Promouvoir la construction de logements
2014
Cet article est une invitation à repenser la politique du logement en France, en dépassant la logique technique et quantitative. Penser le logement implique de réfléchir à nos modes de vie et à leurs évolutions, ainsi qu’aux structures démographiques et sociologiques actuelles afin de répondre à des besoins précis qui sont liés aux caractéristiques des territoires concernés et à leur diversité.
Le gouvernement essaie par tous les moyens de relancer la construction, sans y parvenir.
En effet, la simplification des normes, les défiscalisations et la mise à disposition des terrains de l’état, mettront, quelques années, à porter leurs fruits. Si l’on ne construit pas c’est, avant tout, parce qu’il n’y a pas preneur, dans les conditions actuelles du marché et de la solvabilité des ménages. (Ce qui est, somme toute, assez sage : cf. le million de logements vides en Espagne)
Avec la crise, les ménages hésitent à investir (peur de la perte d’emploi ou des charges imprévues, sécurisation des enfants,…) et surtout, les banques, tirant les leçons des « subprimes » américains, rechignent à accorder des prêts à des ménages peu solvables. De plus, de nombreuses municipalités ont arrêté des programmes de logements sociaux à l’issue des dernières élections municipales (plus de 15 000 logements selon certaines sources en Ile de France!)
Il y a néanmoins, en France, 3.6 millions de mal logés et 1.7 millions de demandeurs de logements sociaux, surtout en Ile De France, qu’il va bien falloir loger !
Or, la politique du logement menée jusqu’ici, est avant tout technique, quantitative et fiscale et financière. Elle devrait davantage se préoccuper du « social » et des véritables besoins.
Les structures familiales ont beaucoup évolué et exigent de nouvelles formes d’habiter : divorces croissants, vieillissement de la population, natalité croissante, familles monoparentales, familles recomposées, jeunes adultes ne pouvant quitter le noyau familial,..
Ces évolutions ont eu des incidences sur le nombre de mètres carrés nécessaires pour répondre aux besoins.
On a d’un côté, des personnes âgées qui vivent chichement en sous-occupation du logement, une fois les enfants partis. De l’autre des couples divorcés qui augmentent leurs besoins en se séparant, avec des difficultés à régler 2 trois-pièces de 60m² en place du 80m² antérieur et enfin un nombre important d’enfants avec un double foyer, …Enfin, dans les centre-villes, le luxe étant la surface, le ratio de m² par habitant a tendance à augmenter (il est de 32 m² par habitant à Paris) réduisant ainsi le nombre de résidents.
Pour répondre à ces attentes spécifiques et mieux adapter l’offre à la demande, il existe des solutions mais il faut poser les questions autrement.
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Premièrement, la politique du logement social doit être renforcée (aide à la pierre, incitations diverses comme la Loi SRU, révision des PLU,…)
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Deuxièmement, elle doit être pensée en fonction du territoire. Un petit logement à Paris ne se vit pas comme en province. La ville offre un complément social, culturel, affectif qui compense la taille du logement. Dans les zones denses et tendues, les personnes vivant seules ou en couple, les personnes âgées et les étudiants sont plus nombreux. Il faut donc y construire plus de petits logements qu’ailleurs.
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Troisièmement, il faut stopper par des mesures fiscales le développement des résidences secondaires, des pieds-à-terres et locations meublées à la semaine dans les centres des grandes villes. A Paris, notamment, où des quartiers entiers se vident (marais, ile saint Louis, 5ème, 6ème,…) la ville se transforme en un espace figé et muséifié. Cela pose aussi une question fondamentale : pourquoi renforcer la densité bâtie de Paris si son noyau se vide de sa substance ?
Enfin, pour sécuriser les ménages et les banques, il faut proposer des logements évolutifs et divisibles qui serviront de garantie et faciliteront la prise en compte des aléas de la vie.
T3 divisible en T2+studio ; T4 en 2 T2 ou petits T3+ T1b ; T5 en T3 et T2,…
Cette proposition offre plusieurs avantages :
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constitution d’un revenu ou d’une retraite pour la personne qui reste seule
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possibilité en cas de divorce qu’une partie de la famille reste sur place (moindre traumatisme des enfants)
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autonomie de l’adolescent ou du jeune adulte qui restent dans le foyer familial
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possibilité pour la personne âgée d’avoir une aide à proximité: étudiante, aide-soignante, etc. favorisant les relations intergénérationnelles et les solidarités,
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anticipation pour un couple en attente d’un enfant
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moindre sous-occupation des logements
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développement de mixités et (ou)solidarités
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possibilité de louer l’une ou l’autre partie en cas de difficulté financière du ménage
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facilitation des prêts bancaires car une partie du logement peut servir d’hypothèque
Les architectes savent concevoir de tels logements « divisibles » avec un surcoût qui se limite au déplacement d’une porte et au doublement des compteurs. Encore faut-il que l’état et les promoteurs publics et privés adoptent ces solutions et en facilitent la gestion.
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