Ekurhuleni Métropolitan Area
Créer une institution métropolitaine pour révéler l’interdépendance de territoires marqués par l’apartheid
Katia Buoro, Xavier Desjardins, 2012
Les régions urbaines sud-africaines sont des espaces marqués par une ségrégation forte entre leurs différents quartiers. Cette division de l’espace en divers territoires se retrouve aussi dans la dimension politique et administrative puisqu’il n’y a souvent eu aucune autorité supérieure au quartier qui encadre les interactions entre ces territoires. C’est notamment le cas à Ekurhuleni où les différentiations socio-spatiales, héritées des politiques ségrégatives de l’Apartheid, sont fortes.
East Rand est une région urbaine d’Afrique du Sud aussi connue sous le nom d’Ekurhuleni Métropolitan Area. C’est la première région industrielle du pays. Le fonctionnement démocratique et identitaire de cet espace se vit pourtant à l’échelle du quartier, ségrégé racialement et socialement. La zone centrale, en crise, s’oppose au dynamisme de la zone nord, où se situe l’aéroport, et du sud, qualifié de noir, essentiellement constitué de townships. Il n’y a donc pas de centre urbain unique qui polarise cette région. Pourtant cet ensemble de territoires spécialisés constitue la première région industrielle de l’Afrique du Sud.
L’Etat souhaite la mise en place d’une instance métropolitaine afin de constituer la première unité administrative de ce territoire relevant pourtant d’une même région urbaine. Cette politique fait suite à l’échec des politiques précédentes qui visaient à une intégration de l’ensemble des territoires à une échelle inférieure, la municipalité. Les pouvoirs municipaux avaient été mis en place en 1995 afin d’intégrer les villes blanches et les villes noires. Mais la force identitaire des quartiers a fait échouer ce projet. Les enjeux des politiques menées par l’Etat central ont depuis évolué. L’urgence d’une négociation politique avec les différentes minorités du pays et du renforcement du pouvoir central, afin d’assurer une redistribution entre ces minorités, a laissé place à l’enjeu de la réalisation d’une réforme libérale qui doit s’accompagner d’une privatisation et d’une rationalisation des services du pays. L’Etat ne cherche pas donc à obtenir un contrôle maximum sur les pouvoirs locaux comme cela a pu être le cas. Imposer une seule autorité, à une échelle supérieure, plus éloignée de ces forces locales, est le nouveau projet du pouvoir central. Les anciennes municipalités sont donc vouées à disparaitre au profit de cette autorité unique sur la région d’East Rand. Cette politique de promotion de l’échelon métropolitain vise à répondre au problème de la ségrégation de la structure spatiale, administrative et politique que cette région urbaine a hérité de l’apartheid pour faire émerger l’unité de cette région industrielle. Les concurrences entre municipalités aboutissent à des politiques parallèles, parfois mal coordonnées et souvent coûteuses.
Ce nouvel échelon peut se mettre en place grâce à une alliance entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux des quartiers qui veulent faire disparaitre les anciennes municipalités, sources d’affaiblissement de leurs pouvoirs. Cette instance métropolitaine s’est mise en place grâce à une convergence conjoncturelle entre diverses forces. Cet outil devait permettre de développer la rationalisation, souhaitée par l’administration des services de la région mais aussi de renforcer les pouvoirs des élus locaux issus de l’ANC. En effet, de nombreuses municipalités étaient hostiles à l’ANC.
L’émergence d’une identité métropolitaine dépassant les identités et intérêts des quartiers sera difficile mais n’est pas non plus un réel objectif de cette politique : les quartiers resteront l’échelle locale dominante. Or ces quartiers seront toujours porteurs de la ségrégation sociale et raciale qui marque encore la région d’East Rand et l’Afrique du Sud. Quelle sera alors l’impact de cette nouvelle instance métropolitaine ?
Références
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Gervais-Lambony Philippe « Les enjeux d’une politique de redéfinition territoriale : la création de l’aire métropolitaine d’Ekurhuleni (Afrique du Sud) », in, Jaglin, Sylvie, Gérer la ville, entre global et local, 2002, L’Aube, pp. 27 – 39