Les pratiques d’auto-construction de logements sociaux en région wallonne
Retour sur le projet Sound image
Pascale Thys, septembre 2001
Pour faire écho au projet Sound Image, cette fiche propose de s’intéresser à ce qui se passe dans la région wallonne et ce qui pourrait y être reproduit.
Ce projet s’est attaché à créer un partenariat pour permettre à des jeunes sans emplois et sans abri de répondre à leur problème de logement via l’auto-construction de leur habitat.
Exemples des actions mises en œuvre dans la région wallonne
L’auto-construction1 n’est pas une pratique nouvelle. En zone rurale, on la pratique depuis toujours. Les exemples de maisons privées auto-construites ne manquent pas, que ce soit en briques, en bois cordé (par exemple l’Ermitage des moines franciscains à Fexhe-le-Haut-Clocher a été réalisé en auto-construction2), en bois …
Des sociétés promeuvent l’auto-construction. Par exemple, depuis une dizaine d’année, la société Biospeedhome offre la possibilité de participer au montage de sa maison en bois. Il faut 5 semaines pour construire en atelier le kit des différentes parties et trois jours de montage (12 personnes pour monter une maison de 150 à 200m² habitables).
A Louvain-la-Neuve, dans le quartier de la Baraque, on trouve quelques exemples d’habitats auto-construits « non standards », et notamment :
-
Des bulles géodésiques, avec une double structure sphérique décomposée en triangles par des tubes métalliques, protégée des intempéries par une bâche et isolée intérieurement par de la frigolite recouverte de plâtre. L’espace intérieur hémisphérique est percé de fenêtres triangulaires ;
-
Des serres, et notamment des anciennes serres à raisin récupérées, démontées et remontées sur le site. Elles ont été réaménagées et adaptées en habitat avec des tôles ondulées, des ardoises, du bois, … ;
-
On peut aussi y trouver des maisons en bois, des maisons en terre-paille, en brique de terre3,…
A Brugelette, dans le Hainaut, un projet pilote en matière de relogement de résidents permanents de campings a été accueilli. La société d’habitations sociales Habitat du pays vert et Solidarités Nouvelles, en accord avec la Société wallonne du logement et le Gouvernement wallon, ont développé une alternative entre le logement social -dont beaucoup de résidents ne veulent pas- et le camping, qui est perçu comme socialement défavorable. Une dizaine de résidents permanents de campings seront associés à la conception de logements sociaux. Ces logements en habitat groupé, seront dans un milieu rural et un environnement ouvert. Dans un premier temps les logements seront loués. Après un certain temps, une possibilité de location-achat sera envisagée.
Éléments à reproduire issus du projet Sound Image
L’auto-construction apparaît comme une des formes les plus abouties de la prise en main par l’habitant de la production, et plus généralement, de la destinée de son habitat. Elle a deux causes principales : la pénurie de logement et la situation économique du groupe ou de la personne4.
Elle est un moyen efficace de lutte contre l’exclusion, de plus cela permet de personnaliser son logement, de choisir les matériaux, d’installer les systèmes d’énergie souhaités, de faire certaines économies au niveau de la main d’œuvre, …
Pour Habitat Convivial, « l’auto-construction doit être un moyen pour le citoyen de retrouver la maîtrise de l’accès à une authentique forme d’habitat en y incluant dès le départ sa propre symbolique, sa personnalité et son esprit créatif en toute indépendance, en favorisant les actions d’entraide et de coopération et en suscitant une relation nouvelle de l’habitant avec son environnement : voisins, quartiers, cités, etc. Elle favorise une citoyenneté participative et responsable»5.
L’auto-construction doit faire face à quelques obstacles, comme par exemple, l’accès à la propriété, les matériaux provenant d’ailleurs, la législation…
En matière d’urbanisme, le parcours est balisé. Pour toute construction il faut entre autre :
-
Des certificats d’urbanisme (qui donnent le statut urbanistique du terrain et la nature des travaux) ;
-
Un permis d’urbanisme qui parfois demande la tenue d’une enquête publique.
On ne peut pas construire n’importe où et n’importe quoi. Il faut respecter certaines règles, et notamment :
-
Les 23 Plans de secteur qui couvrent l’ensemble du territoire de la Région, qui, avec force réglementaire, déterminent la destination des différentes zones urbanisables ou non (certaines zones sont réservées à l’habitat) ;
-
Les plans communaux d’aménagement, qui donnent des précisions quant à l’aménagement des lieux ;
-
Les plans de lotissement, dans certains cas ;
-
Des règles comme le Règlement général sur les bâtisses en site rural (RGBSR) qui concernent quelques 70 villages et détermine la hauteur, la forme, l’aspect de la façade… ;
-
Il faut faire appel à de nombreux corps de métier, comme, par exemple, un notaire, un géomètre, un architecte, un entrepreneur …
Dans l’état actuel de la législation en matière de chômage il n’est pas possible pour un chômeur6 ni de construire sa maison, ni d’aider d’autres personnes à construire leur habitation. C’est une activité incompatible avec le statut puisqu’il serait alors indisponible pour le marché de l’emploi. De plus, il y aurait concurrence avec les entreprises. La situation est différente s’il s’agit de modifications dans sa propre maison (gestion normale de ses biens).
Et pourtant l’auto-construction est un outil à utiliser dans la lutte contre l’exclusion sociale. Quelques avancées au niveau des associations et du secteur public pourraient aider à améliorer la situation :
-
L’expérience d’intégration de clauses sociales dans des marchés publics7 ;
-
Les commentaires des articles 198 et 199 du Code du logement font état de « l’octroi de subventions à des asbl développant des nouvelles techniques de construction de logements » ;
-
Les expériences d’auto-construction en Amérique latine (par exemple les mutiroes8 au Brésil) nourrissent aussi des projets wallons. Par exemple des personnes mal logées de Charleroi se sont rendues au Brésil pour échanger leurs expériences, notamment, en matière d’habitat avec des paysans sans terre. Les initiatives de mutiroes se rapprochent par bien des points de celles développées par l’expérience de Sans Abris Castor, qui permet à des personnes mal logées de rénover leurs futurs logements9.
1 Construction réalisée en tout ou en partie par l’usager.
2 Exemple cité sur Ecotopie
3 Bernfeld D., Mabardi J-F. 1984, pp.62-63 ; Thys P., Berger C. 1992.
4 Manuel d’accompagnement de l’exposition Habitat et Participation, 1985. p.89
5 Charte d’Habitat Convivial
6 Il pourrait y avoir une dérogation en ce qui concerne les chômeurs âgés.
7 Décision du Gouvernement wallon du 28 novembre 1996
8 Auto-construction solidaire de maisons : Plusieurs personnes, familles se regroupent pour construire les maisons de chacun.
9 Praile D. 2001, p.3
Références
PCHA. 1997. « We’re all in it together ». young people and their partners from the Sound Image self-build project share their experience of building 12 flats, Londres.
Bernfeld D., Mabardi J-F. 1984. L’habitat groupé autogéré au Bénélux et en Europe, Habitat et Participation-Fondation Roi Baudouin
Thys P., Berger C. 1992. Des habitants « baraqués », Habitat et Participation
Cannat N. 1994. « Bristol, l’autoconstruction, c’est l’avenir pour les jeunes immigrés sans emploi », In 150 fiches pour des dynamiques et des idées en matière de politique du logement en milieu urbain, FPH, France
Praile D. 2001. « L’expérience du Brésil est devenue celle de toute une équipe », In L’horloge du Sud, n°13, juin
Ritimo. 1994. « Vivre en ville des stratégies pour les plus pauvres », In Passerelles, n°6, août.
Micmacker C. 1977. Manuel de la construction rurale et alternative, éd.Surienne, France
Confédération nationale des Castors. 1985. Le mémento du castor. Comment construire, France
Groupe SCIC, Bâtir avec l’environnement. Maîtrise d’ouvrage et habitat collectif, Ministère du logement, France, sd
Architrave, revue de la maison des architectes, Verviers
En savoir plus
Le site de Livios propose une initiation sommaire, mais complète au processus de construction (informations sur les formalités financières dont entre autres les diverses primes existantes et administratives, les avantages et inconvénients des différents modes de construction, les matériaux, l’architecte, la construction en bois et autres techniques alternatives…)
La Démarche Igloo, pour une intégration globale par le logement et l’emploi
Habitat convivial, asbl dont l’objet est de promouvoir un habitat de qualité dans un monde sans exclus grâce à l’autoconstruction
Commission de conciliation Construction (Test-Achat - traitement souple des contentieux en matière de construction et de rénovation)
Site d’Ecotopie consacré aux réalisations écologiques exemplaires harmonisant les relations de l’homme avec son environnement naturel, social et culturel.
Site d’Habiter Autrement, lieu d’échange d’information et de projet