Les prémices du budget participatif en région wallonne
Retour sur l’expérience de Porto Alegre
Pascale Thys, septembre 2001
Pour faire écho à l’expérience du budget participatif de Porto Alegre, cette fiche propose une comparaison avec ce qui existe en Belgique en termes d’information et de participation des habitants en matière financière.
La co-gestion d’une ville par les habitants et le pouvoir municipal, grâce au processus du Budget Participatif.
La société civile peut participer aux décisions prises par le pouvoir qu’elle a élu. Ce processus de cogestion est le fruit d’une combinaison de la démocratie directe, effectuée par la population dans le budget participatif et de la démocratie représentative qui se concrétise par le vote de la population pour des élus qui gèrent la ville.
Le budget participatif est un espace de formation et d’élaboration d’une éducation civique, un espace collectif où les individus s’approprient du savoir jusqu’à présent réservé, où ils n’attendent plus passivement que les gouvernants décident.
Le budget participatif s’appuie sur deux principes fondamentaux :
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la participation universelle et directe. Tout habitant, quelque soit son origine, son statut, …, à le droit de débattre, de donner son avis ;
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la totalité du budget public (fonctionnement, investissements, recettes,…) est soumise à discussion.
Exemples en région wallonne - Belgique
Le budget participatif n’est pas encore en œuvre en Région wallonne, mais il existe quelques initiatives intéressantes en matière d’information et de participation des habitants en matières financières :
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Certaines communes, comme Estinnes, par exemple, n’hésitent pas à présenter leurs comptes aux habitants, notamment via les journaux communaux.
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A Charleroi, il existe des fonds destinés à financer des initiatives issues d’habitants – dans le cadre du Quartier d’Initiative Marchienne/Docherie - et de bénéficiaires d’associations – dans le cadre du Relais Social. Grâce à ces fonds, par exemple, des habitants de la rue ont offert une fête aux passants « pour les remercier et leur rendre la monnaie de leur pièce » sur un pont où ils ont l’habitude de « faire la manche ». Un comité d’organisation, composé notamment d’habitants de la rue, a été créé et la ville a encouragé et soutenu l’action.
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Pour expliquer le timing et les montants en jeu dans le processus de rénovation urbaine, la chef de projet du Quartier d’Initiatives de Mont-à-Leux à Mouscron a réalisé un matériel d’information, destiné aux habitants, sous forme de ligne du temps.
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Au niveau fédéral, le Ministre du budget a lancé un site explicatif sur le budget fédéral.
Quelques élus de toutes tendances démocratiques et de nombreuses associations sont intéressés par l’expérience brésilienne. Lors des dernières élections communales d’octobre 2000, de nombreuses listes politiques (Ecolo, PSC, …) ont mis le budget participatif dans leur programme.
Dans une carte blanche du Soir, le président du Parti Socialiste a encensé les méthodes du budget participatif. Face à un triple défi (les poches de précarité, la faible confiance dans les institutions et le désir d’un progrès partagé), le président du Parti Socialiste est convaincu qu’en « adaptant » à nos réalités les expériences et les méthodes du budget participatif de Porto Alegre, cela contribuerait à dessiner un visage plus humain à la société et que les institutions regagneraient une partie de la confiance des citoyens.
En janvier 2000, quelques associations membres du réseau international Démocratiser Radicalement la Démocratie et des particuliers ont accueilli deux représentants de Porto Alegre afin, entre autres, de médiatiser l’expérience du Budget Participatif en Région wallonne et à Bruxelles. Les deux brésiliens ont, notamment, été reçus en audition par les membres de la commission des finances et des pouvoirs locaux du Conseil de la Région wallonne et ont participé à des conférences débats confrontant des élus de tous les partis démocratiques, des représentants du secteur associatif et de « simples » citoyens.
Éléments d’analyse pour la région wallonne
Le budget communal est la traduction financière du programme politique de la majorité communale. Il est élaboré dans l’intérêt communal et non pas dans l’intérêt de l’autorité communale. Bien qu’il n’existe pas de définition de ce qu’est l’intérêt communal, on peut avancer que l’intérêt communal est un intérêt qui est de nature à satisfaire les besoins de la collectivité locale.
Comment pouvoir déterminer ces besoins et y apporter une réponse satisfaisante sans en informer, ni consulter, ni permettre aux principaux intéressés, à savoir les habitants, de participer à la définition des besoins et des réponses ?
La situation en matière de participation des habitants au budget communal peut être résumée en une phrase : « Sur un scénario écrit par l’État, dans un décor élaboré par les élus locaux, les multiples acteurs des finances locales jouent une pièce riche et constamment renouvelée. Seuls manquent les citoyens, qui demeurent spectateurs ».
Excepté le fait que le budget soit voté en séance publique et qu’il peut être consulté à la maison communale, rien n’est prévu légalement en Région wallonne pour permettre aux habitants de participer à son élaboration d’une façon ou d’une autre. La Nouvelle Loi Communale interdit d’organiser une consultation populaire sur le sujet.
Une proposition de loi fait état seulement de « réunions publiques d’information sur le budget au cours desquelles le public pourra poser des questions. »
Pour passer à la pratique on pourrait, en Région wallonne, développer notre propre méthode adaptée à notre contexte et à nos spécificités, tout en gardant quelques éléments de Porto Alegre. Ce serait une démarche originale car il s’agirait d’un transfert de technologie du Sud vers le Nord. Pourquoi ne pas initier des expériences pilotes dans quelques communes intéressées, comme à Mons, par exemple ?
Nos voisins français ont initié quelques expériences de ce type. Notamment à Morsang-sur-Orge où les habitants gèrent une partie du budget d’investissement de la ville. 20% du budget d’investissement est laissé à disposition des projets des comités de quartier. Tous les domaines (embellissement de la ville, aménagement de voirie, …) sont concernés par les budgets de quartier, mais ils ne peuvent être que de l’investissement et ne doivent pas entraîner de dépenses de fonctionnement (comme la création d’un emploi). On s’est aperçu que 80% des décisions prises par les habitants sont celles qui auraient été prises par les élus eux-mêmes et que les habitants se montrent plus soucieux d’éviter les dégradations des équipements s’ils ont participé à la décision de leur réalisation.
Pour ce faire, on peut se baser :
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Sur le travail et l’expérience de l’associatif ;
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au niveau de la Région : l’administration des Pouvoirs Locaux et le Cabinet du Ministre des Affaires intérieures et de la fonction publique, travaillent sur un « code de la démocratie et de la décentralisation locales». Le même Cabinet soutient une formation des mandataires locaux dont un des modules vise à donner des moyens analytiques, techniques permettant de gérer, favoriser ou limiter les différentes situations participatives liées à la fonction de mandataire ;
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au niveau européen : la Charte européenne des libertés communales, qui date de 1955, fait état dans ses Principes que : « les communes constituent le fondement même de l’État. Chaque citoyen conscient de ses obligations comme membre de la communauté, doit pouvoir contribuer au développement de celle-ci et participer activement à la vie locale. Il revient à la commune de lui en apporter les moyens » ;
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la Charte européenne de l’autonomie locale, de 1985, considère dans son Préambule « que le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques fait partie des principes démocratiques communs à tous les États membres du Conseil de l’Europe » ;
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le programme Urb-Al, qui a comme objectif général l’amélioration des conditions socio-économiques et de la qualité de vie des populations, ainsi que le développement équitable des centres urbains, a initié un réseau sur le budget participatif qui, entre autres, finance des projets.
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Et au niveau financement, entre autres : la Fondation pour les Générations Futures (FGF), qui a pour objet de faire émerger, soutenir et rendre visibles des exemples concrets, innovants et alternatifs qui s’inscrivent dans une optique de développement soutenable ;
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La Fondation Roi Baudouin, notamment via le Fonds Belgacom, qui soutient des projets qui promeuvent le dialogue entre citoyens et autorités locales.
Références
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A citizens budget. novembre 2000. Community Pride Initiative/Oxfam
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Genro T., de Souza U. 1998. Quand les habitants gèrent vraiment leur ville, éd.Charles Léopold Mayer, France
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Mairie de Porto Alegre. 1998. Le budget participatif. Porto Alegre, document de travail.
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Picheral J.B. 2001. « Le budget participatif de Porto Alegre. Un processus démocratique, précis et évolutif », In Territoires, n° 416.
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Toulotte M. 2001. « Quel bilan pour Porto Alegre. Instituer une démocratie en continu », In Territoires, n° 416.
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Réseau Capacitation Citoyenne. 2000. Pas de formation citoyenne sans action sur le réel, le budget participatif de Porto Alegre.
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« Démocratie participative et budget participatif à Rio Grande Do Sul. La globalisation néolibérale s’arrête-t-elle à Porto Alegre ?". 2000. In Socialisme Sans Frontière, année 2, trim.3, Bruxelles
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Caprioli N. 2000. « A Porto Alegre les habitants réinventent la ville », In Demain le monde, n°42-43, mars-avril, Bruxelles, pp.24-25
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Mairie de Porto Alegre. 2001. Rompons nos limites. Une première évaluation des points d’étranglement que nous vivons dans le déroulement du Budget Participatif de Porto Alegre, 18 avril.
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Journal Démocratie active (France)
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Percq P. 1994. Les habitants aménageurs, éd.de l’aube, France
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« Les habitants dans la décision locale ». 1999. In Territoires, septembre-octobre, France
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Guidelines for transferring effective practices. novembre 1998. CityNet/UNDP/UNCHS, Thailand
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« Décortiquer les finances communales ». 1999. In Territoires, n°402-403, décembre, France
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« Enveloppes de quartier, budgets participatifs… pour une démocratie sonnante et trébuchante ». 2001. In Territoires, n°416, mars, France
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Lorthiois J. 1996. Le diagnostic des ressources locales, ASDIC éd.W, France
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Charte européenne des libertés communales. 1955. Conseil des communes de l’Europe
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Charte européenne de l’autonomie locale. 15 octobre 1985. Conseil de l’Europe, Ratifiée par la Région wallonne en 2001.
En savoir plus
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CNCD – Stéphane Compère – Quai du Commerce, 9 – 1000 Bruxelles – Tél. : 022501230 – Fax : 022501263
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Groupe sur la participation : Patrick Bodart – rue de Hollande, 45 – 1060 Bruxelles – Tél/Fax : 025440793
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Le centre de documentation d’Habitat et Participation possède de nombreux ouvrages, textes, fichiers d’expériences et autres sur la question
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Collectivité de Porto Alegre, Coordenação de Relações com a Comunidade (CRC), Av. Presidente João – Goulart, 501 – 1°andar – 90010-110 Porto Alegre - Tél. : 00.55.51.32248272 – Fax : 00.55.51.32248272