Faire du durable dans des zones à risques, Bogotá, Altos de la Estancia

Jane Guerrero, Duvan López, janvier 2014

Monde pluriel

Cette fiche décrit l’installation d’un quartier informel dans la périphérie de Bogotá dans une zone à risques (glissement de terrain) et la manière dont les habitants ont réussi à « légaliser » ce quartier en imposant à la municipalité la réduction des risques par des travaux et un suivi réguliers, et la formalisation des services publics et du droit du sol.

La destitution possible du maire de Bogotá, pour des erreurs qu’il aurait commises dans sa gestion du ramassage d’ordures, ne doit pas faire oublier les questions plus générales que se posent la ville. A Bogotá (7,6 millions d’habitants et 1800 km²), les quartiers informels occupent souvent les collines qui cernent l’agglomération planifiée. Habitat précaire, exclusion sociale, vacance des institutions et forte dynamique des sols : ils sont exposés à de graves risques naturels, glissements de terrains en particulier. Au moins 13 000 familles (nombreuses le plus souvent) vivent sur les zones les plus instables.

Altos de la Estancia est l’un des plus grands quartiers de ce type en Amérique latine. En 1993, 80% était inhabité. C’était une réserve naturelle, sujette à une exploitation informelle de carrières, de sorte que la structure rocheuse a été ébranlée. La colonisation par des familles pauvres s’est faite sous l’influence de groupes insurrectionnels et de politiciens opportunistes.

Progressivement, par autogestion, les services collectifs de base ont été implantés, et l’existence du quartier a été reconnue. Cette légalisation a permis une amélioration des conditions de vie, mais aucun changement notable dans l’organisation de l’espace. Au contraire, la rapidité et la densité du peuplement ont augmenté.

La création de réseaux d’eau potable et usée, ainsi que de corridors routiers, s’est achevée en 1997. Restait à traiter les sols: plus de 3000 familles vivaient dans l’imminence d’un désastre. De 1997 à 2001, un fonds municipal (FOPAE) a tenté de reloger les plus menacés. Mais ces déplacements ont causé des drames sociaux, du fait de l’inévitable destruction du lien social qui les accompagne, tandis que les terrains ainsi évacués étaient aussi reconquis par de nouvelles populations. En même temps les incertitudes sur le statut des sols décourageaient tout investisseur public ou privé.

En 2006, une initiative citoyenne obtint une décision de justice, qui imposait le retour à une gouvernance de droit dans le quartier. On délimita les zones de glissement de terrain, au moins pour garantir la sécurité de la périphérie immédiate. Le fonds municipal se vit obligé à une gestion permanente des problèmes techniques, sans que diminuent la méfiance de la population, ni les conflits sociaux et la puissance croissante des acteurs illégaux, trafiquants de drogue, racketteurs, et « vendeurs » de terrains.

A partir de 2012, le Plan " Bogotá Humana » de l’actuelle municipalité a remplacé le déplacement/ relogement par une « reterritorialisation », associant reconnaissance de l’informel et institution d’une gouvernance permanente. Par étapes successives, avec beaucoup d’épisodes dramatiques, les interventions techniques sur le quartier ont donc été complétées par une politique d’empowerment des communautés, reliant réduction des risques, services publics et droit du sol.

Références

Pour accéder à la version PDF du numéro de la revue Tous Urbains, n°5

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