Inde : Un petit pas vers la modestie énergétique et la « prosommation »
Brahmanand MOHANTY, 2012
La rapide croissance démographique que connaissent les pays en développement a souvent été ciblée comme l’une des principales causes de la demande grandissante en biens de consommation et en services, avec les pollutions qu’elle induit. Il nous faut cependant remarquer que les populations défavorisées n’ont pas les moyens de se fournir en ressources, tandis que les plus riches peuvent les utiliser comme autant de marqueurs d’abondance1.
En Inde, comme dans nombre d’autres pays en développement, les riches ont tendance à se cacher derrière les pauvres. Un exemple : alors que dans de nombreux pays en développement la consommation moyenne par habitant et par jour peut être de moins de 2kWh (kiloWatt–heure), on constate un large fossé entre ce que riches et pauvres consomment. Notons que selon les statistiques officielles, plus de 400 millions d’indiens n’ont pas accès au réseau électrique. Et, dans le même temps, un tiers de la population du pays vit en ville et représente à elle seule 87 % de la consommation nationale en électricité.Au sein de la société indienne, ceux qui en ont les moyens peuvent faire le premier pas et montrer l’exemple, par l’adoption d’un mode de vie reflétant la modestie énergétique et promouvant la « prosommation2 » énergétique. La prosommation est un concept valorisant le fait que chaque consommateur puisse faire un effort de produire ce qu’il consomme. L’indice de prosommation peut être utilisé pour mesurer ce qui est produit en fonction des ressources consommées. Afin d’étayer son propos, l’auteur a pris l’initiative de réduire considérablement la demande en énergie de son logement, pour installer ensuite un système de panneaux photovoltaïques connecté au réseau électrique ; atteignant ainsi un mode de consommation proche du zéro–carbone dans un environnement urbain. Les étapes effectuées à cette fin sont décrites ci–dessous.
Un exemple concret de haut « indice de prosommation » d’électricité atteint
La famille de l’auteur vit dans une ville côtière du sud de l’Inde, région connue pour son climat chaud et humide durant la majeure partie de l’année. Lors de la conception de la maison, on a pris soin de l’orienter correctement, de l’équiper de protections solaires adéquates, et de tirer meilleur profit possible de la lumière et de la ventilation naturelles. En conséquence, le besoin en lumière artificielle est presque nul durant le jour, et des ventilateurs suffisent à générer un environnement intérieur tout à fait confortable. L’air conditionné n’est nécessaire que dans certaines zones spécifiques de la maison, et lors de périodes de l’année particulièrement chaudes et humides, soit durant quelques mois. Des ampoules fluocompactes et des diodes électroluminescentes fournissent la lumière artificielle voulue, consommant 5 à 10 fois moins d’électricité et ayant une durée de vie de plusieurs fois supérieure aux lampes halogènes ou incandescentes traditionnelles. Les ventilateurs utilisés dans les pièces pour la circulation de l’air et la ventilation sont des plus efficaces, consommant au minimum 35 % de moins que les produits standards disponibles sur le marché indien. Le même choix s’applique pour d’autres appareils ménagers électriques tels que réfrigérateur, machine à laver, climatiseur, pompe à eau et télévision. Soulignons que ceci fut possible grâce aux récentes initiatives du gouvernement indien visant à introduire un système de notation des performances énergétiques des appareils gourmands en énergie vendus dans le pays. Toutes ces actions ont permis de réduire la demande énergétique de cette maison d’au moins 40–50 %.
Une fois la demande en électricité contrôlée, la décision fut prise d’opter pour un système de panneaux photovoltaïques de 3kW (kilowatt) reliés au réseau électrique, d’une capacité quotidienne moyenne de 14–15 kWh tout au long de l’année. Un tel choix n’aurait été concevable en Inde quelques années plut tôt, avant que la Loi sur l’Électricité (Electricity Act) rende possible l’apport d’énergie renouvelable dans le réseau. En retour, s’il advient que l’électricité solaire n’est pas disponible ou suffisante, la maison dépend de la fourniture en électricité du réseau. Étant donné que la demande en électricité des appareils ménagers du foyer est plutôt réduite, la famille utilise également les éventuels surplus en énergie solaire dans la journée pour recharger un véhicule et un scooter électriques. Plus récemment, on choisit d’utiliser un four micro–ondes pour cuisiner autant que possible à l’électricité, réduisant ainsi la dépendance au gaz de pétrole liquéfié (GPL).
Un avantage supplémentaire lié aux installations solaires sur les toits réside dans leur capacité de protéger des fortes radiations solaires durant le jour, évitant ainsi le besoin d’isoler le toit et réduisant considérablement le besoin de refroidissement.C’est là un petit mais remarquable pas en avant pour la famille de l’auteur, qui se dirige vers une énergie durable, et ce sans crainte envers le manque énergétique ou la hausse du prix de l’énergie. Si un nombre suffisant de familles indiennes citadines décidait de suivre cette voie, en réduisant tout d’abord leur demande en énergie à travers l’adoption de technologies économes, puis en investissant dans des installations à énergie solaire sur les toits, l’Inde serait alors en mesure de dépasser son éternel fossé demande–offre en énergie de façon définitive.
1 Cf. dans ce numéro : La stratégie de lutte contre l’épuisement des ressources et le changement climatique dans les pays en développement d’Asie de Brahmanand Mohanty, p.51.
2 Néologisme issu de la contraction de production + consommation, « prosumption » en anglais, ndt.
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