Dispositifs de l’état mobilisables par les collectivités pour soutenir la réindustrialisation

Carnet pratique n°16 : (Re) développer les activités productives dans les régions métropolitaines

Thierry Petit, novembre 2024

Institut Paris Région (IAU)

Depuis près de deux décennies, l’État souhaite inverser la tendance de la désindustrialisation de la France. Des pôles de compétitivité au ministère du Redressement productif, en passant par les plus récents « Programmes d’investissement d’avenir », son action a principalement cherché à créer un environnement favorable pour l’activité industrielle en soutenant l’innovation et en favorisant la structuration de filières. Plusieurs dispositifs existent pour les collectivités territoriales afin de soutenir au mieux un processus de réindustrialisation conciliant innovation et durabilité.

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De nombreux dispositifs revêtent une dimension territoriale, avec des actions spécifiquement conçues pour s’articuler avec les projets des acteurs locaux, comme on a pu le voir avec les pôles de compétitivité ou plus récemment avec les « Territoires d’industrie ». Cette approche territoriale s’illustre aussi par la mobilisation d’acteurs spécifiques, comme l’ANCT ou les services déconcentrés de l’État dans les territoires, qui assurent l’interface avec les collectivités.

Plusieurs grands plans se sont succédé au cours des deux précédentes décennies, le dernier en date, « France 2030 », vise à développer la compétitivité des industriels et les technologies d’avenir, développer de nouvelles filières ainsi qu’accompagner les entreprises industrielles dans leur transition écologique.

Ce plan, lancé en 2021, est doté d’une enveloppe de 54 milliards d’euros. Parmi les actions qu’il porte figure l’AMI « Rebond industriel », doté de 100 millions d’euros, destiné à accompagner les territoires confrontés aux mutations de la filière automobile. Le territoire de Grand Paris Seine et Oise figure parmi les 19 territoires nationaux sélectionnés. Par ailleurs, il finance plusieurs plans sectoriels, comme le plan automobile, doté de 5 milliards d’euros, qui inclut des appels à projets (AAP) dédiés à l’innovation de la filière, à la modernisation et à la diversification de nombreux sous-traitants automobiles, le plan « Innovation Santé 2030 », doté de 7,5 milliards d’euros et disposant de plusieurs AAP visant à soutenir l’innovation dans les biotechnologies, la bioproduction, les dispositifs médicaux et le numérique en santé, et qui a contribué à la relocalisation de la production de plusieurs principes actifs sur le territoire national. Il inclut aussi la stratégie « Start-up industrielles et deep tech », dotée de 2,3 milliards d’euros avec notamment un AAP pluriannuel « Première Usine », doté de 550 millions d’euros pour des aides à des projets d’industrialisation portés le plus souvent par des PME (tous secteurs confondus). L’Île-de-France bénéficie de chacun de ces dispositifs.

Une autre action symbolique du plan France 2030 est la stratégie nationale de mobilisation pour le foncier industriel, qui vise à mobiliser 22 000 hectares de foncier pour l’activité productive à l’horizon 2030, dont 10 000 hectares par la reconquête des friches et 3 500 hectares par la densification de sites existants. Des échanges ont eu lieu entre l’État et les Régions pour déterminer, dans chacune d’entre elles, les sites qui seront retenus. En Île-de-France, l’étude menée en 2023 sur les sites clés a permis d’apporter des éléments de réponse.

Pour accélérer le recyclage du foncier économique, le Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires ou « Fonds vert », doté de 2 milliards d’euros de crédits, peut porter sur le financement de projets de recyclage de friches, portés par les collectivités.

La loi Industrie verte, votée le 23 octobre 2023, complète le plan France 2030 et vise à donner les moyens de redévelopper l’industrie sur le territoire national en ciblant les industries décarbonées, en simplifiant les procédures administratives et en remobilisant les sites abandonnés. Ses objectifs sont de :

La loi introduit aussi au Code de l’urbanisme une planification du foncier industriel à l’échelle régionale. Cette planification devra être portée par les Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Cette disposition était déjà prévue par ce même code pour le SDRIF-E en Île-de-France. Celui-ci, adopté à l’automne 2024, projette d’ailleurs des capacités d’urbanisation dédiées au développement industriel et sanctuarise un certain nombre de sites d’activités économiques, prioritairement pour l’industrie.

Par ailleurs, comme indiqué en introduction, l’État a mis en place des actions spécifiques à l’échelle et à l’initiative des territoires.

Près de vingt ans après leur création, les pôles de compétitivité sont devenus des outils incontournables de coopération et d’animation des acteurs des écosystèmes locaux. Ces pôles se voient ainsi confirmer pour une cinquième phase 2023-2026. L’action de l’État consiste à appuyer le financement des projets de R&D collaboratifs via le Fonds unique interministériel (FUI) géré par les Régions et participer au financement des structures de gouvernance des pôles en mobilisant des partenaires (ANR, Bpifrance qui porte notamment le FUI, etc.).

D’autre part, l’action « Territoires d’industrie », lancée en 2018, qui a pour ambition d’appuyer des initiatives locales, a remporté un franc succès. À ce titre, un deuxième volet couvrant la période 2023-2027 a été engagé avec un budget de 100 millions d’euros en 2023, issu du « Fonds vert ». Les actions financées sont définies en collaboration avec les Régions et les collectivités. En Île-de-France, sept Territoires d’industrie ont été labellisés ainsi que 27 sites industriels « clés en main ».

L’Action coeur de ville, pilotée par l’ANCT, a pour objectif de réintroduire des activités productives au coeur de villes moyennes, qui sont leurs interlocuteurs directs. Le deuxième volet (2023-2026) est doté de 5 milliards d’euros. Ses principaux partenaires sont la Banque des territoires (Caisse des dépôts), l’Anah et Action Logement.

Afin de mettre en oeuvre ces dispositifs en collaboration avec les collectivités concernées (Région, EPCI, communes), l’État s’appuie sur un réseau de services déconcentrés et d’opérateurs présents sur les territoires. Parmi les services déconcentrés de l’État en charge des questions industrielles, il faut citer le rôle clé des Dreets (Drieets en Île-de- France) et de la Drieat.

La Drieets (Direction régionale interdépartementale de l’économie, de l’emploi du travail et des solidarités) porte les actions de développement des filières et l’accompagnement des entreprises, les mutations économiques, la compétitivité et la sauvegarde des entreprises.

La Drieat (Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports) est un service déconcentré du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et du ministère de la Transition énergétique. Parmi ses missions, elle assure un accompagnement des territoires en matière de planification et d’aménagement dans les territoires franciliens, en intégrant les enjeux environnementaux et de mixité fonctionnelle et sociale, de qualité urbaine, et d’innovation. Elle instruit les demandes d’agrément pour les locaux d’activités, assure un suivi des risques liés aux Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et leur inspection.

L’État, dans son action en faveur de l’industrie, s’appuie sur des organismes dont les activités ont une dimension territoriale avec notamment la Caisse des dépôts et consigna tions via sa filiale la Banque des territoires pour l’action territoriale et Bpifrance (banque publique d’investissement) ainsi que l’Ademe (Agence de la transition écologique). La Banque des territoires agit en appui aux territoires dans le domaine du conseil, de l’ingénierie, ou en tant qu’opérateur de confiance. Elle propose des offres de financement aux projets de territoire, notamment productifs, au service de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Elle soutient, entre autres, le programme Territoires d’industrie avec une enveloppe d’un milliard d’euros et le Plan de relance pour l’industrie ainsi que le programme Action coeur de ville.

Elle développe trois modes d’intervention en investissement : directement en fonds propres et quasi-fonds propres dans l’immobilier, à travers des participations auprès des opérateurs, aménageurs tels que des SEM ou encore via des fonds privés. De son côté, Bpifrance, la banque des entrepreneurs, appuie les entreprises de toutes tailles dans leur développement, y compris à l’export et à l’innovation. Cela passe par des crédits, des garanties, des aides à l’innovation et en fonds propres ou encore des missions de conseil et de formation en lien avec les politiques de l’État et de la Région.

Elle pilote, par exemple, l’appel à manifestation d’intérêt « Industrie du futur Île-de- France ». Elle a injecté 67 milliards d’euros dans l’économie française en 2022, dont 8,2 milliards de prêts garantis auprès de 60 000 entreprises. Enfin l’Ademe, en tant qu’opérateur dans le cadre du plan d’investissement France 2030, dispose d’un budget de 5 milliards d’euros afin de soutenir le déploiement de solutions matures et de projets de décarbonation profonde des activités industrielles. Elle apporte aussi son aide aux projets de reconversion de friches polluées, portés par les collectivités, issues d’anciens sites ICPE ou Code minier. Pour faciliter la reconversion des friches, l’Ademe soutient le financement d’études pour évaluer le risque de pollution, interroger les intentions d’usage et définir des stratégies de gestion de la pollution et de dépollution adaptées au projet prévu.

Références