La réforme de la PAC à la lumière du panel de citoyens sur l’espace rural européen
janvier 2008
Cette fiche est une note à l’attention du Comité des Régions d’Europe.
Le Panel de Citoyens Européens sur l’espace rural a démontré la capacité des citoyens à faire émerger des priorités collectives en matière de territoire rural européen. Ces priorités peuvent-elles interférer avec la réforme de la PAC qui se prépare et les régions en tant qu’acteurs territoriaux peuvent-elles jouer un rôle dans ces négociations.
Le panel européen de citoyens avait pour objectifs de :
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confronter les visions de panelistes européens sur les problèmes et l’avenir de l’espace rural
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envisager les politiques à entreprendre pour mieux mobiliser les ressources du territoire au service de la société européenne.
C’est dans ce cadre qu’il a abordé la question agricole.
Place de l’agriculture dans la ruralité:
Parmi les nombreuses questions portant sur l’éducation, les transports, l’habitat, la santé, la vie sociale, la vie économique, l’agriculture a bénéficié d’un traitement distinct (elle n’a notamment pas été confondue simplement dans le champ économique). Les panels n’ayant pas justifié ce choix, il est difficile de dire si ce particularisme reflète un choix conscient ou s’il s’agit de la force de la tradition qui veut que l’on distingue l’agriculture des autres activités économiques.
Pour autant, il est tout aussi clair pour les citoyens que l’agriculture ne résume pas la ruralité. L’agriculture est un sujet parmi d’autres de préoccupation.
Attentes à l’égard de l’agriculture
Les attentes à l’égard de l’agriculture reflète les préoccupations plus générales:
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aménager le territoire
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produire proprement,
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produire des produits de bonne qualité
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participer à maintenir l’économie locale.
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participer à résolution de l’équation énergétique.
Les attentes à l’égard de l’agriculture font donc largement écho aux préoccupations territoriales des participants:
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vivre dans un cadre agréable
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ne pas polluer l’environnement,
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disposer de produits de qualité
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créer localement de l’emploi, vendre sur place
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introduire des bilans énergétiques, développer des agroénergies
Conséquences en terme de politique agricole
Quelques remarques des citoyens d’adressent directement à la PAC dans son état actuel et traitent de la répartition des aides, essentiellement sous un angle social et environnemental, sans pour autant que le panel ait eu pour objet prioritaire la PAC . Toutefois, si l’on confronte les dispositifs de la PAC aux attentes générales des concitoyens vis à vis de l’agriculture, il est possible d’identifier les points de rupture:
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La dimension territoriale de l’agriculture (et du développement économique en général) est un point saillant. Les citoyens se soucient de l’inscription de l’agriculture dans l’environnement économique, écologique et social au même titre que les autres activités et fonctions dans un souci de plus grande efficacité territoriale. On est en rupture avec une politique agricole d’abord axée sur la construction d’un marché unique européen qui par là même a ignoré la dimension territoriale.
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Malgré quelques possibilités d’éco-conditionnalité des aides, la PAC reste une politique de gestion de quelques productions agricoles. Les questions de pollution sont traitées ailleurs (comme dans le programme REACH). Il n’y a pas à l’heure actuelle de bonne intégration entre la PAC et les politiques visant à protéger l’environnement (l’attribution des subventions de la PAC n’est pas conditionnée, par exemple, au respect des directives sur l’eau alors aue l’impact de l’agriculture sur la qualité de l’eau est considérable).
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La PAC n’est pas allée contre la qualité, mais elle n’a pas privilégié la qualité. Ses mécanismes pourraient intégrer plus avant les dimensions qualitatives des produits, sachant que cette définition n’est pas nécessairement simple.
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La PAC n’a jamais intégré l’emploi dans ses modes d’attribution des aides. Au mieux elle a permis de ralentir la destruction d’emplois dans le secteur agricole. Sa légitimité auprès des citoyens passera sans doute par une meilleure capacité à générer de l’emploi et de l’économie locale.
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La PAC n’a pas intégré les bilans énergétiques dans son système d’aide.
Quel apport pour le comité des régions ?
Si la réforme de la PAC demeure une question technique de pure politique agricole centrée sur la régulation du marché européen et des aides compensatoires, l’avis du Comité des Régions restera un avis décentré par rapport à cette problématique.
Par contre la ré-inscription de l’agriculture dans les territoires fait des Régions l’élément clef d’un dispositif d’agriculture territorialisée et, à ce titre, les accrédite comme interlocuteurs majeurs de l’élaboration et de la mise en oeuvre de la future politique. C’est pourquoi la question de la territorialisation de l’agriculture est un axe fort d’entrée pour les régions dans le débat. Il s’agit de combiner:
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le maintien d’une PAC comme outil de mutualisation budgétaire des politiques agricoles au niveau européen dans le cadre du marché européen ouvert,
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l’intégration d’obligations territoriales en contrepartie de ces soutiens, obligation concernant le paysage, la politique des structures (taille), la protection de l’environnement (zone d’érosion, de captage), l’emploi, etc…
Les Régions possèdent en effet la légitimité et la compétence pour doter la PAC d’une ingénierie territoriale: définir et faire valider localement les déclinaison de la PAC au niveau régional. Cette déclinaison territoriale de la PAC soulèvera inévitablement le problème des risques de distorsion. C’est à ce niveau que les régions apparaissent comme des acteurs non seulement individuels mais collectifs. En effet, si chaque projet régional doit être élaboré localement, il doit l’être dans un cadre collectif, et suivi d’une validation collective, notamment par les pairs: les autres régions. Dans une perspective de subsidiarité interactive, les régions élaboreraient un cadre commun de grands objectifs et critères (sociaux, économiques, environnementaux) au sein duquel chaque région élaborerait son projet agroterritorial, lequel serait soumis à l’approbation des autres régions.
Stratégie pour le comité des régions
Une telle évolution signifierait un décentrement des thématiques – émergence de la dimension territoriale - mais aussi un décentrement des acteurs – émergence des régions comme acteur structurant. Une telle évolution entraînera des réticences de la part des acteurs traditionnels de la PAC dont l’importance serait plus réduite.
La place des Régions va donc se jouer en amont dans leur capacité à créer le débat autour d’elles, c’est à dire non pas seulement d’émettre et de défendre un avis, mais de se placer comme espace d’élaboration collective d’un avis. Qu’elles agissent comme animateurs du débat et non pas seulement comme contributeurs au débat. Pour cela il faudrait que le comité des régions suscite:
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des initiatives régionales coordonnées (débats, consultations, autour du thème spécifique PAC et régions),
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des outils collaboratifs internet, notamment pour préfigurer les procédures d’élaboration des politiques régionales pour l’agriculture et le territoire,
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des évènements (rencontres interrégionales, déplacement de fonctionnaires de la DG agri dans les régions)
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une communication coordonnée,
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un recueil de bonnes pratiques.