Introduction aux monnaies à vocation environnementale

Séquence 3.5 du MOOC

Wojtek Kalinowski, novembre 2017

L’Institut Veblen pour les réformes économiques (Veblen)

Cette fiche explique le problème écologique auquel les monnaies complémentaires peuvent apporter une solution. Elle permet de voir que ce problème est finalement le problème de la manière dont une société définit la richesse.

À télécharger : 3.5._mc_en_pratique_monnaies_environnementales1.pdf (250 Kio)

Pourquoi une telle focalisation sur l’écologie, alors que les monnaies complémentaires poursuivent aussi des objectifs sociaux, économiques ou culturels ? C’est vrai que les usages des monnaies complémentaires sont divers et souvent entremêlés. Mais à regarder de près les projets menés en France et ailleurs, on s’aperçoit rapidement que le souci écologique est omniprésent et pour ainsi dire transversal. Cette séquence explique le problème écologique auquel les monnaies complémentaires peuvent apporter une solution. Elle permet de voir que ce problème, c’est finalement le problème de la manière dont une société définit la richesse.

Comme cela est évoqué par Marie Fare (Panorama des monnaies complémentaires), la dernière génération des monnaies complémentaires insiste sur les objectifs écologiques plus fortement que les générations précédentes. Car la plupart des citoyens, des élus ou des entrepreneurs qui s’impliquent dans ces projets sont convaincus que le modèle économique actuel est insoutenable. Les exemples évoqués dans l’étude de l’Ademe témoignent des expérimentations en cours.

Deux économies coexistent aujourd’hui

En réalité, la transition vers un autre modèle est déjà entamée, même si le progrès est très lent. Notre modèle économique, nos modes de consommation sont en train d’évoluer. La transition énergétique progresse par exemple. De nouveaux modèles économiques proposent de nouvelles façons de produire, de réduire la consommation des matières premières et d’énergie. Quelle est la place des monnaies complémentaires dans cette transition ? Avant d’y répondre, remarquons pour commencer que cette transition comporte souvent des tendances contradictoires. Car parallèlement à la transition énergétique et écologique, les activités polluantes continuent comme avant.

D’un côté, la « nouvelle » économie poursuit donc son émergence au sein de l’ancienne. Elle est alimentée par les énergies renouvelables, par les technologies vertes, les modèles économiques alternatifs et les nouveaux modes de vie. De l’autre, l’ « ancienne » économie n’a pas disparu : nous utilisons toujours les énergies fossiles, et nous exploitons toujours les ressources naturelles de façon insoutenable. D’avis de nombreux experts, les changements positifs sont trop lents et trop timides par rapport à l’urgence des défis du climat, des ressources. La question est donc : qu’est-ce qu’on peut faire pour accélérer la transition ?

C’est ici que nous retrouvons la monnaie et le système monétaire. Aujourd’hui, la transition écologique est complètement reliée à l’ancienne économie polluante. Reliées par quoi ?

Précisément par notre système monétaire et financier. Car les deux économies permettent d’investir, de créer de la valeur, de consommer, d’accumuler des richesses. Ces richesses s’agrègent dans le circuit bancaire classique, qui ne se souci pas beaucoup de la provenance de l’argent. Peu importe s’il vient des éoliennes ou du pétrole : l’argent intègre le système financier et circule à l’échelle mondiale.

En conséquence, les effets négatifs annulent bien souvent les effets positifs. Imaginez par exemple un projet d’investissement local dans les éoliennes.

Le projet marche bien, il génère des rendements qui vont se transformer en consommation ou en épargne. L’ensemble de ces flux financiers est géré par les banques. Mais si ces banques sont présentes dans les secteurs d’énergie fossiles, votre épargne peut contribuer aux émissions des gaz à effets de serre à l’autre bout de la planète.

Peut-être avez-vous trouvé une banque qui n’est pas active dans le secteur des énergies fossiles ni les secteurs le plus polluants. Ces banques sont très rares, mais disons que vous l’avez trouvée. Même ainsi, il ne faut pas oublier que toutes les banques sont reliées entre elles par le marché interbancaire et le système financier.

L’apport des monnaies complémentaires

Maintenant vous voyez le problème. Au début, votre demande semblait parfaitement raisonnable : vous ne vouliez pas que l’argent gagné dans les énergies renouvelables profite à des secteurs polluants. Il s’avère pourtant que cette demande est très difficile à satisfaire en pratique. Il est quasiment impossible de cloisonner les sphères de circulation, car tout le système bancaire repose sur la monnaie fongible.

Une monnaie fongible, c’est une monnaie à tout faire, une monnaie qu’on peut utiliser pour acheter du charbon où pour payer un service de garderie. C’est la monnaie que nous connaissons et utilisons tous les jours. Alors qu’une monnaie complémentaire n’est pas une monnaie à tout faire. Elle est destinée à certains types d’usage et pas à d’autres : production locale, production bio, etc. En limitant les usages possibles, la monnaie complémentaire dessine une sphère de consommation particulière. Les richesses doivent rester dans cette sphère. Et c’est là l’apport des monnaies complémentaires au problème écologique.

En résumé, une monnaie environnementale n’est pas un type de monnaie parmi d’autres. La fonction écologique que nous venons de voir peut s’appuyer sur des modèles différents. L’essentiel est de savoir si la sphère de circulation est délimitée, et comment. Si on veut accélérer la transition écologique, il faut la délimiter autour d’un pouvoir d’achat durable : des produits issus de l’agriculture écologique par exemple, de l’énergie renouvelable, ou encore l’accès aux transports durables. C’est ainsi que nous pouvons construire un circuit financier et monétaire complet, où les investissements dans la transition écologique alimentent la consommation au sein de la nouvelle économie.

Pour conclure cette partie, je vous offre un exemple très simple pour comprendre la logique de la monnaie écologique. Disons que vous voulez inciter les habitants de votre territoire à faire des travaux d’isolation thermique dans leurs maisons, pour réduire la consommation d’énergie. Pour cela, une partie des dépenses engagées par les particuliers sera remboursée. Ce remboursement, vous pouvez le verser en euro évidemment, mais alors le problème de la monnaie fongible se posera tout entier. La solution alternative est de rembourser les particuliers en monnaie complémentaire, qui offre accès à un pouvoir d’achat durable. Ou bien, tout simplement, vous pouvez distribuer des bons d’achat permettant aux particuliers de financer d’autres travaux d’isolation.

Références

Alternatives Economiques (2016), Réinventons la monnaie, Dossier d’Alternatives Economiques en partenariat avec l’Institut Veblen. Accès au dossier

Blanc J., 2015, « Les monnaies locales peuvent encourager la transition énergétique », 1er juin 2015, magazine Terra Eco. Accès à l’article,59492.html

Kalinowski W., 2015, « Ecologie, démocratie et système monétaire », Notes & Etudes, février 2015. Accès à l’étude

Perrissin Fabert, B. et Blanc J., « Financer la transition écologique des territoires par les monnaies locales. », Notes & Etudes, janvier 2016. Accès à l’étude

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