivante d’expériences, qui permet aux acteurs territoriaux de s’inspirer mutuellement pour agir.
2- Ses principes de construction se différencient des méthodes actuelles de représentation graphique. Bien qu’apparenté à la famille des « cartes mentales », il s’en distingue par l’abandon du principe d’une représentation en arborescence. Une « carte mentale » aide à classifier pour planifier les actions à mener et désigner un responsable de l’action ; l’atlas relationnel permet d’appréhender les relations entre les composantes du territoire et les angles d’approche par lesquels on aborde ces composantes.
3- Conformément à l’importance donnée à la relation, ce ne sont pas les récits d’expériences qui sont directement liés les uns aux autres, mais les termes retenus pour les décrire (appelés descripteurs). Visuellement, l’atlas relationnel se différencie ainsi des banques d’expériences habituelles en invitant à s’intéresser en premier lieu, non pas aux fiches descriptives des projets, mais aux termes qui les décrivent.
Trois idées principales à retenir de l’ambition de l’atlas relationnel : 1- être une banque de récits d’expériences plutôt que de description d’activités de projets 2- sortir du classement par arborescence et privilégier la relation 3- relier ce qui décrit la relation entre les expériences plutôt que les expériences elles-mêmes Afin de visualiser la complexité pour mieux la comprendre et la gérer. L’atlas stimule le dialogue entre les acteurs quant à la problématique qui se pose à eux sur leur territoire, afin de les aider à définir leur stratégie d’action. C’est un outil qui encourage leur autonomie et leur responsabilisation dans la construction de leurs propres réponses, en fonction de leur contexte et sans préjuger de ce que sera leur « solution ». L’atlas leur donne accès à une pluralité d’expériences et d’analyses sur des problématiques plus ou moins proches, répertoriées dans le fonds documentaire. |
Les principes régissant la construction de l’atlas
Une matrice croisant les composantes d’un territoire et les angles d’approche de la gouvernance pour lire l’écosystème territorial
Fruit de plus d’une trentaine d’années de réflexion [1], l’atlas repose sur une « lecture systémique du territoire selon l’angle d’approche de la gouvernance ». Il vise à appréhender la complexité d’un territoire à travers la connaissance de ses composantes (acteurs, institutions, caractéristiques physiques, données sociales, profil économique…) et la description des relations entre ces composantes, sous l’angle de la gouvernance.
De quelles relations parlons-nous ? Le territoire est un réseau d’acteurs qui agissent et interagissent. Cependant, chaque acteur n’a qu’une perception partielle, tronquée du territoire et de la problématique qui est la sienne. Il ne perçoit qu’une partie des relations qui font le territoire, ce qui freine la mise en action. L’atlas propose de s’intéresser à la description des relations plutôt qu’aux objets reliés : qu’est-ce qui relie ces deux idées ? Ces deux politiques ? Ces deux acteurs ?
Pour cela, l’atlas abandonne l’arborescence pour le treillis [2] : chaque élément est relié, a minima, à deux autres éléments.
Nous appelons ces éléments des « descripteurs ». Ces descripteurs indexent des documents (fiches d’études de cas, de propositions et d’analyses). Par le descripteur, est qualifié « ce dont parle le document », davantage que la thématique générale.
A titre d’illustration, deux expériences dont le thème générique est « énergie » pourront être décrites l’une par ‘Promotion d’alternatives économiques’ car elle parle de la mise en place de coopératives et l’autre par ‘Politiques énergétiques territoriales et transition’ car elle parle de mise en place de système de production locale d’énergie renouvelable. |
Comme pour un atlas géographique, plus les utilisateurs « zooment » sur une problématique du territoire, plus ils entrent dans le détail, et donc plus les descripteurs pourront être longs et précis.
La caractérisation de la relation par la description de plus en plus fine de ces éléments permet de définir des ensembles de lecture d’une problématique (tous les éléments reliés par cette relation). L’atlas est donc un outil d’aide à la compréhension de l’écosystème territorial.
Le système matriciel
L’atlas vise à répondre aux limites des thesaurus documentaires qui ne permettent pas de traiter la transversalité. Dans sa construction, l’atlas n’adopte pas une approche en arborescence mais en treillis, en triant dans les combinaisons possibles, celles qui sont pertinentes pour l’action (= quels sont les bons repères ?).
Il est fondé sur le croisement de deux questions fondatrices de CITEGO :
- De quoi est constitué un territoire ?
- De quoi est faite la gouvernance, c’est-à-dire comment fonctionnent et sont gérées les relations au sein d’un territoire ?
Pour construire la matrice, ont donc été déterminées les dimensions fondamentales à partir desquelles on crée les relations. Ces dimensions sont les grandes catégories rendant compte de ce qu’est un territoire (= ses composantes) et une gouvernance (= les angles d’approche).
Composantes (une couleur par composante)
- Société et territoire : Un territoire est l’espace concret de vie d’une société. Cette catégorie s’intéresse donc aux groupes sociaux, démographiques, etc.
- Economie et territoire : Un territoire organise des facteurs de production et se caractérise par des structures économiques et commerciales, des marchés fonciers, des bassins d’emploi...
- Ecosystèmes territoriaux : Les sociétés et les économies s’inscrivent dans leur environnement naturel (air, eau, sols, climat, biodiversité...)
- Equipements et réseaux : Un territoire n’est pas qu’une surface mais un ensemble physique de bureaux, logements, usines, équipements collectifs...
- Capital culturel et immatériel des territoires : Un territoire a une histoire et une culture spécifiques qui sont le fruits d’héritages inscrits dans l’espace mais aussi dans le temps (mode de coopération, représentations, organisation des groupes sociaux...)
- Organisation de l’espace : Un territoire est la dimension spatiale d’une société qui l’organise en quartiers, espaces publics, friches… et qui fait l’objet d’un aménagement, d’une planification...
- Flux : Un territoire est toujours dynamique puisque le lieu de relations matérielles et immatérielles (flux de personnes, de matières brutes, de travail, d’informations, d’argent...)
- Institutions : Un territoire est un espace politique, siège d’institutions publiques et privées dont le dessin, les compétences, les rôles attribués seront déterminants sur son organisation.
- Relations entre le territoire et le monde : Un territoire est en relation permanente avec d’autres territoires proches ou lointains, à des échelles supérieures ou inférieures (organisation des flux, usage généralisé d’une même monnaie sur des territoires nationaux différents...)
Angles d’approche (un symbole par angle d’approche)
- Éléments constitutifs : description globale d’un territoire depuis la description de la société à sa composition sociale.
- Types de territoires : permet de caractériser la multitude de territoires et d’en décrire la diversité (villages, métropoles, territoires à dominante rurale, ville touristique, ville industrielle...)
- Dynamique des territoires : cette catégorie s’intéresse aux mouvements des territoires en termes culturels, démographiques, économiques, écologiques… sous l’influence de facteurs comme les modes de vie ou les mutations des systèmes techniques.
- Acteurs du territoire : individus et groupes sociaux qui sont à la fois protagonistes de la gouvernance et bénéficiaires des politiques publiques
- Domaines de la gouvernance : ils regroupent les politiques menées et leur gestion (politiques sociales, sanitaires, économiques...)
- Moyens de la gouvernance : c’est la palette des moyens dont disposent les collectivités territoriales (fiscalité, réglementations, normes, planification...)
- Principes de gouvernance : ils sont au nombre de 5 - la légitimité de l’exercice du pouvoir ; la démocratie et de la citoyenneté ; la pertinence des régimes de gouvernance ; le partenariat entre acteurs et la capacité à gérer les relations ; l’articulation des niveaux de gouvernance.
L’atlas, un outil du cycle de médiation
L’atlas relationnel est un outil du cycle de médiation « de la pratique vers la pratique » de CITEGO. C’est un outil de :
- Navigation entre les ressources documentaires du site :
Pour s’informer, trouver de l’information complémentaire, élargir les thématiques recherchées...
- Pédagogie sur une thématique donnée : Pour visualiser/se représenter la complexité, lier, se nourrir de l’expérience des autres
- Méthodologie pour accompagner les acteurs territoriaux : Pour créer avec un partenaire une carte locale d’une problématique sur un territoire, faciliter la lecture du territoire et donc de l’action