Les observatoires du foncier économique au service du développement économique local
Carnet pratique n°16 : (Re) développer les activités productives dans les régions métropolitaines
Thierry Petit, novembre 2024
Dans le domaine du développement territorial, l’organisation spatiale du tissu économique impacte directement la quadrature habiter / se déplacer / consommer / travailler. L’enjeu majeur consiste à planifier au mieux l’implantation de ces sites d’activités dédiés, suivre leur évolution, afin de disposer sur le long terme, d’une offre foncière et immobilière en adéquation avec les besoins et moyens des entreprises. Depuis 2022, les collectivités sont dotées de plusieurs outils d’inventaire des zones économiques. Sur l’île de la Réunion, caractérisée par des contraintes topographiques fortes, l’agence d’urbanisme a largement anticipé les obligations légales et a développé, depuis 2003, un observatoire du foncier, véritable outil partenarial de connaissance et de prospective territoriale, désigné aujourd’hui comme un modèle de gouvernance territorialisée.
À télécharger : cp16_ok_bat_web.pdf (7,3 Mio)
Aujourd’hui, certaines intercommunalités, agences d’urbanisme, CCI ou Régions choisissent de mettre en place un observatoire du foncier économique pour répondre à leurs propres besoins ou à ceux de partenaires et interlocuteurs spécifiques. Ce sont des outils de suivi, mais aussi des instruments de prise de décision. De diverses formes en fonction du contexte, ils permettent de mieux connaître la géographie économique d’un territoire. En outre, la mutualisation entre plusieurs acteurs facilite l’émergence d’un diagnostic partagé. L’analyse approfondie de l’état des zones d’activités économiques (ZAE), qui concentrent pour certaines d’entre elles la majorité des activités productives du territoire, contribue dans un contexte global de développement économique à mieux ancrer l’économie productive.
Se saisir de l’obligation d’inventaire pour créer un observatoire économique
La loi Climat et résilience de 2022 attribue à l’intercommunalité la tâche d’établir un inventaire des ZAE sur son territoire. Ce processus implique la documentation de diverses caractéristiques pour chaque zone telles que : un état parcellaire des unités foncières (surface de chaque unité et identification du propriétaire), l’identification des occupants de la ZAE et le calcul de son taux de vacance fiscale. De nombreux territoires lancent des actions visant à renforcer la connaissance de leur foncier économique. Certains ont élaboré des modèles de données pour inventorier et caractériser les ZAE ou autres sites économiques. Afin d’homogénéiser ces données et d’assurer leur interopérabilité, un standard national d’échange de données sur les sites économiques du Conseil national de l’information géolocalisée (CNIG) a été créé.
Ce géostandard s’adresse aux collectivités territoriales, au portail national du foncier économique (France Foncier+), et à tout utilisateur souhaitant identifier des sites économiques avec leurs caractéristiques dans leur contexte géographique. La création d’un observatoire économique offre une multitude d’avantages stratégiques pour le développement territorial. L’observatoire offre une compréhension approfondie des dynamiques économiques et permet d’identifier des tendances sur le long terme pour des décisions éclairées. De plus, cela permet d’anticiper les besoins futurs en foncier et ainsi planifier le développement nécessaire de manière proactive pour soutenir la croissance économique dans le respect d’une trajectoire ZAN.
La mise en place d’un observatoire du foncier économique à La Réunion
L’Agorah, l’agence d’urbanisme de l’île de La Réunion, a créé en 2003 un observatoire du foncier économique, modèle réussi de gouvernance partagée et de travail consensuel. Au fil du temps, cet observatoire s’est transformé en un véritable outil de prospective des ZAE (y compris mixtes) et des zones de fait, initialement non destinées à accueillir des entreprises. À partir de données partagées, fiables et proches de la réalité du terrain, l’OFE intervient à trois niveaux. D’abord, il présente une observation détaillée des espaces économiques de l’île selon une trentaine d’indicateurs. Ensuite, il apporte une expertise précieuse aux collectivités pour l’optimisation des sites existants et la création d’espaces économiques adaptés.
Il oriente également les entreprises dans leur recherche d’implantation. Enfin, l’OFE anime un réseau d’acteurs formé autour d’un partage de connaissances, organise des ateliers, des visites de terrain et des petits déjeuners économiques thématiques. Actualisé tous les deux ans, l’OFE offre une lecture dynamique des sites d’activités à différentes échelles, du niveau régional jusqu’à la parcelle. Les élus, techniciens et grand public bénéficient désormais d’un accès facilité aux données quantitatives et qualitatives de l’évolution du foncier économique local grâce à deux outils principaux. Le tableau de bord chiffré des espaces économiques permet une analyse à différentes échelles géographiques, tandis que la carte interactive offre une géolocalisation précise à la parcelle. Au-delà des outils d’analyse, l’observatoire inclut une partie « stratégie » qui se veut l’aboutissement concret et opérationnel de l’ensemble des travaux menés. En ce sens, l’OFE propose, en s’appuyant sur les dires des acteurs, 15 actions prioritaires à mettre en oeuvre afin d’accompagner au mieux les espaces économiques du territoire et, par extension, les entreprises et le développement territorial. Regroupées à travers sept propositions, ces actions sont le fruit des réflexions menées avec les participants aux différentes rencontres organisées les années précédentes. En tant qu’ensemblier d’acteurs travaillant pour le développement territorial, l’observatoire éclaire et harmonise les politiques publiques et les stratégies associées.
Le suivi de l’activité économique en Île-de-France
L’Institut Paris Region a développé une base de données sur les sites d’activités économiques, qui a notamment servi à l’élaboration du projet du SDRIF-E, arrêté en juillet 2023. Cette base a servi à la définition des périmètres de sanctuarisation des zones d’activités et des secteurs à requalifier en priorité. Dans sa méthodologie, elle va au-delà de la question des zones d’activités en identifiant également des grandes emprises économiques afin d’obtenir une vision la plus complète possible du foncier économique francilien. Elle intègre une typologie de zones par secteur d’activité (tertiaire, commerce, logistique, industriel ou mixte pour les zones sans dominante d’activité), ce qui permet de mieux distinguer les différents tissus économiques.
Facteurs de réussite/points de vigilance
L’OFE permet de suivre sur un temps long les disponibilités foncières afin de mieux préserver et ancrer les activités productives sur un territoire. La mise en oeuvre d’une gouvernance partenariale entre toutes les parties prenantes facilite le partage de l’information et garantit le passage d’une fonction d’outil « technique » à un outil d’« aide à la décision ». La mise en oeuvre d’un OFE nécessite de sécuriser les moyens humains et financiers afin de maintenir la qualité de suivi.