Dunkerque : réaménagement de cours d’école
Re-création d’espaces inclusifs et créatifs
juin 2024
Le Cerema propose une série de fiches « Résilience et cour d’école » qui présente des projets de réaménagement de cours d’école. S’adaptant à chaque contexte, ces projets partagent le souci d’intégrer plus de nature, de diversifier les usages et d’améliorer les conditions de vie, notamment en été pour prendre en compte le changement climatique en cours.
Ici le projet développé à Dunkerque pour le réaménagement des 3 065 m² de deux demies cours (maternelle et élémentaire) de l’école de la Porte d’eau construite en 1982 (290 élèves).
Un projet pour diversifier les usages et améliorer le cadre et la qualité de vie à l’école
La cour jouxte un parc arboré mais apparaissait coupée de cette nature urbaine avec deux cours très minérales, séparées par un bâtiment sanitaire vétuste. La cour de la maternelle composée d’un vaste espace central en enrobé, entouré d’une aire de jeux, d’une « petite forêt » et d’une pelouse rase, offrait quelques espaces verts très appréciés par les enfants, mais inutilisables par temps de pluie. La cour élémentaire, se composait d’un grand espace en enrobé avec six arbres et une souche comme principale attraction. Cela a favorisé les jeux de ballon au centre de la cour, au détriment des autres usages repoussés en périphérie.
Vers un cadre récréatif favorable au bien-être des enfants
Véritable projet pilote ayant vocation à être reconduit sur d’autres écoles, ce réaménagement est initié pour améliorer cet espace où les enfants passent un temps non-négligeable. Si le bien-être des élèves et des autres usagers est au cœur de la réflexion, le projet prend en compte l’ensemble des thématiques liées à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique : gestion des eaux pluviales, confort thermique et ombrage, et à la place de la nature en ville et de la biodiversité. Pour répondre aux besoins différents selon les enfants, l’apaisement du climat scolaire est recherché grâce au végétal et à la diversification des espaces ludiques, pour que tout le monde trouve sa place. Cette fiche traitera principalement du retour d’expérience sur les aspects relatifs au bien-être et aux usages.
La Ville de Dunkerque travaille plus largement à une politique de sécurisation des déplacements en modes actifs aux abords des groupes scolaires, avec la création de nouveaux accès selon les possibilités existantes.
C’est le cas de l’école de la Porte d’eau, où l’accès des enfants des classes élémentaires s’opère désormais via le parc urbain, et non plus par la rue qui longe les bâtiments de l’école.
Un projet pilote et concerté avec les différents acteurs impliqués
Un accompagnement transversal et renforcé pour favoriser la réplication du projet
La Ville a souhaité bénéficier d’un accompagnement par le Cerema pour définir une méthode de travail et pour aider à la conception de cette première rénovation, afin de tirer des enseignements pour les prochaines démarches sur les autres groupes scolaires.
Pour l’accompagnement en amont, le Cerema a été mobilisé pour le diagnostic technique transversal de la cour existante, notamment sur le volet bioclimatique et sur la gestion des eaux pluviales, afin de fixer les objectifs et principes d’aménagement. Un diagnostic des usages a également été réalisé par observation sur site, en partenariat avec l’AGUR (agence d’urbanisme qui menait une démarche de concertation sur cette école). Sur cette base, l’agence de paysagistes Phytolab a pu assurer la maîtrise d’oeuvre et proposer une conception paysagère et architecturale intégrée.
Le projet s’est donc construit selon un principe de transversalité, pour n’oublier aucun enjeu ni bénéfice potentiel, tout en assurant de minimiser les contraintes d’entretien de la future cour.
Développer une démarche de participation avec l’Agur
Les enseignants, les parents d’élèves du conseil de l’école, les délégués de classe et les membres du conseil municipal d‘enfants ont été consultés pour assurer une proposition de rénovation en adéquation avec les besoins des usagers. Il s’agissait de permettre une meilleure appropriation de l’espace après les travaux, et d’assurer ainsi la pérennité du projet. Deux visites sur site, ainsi qu’une réunion d’échanges en visioconférence ont été organisées. Les demandes, questions et avis sur des propositions d’aménagement ont été recensés dans un carnet de concertation, pour orienter et les propositions de Phytolab.
Le principe de co-construction du projet a permis également quelques améliorations après les travaux. Les parents ont ainsi constaté un positionnement potentiellement risqué de petits rochers décoratifs trop près de l’estrade, qui ont donc été déplacés au pied des arbres.
La cour de tous les usages
Donner une juste place à chaque usage
Le diagnostic révèle que l’espace n’est pas optimisé, ni pour le confort des élèves, ni pour leur épanouissement ludique et pédagogique. La cour de l’école élémentaire ne présente notamment aucun espace de jeu pour les élèves et est parfois génératrice de conflit.
La refonte de la cour a permis à chacun et chacune de trouver sa place, en offrant de multiples possibilités d’usages et d’activités aux enfants. Des coins calmes avec des cabanes (adaptées pour pouvoir accueillir les enfants en fauteuil roulant) ont été implantés pour permettre la lecture et la discussion, etc. Des tableaux sont installés sur les cabanes pour que les enfants puissent écrire ou dessiner. Il leur est toujours possible de se dépenser physiquement grâce au mur d’escalade, aux miroirs installés pour la danse, ou au trampoline. Les jeux de ballons sont toujours présents, mais sur une place plus restreinte. Les enfants sont invités à s’approprier la cour selon leurs envies grâce à du mobilier modulaire. Un banc peut devenir un obstacle au-dessus duquel on peut sauter, ou une toupie qu’on s’amuse à faire tourner. De plus, la cour devient un support pédagogique à part entière. Espace pour les cours de sports, la cour par la présence de la végétation permet de présenter des cas concrets pour les sciences naturelles. L’espace amphithéâtre peut accueillir des leçons, des lectures extérieures ou encore des activités périscolaires, et les arbres peuvent servir de support pour les activités artistiques. Des tracés de terrains de sports entremélés, oeuvre de l’artiste Céline Condorelli (FRAC 2021) sont là pour rappeler l’accès des pratiques sportives aux femmes et sensibiliser là l’égalité de genre.
Un cadre récréatif redynamisé au-delà des attentes
Une nette amélioration du cadre extérieur de l’école
Les retours de tous les usagers ont été recensés dans des entretiens informels. Ils sont très positifs. Les enfants profitent largement des nouveaux jeux qui s’adaptent à leur imagination et leurs envies du moment.
Les sens sont mis en éveil, la vue est stimulée par les insectes à observer et les couleurs qui évoluent tout au long de l’année, l’ouïe par le chant des oiseaux, l’odorat par les fleurs et les plantes aromatiques, le goût par les fruits, et le toucher grâce aux différents matériaux présents, notamment au sol.
L’équipe enseignante ne s’attendait pas à de telles améliorations. Elle constate qu’au-delà de l’apaisement des enfants lors des récréations, le réaménagement de la cour offre un cadre de travail plus agréable. Les parents sont particulièrement satisfaits du remplacement des sanitaires. Pour le personnel de gestion, les copeaux de bois ne nécessitent qu’un entretien ponctuel et ne pose donc pas problème malgré les craintes initiales.
En s’inspirant de la méthode apportée par le Cerema, la Ville de Dunkerque, souhaite rénover une cour par an, pour augmenter la désimperméabilisation, favoriser l’infiltration des eaux pluviales, le confort thermique et la biodiversité.
Focus : l’appropriation des aménagements par les enfants
Les bancs
Loin du simple mobilier de repos, certains des nouveaux bancs sont légers et surtout mobiles, permettant aux enfants de jouer avec : banc renversé utilisé comme balançoire, parcours de saut d’obstacles improvisé : les enfants investissent pleinement cette liberté de jeu qui leur est donnée !
Les arceaux à vélo et à trottinettes
Des arceaux ont été installés au sein de la cour, pour garer les vélos ou trottinettes en sécurité et à l’abri de la pluie. Cela encourage les parents à accompagner leurs enfants en modes actifs, puisque les accès immédiats sont eux-mêmes sécurisés (parc, larges trottoirs le long du canal à proximité).
Des miroirs et des craies pour créer
À la demande des enfants, exprimée pendant la concertation, des miroirs ont été installés contre les portails, pour répéter des chorégraphies de danse en récréation. L’amphithéâtre est utilisable comme scène, et les tableaux sur les cabanes permettent de dessiner, même si les élèves préfèrent utiliser les craies, directement sur la cabane ou sur le sol.
Noue, arbres et prairie fleurie
Les enfants profitent des espaces végétalisés pour les temps de jeu ou pour se reposer : bancs à l’ombre des arbres, noues où faire des acrobaties par temps sec, parcours délimités par les arbres, etc. Et ils ne manquent pas de commenter les choix de fleurs pour la prairie : « joli, mais on aimerait avoir plus de couleurs différentes ! ».
LES CLÉS DE LA RÉUSSITE, Le point de vue du maître d’ouvrage
Associer les usagers et les services techniques dès le départ pour bien comprendre les besoins est essentiel, même si cela prend du temps. Cela favorise une bonne appropriation des espaces, et permet d’accompagner le changement de paradigme, puisque la rénovation implique une transition d’une « cour à surveiller » à une « cour à animer ». La créativité du paysagiste rencontre ici la créativité des enfants et leur capacité à exprimer leurs envies et à imaginer de nouvelles fonctions pour le mobilier avec pour condition sine qua none la collaboration des autres adultes (professeurs, parents, etc.).
Se doter de diagnostics sur les différents enjeux de la cour permet d’adopter une démarche transversale, et de ne pas oublier un aspect du projet dans les principes d’aménagement. Anticiper l’accessibilité et l’entretien est au coeur de cette réflexion amont, pour concevoir un espace diversifié et soutenable.
Élargir la réflexion aux abords de l’école a permis de questionner ses accès en lien avec la politique de sécurisation des déplacements en modes actifs aux abords des groupes scolaires. L’ouverture de la cour sur le parc urbain en a découlé pour faire bénéficier celle-ci des agréments du parc.
Apprendre pour essaimer est l’ambition initiale avec un projet pilote comme celui-ci, et le choix d’un accompagnement par une maîtrise d’œuvre. La Ville de Dunkerque gère 35 établissements scolaires sur son territoire et souhaite rénover une cour par an sur les mêmes principes d’action et selon la méthode co-construite avec le Cerema. L’AGUR reste en appui ponctuel pour l’ensemble de la démarche.