Solidarité et / ou concurrence entre communes d’une même agglomération

Synthèse des échanges de la session 2005, Toulouse

Claire Lanly, 2005

À Toulouse en juin 2005, la réunion de la plateforme a abordé au travers de quatre séquences la problématique générale de la gouvernance politique des agglomérations et des territoires métropolitains qui s’étendent au-delà de leurs frontières.

La première séquence a été centrée sur la question de la solidarité et/ou de la concurrence interne entre communes d’une même intercommunalité. Celle-ci est illustrée par l’exemple de la mise en œuvre rapide du projet d’aménagement AéroConstellation pour accueillir le site de fabrication et montage du nouvel avion Airbus, reconnu comme stratégique par tous les acteurs, et localisé dans la partie organisée du territoire métropolitain au sein de la Communauté d’agglomération du grand Toulouse. A travers cet exemple est aussi abordée la difficile question de la répartition des responsabilités politiques, mais aussi des recettes et coûts induits par les zones d’habitat créées en parallèle au projet industriel, dans le système institutionnel et financier intercommunal créé par la loi Chevènement (1999) en France.

La deuxième séquence fut consacrée aux exercices de planification, en France et au Québec, sur des territoires dépassant les agglomérations, que l’on pourrait qualifier de bassins de vie. Ainsi furent présentées la démarche « interSCoT » de la métropole toulousaine, en dialogue plus ou moins constructif avec les institutions intercommunales existantes ou naissantes, celle du Schéma de cohérence territoriale (SCoT) du grand Besançon suscité par l’arrivée du TGV à l’écart de l’agglomération centrale, ou encore celle de la Communauté métropolitaine de Montréal, à partir des questions et avancées sur le fonctionnement du réseau de transport collectif métropolitain.

La troisième séquence s’est focalisée sur la capacité à développer une coopération en termes de solidarité vis-à-vis des populations en difficulté ou simplement modestes au travers de la répartition du logement aidé (locatif ou en accession), en analysant les phénomènes à différentes échelles géographiques – ville-centre, agglomération et bassins de vie – à partir des exemples de Toulouse et de Rennes.

La quatrième séquence s’est intéressée aux pratiques d’association de la société civile aux réflexions et projets d’agglomération en France, pratiques développées un temps dans le cadre de « conseils de développement » à la suite de la loi Voynet (1999 également), ainsi qu’en région wallonne sous diverses formes, panels citoyens, conseils consultatifs communaux ou Commissions consultatives d’aménagement du territoire (CCAT) au niveau communal1. Elle s’est également attardée sur l’utilisation du référendum d’initiative populaire dans le contexte particulier créé par le canton de Fribourg, en Suisse, qui a promu par voie législative la collaboration entre territoires.

Solidarité et compétition au sein des institutions d’agglomération

Les exposés de la première séquence ont souligné comment le projet AéroConstellation, projet de site industriel pour monter l’Airbus A380, a fédéré autour de lui l’ensemble des partenaires publics dans une coopération multi-niveaux (État, région, département, communauté d’agglomération du Grand Toulouse – CAGT) par les retombées économiques et fiscales attendues. Il a nécessité un accompagnement en termes de création de zones résidentielles et tertiaires à proximité. La CAGT s’est engagée dans des investissements importants, qui sont rapidement amortis, vu le flux de Taxe professionnelle (TP) apporté par le projet industriel. En un sens, on peut dire que le projet a « créé » la CAGT.

La fiscalité locale en France est largement fondée sur la TP; depuis la réforme de l’intercommunalité de 1999, dite loi Chevènement, elle est perçue au niveau de la Communauté d’agglomération par le dispositif dit de la Taxe professionnelle unique (TPU); ce dispositif est le fruit d’une longue maturation depuis les années 70, où l’on avait mis en évidence les stratégies des communes en matière de TP pour attirer sur leur territoire les investissements industriels au détriment de dynamiques de solidarité financière nécessaires pour financer les équipements d’agglomération. Cet aboutissement arrive paradoxalement au moment où cette TP, fortement décriée pour ses effets pervers au niveau macroéconomique, disparaît pour être progressivement remplacée par un impôt fondé sur les bases foncières de l’entreprise et sa valeur ajoutée. Le débat se déplace aujourd’hui sur la question de la redistribution aux communes d’une part de cet impôt local sur les entreprises pour couvrir leurs charges ; dans le cas présenté, il s’agit de celles créées par l’arrivée, dans les communes du Nord Ouest de l’agglomération toulousaine, de nouveaux habitants ayant des exigences en termes de services. Une loi de 2004 a d’ailleurs ouvert la possibilité de fonds de concours entre les communes membres et la communauté d’agglomération.

Ainsi Joseph Carles, Professeur à l’IEP de Toulouse mais aussi Président de la SEM Constellation, s’exprime-t-il à propos de la coopération intercommunale à la française : « dispositif bâtard entre l’élargissement institutionnel des communes par l’élection des conseillers au suffrage universel, qui consacrerait la disparition des communes, et une tentative de rationalisation du management des territoires au regard de la taille pertinente de ces derniers ». Il plaide pour que la coopération institutionnalisée soit accompagnée par la possibilité de démarches conventionnelles complémentaires facilitant la mise en œuvre de projets pluri-communaux mais infra-communautaires.

Planification à l’échelle métropolitaine

La séquence suivante a mis en évidence l’intérêt des démarches de planification en termes d’apprentissage de la coopération multi-niveaux, verticale et horizontale, faiblement ou non institutionnalisée en France, mais avec également les limites de ces exercices.

On trouve comme élément commun aux deux cas français présentés un projet important, exogène, apportant le ferment de développement nécessaire à la constitution d’une vision partagée entre institutions locales : le projet A380 déjà présenté pour la région de Toulouse qui a entrainé une dynamique de coopération verticale entre acteurs (État, Département, CAGT) et mais aussi fédéré les structures intercommunales existantes ; l’arrivée du TGV à l’extérieur de la Communauté d’agglomération du Grand Besançon incitant celle-ci, en accord avec l’État local à élargir le périmètre d’étude du SCoT et à débattre avec les collectivités périphériques.

Dans le cas de Montréal, en parallèle à la création d’une nouvelle institution, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), le retrait financier de la province du Québec dans le financement des transports collectifs métropolitains a pu également avoir un impact pour obliger à la solidarité du bassin de vie, au moins sur cette question de la prise en charge du déficit d’exploitation des transports (voir notes2 et3).

Toutefois, au-delà de l’impulsion initiale, les tensions se font rapidement jour en l’absence d’un leadership incontesté.

A Toulouse, l’initiative d’une démarche « interSCoT » entre des territoires de planification aux contours différents des diverses structures de coopération intercommunale4 de l’aire métropolitaine a été, un temps, portée fortement par le représentant de l’État ; celui-ci n’a pas su assurer la continuité au même niveau d’engagement et n’a pas trouvé de relais, voire s’est heurté à l’opposition de certaines institutions de niveau intermédiaire (Région, Département de Haute-Garonne) ou intercommunale (Communauté d’agglomération du Murétain qui rejette toute vision toulousaine centralisée, y compris la démarche d’études portée par l’agence d’urbanisme). Toutefois un schéma de recomposition en étoile, avec des orientations de développement attribuant des fonctions économiques métropolitaines à chacun des grands secteurs semble pouvoir faire consensus entre les acteurs de l’aire urbaine toulousaine. Des accords entre territoires de SCoT distincts sont donc possibles. Il n’a pas été envisagé de dépasser les contours administratifs du département, néanmoins.

Le territoire de planification du SCoT du Grand Besançon porte sur 118 communes, la Communauté d’agglomération (CAGB) abritant les deux tiers de la population et certaines autres communes étant regroupées dans cinq communautés de communes périphériques à la CAGB. Malgré une approche itérative depuis le Schéma directeur adopté en 2002, portant successivement sur les déplacements, l’habitat, il perdure (en 2005) une grande difficulté à porter des enjeux territoriaux communs qui sont néanmoins bien identifiés par les études : mise en cohérence du système de transport collectif (tram, TER, Bus) et de parcs de stationnement relais en lien avec la nouvelle gare TGV, maîtrise de l’étalement urbain, développement économique et coopération pour la promotion touristique du territoire, l’ensemble avec un système d’observation partagé des évolutions du territoire.

Du côté de Montréal, le périmètre de la CMM est un compromis entre la « région métropolitaine de recensement », correspondant au bassin de vie, avec des éléments d’opportunité politique. Il rassemble des communes fusionnées dans des agglomérations, des communes regroupées en Municipalités régionales de comté (MRC). Le Maire de Montréal est président de droit de la CMM qui dispose d’un conseil de 28 membres délégués par les municipalités.

L’exercice de planification qui relève des compétences communautaires en est, en 2005, à ses débuts et, sur le plan spatial, s’appuie essentiellement sur une loi provinciale de protection de l’espace agricole qui offre des incitations fiscales aux agriculteurs et met sous contrôle d’une commission d’ordre judiciaire les transformations éventuelles d’usage des terrains. Les concurrences entre communes (ou MRC) des zones périurbaines se jouent sur le développement de l’urbanisation, la fiscalité locale assise sur des bases foncières exacerbant la compétition. Les services affinent leurs analyses rétrospectives du développement, qui s’est focalisé sur les échangeurs autoroutiers où se sont implantés les centres commerciaux. Leurs analyses prospectives mettent en évidence des disponibilités foncières suffisantes pour l’activité à un horizon assez lointain. Toutefois ils relèvent l’insuffisance de la desserte de ces secteurs d’activité par les transports collectifs, ce qui est un défi à relever pour l’avenir.

Échelles territoriales, maillage politique et enjeux de solidarité sur le logement

Ce thème est illustré par deux exemples français de métropoles régionales en développement rapide.

On relève d’une part la difficulté de l’action de rattrapage de constructions de logements sociaux au sein de la Communauté d’agglomération du grand Toulouse (CAGT), partie centrale du territoire métropolitain. Le Programme local de l’habitat (PLH) adopté par la CAGT consacre ce principe de rattrapage mais sans s’en donner les moyens suffisants dans un contexte où les références foncières sont données par « le cadre travaillant dans l’aéronautique », et où il n’y a pas de tradition d’anticipation foncière. Les actions de financement du foncier destiné au logement social se font donc au coup par coup, par le fonds constitué des pénalités dues par les communes au titre du non respect du seuil de 20% de logements sociaux institué par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), adoptée en 2000). Néanmoins, il est prévu d’aller vers une politique plus systématique d’obligation de réaliser des logements sociaux en utilisant la contrainte dans les règlements des Plans locaux d’urbanisme (PLU). Dans le cadre de la CAGT, la ville de Toulouse, commune-centre de grande taille du fait de fusions anciennes, reste un cas singulier. Bien que soumise à l’obligation de développer des logements sociaux, elle concentre aussi les grands ensembles en particulier dans le grand quartier du Mirail. Elle consacre des financements importants à leur rénovation urbaine, sans apport financier de la CAGT, et donc sans bénéficier de la solidarité des communes périphériques. L’essentiel des dispositifs d’hébergement se trouve également sur son territoire. Néanmoins, les communes périphériques concourent partiellement à la reconstruction de l’offre démolie, tout comme le SICOVAL, dans le cadre d’un contrat signé avec l’État, tout en tentant d’atteindre le seuil de 20 % de logements sociaux.

Au-delà de ce noyau central de l’agglomération, qui n’épuise pas le sujet de la localisation du logement social au niveau métropolitain, comme le fait remarquer le représentant régional des opérateurs de logement social, la situation relève encore plus des égoïsmes communaux, même s’il existe des Programmes locaux de l’habitat (PLH) intercommunaux : dans ces territoires périphériques, le découplage des politiques du logement et du droit des sols est total, les PLU communaux n’imposant aucune obligation de réaliser des logements sociaux ; là où, malgré tout, se créent des logements sociaux, la tentation est grande de les attribuer en priorité aux ménages de catégorie sociale intermédiaire qui ne peuvent trouver à se loger dans le parc privé ou accéder à la propriété en raison du coût du foncier, ceci au détriment des populations plus défavorisées.

Dans l’agglomération de Rennes et au-delà, dans le système du Pays de Rennes, plus organisé que celui de la région toulousaine, on assiste également à des phénomènes de spécialisation spatiale, malgré une longue tradition de coopération et d’action foncière d’anticipation dans la ville centre, de grande taille après fusions de communes, et dans la zone centrale constituée très tôt en « district » : les familles et les jeunes ménages émigrent vers les périphéries lointaines, là où le foncier est abordable, ceci en raison d’une mobilité grandement facilitée par les infrastructures routières. A l’inverse, les populations les plus précaires stagnent dans le logement social, concentré en zone centrale, en particulier dans la ville centre, sans pouvoir envisager de mobilité vers l’accession à la propriété en zone centrale du fait des prix fonciers. De ce fait le logement social reste toujours quantitativement insuffisant, et concentré dans de grands ensembles avec les problèmes que cela génère, même avec un effort significatif de production nouvelle.

Dans ce contexte, l’agglomération de Rennes a adopté un PLH communautaire avec un objectif ambitieux de construction de logements aidés (locatifs sociaux et en accession à la propriété) en mobilisant d’importants moyens financiers communautaires pour y parvenir. Jean-Yves Chapuis, vice-président de la Communauté, plaide pour une fiscalité mixte : il faudrait pouvoir augmenter les ressources communautaires (qui reposent aujourd’hui sur la TPU) par une fiscalité additionnelle, notamment pour pouvoir mieux soutenir les communes de la zone centrale qui acceptent un développement bien coordonné avec le réseau de transport collectif.

Le débat qui suit met en évidence l’absence de débat politique sur les solidarités au sein des territoires, tout comme d’ailleurs sur la question de la densité en zone centrale des aires urbaines. Les territoires vécus (là où on travaille, habite, consomme, accède aux loisirs et à la culture) sont à géométries très variables (habitants multi-appartenant selon le domaine de la vie) mais toujours distincts du maillage politique, qui reste centré sur la commune, lieu de l’élection la mieux identifiée, en France comme dans les autres pays développés représentés.

Le fait communal reste très fort et se traduit par des lieux de rencontre citoyens et de convivialité (clubs sportifs, par exemple). En corollaire, on peut observer les communes fonctionner de plus en plus comme des « clubs » où on limite les droits d’entrée, fait aggravé en France par la petite taille des communes des périphéries urbaines. Cette thèse est développée par Marie-Christine Jaillet, organisatrice scientifique de la plateforme de Toulouse. L’absence de débat ne traduirait-elle pas alors le souhait (non ou peu avoué) d’une ville ségrégée, à l’encontre des discours généraux sur la mixité sociale ? Un intervenant suisse fait toutefois observer qu’il y a au moins débat national en France sur cette question, à la différence d’autres pays où le débat est désormais totalement inexistant.

Débat citoyen / association de la société civile ?

En France, la loi Voynet (1999) engage les agglomérations et pays à mettre en place des Conseils de développement, représentatifs de la société civile. Les représentants de conseils de développement des agglomérations de Pau et La Rochelle mettent en avant l’intérêt d’une démarche qui fait intervenir un troisième acteur ayant une vision plus transversale que celle qui résulte du tête-à-tête des élus sectoriels (également issus d’une commune-membre, et donc porteur de ses intérêts) et de leurs services techniques référents. Ces conseils sont également indépendants des systèmes représentatifs ce qui les autorise à « sortir des limites territoriales ».

Pour que leurs réflexions puissent dépasser des cercles restreints, les deux présidents de conseils de développement présents mettent l’accent sur la nécessité de disposer de moyens de communication pour faire réagir et s’exprimer plus largement les citoyens.

Le Conseil de développement du Grand Lyon est ainsi reconnu pour la qualité de ses points de vue et propositions, sur la base d’une organisation faisant très largement appel à contributions, ensuite débattues largement.

En région wallonne, en Belgique, les initiatives d’association de la société civile relèvent essentiellement du niveau communal (cf. note 1), qu’il s’agisse de dispositifs de « mise en débat des politiques et des projets » ou de coproduction, voire d’appui aux projets des habitants ; il en va de même de certains dispositifs institutionnalisés comme les Commissions consultatives d’aménagement du territoire (CCAT). Rassemblant des « forces vives » du territoire, elles sont prévues par la loi et doivent donner un avis dans le cadre de l’élaboration des documents d’urbanisme et sont consultées sur toute dérogation envisagée à un plan d’urbanisme.

A une échelle supérieure, lors de l’élaboration du schéma de secteur du Brabant wallon, a été expérimentée la technique du « panel citoyen », plutôt réservée habituellement à des questions d’ordre éthique ou sociétal.

En Suisse, a été créée une Conférence tripartite des agglomérations (CTA), réunissant la confédération, les cantons et les communes. Celle-ci a adopté à l’unanimité en 2004 des recommandations sur la collaboration dans les agglomérations laissant une grande souplesse d’organisation ainsi que d’objets de coopération ou de coordination de politiques. Le gouvernement fédéral soutient néanmoins financièrement des projets modèles de coopération.

Le canton de Fribourg quant à lui a adopté dès 1995 une législation cantonale favorisant la constitution d’agglomérations à partir de propositions des citoyens : un référendum d’initiative populaire (10 % de signatures d’électeurs des territoires concernés) a été l’initiateur de la constitution de l’agglomération de Fribourg sur la base de cinq communes. Le Conseil d’État a proposé de l’étendre à dix communes. Le processus constitutif est lent à se mettre en place, la population paraissant beaucoup plus ouverte que les élus. Néanmoins, un nouvel élan lui est donné par la perspective de financements fédéraux, suite aux recommandations de la CTA.

Ces différentes expériences de démocratie participative, complémentaire de la démocratie représentative, ont en commun la faculté d’interpeller les élus en amont des décisions, de les aider à sortir des logiques sectorielles dans lesquelles les services techniques peuvent les enfermer, voire de faire œuvre pédagogique à leur encontre dans un monde qui se complexifie ; en un mot, de les « sur-légitimer ». Les expériences de conseils de développement d’agglomérations françaises interrogent ainsi sur les modes de relations que ces conseils entretiennent avec les élus, à commencer par le mode de désignation des conseillers. Mais peut-il y avoir implication des citoyens sans que celle-ci soit organisée par un responsable politique ? Plutôt qu’un mode de coproduction de la décision, l’association des citoyens se révèle davantage comme un système de désamorçage des conflits. D’ailleurs de quels citoyens parle-t-on ? De ceux qui votent (à Genève, par exemple, il y a 38 % d’étrangers) ? De ceux qui participent ? Il y a risque de considérer les citoyens comme un ensemble homogène, alors qu’ils sont tour à tour citoyen – d’une commune -, usager, travailleur, ou encore élu.

L’implication des citoyens, dans un cas comme celui de Fribourg, apporte néanmoins une autre dynamique, en stimulant les élus à réfléchir en sortant du carcan de leurs frontières. Mais la lente construction de l’agglomération de Fribourg offre aussi un exemple supplémentaire de structure institutionnelle à peine créée et déjà dépassée.

Intercommunalité : solidarité ou concurrence ?

Ce qui ressort en premier lieu de la plateforme de Toulouse est l’absence de système stabilisé sur un territoire : les arrangements dominent sur des scènes à géométrie variable, dans une intégration tout autant verticale, entre différents niveaux d’institutions, qu’horizontale et intercommunale. Toulouse, la plateforme tout comme le fonctionnement de la conurbation toulousaine, met à bas une vision « rationalisatrice » de l’agglomération qui résiste mal à la période de mutation rapide que nous connaissons.

Dans un tel contexte, des projets liés à l’économie mondialisée (des « coups » comme AéroConstellation) sont des éléments fédérateurs qui peuvent, néanmoins, se prolonger par des réflexions plus stratégiques. Des habitudes de coopération inter-institutions de longue date sont également le plus souvent porteuses de développement. Qu’en est-il alors pour les territoires en déprise ? Paradoxalement, ils peuvent être un terreau pour des démarches plus construites de projet de territoire.

Quoiqu’il en soit, quels que soient les systèmes d’arrangements inter-institutions qui se dessinent, l’on bute toujours sur l’absence de production de solidarités, même dans les systèmes apparemment vertueux : les processus d’exclusion sont plutôt à l’œuvre par combinaison du coût du foncier en zone centrale (ou attractive), du développement de la mobilité, avec constitution de poches de territoires de relégation dont la concurrence (européenne, mondiale) entre territoires ne fait qu’exacerber la disqualification.

Il existe pourtant des moyens de mutualiser les retombées des projets (politique d’anticipation foncière, de récupération des plus values, et bien sûr la fiscalité…), moyens qui sont de plus en plus oubliés de politiques publiques très fragmentées. Repartir de l’analyse des territoires par les valeurs (foncières, du logement) et les mobilités, en identifiant les nouvelles centralités qui se sont dessinées, offriraient pourtant des clés pour en organiser la gouvernance.

Face à des évolutions économiques globales, amplifiant la concurrence entre les territoires, leur mode de gouvernement ne peut être, à l’évidence, que multipolaire, combinant des alliances « verticales » et « horizontales ». Qui peut alors manager ces processus d’impulsion puis d’ajustements permanents (alliances, fragmentation, coalition d’intérêts, etc.) ?

Références

1 Rappelons qu’en Belgique les actuelles communes résultent de fusions intervenues en 1977 à la suite d’une réforme de 1975. Ainsi est-on passé de 2359 communes à 589, la population moyenne des communes augmentant de 4136 à 16565 habitants, mais avec des différences sensibles entre les trois régions (wallonne, flamande et de Bruxelles-capitale).

2 Mouvement de rassemblement des communes qui était susceptible de connaître un démembrement avec l’alternance politique au Québec (opinion exprimée à Toulouse en 2005) qui n’a pas eu lieu (mai 2009)

3 Une nouvelle présentation de la planification au sein de la CMM a eu lieu lors de la plateforme de Montréal (mai 2009).

4 Essentiellement le SICOVAL, communauté d’agglomération aujourd’hui mais qui s’est constituée de longue date au Sud Est de Toulouse, et la Communauté d’agglomération récente du Murétain, à l’Ouest.

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