Dispositif de suivi des impayés dans le Morbihan
Adil Morbihan, septembre 2023
A l’instar de l’ensemble du réseau des Agences Départementales pour l’Information sur le Logement (ADIL), l’ADIL du Morbihan est engagée dans la prévention des impayés et des expulsions via sa mission socle d’information juridique des locataires et des propriétaires faisant face à des impayés ou menacés d’expulsion. Grâce au soutien financier de la Fondation Abbé Pierre, l’ADIL a pu recruter une travailleuse sociale en interne afin d’offrir un conseil juridico-social plus complet aux ménages accompagnés. Ce dispositif vise à « aller vers » les ménages inconnus des services sociaux afin de pouvoir les accompagner et prévenir une éventuelle expulsion. Cette fiche présente le bilan de l’intervention de la travailleuse sociale après six mois d’expérimentation du dispositif.
Contexte territorial1
En 2018, l’emploi salarié progresse de 1,0 % dans le Morbihan, comme au niveau régional. Le département compte ainsi 2 500 salariés supplémentaires.
Malgré une baisse de 400 emplois dans l’intérim (– 4,0 %), les effectifs du secteur tertiaire marchand sont en progression de 1,3 %. Ce secteur regroupe plus des deux tiers (69 %) des créations nettes d’emploi dans le Morbihan en 2018. La hausse est portée par les services aux entreprises hors intérim avec un millier d’emplois créés. Le rythme de progression (+ 6,7 %) est plus élevé qu’en moyenne régionale (+ 3,1 %). Le commerce crée aussi des emplois (+ 600, soit une hausse de 1,6 %).
Les sous-secteurs de l’information-communication (+ 2,9 %), des transports (+ 1,0 %) et des services aux ménages (+ 0,5 %) enregistrent, pour chacun d’entre eux, une progression de leurs effectifs d’une centaine de salariés. À l’inverse, les sous-secteurs de l’hébergement-restauration (– 0,6 %) et des services financiers (– 1,0 %) perdent chacun une centaine d’emplois.
L’emploi industriel augmente de 0,5 % en 2018, comme en 2017, soit 200 emplois supplémentaires en un an.
Dans la construction, l’emploi augmente de 1,3 % en 2018, au même rythme que l’année précédente. Ce secteur compte 200 emplois supplémentaires en un an.
Les effectifs du tertiaire non marchand augmentent de 700 en 2018.
Au 4e trimestre 2018, le taux de chômage s’établit à 7,6 % de la population active. Il atteint son plus bas niveau depuis 2009.
Dans le même temps, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégories A, B ou C diminue de 1,2 % en un an, avec un recul de 3,1 % parmi les demandeurs d’emploi sans activité (catégorie A).
Malgré un recul de 2,6 % en catégorie A, le nombre total de demandeurs d’emploi de 50 ans ou plus augmente de 1,2 % en lien avec la forte progression des personnes exerçant une activité réduite (catégories B et C). Le nombre d’individus inscrits depuis plus d’un an continue également à augmenter (+ 3,0 %), au même rythme qu’en Bretagne. Les chômeurs de longue durée représentent près de la moitié (47,0 %) des inscrits à Pôle emploi dans le Morbihan au 4e trimestre 2018.
Contexte de la mission
Grâce au soutien financier de la Fondation Abbé Pierre, l’ADIL du Morbihan a pu compléter durant six mois, de septembre 2020 à mars 2021, son accompagnement juridique par un accompagnement social des locataires du parc privé en impayés de loyer.
L’enjeu est de toucher les publics pour lesquels les dispositifs prévus sont mis en échec (envoi de courriers d’informations aux différents stades de la procédure, propositions d’accompagnement…). Il s’agit donc de compléter les actions de prévention déjà existantes pour contribuer à la diminution des expulsions locatives à tous les stades et notamment à celui de la résiliation du bail.
Au regard du caractère expérimental de la mission, une phase d’évaluation après six mois de fonctionnement a été prévue avec la Fondation Abbé Pierre pour permettre d’identifier les actions à reconduire ou à renforcer en 2021.
Les premiers résultats tendent à démontrer la pertinence du dispositif « suivi impayé ». Il s’agit d’un avis partagé par les partenaires gravitant autour de la prévention des expulsions locatives (Département, DDCS, CAF, Action Logement…).
Modalités d’intervention
La travailleuse sociale intervient très majoritairement en amont de la procédure, soit à 50 % en phase précontentieuse et à 44 % au stade du commandement de payer. Ses interventions au stade de l’assignation (5 %) et du commandement de quitter les lieux (1 %) sont largement minoritaires. Elle réalise donc un travail de prévention.
Principales missions
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Point sur les aides mobilisables
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Préconisation de démarches amiables et proposition d’échéanciers
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Explication des étapes de la procédure d’expulsion
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Instruction des démarches administratives (demande de logement social, de contingent préfectoral, de DALO, de dossier de surendettement, CSS, aides financières…)
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Orientation vers les acteurs locaux (Département, commission de conciliation, Action Logement, CAF, associations…).
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Instruction des mesures d’Accompagnement Social Lié au Logement (ASLL) afin de favoriser le maintien du ménage dans son logement
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Conseil juridique en cas de litiges en lien avec les conseillers juristes de l’ADIL
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Médiation entre le bailleur et le locataire
Avantages de son intervention
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En faisant une évaluation globale de la situation, la travailleuse sociale déploie une large capacité d’analyse et d’expertise sociale pour aider au mieux le ménage en impayé
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La travailleuse sociale va créer un lien de confiance avec le locataire
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La travailleuse sociale soutien le ménage dans les démarches administratives, l’objectif étant de favoriser l’autonomisation et l’inclusion sociale des personnes rencontrant des difficultés
Modes de consultation et origine du contact
56 % des consultations de la travailleuse sociale sont des entretiens physiques sur rendez-vous (centres de Vannes et Lorient, permanences, visites à domicile, tiers lieux comme les mairies ou sièges d’ EPCI) ; 44 % se font pas entretien téléphonique.
L’origine de 54 % des consultations est la connaissance de l’ADIL par le ménage. Viennent ensuite le numéro SOS Impayés pour près d’un quart des consultations (24 %) et les orientations faites par les autres acteurs de la prévention pour un ménage sur cinq.
Bilan chiffré
Des résultats chiffrés qui rentrent en adéquation avec les objectifs du projet :
210 dossiers étudiés, dont 98 % dans le parc privé
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95 tentatives de rencontres : appels, mises à disposition de l’offre de services de l’ADIL par courrier ;
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à différents stades de la procédure, l’intervention du travailleur social et/ou des juristes a permis de la stopper dans 75% des cas.
Les ménages rencontrés étaient à 66 % des personnes seules, à 28 % des familles avec enfant(s) et à 6 % des couples sans enfants. On observe une surreprésentation des personnes seules et des familles monoparentales parmi les ménages accompagnés.
Les données concernant la situation professionnelle des ménages accompagnés mettent en lumière une forte proportion de salariés captés par le dispositif (39 %), devant les ménages sans activité professionnelle (37 %). Les retraités représentent quant à eux près d’un ménage sur cinq accompagné (18 %).
La dette moyenne des ménages est de 2630 euros. Pour un tiers des situations d’impayés, elle est liée aux conséquences de la crise sanitaire. L’analyse des données révèle par ailleurs une part importante des dettes liées à des raisons de santé (14 %) et à des litiges avec le bailleur (14 % également).
L’expérimentation a permis ainsi de capter un total de 115 foyers
15 propriétaires-bailleurs et 100 locataires qui ne viennent pas ou plus vers les services sociaux ont été accompagnés dans le cadre de la msision.
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Pour 44 foyers, l’action s’est limitée au recueil d’informations utiles pour le suivi de la procédure ;
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Pour 18 foyers, le contact avec le bailleur a permis de capter le locataire ;
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Pour 53 locataires, l’intervention du travailleur social a permis de déclencher un accompagnement nécessitant une action ponctuelle (40 %) ou plus soutenue (60 %).
Parmi les 53 foyers touchés, la mission « suivi impayés » a été amenée à mettre en place une intervention plus soutenue
30 foyers ont bénéficié d’une intervention plus soutenue de la travailleuse sociale, à savoir trois rendez-vous ou plus.
L’impayé locatif ne représente que le symptôme d’une problématique sociale beaucoup plus complexe qui mêle plusieurs niveaux de difficultés (santé, budget, emploi, famille, …). L’ADIL considère qu’un accompagnement social se met en place dès lors que le suivi va nécessiter plusieurs rencontres, la mobilisation d’aides financières ou de dispositifs d’accompagnements spécifiques (ASLL, AEB, demande de logement social, de contingent, DALO, dossier de surendettement, demandes d’aides financières…).
La plus-value de l’action réside dans le fait que parmi ces 30 situations accompagnées, l’action de la travailleuse sociale a permis notamment de renouer avec des personnes en situation particulièrement dégradée de précarité sociale et psychique.
Bilan qualitatif
Afin d’illustrer ce bilan, sont présentés ci-après deux exemples de situations ayant fait l’objet d’un accompagnement par la travailleuse sociale de l’ADIL :
Famille monoparentale - 2 enfants à charge - Locataire d’un appartement T3 du privé
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Aucun accompagnement social avant la rencontre avec l’ADIL en janvier 2021.
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Baisse importante de ressources liées à de courtes missions d’intérim.
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Réception d’un commandement de payer le 15 décembre 2020 pour une dette de 2000 €.
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A la suite d’une visite à domicile, repérage de la non-décence du logement (moisissure, infiltration, absence de ventilation) et lien avec la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM) et le Plan Départemental de Lutte contre l’Habitat Indigne (PDLHI).
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Évaluation globale de la situation de Madame (familiale, professionnelle, santé, financière).
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Mise en oeuvre d’actions telles que l’aide à la régularisation de la dette (plan d’apurement, appel de détresse de la FAP…), la constitution d’un dossier de surendettement du fait de l’existence d’autres dettes conséquentes et l’accompagnement au relogement (demande de logement social en délai dépassé, recours DALO et orientation auprès d’agences à vocation sociale).
Personne seule – Retraitée - Locataire d’un appartement T2 du privé
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Aucun accompagnement social et aucune démarche entreprise avant la rencontre avec l’ADIL en octobre 2020.
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Dépression et problèmes de santé ayant conduit à un lâcher prise sur les démarches administratives.
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Contraction de nombreuses dettes.
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Stade du commandement de payer.
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Évaluation globale de la situation de Madame (familiale, professionnelle, santé, financière).
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Mise en oeuvre d’actions telles que l’aide à la régularisation de la dette (plan d’apurement) et l’accompagnement au relogement (demande de logement social adapté Personne à Mobilité Réduite - PMR) et orientation vers l’Espace Autonomie Sénior.
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Malgré un accompagnement soutenu, Madame ne se mobilise pas dans les démarches et ne respecte pas son plan d’apurement.
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Assignation au tribunal reçue.
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A la suite de cette assignation, la mise à disposition du service social du département du Morbihan a permis d’effectuer un rendez-vous en tripartite dans le but de mettre en place une mesure d’accompagnement social lié au logement (ASLL) en accord avec Madame.
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1 : Ce contexte territorial est tiré de la « synthèse départementale du Morbihan » rédigée par Valérie Mariette de l’Insee dans le cadre du « bilan économique 2018 - Bretagne » de l’Insee paru le 6 juin 2019.