La propriété et la richesse des nations

2014

Monde pluriel

Cette fiche (issue du numéro 5 de la revue Tous urbains) dresse la biographie d’un économiste péruvien, peu connu en Europe. Le panorama de ses travaux sur le « capital caché » que représentent les terrains possédés de manière informelle montre l’importance du foncier pour le développement économique des pays du Sud.

Hernando de Soto est un économiste péruvien, né à Arequipa, au Pérou, en 1941, qui a ensuite vécu en Suisse, puis est revenu au Pérou en 1980 où il a fondé un think tank : « L’ institut pour la démocratie et la liberté », dont la vocation est axée sur la promotion du développement dans les pays pauvres.

On peut s’intéresser à de Soto pour plusieurs raisons. D’abord ses travaux – nous n’osons dire ses théories – ont eu une influence significative en Amérique Latine, et dans d’autre régions, pour acclimater l’idée selon laquelle la définition des droits de propriété, en particulier sur les terrains, pouvait exercer un rôle significatif dans le développement économique, et que l’accès à la propriété exerçait un rôle important dans l’émancipation et l’enrichissement des populations défavorisées. Il a aussi analysé et développé le rôle essentiel des économies souterraines dans les pays en développement.

Si son audience est restée faible, voire inexistante en France, son action sur le terrain et ses travaux, ses enjeux et les débats auxquels ils ont donné lieu occupent une place importante dans les questions vives sur l’urbanisme et la question foncière dans les pays en développement. Son idée centrale: la propriété informelle, non cadastrée, représente un « capital mort » considérable, qu’il évalue à 9300 milliards de dollars… Sa formalisation, en permettant les échanges, permettrait de mobiliser ce capital pour le développement.

Ses premiers travaux et actions sur le terrain au Pérou et la réalisation de cadastres simples ont permis de bien identifier les bénéfices – limités mais évidents – que l’on peut en attendre. Cette première époque est bien retracée, significativement en espagnol, dans l’ouvrage El otro sendero, publié en 1980 (à l’époque le Pérou était politiquement déstabilisé par la guerrilla entamée par le mouvement maoïste «El sendero luminoso»).

Avec le temps, l’action et la pensée d’Hernando de Soto ont évolué vers des aspects socio-économiques plus discutables, et souvent critiqués avec virulence, en particulier par des économistes du développement britanniques, par exemple Alan Gilbert. La ligne directrice de cette évolution est fondée sur la notion de «trésor caché»: les petits paysans pauvres du tiers monde ont de l’or sous les pieds, mais ils ne le savent pas. Une fois la propriété identifiée, mesurée et enregistrée, il suffira d’aller à la banque qui accordera des prêts gagés sur ce capital caché. Et voilà comment les petits paysans pauvres vont devenir de prospères entrepreneurs. La réalité reste assez loin de cette image d’Epinal. Les observations de terrain et les travaux empiriques montrent bien le caractère en partie illusoire de cette transition.

Si l’identification et la garantie de propriété sont clairement des facteurs socio-politiques importants de stabilisation dans les zones informelles, la transformation magique en source de financement pour le développement économique reste en bonne partie illusoire. Elle lui a certes valu des récompenses, le «Freedom prize» décerné en Suisse, ou le prix Adam Smith décerné par l’«Association of private enterprise education», mais sans pour autant pouvoir garantir la traduction économique directe de la mobilisation de ce capital caché.

La question n’a pas qu’un caractère académique. On considère que près d’un logement construit sur deux l’est actuellement de façon informelle, hors toute règle d’urbanisme, sur terrain d’autrui, sans permis de construire. La formalisation de l’occupation des terrains est une question importante pour le développement économique.

Références

Pour consulter le PDF du du numéro 5 de la revue Tous Urbains

En savoir plus

Un compte-rendu de lecture par Gilles Denis L’autre sentier, la révolution informelle dans le Tiers Monde de Hernando de Soto

Lire la critique d’Alan Gilbert (en anglais)