Le projet intergénérationnel Le Balloir
Projet offrant du logement pour personnes âgées et pour enfants seuls ainsi qu’un atelier de « pré-formation » pour jeunes mamans en difficulté
Pascale Thys, septembre 2001
Cette fiche présente un projet intergénérationnel, liant maison de repos pour personnes âgées et centres d’accueil pour des enfants placés et des mères en difficulté. Tout en gardant leur indépendance, ces structures tentent de construire un projet commun.
Cette fiche a été réalisée avec le concours du porteur du projet, Balloir asbl, à partir d’interviews avec le directeur du Balloir, la directrice de la maison de repos et la responsable de l’Atelier du Balloir.
Contexte et origine du projet
C’est en 1992 que le Balloir ouvre ses portent pour accueillir enfants, personnes âgées et mères en difficultés.
Le projet naît de deux expériences. D’une part, celle du fondateur de l’asbl « La maison heureuse » qui constatait que les personnes âgées s’ennuyaient et se déprimaient d’être seules et de n’avoir rien à faire. D’autres part, celle du directeur de « La Maison blanche », service qui dépend de « La maison heureuse » et qui accueille une vingtaine d’enfants moralement abandonnés. En 1979, il a créé un poulailler afin de favoriser les rencontres entre personnes âgées du quartier et les enfants.
Le projet appelé « Atelier du Balloir » existe depuis une dizaine d’années mais l’équipe et le projet se sont structurés depuis le déménagement vers le Balloir, en 1996. A l’origine, le projet a été lancé à partir de la Maison maternelle. Les femmes restaient six mois puis devaient quitter la Maison. L’objectif de la création de l’Atelier pour ces femmes (jeunes mamans) était de recréer un endroit où vaincre la solitude et développer des apprentissages. L’idée était aussi de leur proposer une démarche similaire à celle de se rendre sur son lieu de travail et, dès lors, d’installer l’Atelier dans un endroit extérieur à la Maison maternelle. Ce projet est également un des lieux privilégiés de rencontres intergénérationnelles.
Objectifs du projet
Outre le fait d’offrir un service spécifique aux différents bénéficiaires (bébés, enfants, personnes âgées, mamans en difficultés), l’objectif est de favoriser les rencontres intergénérationnelles. A un niveau général, « l’objectif du projet est de donner à chacun, quel que soit son âge, le désir d’avoir encore des projets de vie adaptés et choisis » explique le directeur.
Pour les personnes âgées, le projet vise à leur permettre, malgré leur âge, de trouver un sens à leur vie, notamment par le développement de projets, l’aide aux mamans en difficultés et aux enfants.
En ce qui concerne les enfants, il s’agit de leur permettre d’évoluer en rencontrant diverses générations et notamment en créant des liens avec les personnes âgées.
Au niveau de l’Atelier du Balloir, un objectif spécifique minimal est que les mamans deviennent de bonnes bénévoles et qu’elles développent un savoir-faire dans les domaines de la cuisine, la vente, la couture, l’hygiène. Le but est de les aider à retrouver une certaine confiance en soi, une estime de soi en partant de ce qu’elles savent déjà faire. L’objectif du projet est que les femmes puissent être écoutées, qu’elles puissent prendre le temps de s’arrêter sur elles-mêmes. Elles ont aussi la possibilité de s’initier à l’aide aux personnes en accompagnant les personnes âgées.
Population concernée et groupes ciblés
Les différentes structures coexistent sur le site tout en étant indépendantes mais interconnectées et en accueillant une population spécifique.
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Il y a les enfants dont les parents ne s’occupent pas, temporairement ou définitivement, qui sont dans la maison d’accueil ;
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Les jeunes mamans en difficultés, accueillies à l’Atelier, dont l’insertion sociale est difficile et dont les revenus sont faibles, pour qui une prise en charge des enfants est possible. Elles n’ont souvent rien fait au niveau professionnel, elles ont vécu beaucoup d’échecs scolaires et n’ont pas de loisirs ;
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Les personnes âgées qui sont accueillies soit en maison de repos soit en résidence-service. En terme d’admission, au niveau de la maison de repos, elle est ouverte à tous « mais, tout est une question d’équilibre au sein de l’institution tant en terme d’autonomie de la personne qu’en terme financier » affirme le directeur.
Montage financier
En ce qui concerne le mode de subvention des structures, la cohabitation des différents groupes ne pose aucun problème au regard de la réglementation wallonne car chaque structure a sa propre direction et constitue une entité qui répond chaque fois à une réglementation propre. Toutefois, l’Atelier ne jouit actuellement d’aucune reconnaissance et de subvention pour l’action qu’il mène et est entièrement financé sur fonds propres.
Le Balloir est une Maison de Repos pour personnes âgées et s’aligne sur les forfaits INAMI.
Au niveau de la construction- rénovation du site, le coût total des travaux s’élève à près de 75 millions de FB. Outre des fonds récoltés via une campagne de dons, il y a eu des subsides de la Région wallonne, des aides de la Fondation Roi Baudouin et de l’opération 48.81.00.
Le directeur explique : « On n’a jamais le premier franc avant le lancement des projets mais, en 5 ans, l’emprunt pour la construction/rénovation du Balloir a été remboursé ». Il ajoute que « Sans les dons, on ne vit pas ». Le montant de ces dons s’élève à environ 30 millions de FB par an pour l’ensemble du projet « La maison heureuse ».
Le projet de l’Atelier du Balloir n’entre actuellement dans aucun créneau de subvention et fonctionne uniquement sur fonds propres.
Partenaires du projet
Concernant les enfants, le service a régulièrement des contacts avec des services qui encadrent l’enfant et sa famille (maison maternelle, SAJ, service d’aide précoce, etc.) ainsi qu’avec l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE).
Déroulement du projet
La cohabitation a pour but de stimuler, sans pour autant obliger les rencontres intergénérationnelles. La disposition des accès aux différentes structures permet aux usagers qui utilisent le complexe de vivre leur propre vie sans devoir nécessairement prendre conscience de la présence d’autrui.
En ce qui concerne le projet de l’Atelier du Balloir, les femmes sont souvent envoyées par quelqu’un, parfois elles sont accompagnées par un intervenant social lors de la première rencontre. L’accompagnement se fait sur base d’un projet personnel, sans durée systématique bien que la durée maximum soit de 2 ans et demi, durée qui correspond à l’accueil de l’enfant en crèche. Elles sont 12 à 15 et participent progressivement aux activités 2 à 3 fois par semaine. L’Atelier est ouvert au public et aux personnes âgées. Le repas est préparé par les stagiaires pour l’Atelier. Si nécessaire, les mamans sont accompagnées dans leurs démarches extérieures.
Au niveau intergénérationnel, diverses activités sont l’occasion pour les différents bénéficiaires de se rencontrer. Environ une fois par semaine, les mamans vont manger avec les personnes âgées, et elles les réinvitent à dîner à l’Atelier.
Tous les quinze jours, des mamans collaborent à l’organisation d’un « goûter musical ». Pendant que l’une organise l’ambiance musicale et propose d’anciens succès, d’autres préparent et servent le goûter aux personnes âgées.
Régulièrement des personnes âgées se retrouvent dans la cuisine de l’Atelier. Certaines viennent repasser du linge avec les mamans.
Certaines mamans deviennent référentes d’une personne âgée et se soucient tout particulièrement de ses besoins.
A chaque occasion, les mamans de l’Atelier invitent personnellement les mamans de la crèche dans le cadre de ventes spéciales de jouets ou de vêtements, à l’occasion d’activités festives ou récréatives pendant les vacances. Certaines personnes âgées vont régulièrement participer à la mise au lit des enfants de la maison d’accueil et leur racontent des histoires. D’autres participent à la préparation des repas pour les pensionnaires du Balloir, d’autres encore participent à la mise sous pli des courriers pour la collecte de dons. D’autres enfin, assurent une aide au niveau du suivi scolaire des enfants de la maison d’accueil.
Un potager est géré par les mamans et les enfants, quelques poules y sont accueillies depuis Pâques 2001. Les enfants ont aussi participé à la conception du poulailler en réalisant des croquis.
Perception du projet par les acteurs
Résultats quantitatifs
La liste d’attente pour la maison de repos est importante et une augmentation de la capacité d’accueil est en cours.
Depuis le début, ce sont une petite trentaine de femmes qui sont passées par l’Atelier.
Pour la responsable, « c’est le premier pas qui coûte le plus ».
Résultats qualitatifs
Suite à leur participation à l’Atelier du Balloir, deux femmes se sont formées en cuisine de collectivité, une troisième a entrepris une formation en informatique, et une autre en vente.
En ce qui concerne le projet intergénérationnel, on peut constater qu’un ensemble de projets sont menés pour favoriser les rencontres entre les générations. Toutefois, lors de notre visite, nous n’avons pas eu la possibilité d’interroger des bénéficiaires pour qu’ils nous parlent de ce que représente le projet intergénérationnel pour eux.
Efficacité du projet
Le magasin de l’Atelier est un outil de formation de prédilection et occupe une place majeure au niveau des rencontres intergénérationnelles. Il est aussi un prétexte pour ouvrir l’institution au quartier et ne pas fonctionner en vases clos. Il illustre d’une certaine façon l’efficacité du projet.
La participation
La participation des bénéficiaires est encouragée mais n’est jamais obligatoire. Outre un sentiment d’utilité et de satisfaction personnelle, la participation des bénéficiaires à différentes tâches permet de diminuer les coûts à certains niveaux ou d’augmenter la qualité générale des services rendus dans l’institution.
Dans le cadre de cette participation, certaines personnes âgées qui avaient envie de raconter des histoires aux enfants de la maison d’enfants ont voulu suivre une formation dans le domaine. La formation a été organisée au Balloir et, pendant trois mois, treize personnes se sont formées. Elles racontent des histoires aux enfants lors de la mise au lit. En soirée, l’équipe des trois éducateurs de la maison d’enfants est renforcée par l’accompagnement des mamies, ce qui permet d’accorder plus de temps à chaque enfant et, aux personnes âgées, de retrouvent une utilité, un rôle et de la satisfaction qui leur manquent parfois beaucoup dans leur vie.
« Quand on propose aux personnes de participer à une activité, on veille à leur expliquer l’histoire du projet et l’intérêt de leur participation aux différentes tâches », explique la responsable de la Maison de repos.
Avancées au niveau du droit
Sans être une avancée proprement dite au niveau du droit, le projet présente un type de gestion spécifique et une construction originale. En effet, le Balloir est un ensemble de trois asbl distinctes disposant d’un même Pouvoir Organisateur, tout comme une vingtaine d’autres maisons d’enfant.
Au niveau de l’Atelier, les mamans participent aux activités dans le cadre d’un bénévolat et continuent à « pointer » et à percevoir leurs allocations sur base d’un accord avec l’Office national de l’emploi (ONEM).
Le projet comme processus
L’intergénérationnel semble apporter, par la diversité des rencontres, un enrichissement mutuel de tous les bénéficiaires. Pour certaines mamans, l’Atelier a également été un tremplin vers une formation.
Difficultés rencontrées, blocages, handicaps
La nécessité de maintenir une autonomie entre les différents types de services, sans être un frein a été un principe avec lequel il a fallu compter pour construire le projet intergénérationnel.
En terme de subvention, l’institution ne peut accueillir des enfants ressortant d’une autre communauté linguistique (les subventions en la matière étant accordées par chaque Communauté respective).
Atouts du projet, causes de réussite
Selon les responsables du Balloir, dans la structure, « on sait qui fait quoi. On est multifonctionnel, par exemple, l’homme à tout faire vient servir le vin lors du repas ou la femme d’ouvrage aide à servir à table. Il y a aussi un bon esprit d’équipe et chacun connaît les rôles des autres travailleurs ».
Le directeur, fort pris par son travail mais désirant être présent aux yeux des bénéficiaires, a installé son bureau dans une place centrale et stratégique : la salle à manger. Dans cette salle se font aussi toute une série d’autres activités (remise en forme, mailing dans le cadre de la collecte de fonds, etc.).
Les responsables du Balloir affirment partir des besoins des bénéficiaires. A titre d’exemple, ils expliquent qu’un des plaisirs importants qui reste aux personnes âgées, c’est de bien manger. C’est pourquoi l’institution met l’accent sur cet aspect et s’est octroyé les services d’une diététicienne.
Pour la responsable de la Maison de repos, « Ici, la mentalité est que se sont les personnes âgées qui sont chez elles et pas nous. Elles y vivent. Nous, on est là pour travailler ».
Perspectives de développements futurs du projet
Le directeur explique : « On a envie d’être contagieux et les personnes âgées ont envie que d’autres personnes âgées puissent vivre ça ».
L’institution espère arriver à obtenir une reconnaissance du projet de l’Atelier du Balloir qui fonctionne uniquement sur fonds propres depuis plusieurs années.
Une première expérience d’habitat kangourou a vu le jour. Une maison est louée conjointement par une personne âgée et une personne en difficulté financière. La personne, moyennant un petit loyer, veille sur la personne âgée. Un des objectifs est que l’assisté devienne un assistant. Au niveau de la formule proposée, le loyer diminuera au fur et à mesure de la croissance de l’aide nécessaire apportée à la personne âgée.
En savoir plus
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Coordonnées de la maison de repos
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Article sur le projet dans le journal la Libre Belgique