Un recours alternatif à la Justice de Paix en matière de conflits locatifs
La Médiation Paritaire du logement
Pascale Thys, septembre 2001
Cette fiche décrypte la médiation paritaire du logement, dont le but est de permettre aux propriétaires et aux locataires à faibles revenus de trouver une solution alternative à la justice pour sortir des conflits qui les opposent.
Cette fiche a été réalisée avec le concours du collectif « médiation paritaire » issus du Conseil du logement à Charleroi et regroupant diverses associations et services intéressés par le logement, et à partir d’un entretien avec le responsable du collectif qui gère le projet.
Contexte et origines du projet
Le projet s’inscrit dans un contexte où les locataires peu fortunés doivent souvent avoir recours à la location privée. En cas de conflits locatifs, peu de locataires ont recours à la Justice, qu’ils craignent. On note que plus de 90% des conflits locataires/propriétaires sont introduits en justice par les propriétaires. Pour les locataires, les rapports de force sont inégaux, les coûts sont importants et les délais de procédure trop longs. De plus, ils redoutent une détérioration des relations avec leur propriétaire. De leur côté, les propriétaires souhaitent des recours plus rapides, moins coûteux et moins conflictuels.
Depuis plusieurs années, le Conseil du logement de Charleroi, qui rassemble des partenaires associatifs publics, locataires et propriétaires, met en œuvre divers projets pour tenter de régler des problèmes de logement concernant les locataires à faibles revenus. Une recherche-action « expulsion » a été réalisée dans ce cadre.
En 1999, une des propositions qui en est issue est de mettre sur pied un projet de médiation en matière de conflits locatifs.
« Du côté des locataires, explique le responsable du projet, les associations ont relevé le défi tout en appréhendant cependant le poids du lobby des propriétaires très développé à Charleroi ».
Les premières expériences ont commencé en juin 2001.
Objectifs et enjeux du projet
L’objectif essentiel est d’offrir une solution alternative au recours à la Justice dans les conflits locatifs, qui permette aux locataires qui appréhendent la piste légale de ne pas être laissés au bon vouloir des propriétaires.
L’enjeu est de tenter d’améliorer à Charleroi les relations entre associations et services préoccupés par le droit au logement pour les locataires précarisés et le syndicat des propriétaires qui constitue un groupe de pression puissant.
Population concernée et groupes cibles
La population concernée est essentiellement constituée de locataires à faibles revenus. Mais les locataires d’autres couches sociales ne sont pas exclus.
Du côté des propriétaires, dans le cadre du projet pilote, il s’agit essentiellement de propriétaires privés.
Montage financier
Le Conseil du logement a mis 200 000 FB à la disposition du projet.
Le projet pilote espère un soutien financier fédéral par un projet de recherche-action en cours de préparation par le Ministre de l’Intégration Sociale.
Partenaires du projet
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Le Syndicat des propriétaires de la région de Charleroi
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L’Agence Immobilière Sociale
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L’Aide locative du Fonds du logement
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Le CPAS de Charleroi
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Un juge de paix
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Un architecte
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L’échevin du logement de Charleroi
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Solidarités Nouvelles asbl
Déroulement du projet
La procédure se déroule en trois étapes pour les candidats locataires ou propriétaires à qui on a proposé ou qui ont souhaité avoir recours à la médiation.
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Une préparation des candidats à la médiation par un « parrain » associatif locataire ou propriétaire.
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La première médiation réunit quatre personnes, les deux personnes en conflits et les deux associations représentantes. Si les deux parties arrivent à un accord, ils s’engagent en le signant.
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Si un accord n’est pas obtenu, il est proposé une deuxième médiation réunissant les mêmes personnes accompagnées cette fois d’un médiateur compétent qui est juriste. En cas d’échec, le recours en justice est toujours possible.
Perception du projet par les acteurs
Résultats quantitatifs
Dans le cadre de ce projet pilote, deux expériences ont été menées dont l’une est terminée et l’autre est toujours en cours. Deux autres expériences devraient avoir lieu prochainement.
Résultats qualitatifs
Les résultats semblent intéressants pour les deux parties en présence. « Dans le cas de l’expérience qui a été menée à son terme, les parties sont arrivées à un compromis », explique le responsable. « Il a été mis en œuvre et, jusqu’à présent, le conflit est pacifié ».
Efficacité du projet
L’efficacité du projet reste à démontrer sur un plus grand nombre d’expériences. Toutefois, la première expérience a permis aux deux parties, propriétaires et locataires, de se rencontrer et de trouver une solution qui leur convienne.
La participation
Les propriétaires et locataires sont directement impliqués dans la procédure. Ils sont accompagnés par leurs associations respectives. L’accord est recherché directement avec les personnes et n’existe que si les deux parties trouvent un terrain d’entente, contrairement à la procédure en Justice où il y a toujours un gagnant et un perdant.
Avancées au niveau du droit
Il s’agit de remplir un vide laissé par l’appréhension des locataires mais parfois aussi des propriétaires vis-à-vis d’un mode de résolution de conflit (la Justice de Paix) en proposant une alternative en amont du système officiel. Dans le cadre du compromis à trouver, les « parrains » qui accompagnent les protagonistes doivent être vigilants à respecter les dispositions d’ordre public qui existent (en terme de sécurité, salubrité,…).
Par ailleurs, le projet est lancé à partir d’une association, issue du Collectif Logement de Charleroi.
Le projet comme un processus
Pour les responsables, les protagonistes obtenant chacun une partie de ce qu’ils réclament, peuvent se faire une image différente, plus positive et plus constructive de l’autre partie. L’impact de l’initiative est difficilement évaluable à ce stade de l’expérience, les responsables, prudents, espèrent qu’elle aura pour effet une diminution des conflits et un rapprochement des points de vue des deux parties.
Difficultés rencontrées, blocages et handicaps
Se rencontrer ne va pas de soi. Comme dans toute démarche de médiation, l’approche impose un travail particulier au niveau de la préparation des deux parties prenantes.
Il faut être vigilant à ce que le contenu de la convention ne soit pas en conflit avec des dispositions légales.
Atouts du projet et causes de réussite
Partant des besoins du terrain, le projet vient remplir un interstice laissé libre.
Perspectives de développements futurs du projet
Les responsables espèrent que le projet pourra s’inscrire dans un projet plus large de recherche-action menée par le Ministre fédéral de l’Intégration Sociale sur la médiation alternative à la Justice de Paix en matière de conflits locatifs dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.
En savoir plus
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Bernard N. 2010. Les commissions paritaires locatives : chronique et enseignements d’une expérience-pilote fondatrice, Groupe de Boeck. 205 pages