Guémené-sur-Scorff redynamise son centre bourg avec différentes actions

Claire Plouy, mai 2019

Territoires-Audacieux

À Guéméné-sur-Scorff, pas question d’avoir un centre-ville endormi ! Suite aux élections municipales de 2014, le nouveau maire, a décidé, avec son équipe, d’écouter les besoins des Guémenois.es et d’y répondre en créant un programme de revitalisation du centre-bourg de cette ville de 1 100 habitants. Le programme, proposé en 2014 et a été mis en œuvre en 2016. Les résultats sont déjà visibles. Pour en savoir plus, nous avons interviewé René Le Moullec, maire de la commune.

Pouvez-vous m’expliquer votre projet ?

Lors des élections municipales de 2014, nous avons cherché les points faibles à améliorer sur notre territoire. Nous avons mené un programme de revitalisation du centre-bourg. Nous avons commencé par soumettre notre idée à la population. C’était un programme d’envergure ! Près de trois millions d’euros d’investissement sur une durée de 5 ans. De ce fait, il fallait que nous trouvions des partenaires pour nous accompagner et nous soutenir. Nous ne pouvions pas le faire seuls. C’était aussi rassurant de se tourner vers des partenaires. Pour nous, cela permettait de valider notre programme tant dans sa conception que dans sa réalisation. Il était important pour nous de pouvoir donner de la visibilité à notre population. À partir de là, il y a eu plusieurs étapes : nous avons commencé à prendre contact avec certains partenaires tel que l’EPF Bretagne. Nous avons répondu à l’un de ses appels d’offre. Nous avons postulé, car notre programme correspondait à leur cahier des charges. Malheureusement, nous n’avons pas été retenus. Cependant, notre dossier a été remarqué par le préfet de la région de l’époque. Il s’est engagé à financer une étude pour étudier la mise en œuvre de notre projet. Grâce à ce financement, nous avons pu réunir autour de nous une équipe pluridisciplinaire pour la mise en place de ce programme et faire en sorte que nous réunissions bien l’ensemble des leviers qui étaient concernés par cet appel à projet. Ensuite, nous avons mis en place une méthode participative avec la population pour présenter les projets et que chacun.e puisse réagir aux différentes propositions, et même proposer de nouvelles idées. Il y a eu un deuxième appel à projet par l’État pour une région, avec la caisse des dépôts et EPF, pour lequel nous avons postulé. Cette fois-ci, notre projet a été retenu, ce qui nous a permis d’avoir un soutien en ingénierie mais aussi financier. Nous avons bénéficié d’un million d’euros de subventions supplémentaires. Aujourd’hui nous sommes dans la phase opérationnelle. Maintenant, la population commence à voir ce que ce projet apporte et à quoi ressemblera le territoire dans quelques années.

Quelles actions mettez-vous en place ?

Nous avons mis plusieurs actions en place. Tout d’abord, nous avons vraiment voulu ajouter une dimension participative. Nous avons donc recruté un animateur pour animer la démarche. Ainsi, un dialogue interactif s’est installé. Nous avons racheté un ancien bar pour pouvoir le rénover. Nous y avons installé cinq logements et un espace commercial. En attendant que les travaux de rénovation commencent, nous avons profité de l’espace qu’il offrait pour y installer un labo à idée afin de présenter le projet. Quelqu’un y était présent toute la semaine pour pouvoir répondre aux questions des citoyen.es et recueillir des suggestions. Nous avons aussi fait beaucoup d’ateliers pour échanger sur ce sujet avec toute la population. Il nous fallait l’avis de ceux qui représentent le territoire, que ce soit les jeunes dans les écoles ou les plus anciens. Ainsi, nous avons enrichi le projet !

Après cette première action, nous sommes rentrés dans le concret à travers l’intermédiaire de l’EPF. Nous avons racheté quatre bâtiments dans l’optique de faire de la rénovation urbaine pour ramener de la population nouvelle dans le centre-ville. Deux des bâtiments sont maintenant loués à une entreprise qui s’y est installée. Les deux autres vont entrer dans leur phase de rénovation et nous sommes en consultation d’entreprise. Il y aura sept logements et deux espaces commerciaux dans ces deux bâtiments. Le but est de refaire vivre des lieux qui étaient vides depuis un certain temps. C’est aussi l’occasion de montrer l’exemple ! Nous avons beaucoup d’anciens bâtis qui appartiennent à des privés. Ils ne sont pas forcément aux normes. Nous espérons donc qu’à travers de ce que nous faisons, nous puissions donner des idées à d’autres propriétaires pour rénover leurs biens et les remettre sur le marché.

Ensuite, nous n’avions pas un lieu identifié comme un espace public. Ce point a souvent été plébiscité pendant les ateliers que nous avions pu réaliser avec la population. Il n’y a aucun endroit adapté pour des familles et leurs enfants ou pour que les personnes âgées puissent se promener quand il fait beau. Nous avons donc utilisé un espace disponible d’un ancien collège en centre-ville d’un peu plus de 3 000 m². Nous sommes en train de l’aménager en jardin multi-générationnel avec des espaces dédiés à la petite enfance, d’autres aux personnes âgées. Il y a même un espace d’animation avec un théâtre en plein air.

Enfin, nous avons réglé le problème des services. Nous sommes persuadés que pour amener ou maintenir une population active sur nos territoires, il faut des services. Nous avons répondu à une proposition qui nous avait été faites fin 2016 par le sous-préfet : monter une maison de service au public. Cela ne remplace pas la présence des services sur notre commune. Toutefois, quelqu’un qui veut s’inscrire sur pôle-emploi, ou qui recherche une attestation pour sa carte vitale, ou qui souhaite entamer des démarches auprès de sa caisse de retraite, il peut venir dans ce lieu pour obtenir des réponses. Nous avons une vingtaine de partenaires avec lesquels nous travaillons. L’avantage de ce projet, c’est qu’il nous a permis de sauver un élément patrimonial unique dans notre commune : un très belle maison du XIVè siècle qui tombait en ruine. Nous n’avions pas les moyens de la restaurer. Dans cette initiative, il y avait une aide à l’investissement qui nous a permis d’en avoir les moyens. Cette maison va être un moteur d’attractivité pour les années qui viennent.

Quels impacts mesurez-vous ?

Nous ne pouvons pas tirer de bilan définitif, car ce programme s’étalera jusqu’en 2021. Toutefois, aujourd’hui, nous voyons que des commerces s’ouvrent en centre-ville. Jusqu’en 2016-2017, non seulement ce n’était pas le cas mais les commerces fermaient ! Nous voyons des jeunes reprendre des commerces de proximité. Nous avons une nouvelle population plutôt familiale qui s’installe sur notre territoire. De plus, le marché de l’immobilier n’a jamais aussi bien fonctionné qu’aujourd’hui chez nous. Les immeubles qui ne se vendaient pas depuis très longtemps ont trouvé un acquéreur. Nous sentons une dynamique reprendre sur la commune et sur le territoire. Pour la maison des services publics, elle a été mise dans un autre bâtiment en attendant les rénovations et rien qu’en février nous avons eu 800 personnes demandant des services !

Quelles difficultés avez-vous rencontré ?

La nouvelle démarche de financement du projet communal a été la principale difficulté. Auparavant, nous avions des lignes budgétaires ou de subventions suivant les collectivités. En fonction des projets que nous voulions monter, nous savions combien nous recevrions. Aujourd’hui, nous travaillons par appel à projet. La difficulté, c’est que nous devons travailler, avant de monter un projet, à convaincre les partenaires et les financeurs sans être sûr que cela va aboutir. Je pense que cette manière de travailler rebute beaucoup d’élu·e·s car elle demande beaucoup d’énergie pour potentiellement aucun résultat au bout. Cependant, c’est le prix à payer pour pouvoir sortir des projets pour nos populations.

Combien à coûté votre projet ?

Le projet a coûté 3 millions d’euros. Nous avons atteint globalement 80 % de subvention. La Banque des Territoires a été un important partenaire pour nous car nous sommes une petite commune. Nous n’avons pas les services ou l’expertise que peut avoir une plus grande commune. Il nous reste à charge 600 000 euros à payer pour la commune. Sur ces 600 000 euros, il y a un certain nombre d’actions qui génèrent des recettes. Les logements que nous allons réhabiliter et louer vont nous procurer environ 30 000 euros de loyer par an. De plus, cela va générer des taxes et une nouvelle dynamique.

Quels conseils donneriez-vous à un territoire souhaitant monter un projet similaire ?

Je conseille de bien ficeler son projet. Il est important de faire une analyse sans concession de son territoire pour savoir quels sont les points forts, les points faibles et savoir les orientations à prendre. Il faut aussi bien s’entourer. Pour nous en tant que petite commune, c’était très compliqué de faire sans une équipe pluridisciplinaire. Enfin, il ne faut pas hésiter à mettre beaucoup d’énergie pour convaincre les partenaires potentiels. Enfin, en cas d’échec, il ne faut pas avoir peur de recommencer.