Les résistances à la clubbisation

Eric Charmes, octobre 2015

Les concepts de clubs et de clubbisation ont une valeur essentiellement analytique. Ils ne disent pas tout des réalités vécues dans les petites communes périurbaines ; ils servent avant tout à les analyser et à les interpréter. Et si de nombreuses communes tendent à fonctionner comme des clubs, elles ne sont pas pour autant toutes devenues des clubs. Divers projets et certaines pratiques tiennent ainsi les communes périurbaines à l’écart du modèle du club résidentiel dont les membres ont un rapport purement utilitaire ou économique à leur espace de résidence.

Par exemple, une plainte récurrente des habitants des communes résidentielles concernent les difficultés rencontrées par les « jeunes de la commune » pour se loger. Ce problème peut ébranler le consensus en faveur du malthusianisme foncier et immobilier. Ainsi, pour permettre à des jeunes ménages de faire leur première acquisition, les municipalités facilitent la construction d’appartements ou de maisons mitoyennes en cœur de village. L’ouverture à l’urbanisation peut aussi se concrétiser par des logements sociaux. Ces initiatives en faveur des « enfants du pays » cadrent mal avec la logique exclusiviste. Elles font du village une communauté politique plus qu’un club. En effet, il s’agit moins de jouir collectivement d’un ensemble de services et d’équipements que d’assurer l’avenir de la commune et son renouvellement.

La tension avec la logique propre à la clubbisation apparaît encore plus nettement dans l’attention portée au maintien en activité de l’école. En effet, même lorsqu’une commune est majoritairement peuplée de retraités, il est rare qu’elle ne se sente pas concernée par les fermetures de classe et qu’elle ne prenne pas des mesures pour faire venir des ménages avec de jeunes enfants. Les communes périurbaines vieillissantes s’éloignent alors de la logique de l’entre-soi, fondée sur le rassemblement de ménages ayant des goûts et des revenus communs. Non seulement les jeunes ménages que l’on fait venir ont des revenus plus modestes, mais la présence de jeunes enfants suscitent des besoins très différents de ceux de la population déjà en place.

L’ensemble de ces attentes des périurbains, que ce soit à l’égard du logement des enfants du pays ou du maintien de la population scolaire, s’inscrivent dans un registre qui est plus proche de la sphère politique que de la sphère économique. Ces attentes favorisent également la sphère politique car elles entraînent une croissance démographique. Cette croissance est certes faible, mais elle n’est pas négligeable. Elle conduit à une sorte de dérive de la population des communes. Or, avec cette augmentation, la population tend à se diversifier. Et avec cette diversification, les souhaits des uns et des autres tendent à se différencier, ce qui peut être source de politisation des débats locaux (Rivière, 2014).

Références

CHARMES Eric, 2011, La ville émiettée. Essai sur la clubbisation de la vie urbaine, Presses universitaires de France.

GIRARD Violaine, 2011, Où va le périurbain : clubbisation ou dynamiques sociales différenciées ?, Métropolitiques, en ligne

RIVIERE Jean, 2014, Le « Neuilly caennais » en campagne municipale, Actes de la recherche en sciences sociales, n° 204, p. 24-45