L’action de la région Ile-de-France en faveur de l’industrie
Carnet pratique n°16 : (Re) développer les activités productives dans les régions métropolitaines
Thierry Petit, novembre 2024
La Région Ile-de-France exprime son engagement pour la réindustrialisation en menant une politique volontariste et en fait le fil conducteur de ses interventions en faveur du développement économique. Cette volonté a pris une nouvelle dimension à la suite des crises successives liées à la pandémie de Covid-19 et à la guerre en Ukraine. Ces événements ont mis en lumière la fragilité des économies européennes face aux approvisionnements. Les enjeux de transition écologique et de décarbonation sont également au centre du choix de cette priorité.
À télécharger : presentationconfdepresseindustrieidf.pdf (1,5 Mio), cp16_ok_bat_web.pdf (7,3 Mio)
Cette volonté a été portée par les dernières Stratégies régionales de développement économique et d’innovation (SRDEII), en particulier la stratégie « Impact 2028 », qui cible six filières : Numérique, Industrie de la donnée et industries créatives ; Écoconstruction, ville durable et intelligente, Énergies vertes et décarbonées ; Aéronautique-spatial-défense, Mobilité durable et intelligente (dont automobile) ; Santé et soins ; Luxe et cosmétique ; Agriculture, agroalimentaire et nutrition. Ainsi que six domaines d’intervention (technologies stratégiques) : Intelligence artificielle (IA) et calcul à haute performance (HPC) ; Quantique ; Matériaux et clean techs ; Hydrogène ; Bioproduction, biotechnologies ; Technologies pour la santé.
La SRDEII se décline en plusieurs actions visant à la fois à agir sur l’environnement des entreprises, tout en s’appuyant sur des acteurs chargés de les mettre en oeuvre. Elle se concrétise par des mesures directes de soutien aux entreprises. L’annonce récente d’un plan pour la réindustrialisation décarbonée de l’Île-de-France, doté de 400 millions d’euros, formalise ainsi l’action de la stratégie régionale sur le volet industriel.
Agir sur l’environnement des entreprises
La Région soutient la recherche amont à travers l’identification de neuf Domaines de recherche et d’innovation majeurs (DIM), qui permet de financer les équipes de recherche d’excellence dans ces domaines. Celles-ci ont bénéficié de 20 millions d’euros en 2022. Elle accompagne également l’innovation et la structuration de filières en soutenant les pôles de compétitivité et en contribuant au financement de leurs projets de recherche collaboratifs : Nextmove (mobilité du futur), Astech (aéronautique, espace et défense), Medicen (santé), Systematic (deep tech), Cap Digital (numérique, ville durable), Cosmetic Valley (cosmétique et parfumerie), Finance Innovation.
En complément, le dispositif « Sésame filières » France 2030, doté de 2,5 millions d’euros en 2023, vise à consolider la structuration des filières stratégiques et développer des plateformes scientifiques et technologiques.
Dans le cadre de ses prérogatives, la Région agit aussi au niveau de la formation en lien avec les besoins des entreprises, en particulier en apportant son appui et en favorisant le développement des Campus des métiers et des qualifications (CMQ). En plus des sept campus déjà opérationnels, comprenant un dédié à l’industrie du futur, deux nouveaux campus ont été labellisés fin 2023, dont l’un axé sur l’énergie durable. Par ailleurs, quatre autres campus sont actuellement en phase de projet. L’ensemble des stratégies de développement du réseau d’incubateurs et d’accélérateurs a concouru de manière indirecte à renforcer le soutien aux activités productives avant leur arrêt fin 2023.
La Région agit par ailleurs sur la question foncière par la sanctuarisation au SDRIF-E de 27 000 hectares de foncier économique, dont 1 550 hectares de foncier disponible. Parmi ces 1 550 hectares disponibles, 550 hectares, constitués à 40 % de friches, le sont avant deux ans et identifiables via le site internet Smart Implantation.
À ce titre, elle a mis en place deux puissants outils de maîtrise foncière. Le premier, l’Epfif, a pour mission l’acquisition et la gestion de foncier pour le compte de la collectivité puis leur cession à des aménageurs sélectionnés selon la qualité de leur projet, sans plus-value ni rémunération, afin de contribuer à la maîtrise des prix. Il a également pour objectif de recycler les friches en s’appuyant sur le « Fonds Friches » de l’État. Le second (la SEM ÎIDF Investissements et territoires) a été créé en juillet 2020 à l’initiative de la Région Île-de-France, la Banque des territoires, la chambre de commerce et d’industrie Paris IDF, la Caisse d’Épargne Île-de-France et le Crédit Mutuel Arkéa. IDF Investissements et territoires est une foncière parapublique spécialisée dans l’investissement immobilier dans la région. Elle accompagne, en complément des autres acteurs publics et privés de l’immobilier d’activité, des projets à impact créateurs d’emploi, de valeur et d’attractivité pour les territoires. Depuis sa création, elle a investi 140 millions d’euros dans 86 000 mètres carrés d’actifs immobiliers avec ses partenaires, dont la moitié pour des projets industriels.
Pour finir, l’agence régionale de développement économique, Choose Paris Region, favorise l’implantation internationale d’activités productives en Île-de-France en complément des écosystèmes existants.
Agir directement en appui des entreprises
Dans le cadre du plan pour la réindustrialisation décarbonée de l’Île-de-France, un fonds souverain régional, doté de 250 millions d’euros, permettra de financer les fonds propres des entreprises en particulier la pré-industrialisation de start-up industrielles pour 65 millions d’euros, la décarbonation des PME/ETI industrielles franciliennes pour 150 millions d’euros tandis que 35 millions d’euros seront dédiés à un fonds Île-de-France Invess à destination de l’économie sociale et solidaire. Ce fonds complète des dispositifs d’aides individualisées existants, qui s’adressent majoritairement aux PME industrielles régionales. Ces aides sont distribuées via des appels à manifestation d’intérêt à destination de l’industrie, comme l’AMI « Accompagnement à la modernisation et à la transition écologique des PME et ETI industrielles », qui s’adresse à des industriels ayant au moins un site de production en Île-de-France avec une dotation de 20 millions d’euros. Le dispositif PM’up, déjà ancien, a de son côté permis de financer de nombreuses PME franciliennes (près de 70 entreprises en 2023 pour près de 14 M€) dans divers domaines comme l’innovation, l’appui à l’exportation, le développement stratégique, etc. et propose une nouvelle version en 2024 sous forme de subvention « Jeunes Pousses industrielles » pour financer la première ligne de production des lauréats.
Des activités productives aux multiples visages et usages du bâti
L’industrie n’est plus représentable par l’image d’une usine dotée d’une grande cheminée qui fume. Les activités productives sont aussi loin de pouvoir être résumées à un immense site couvrant des dizaines d’hectares. Ceux-ci sont la face émergée de l’iceberg et constituent autant de marqueurs pour les territoires que pour les esprits.
La réalité est que les activités industrielles en Île-de-France sont constituées à plus de 98 % d’établissements de moins de 200 salariés, dont 79 % ont moins de dix salariés. Les activités artisanales, qui constituent le deuxième plus gros effectif des activités productives, ne comptent par définition que des entreprises de moins de dix salariés. À la grande diversité des activités productives correspond une disparité des modes d’occupation des locaux, des espaces et des échelles.
Elles peuvent s’installer dans l’urbain dense en sous-sol de parking (lire fiche n° 39, p. 155- 158), en rez-de-chaussée d’immeuble ou en arrière-cour (activités artisanales, par exemple), au sein d’hôtels industriels et artisanaux en étage, qu’ils aient été conçus dans les années 1970 à l’image de Mozinor à Montreuil ou récemment à l’occasion de programmes immobiliers privés innovants. Il en est de même des cours artisanales et industrielles qui subsistent encore à Paris et en proche banlieue parisienne, mais aussi comme celles que l’on construit actuellement sous l’impulsion de programmes privés et publics.
Nombre de ces espaces existent également dans l’urbain dense, dans un environnement mixte, prouvant à la fois qu’ils répondent à une attente des entreprises, mais aussi que leur forme permet une relative cohabitation. Que des acteurs de l’immobilier économique réhabilitent ou recréent ce type d’espace d’activité en coeur d’agglomération ne fait que le confirmer, qu’il s’agisse de cours artisanales et industrielles ou de sites en hauteur (dont certains dotés de rampes d’accès pour poids lourds). À côté de ces formes urbaines moins connues du grand public existent des sites spécialisés pour l’accueil des activités productives, qui représentent, aux yeux de ce même grand public, l’archétype de l’implantation industrielle d’aujourd’hui. Il s’agit des zones d’activités économiques, des zones plus spécifiques comme les plateformes chimiques, les zones industrialo-portuaires ou encore les grands sites industriels. À cette diversité s’ajoutent de profondes transformations qui ont touché et continuent de marquer l’industrie et les activités productives en général. Ainsi, il est parfois difficile de différencier un site tertiaire d’un site industriel tant la nature de l’activité productive a changé, notamment pour les activités à fort contenu technologique. On voit d’ailleurs désormais apparaître de nouvelles formes immobilières qui s’apparentent à des bureaux, tout en conservant les fonctionnalités d’espaces productifs, comme les sites techno-industriels ou l’immobilier « techtiaire » tel que le dénomme l’Établissement public d’aménagement Paris-Saclay.