Inde : La mise en œuvre de l’efficacité énergétique ne peut plus attendre
Daljit SINGH et Girish SANT, 2011
Face aux inquiétudes grandissantes quant à la sécurité énergétique et au changement climatique en Inde, les décideurs politiques indiens commencent à se rendre compte de la nécessité d’une amélioration de l’efficacité énergétique (EE) de l’économie. Des efforts significatifs dans ce sens voient ainsi le jour à travers le pays. Pour autant, les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’EE ont été lents au regard de son potentiel et de ses avantages. A l’échelon national comme international, les politiques d’EE ont entrepris des transformations de taille visant à favoriser cette mise en œuvre rapide.
Comparé à d’autres alternatives d’énergie verte, politiques et financeurs n’accordent que peu d’attention à l’EE, et ce malgré son intérêt. Pire, alors que nombre de démarches et de projets sont testés en Inde, la plupart ont été conçus dans des pays développés et ne correspondent pas aux défis propres au contexte politique et aux possibilités de mises en œuvre en Inde. Le contexte indien implique davantage de difficultés, en raison des limites en termes de ressources humaines et financières, mais aussi de capacités institutionnelles. De plus, il n’existe aucun document exposant l’importance relative et l’aspect prioritaire des différentes approches et projets, ni des sous–secteurs dans lesquels ils sont testés. Dans ces conditions, il est primordial de réorganiser nos efforts afin de tirer le meilleur profit possible de nos ressources limitées. Ces efforts devraient suivre trois principes:
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viser les domaines dans lesquels nous obtiendrons une réduction maximale de l’utilisation d’énergie (« en avoir pour son argent ») ;
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nos programmes et politiques d’EE doivent être conçus pour une mise en œuvre nettement plus conséquente ;
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nos projets d’EE doivent se concevoir de manière créative afin de relever les défis posés par l’environnement en Inde.
La mise en œuvre rapide de l’efficacité énergétique ne peut plus attendre
En dépit du fait que l’on reconnaisse l’intérêt de l’EE et de son moindre coût comparé à d’autres alternatives vertes et à l’énergie renouvelable (ER), les avancées de l’EE ont été jusqu’à présent timides. La plupart des alternatives d’EE sont beaucoup moins chères que les alternatives ER, même si certaines sont plus onéreuses que d’autres modes de production d’énergie à faible coût, comme le charbon. Ce qui entrave ce potentiel de l’EE bon marché est plutôt à chercher dans les arènes politiques et institutionnelles. Par exemple, l’EE reçoit peu de fonds et peu d’attention politique. L’agence nationale nommée Bureau de l’Efficacité Énergétique (BEE) ne compte qu’une cinquantaine d’employés, et un budget annuel d’environ 51,4 millions d’euros1 (350 millions Crore Rs2), sans commune mesure avec la tâche qui lui est confiée.
L’amélioration de l’EE doit, en réalité, être vue comme un impératif. Voici quelques raisons pour lesquelles il s’agit d’un besoin urgent :
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Environ 70 % des infrastructures qui existeront en 2030, comme les immeubles, seront construites durant les deux prochaines décennies, soit de 2010 à 2030. Si tout ceci est construit de manière inefficace, nous resterons prisonniers de cette inefficacité. Les problèmes liés aux appareils et équipements sont les mêmes ; toutefois, étant donné leur croissance plus rapide et leur durée de vie plus courte par rapport aux infrastructures, le délai pour des possibles actions, suivies d’impacts, est aussi plus court. Avec une énergie rare et coûteuse en 2030, une telle inefficacité constituerait un handicap majeur pour le pays.
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Les estimations de la demande en énergie en 2030 prévoient une multiplication des besoins par quatre. Ainsi, répondre à ces estimations pour l’électricité exigerait l’apport de 40.000 MW/an (MégaWatt) supplémentaires en 2030. C’est bien davantage que la capacité d’augmentation actuelle, à savoir environ 12.000 MW/an. Ce type de prévisions ou de programmation sont toutefois d’une précision surréaliste. Elles semblent ignorer la difficulté à augmenter considérablement l’offre en énergie. L’installation de centrales électriques est déjà très difficile, et cela ne semble pouvoir qu’empirer. Puisque les meilleurs emplacements se raréfient, les préoccupations concernant les impacts environnementaux, les déplacements, et la disponibilité en terre et en eau vont s’intensifier.
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Selon les estimations actuelles en consommation d’énergie, l’Inde a quasiment atteint ses limites en ressources. Même pour le charbon, notre ressource en énergie la plus abondante, la dépendance à l’égard des importations devrait passer à 30–50 %. Non seulement l’augmentation des importations indiennes et chinoises risque de faire grimper les prix mondiaux du charbon, mais elle peut aussi mener à l’absence de charbon supplémentaire disponible. L’interdiction récente des exportations de charbon par l’Indonésie est peut être le signe avant–coureur d’un tel scénario.
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Selon les estimations actuelles en demande énergétique, les émissions de Gaz à effet de serre (GES) de l’Inde devraient augmenter considérablement. Même si l’Inde se situe bien en deçà de la moyenne mondiale d’émission de GES par habitant, une telle augmentation attisera les inquiétudes liées au changement climatique3.
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Le potentiel d’EE envisageable pour la prochaine décennie dépasse celui qui résulterait de l’addition des capacités de production d’énergie par les centrales hydroélectriques, nucléaires et de gaz. Dans ces conditions, il est inquiétant qu’en raison du manque de réactions politiques, on puisse rester piégés dans des infrastructures énergivores, et passer à côté d’une telle opportunité de répondre à nos besoins en énergie, à grande échelle et à moindre coût.
En réalité, certains prétendent qu’à moins que l’EE soit menée de façon agressive, il sera tout simplement impossible d’assouvir les besoins en énergie de notre économie en croissance. De là, l’EE doit être envisagée avec la même importance que les centrales électriques si l’on cherche à éviter les pénuries en énergie, à favoriser la croissance et à maintenir notre niveau de compétitivité. L’EE mérite de se voir accorder la même importance que celle prêtée à l’augmentation des capacités de production d’électricité.
Conclusions et perspectives
Si l’on veut répondre aux besoins en électricité d’une Inde en croissance rapide, il faut que l’EE occupe une place centrale dans la planification en électricité, et qu’elle soit considérée comme tout aussi indispensable que l’augmentation de la capacité de production d’électricité elle–même. Appliquer cette vision demandera de se focaliser sur des domaines clés, et de concevoir des programmes qui puissent favoriser l’extension rapide de cette mise en œuvre. De même, de tels programmes se devront d’être conçus de manière créative, afin de faire face aux défis que représente l’environnement d’EE indien : limites en ressources humaines, en ressources financières et en capacité institutionnelle.
1 Jusqu’à l’an passé, le budget du BEE n’atteignait qu’environ le tiers de cette somme.
2 Crore correspond à 10 millions de roupies indiennes (INR).1 EUR = 68.0644 INR (NDLR)
3 Même si selon ces estimations les émissions de GES par habitant de l’Inde en 2030 resteraient basses, les émissions de l’Inde constitueront une part considérable de la production mondiale de charbon restante, étant donné la surreprésentation historique du secteur du charbon par les pays industrialisés.
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