Y-a-t-il une affiliation entre « Occupy City Hall » et « Occupy Wall Street »?
Cynthia Ghorra-Gobin, janvier 2014
Issue de la Revue Tous Urbains n°5, cette fiche s’intéresse aux élections municipales de New-York, lors desquelles le candidat démocrate a mis en exergue les inégalités sociales, à travers notamment l’expression « Occupy City Hall ». Son élection démontre, dans une certaine mesure, qu’au niveau local, les électeurs sont susceptibles de se mobiliser pour revendiquer une certaine justice sociale et spatiale.
Les élections municipales à New York en novembre 2013 ont été gagnées par le candidat (démocrate) Bill de Blasio, le rival du candidat (républicain) Joe Lhota. Le premier a emporté 73% des votes contre 24% pour le second. Ce score est impressionnant même s’il convient de préciser que seuls 51% des électeurs se sont déplacés pour voter, ce qui représente 1 millions de personnes dans une ville habitée par plus de 8 millions. Notons que les Africains-Américains ont voté à plus de 96% pour Bill de Blasio alors qu’ils n’avaient été que 91% à voter pour le premier maire noir de New York, David N. Dinkins en 1989. A la suite de ces élections, certains observateurs de la vie new-yorkaise n’ont pas hésité à établir une affiliation entre (1) la mobilisation sociale de l’année 2011 à l’encontre d’un capitalisme financiarisé et globalisé, (2) la campagne de Bill de Blasio centrée sur les inégalités sociales et (3) la victoire finale de ce dernier. A New York, l’expression « Occupy City Hall » désigne la mobilisation sociale inscrite dans une campagne électorale ayant conduit à l’élection d’un maire radical tout en faisant un clin d’œil à « Occupy Wall Street » un mouvement social dénonçant le capitalisme financiarisé et globalisé et principalement implanté autrefois à Zuccotti Park. Ce lieu ayant suscité une vaste controverse dans la mesure où il figure dans la catégorie des « espaces privés ouverts au public », soit d’espaces publics gérés par des acteurs privés. Ce qui constitue une des spécificités des villes aux États-Unis et particulièrement à New York.
Tout au long de sa campagne, Bill de Blasio n’a cessé d’affirmer qu’il mènerait une politique en rupture avec celle du maire précédent, Michael Bloomberg, un milliardaire symbolisant Wall Street, qui au cours des douze années de son mandat, s’était donné pour ambition d’attirer les riches, les classes créatives et les touristes en menant des programmes sécuritaires et en proposant une offre d’aménités urbaines au travers notamment d’une piétonisation des espaces publics urbains comme Times Square. Ce qui a contribué au sérieux processus de gentrification, non seulement au niveau de downtown et de midtown, mais également à Harlem et Brooklyn. La ville attire des milliardaires et des millionnaires en quête de résidences secondaires. Le nombre de touristes visitant New York s’est également accru : il est passé de 35 millions en 2001 à 52 millions en 2013. Bill de Blasio a utilisé la métaphore du « récit de deux villes » (a tale of two cities) pour évoquer les contrastes entre les riches et les ménages pauvres et modestes. D’après le Bureau du recensement, 1/5 de la population de New York peut être qualifiée de pauvre. Tout en faisant ce constat, le candidat démocrate a affirmé qu’il ne travaillera pas pour les 1% -comme l’aura fait son prédécesseur- et qu’il mettra en œuvre une politique sociale en augmentant le barème des impôts sur les revenus au profit notamment de programmes d’éducation préscolaire et de logements sociaux. Il a même indiqué qu’il reverra le principe de l’usage de la philanthropie dans la gestion des espaces verts de la ville -comme Central Park situé à proximité des quartiers aisés et géré par une association- en demandant à toute association disposant d’un budget supérieur à 5 millions de dollars de verser une partie de ses revenus à la ville qui en fera bénéficier les espaces verts localisés dans les quartiers pauvres comme dans le Bronx.
Difficile à la suite de l’entrée en fonction d’un nouveau maire à New York (janvier 2014) d’affirmer l’affiliation entre « Occupy Wall Street » et « Occupy City Hall » dans la mesure où celui-ci, jugé a priori de radical, peut en effet agir différemment au cours de son mandat. Il est en revanche certain que le slogan des « 99% face au 1% » a fait son chemin dans la rhétorique politique locale. Ce qui est un indicateur de la capacité de mobilisation des électeurs pour la question sociale dans un contexte fortement marqué par la rivalité inter-métropolitaine et, de ce fait, par des programmes centrés sur une politique d’attractivité territoriale. Dans un monde urbanisé et globalisé où triomphe l’idéologie néo-libérale, l’expérience de New York –à l’instar d’autres villes au Brésil ou encore en Égypte– souligne combien le local est susceptible de se mobiliser pour revendiquer une certaine justice sociale et spatiale. A l’heure des « flux » la ville n’hésite pas à affirmer l’impératif d’une vision du « vivre ensemble », condition fondamentale pour assurer la durabilité urbaine. D’où l’intérêt d’une observation fine des variations enregistrées sur les scènes politiques locales à l’échelle mondiale.
Références
Pour accéder à la version PDF du numéro de la revue Tous Urbains, n°5
En savoir plus
Site du mouvement « Occupy Wall Street »